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Cour d'appel de Rennes, 24 mai 2023, 22/03808

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
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Tribunal de grande instance de Nantes
26 décembre 2013

Texte intégral

5ème Chambre

ARRÊT

N°-184 N° RG 22/03808 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S3UM Mme [N] [S] épouse [Z] C/ ONIAM CPAM DE [Localité 4] Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours Copie exécutoire délivrée le : à : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 24 MAI 2023 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente, Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente, Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller, GREFFIER : Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 15 Mars 2023 ARRÊT : Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 24 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats **** APPELANTE : Madame [N] [S] épouse [Z] née le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 5] [Adresse 2] [Adresse 2] Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représentée par Me Pascale MOURMANNE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES INTIMÉS : OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM) ; Etablissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du Ministère de la Santé - Représenté par son Directeur en exercice [Adresse 8] [Adresse 8] Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représentée par Me Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX Caisse CPAM DE [Localité 4] Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 1037-1 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat [Adresse 3] [Adresse 3] ********** Mme [N] [S] épouse [Z], née le [Date naissance 1] 1938, a été opérée le 12 avril 2012 à la clinique [7] à [Localité 5] d'une arthrose du genou gauche par la mise en place d'une prothèse totale. L'intervention qui s'est déroulée sous anesthésie générale, a nécessité la pose d'un cathéter crural effectuée par le docteur [U] [O]. Après l'ablation du cathéter crural, Mme [N] [Z] a ressenti des troubles moteurs du membre inférieur gauche et le diagnostic de neuropathie crurale a été évoqué. Par ordonnance de référé du 26 décembre 2013, elle a obtenu l'organisation d'une expertise médicale au contradictoire du docteur [O], de l'association hospitalière de l'Ouest et de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Le docteur [T] a déposé son rapport le 23 août 2014 dans lequel il concluait à l'absence de faute du docteur [O], les complications survenues entrant dans le cadre des accidents médicaux non prévisibles, et à l'absence de consolidation de l'état de santé de Mme [N] [Z]. Par ordonnance de référé du 30 avril 2015, le tribunal de grande instance de Nantes a déclaré irrecevable la demande d'extension à l'Office national des accidents médicaux (ONIAM) des opérations d'expertise confiée à M. [G] [T]. Par actes d'huissier en date des 17, 19 novembre 2015 et 9 mars 2016, Mme [N] [Z] a fait assigner la CPAM de [Localité 4], la SAS Association Hospitalière de l'Ouest, Mme [U] [O] et l'ONIAM devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins de voir, à titre principal, condamner l'ONIAM l'indemniser des préjudices subis et à titre subsidiaire, de voir condamner la SAS Association Hospitalière de l'Ouest et Mme [U] [O] à l'indemniser. Par ordonnance en date du 15 décembre 2016, le juge de la mise en état a ordonné un complément d'expertise confié au docteur [T], lequel a fait appel à un sapiteur le docteur [P], puis a déposé son rapport le 3 octobre 2017. Par ordonnance en date du 12 avril 2018, le juge de la mise en état a débouté Mme [N] [Z] de sa demande de provision et débouté l'ensemble des parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Par jugement en date du 28 novembre 2019, le tribunal de Nantes a : - constaté que Mme [N] [Z] ne formule aucune demande à l'encontre du docteur [U] [O] et de la SAS Association Hospitalière de l'Ouest, - mis hors de cause le docteur [U] [O] et la SAS Association Hospitalière de l'Ouest, - débouté Mme [N] [Z] de ses demandes formées à l'encontre de l'Office National des Accidents Médicaux, - débouté Mme [N] [Z] de sa demande au titre des frais irrépétibles, - condamné Mme [N] [Z] à payer au docteur [U] [O] et à la SAS Association Hospitalière de l'Ouest la somme de 2 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné Mme [N] [Z] aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais d'expertise ordonnée le 15 décembre 2016, - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire. Le 13 décembre 2019, Mme [N] [Z] a interjeté appel de cette décision. Par arrêt rendu le 9 novembre 2020, la cour d'appel de Rennes a : - confirmé le jugement déféré, - condamné Mme [N] [Z] aux dépens d'appel, - rejeté toute autre demande. Mme [N] [Z] a formé un pourvoi contre cette décision. Par arrêt rendu le 15 juin 2022, la Cour de cassation a : - cassé et annulé, sauf en ce qu'il met hors de cause Mme [U] [O] et la société Association hospitalière de l'Ouest et condamne Mme [N] [Z] à leur payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes; - remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; - condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ; - en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à