RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 10 Mars 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/00876 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBLFA
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE RG n° 17/00159
APPELANTE
SAS [9]
[Adresse 4]
[Localité 8]
représentée par Me William IVERNEL, avocat au barreau de REIMS, toque : 1702
INTIMEE
CPAM DE L'YONNE
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article
945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Madame Bathilde CHEVALIER, Conseillère
Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la S.A.S. [9] a établi le 17 juin 2016, une déclaration d'accident du travail concernant Mme [T] [G] qui s'était plainte de s'être cognée le genou gauche contre un bac le 16 juin 2016, en joignant un certificat médical initial du 16 juin 2016 faisant état d'un traumatisme du genou gauche, d'une tuméfaction et d'une douleur avec impotence fonctionnelle; que le 7 septembre 2016, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne a accepté la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels et en a informé l'employeur ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, la S.A.S. [9] a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Le dossier a été transféré au tribunal de grande instance le 1er janvier 2019, qui est devenu lui-même tribunal judiciaire au 1er janvier 2020.
Par jugement en date du 17 janvier 2020, le tribunal a :
- déclaré opposable à la S.A.S. [9] la décision de prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne de l'accident du travail du 16 juin 2016 dont Mme [T] [G] a été victime ;
- débouté la S.A.S. [9] de ses demandes tendant à se voir déclarer inopposables l'ensemble des arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail du 16 juin 2016 de Mme [T] [G] et à voir ordonner des mesures d'instruction judiciaires et médicales sur pièces ;
- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 16 mai 2017 ;
-condamné la S.A.S. [9] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne la somme de 1 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
-condamné la S.A.S. [9] aux dépens de l'instance.
Le tribunal a relevé que l'employeur a été avisé dans les 24 heures de l'accident et que la lésion a été diagnostiquée le jour même. Il a retenu que l'explication de l'absence de témoin se trouvait dans l'isolement du poste de travail, mais qu'une salariée avait été immédiatement avisée et a bien vu les difficultés de sa collègue. S'agissant de la durée des soins et arrêts, le tribunal a relevé la présomption d'imputabilité et l'absence d'éléments probants pour démontrer une cause étrangère ou d'état antérieur, les opérations du genou étant, selon le médecin conseil de la Caisse, en rapport direct avec l'accident, suite à la décompensation d'un état antérieur.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 20 janvier 2020 à la S.A.S. [9] qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 28 janvier 2020.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.S. [9] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Auxerre du 17 janvier 2020 en ce qu'il a :
- déclaré opposable à la S.A.S. [9] la décision de prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne de l'accident du travail du 16 juin 2016 dont a été victime Mme [T] [G] ;
- débouté la S.A.S. [9] de ses demandes tendant à se voir déclarer inopposables l'ensemble des arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail du 16 juin 2016 de Mme [T] [G] et à voir ordonner des mesures d'instructions judiciaires et médicales sur pièces ;
- confirmé la décision de la Commission de Recours Amiable du 16 mai 2017;
- condamné la S.A.S. [9] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne la somme de 1 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau,
à titre principal :
-constater, dire et juger que la preuve de la matérialité de l'accident n'est pas établie ;
-constater, dire et juger que Mme [T] [G] ne peut pas bénéficier de la législation sur les risques professionnels ;
en conséquence,
- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne en date du 7 septembre 2016, concernant l'accident de travail dont aurait été victime Mme [T] [G] le 16 juin 2016 ;
à titre subsidiaire, concernant l'imputabilité des arrêts :
-constater, dire et juger que la présomption d'imputabilité des arrêts de travail à l'accident de travail dont aurait été victime Mme [T] [G] le 16 juin 2016 est remise en cause
en conséquence,
-ordonner une consultation ou une expertise judiciaire sur pièces du dossier médical de Mme [T] [G] ;
-commettre à cet effet tout médecin qu'il plaira à la Cour de désigner,
-dire et juger que l'expert ou le consultant ainsi désigné aura accès au dossier détenu par la Caisse primaire d'assurance maladie concernant Mme [T] [G] et, s'il estime nécessaire, à son dossier médical personnel ainsi que professionnel ;
-ordonner, en tant que de besoin, à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne de remettre à l'Expert judiciaire ou au consultant nommé les pièces en sa possession ;
-rappeler que, par application de l'article
L 141-2-2 du code de la sécurité sociale, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article
226-13 du code pénal, à l'attention du médecin expert ou du consultant désigné par la juridiction compétente, les éléments médicaux ayant contribué à la décision de prise en charge ou de refus et à la justification des prestations servies à ce titre ;
-dire que l'expert ou le consultant pourra également se faire remettre les éléments médicaux détenus par les services hospitaliers et par le ou les médecin(s) ayant prescrits les arrêts de travail de Mme [T] [G] (docteur [B], docteur [U]) et les éléments détenus par le médecin du travail, en tant que de besoin, sur simple sollicitation et présentation du jugement à intervenir ;
-dire que la mission de l'Expert ou du consultant consistera en :
-retracer les lésions de Mme [T] [G] et dire si l'ensemble des lésions de celle-ci est en relation directe et unique avec l'accident du travail du 16 juillet 2016 ;
-dire si l'évolution des lésions de Mme [T] [G] est due à un état pathologie préexistant évoluant pour son propre compte, à un nouveau fait accidentel ou à un état séquellaire ;
-déterminer quels sont les arrêts de travail directement et uniquement imputables à l'accident du 16 juillet 2016 dont a été victime Mme [T] [G] ;
- fixer la date de consolidation des lésions dont à souffert Mme [T] [G] suite à l'accident du travail du 16 juillet 2016 ;
-établir un pré-rapport, et transmettre celui-ci au médecin désigné par l'employeur (docteur [R] [X], [K], [Adresse 5]), afin de recueillir ses éventuelles observations ;
-établir ensuite un rapport définitif et remettre celui-ci au greffe de la Cour de céans dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine ;
- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure qui sera fixée par le jugement, afin qu'il soit statué sur les conclusions de l'expert judiciaire ;
sur les autres demandes
- condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
-condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne aux entiers dépens.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne demande à la cour de :
- dire et juger non fondé en droit l'appel interjeté par la S.A.S. [9] ;
- débouter la requérante de l'ensemble de ses demandes ;
- confirmer, avec toutes conséquences de droit, la décision critiquée ;
- y ajoutant, condamner la S.A.S. [9] au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 16 janvier 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE
- Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail :
La S.A.S. [9] expose que la caisse doit constater l'existence d'un faisceau d'indices précis, graves et concordants de la survenance au temps et au lieu de travail pour faire application de l'article
L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale et reconnaître l'existence d'un accident du travail ; que la présomption d'imputabilité ne peut résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs ; qu'il n'y a eu aucun témoin direct des faits ; que l'existence d'un certificat médical ne suffit pas à démontrer ipso facto la survenance d'un fait accidentel ; qu'il existait un état antérieur et que les déclarations de sa salariée sont imprécises ; que les déclarations ne concordent pas avec celles de la première personne avisée, M. [I] [D] ; que rien ne permet de s'assurer que les constatations médicales soient à rattacher au fait décrit par la victime, survenu selon elle, le 16 juin à 00h10.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne réplique que contrairement aux allégations soutenues, tous les éléments d'informations présents au dossier, concordent à établir que la lésion constatée peut être le résultat d'un choc ; que cette information a été communiquée à l'employeur dans un temps très bref de la survenue de l'accident ; que la présomption d'imputabilité s'applique à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident de travail.
Il résulte des dispositions de l'article
L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, Bull. n°132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).
Le salarié doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181) ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, n° 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, n° 13-16.968).
En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail. Il en est ainsi d'un choc psychologique survenu au temps et au lieu de travail (2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-29.411).
En l'espèce, la déclaration d'accident du travail établie le 17 juin 2016 fait part du fait que le 16 juin 2016 à 0 h 10, Mme [T] [G] s'est cognée le genou gauche contre un bac, un des salariés de l'entreprise ayant été immédiatement informé. Il n'est pas fait mention d'un témoin.
Le certificat médical du 16 juin 2016, établi le jour de l'accident, mentionne un traumatisme du genou gauche avec tuméfaction, douleur et impotence fonctionnelle.
L'enquête diligentée par la Caisse révèle le nom de la première personne avisée.
L'employeur indique que la salariée n'a pas voulu se faire prendre en charge par son service infirmier et qu'elle souffre d'un état antérieur. Il indique que les horaires de travail ce jour-là étaient 21 heures - 5 heures.
Selon le témoignage de M [I] [D], première personne avisée, Mme [T] [G] avait des difficultés à se déplacer. Il n'avait pas constaté de déchirure sur les vêtements ou de plaie apparente. Il relate que sa collègue semblait souffrit du genou et de la cuisse.
Il résulte de ces éléments que M. [D] a remarqué que, dans le temps et sur le lieu de travail, Mme [T] [G] s'est plainte d'un choc au genou et a présenté des difficultés pour se déplacer, laissant paraître l'existence d'une lésion dont l'existence est confirmée par un certificat médical établi à un moment proche de la cessation de l'activité, le jour-même de l'accident.
Ces éléments objectifs concordants, distincts des seules déclarations de la salariée, établissent l'apparition d'une lésion au temps et au lieu de travail.
Il appartient donc à l'employeur de détruire la présomption en rapportant la preuve d'une cause étrangère.
Les pièces médicales déposées par la S.A.S. [9] ne portent que sur la contestation de l'imputabilité des soins et arrêts en raison d'un état pathologique antérieur et ne démontrent pas l'existence d'une cause totalement étrangère, admettant la possibilité d'un choc qualifié de bénin, de telle sorte que la contestation de l'opposabilité de la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne de prendre en charge l'accident du travail de Mme [T] [G] sera rejetée.
Le jugement déféré sera donc confirmé.
- Sur la contestation de l'imputabilité des arrêts de travail :
La S.A.S. [9] expose que l'organisation d'une mesure d'instruction est le seul moyen de permettre à l'employeur de retrouver une égalité des armes, laquelle conditionne la notion de procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ; que, selon son médecin conseil, l'arrêt de travail suite à la contusion du genou gauche du 16 juin 2016 n'est justifié que jusqu'au 18 juin 2016 ; que seul l'accès au compte rendu opératoire permettrait de connaître la nature exacte de l'intervention ; qu'en tout cas cette intervention ne peut avoir de lien avec la tuméfaction liée au choc contre le bac le 16 juin 2016 ; qu'une lésion traumatique grave aurait donné lieu à une intervention immédiatement après le traumatisme, pas 4 mois plus tard ; que l'inexistence d'une douleur ou d'une impotence fonctionnelle avant l'accident du travail est affirmée par le médecin conseil sans toutefois qu'aucun élément ne vienne corroborer cette affirmation ; que les pièces médicales indiquent que la situation antérieure de Mme [T] [G] n'était pas stabilisée avant l'accident ; que l'arrêt de travail de 7 mois qui a suivi cette intervention est donc « hors norme » et sans justification.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne réplique que la présomption d'imputabilité des lésions au travail couvre l'ensemble des prestations servies jusqu'à la guérison ou la consolidation ; qu'elle justifie de la continuité des symptômes et des soins; que, selon son médecin conseil, même si la lésion méniscale était déjà détectable à l'imagerie avant l'accident du travail, le choc a décompensé une situation jusque-là équilibrée, et en tous cas permettant le travail ; que la prise en charge en accident du travail par l'Assurance maladie correspond à la prise en charge des lésions imputables à celui-ci; que la consolidation a bien exclu toute reconnaissance et prise en charge au titre du même risque, des lésions en rapport avec l'état antérieur.
Il résulte de l'article
L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime. Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs (2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655).
Dès lors qu'un accident du travail est établi, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l'accident dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 19-24.945) ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.
En outre, les dispositions de l'article
R. 441-11 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables lorsque la demande de prise en charge porte sur de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l'accident du travail initial. (Civ.2: 24 juin 2021 n°19-25.850).
En l'espèce, le certificat médical initial a prescrit un arrêt de travail qui a été continu jusqu'au 30 juin 2017, date de la consolidation.
Il appartient donc à la S.A.S. [9] de démontrer l'existence d'une cause étrangère ou d'un état antérieur ayant évolué pour son propre compte.
La cause de l'arrêt de travail initial est un traumatise du genou gauche avec des douleurs et une impotence fonctionnelle et des tuméfactions. Postérieurement et durant le cours de l'arrêt maladie, une arthroscopie a été réalisée, à la suite d'une fissure du ménisque gauche, puis une ostéotomie tibiale avec valgisation gauche le 7 janvier 2017. Le 8 février 2017, il est fait état d'une gonarthrose gauche.
Pour contester la durée de la prise en charge, la S.A.S. [9] dépose une analyse du Docteur [R] [X] qui fait état d'un état pathologique antérieur, à savoir la lésion du ménisque. Selon lui, la contusion bénigne du genou gauche était guérie en quelques jours et ne pouvait pas donner lieu à plus de deux jours d'arrêts de travail. Selon l'avis délivré le 28 octobre 2019, l'état de santé de Mme [T] [G] n'était pas équilibré antérieurement à l'accident dès lors qu'elle avait bénéficié d'un arrêt de travail en maladie du 27 avril 2016 au 31 mai 2016 pour le genou gauche et qu'une fissure du ménisque avait été diagnostiquée par IRM le 27 mai 2016. Le médecin conseil de la société précise en outre qu'une nouvelle IRM réalisée le 16 juillet 2016, soit postérieurement à l'accident, montrait exactement les mêmes lésions, ce qui démontrait l'absence de modification de l'état de santé de la patiente et l'absence d'incidence de l'accident du travail sur l'évolution de la pathologie.
Le médecin-conseil de la caisse ne conteste pas l'existence d'un état antérieur mais impute à celui-ci la décompensation d'une situation qui était jusque-là équilibrée, sans faire état de l'arrêt de travail du 27 avril 2016 au 31 mai 2016 et de ses éventuelles séquelles et sans répondre à l'objection tirée de la comparaison des deux IRM.
Il existe donc une contestation d'ordre médical justifiant de l'organisation d'une mesure d'expertise, l'avis du Docteur [R] [X] étant de nature à créer un doute sur le fait que l'accident du travail ait décompensé un état antérieur.
Dès lors, il sera fait droit à la demande d'expertise.
Il sera en conséquence sursis à statuer sur les demandes et les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
:
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'appel de la S.A.S. [9] ;
CONFIRME le jugement rendu le 17 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Auxerre en ce qu'il a déclaré opposable à la S.A.S. [9] la décision de prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne de l'accident du travail du 16 juin 2016 dont Mme [T] [G] a été victime ;
AVANT DIRE-DROIT :
ORDONNE une expertise judiciaire sur pièce :
DÉSIGNE pour y procéder le :
Docteur [L] [M]
demeurant professionnellement Hôpital [10]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Tél : [XXXXXXXX01]
DONNE mission à l'expert :
- d'entendre tout sachant et, en tant que de besoin, les médecins ayant suivi la situation médicale de Mme [T] [G] ;
- de convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception,
- d'examiner les pièces du dossier médical de Mme [T] [G] détenu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne ;
- d'entendre les parties.
DIT qu'il appartient à la société de transmettre sans délai à l'expert ses coordonnées (téléphone, adresse de messagerie, adresse postale) et tous documents utiles à l'expertise, dont les rapports de son médecin conseil ;
DIT qu'il appartiendra au service médical de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne de transmettre à l'expert sans délai tous les éléments médicaux ayant conduit à la prise en charge de l'accident, et notamment le rapport d'évaluation sur la date de consolidation ;
DIT qu'il appartiendra au service administratif de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne de transmettre à l'expert sans délai le dossier administratif et tous documents utiles à son expertise ;
DIT que l'expert devra :
- dire si l'état de Mme [T] [G], victime d'un accident du travail le 16 juin 2016 pouvait être considéré comme consolidé le 30 juin 2017 ;
- dans la négative, dire si Mme [T] [G] était consolidée à la date du 12 septembre 2017, date de l'expertise technique ;
- dire s'il est démontré l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs à l'accident du travail ;
- dans ce cas, dire la date à partir de laquelle les soins et arrêts seraient exclusivement justifiés par l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause extérieure totalement étrangère ;
DIT que l'expert constatera le cas échéant que sa mission est devenue sans objet en raison de la conciliation des parties et, en ce cas, en fera part au magistrat chargé du contrôle de l''expertise;
DIT que l'expert pourra en tant que de besoin être remplacé par simple ordonnance du président de la chambre 6-13 ;
ORDONNE la consignation par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne auprès du régisseur de la cour, dans les 60 jours de la notification du présent arrêt, de la somme de 1 200 euros à valoir sur la rémunération de l'expert ;
DIT que l'expert devra de ses constatations et conclusions rédiger un rapport qu'il adressera au greffe social de la cour ainsi qu'aux parties dans les 4 mois après qu'il aura reçu confirmation du dépôt de la consignation ;
SURSOIT à statuer sur les demandes ;
ORDONNE le renvoi à l'audience de la chambre 6-13 en date du :
Mardi 14 Novembre 2023 à 13h30
en salle Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social, 1er étage,
DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation d'avoir à comparaître ou s'y faire représenter
RÉSERVE les dépens.
La greffière Le président