Mme [N] [Z] la somme de 3 000 euros ; - dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé. Le 20 juin 2022, Mme [N] [Z] a saisi la cour d'appel de Rennes et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 17 février 2023, elle demande à la cour de : - réformer le jugement rendu le 28 novembre 2019 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à l'encontre de l'ONIAM, À titre principal, - condamner l'ONIAM, pris en la personne de son représentant légal, à lui verser à titre principal la somme de 1 319 407,23 euros, soit 1 092 841,68 euros au titre des préjudices patrimoniaux et la somme de 226 565,55 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux, et à titre subsidiaire la somme de 1 022 367,39 euros soit 795 801,84 euros au titre des préjudices patrimoniaux et la somme de 226 565,55 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux comme suit : * préjudice patrimoniaux : ° préjudices patrimoniaux temporaires : ' dépenses de santé : 267 euros ' frais divers : 12 259,33 euros ' frais assistance tierce personne : 197 288 euros à titre principal et 121 408 euros à titre subsidiaire ° préjudices patrimoniaux définitifs : ' frais santé futurs : 28 211,77 euros ' frais divers futurs : mémoire ' frais Assistance par tierce personne : 575 015,58 euros à titre principal et 353 855,74 euros à titre subsidiaire ' aménagement du domicile : 279 800 euros. ' aménagement du véhicule : mémoire Total préjudices patrimoniaux : 1 092 841,68 euros à titre principal, et 795 801,84 euros à titre subsidiaire, * préjudices extrapatrimoniaux : ° préjudices extra patrimoniaux provisoires ' déficit fonctionnel temporaire : 21 815,55 euros ' préjudices esthétiques temporaires : 3 500 euros ' souffrances endurées : 35 000 euros ° préjudices extrapatrimoniaux permanents ' déficit fonctionnel permanent : 116 250 euros ' préjudice d'agrément : 50 000 euros Total préjudices extrapatrimoniaux : 226 565,55 euros, À titre infiniment subsidiaire : - désigner un médecin expert avec mission de : * dire si les soins prodigués ont été conformes aux données acquises de la science médicale, décrire les troubles subis et leur traitement et donner toute information permettant de les imputer à un dysfonctionnement du service, une erreur de diagnostic, de choix thérapeutique ou plus généralement à une erreur ou une faute médicale. * dire si les soins et traitement prodigués étaient adaptés à son état et si le centre hospitalier ne devait pas lui apporter d'autres soins pour éviter les complications survenues * entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués et entendus (ceci dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel) * recueillir toutes informations orales ou écrites des parties ; se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à la patiente ainsi que le relevé des débours) ; répondre aux observations des parties ; * recueillir en cas de besoin, les déclarations de toutes personnes informées, en précisant leur nom, prénom et domicile, ainsi que leurs liens de parenté, d'alliances, de subordination de communauté d'intérêts avec l'une ou l'autre des parties ; * décrire les lésions imputables à l'accident médical dont a été victime la patiente * après s'être fait communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions pratiquées indiquant l'évolution desdites lésions, préciser si celles-ci sont bien en relation directe est certaine avec ledit accident ; * dire que l'expert pourra recueillir l'avis de toutes personnes informées et qu'il aura la faculté de s'adjoindre tout spécialiste de son choix. * de fixer la date de consolidation ; * de se faire communiquer tous les éléments relatifs au mode de vie de Mme [N] [Z] antérieurs à l'accident et contemporains de l'expertise de façon à l'évaluer son degré d'autonomie fonctionnelle par rapport aux actes élémentaires et élaborés de la vie quotidienne * au besoin, de faire procéder in situ à l'évaluation ergonomique du logement de Mme [N] [Z] pour mesurer les aménagements éventuels du logement familial * se prononcer sur l'aménagement éventuel du logement en différenciant les besoins qui ont été nécessaires avant la consolidation de ceux devenus permanents après celle-ci ; * de préciser les préjudices subis par Mme [N] [Z], à savoir notamment : Sur les préjudices temporaires : * donner son avis sur d'éventuelles dépenses de santé ou de transport exposées et qui n'auraient pas été prises en charge par les organismes sociaux ou tiers payeurs, * donner son avis sur les éventuels besoins ou dépenses tels que l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, ou encore les frais d'adaptation temporaire du logement, * déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, en préciser sa durée, son importance et au besoin sa nature, * déterminer les pertes de gains professionnels, * dégager les éléments de nature à justifier une indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire selon une échelle à sept degrés. * dégager les éléments de nature à justifier une indemnisation au titre de la douleur en prenant en compte toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que Mme [N] [Z] a dû endurer du jour de la première intervention à celui de sa consolidation selon une échelle à sept degrés. * rechercher si Mme [N] [Z] était du jour des soins à celui de sa consolidation apte à exercer les activités d'agrément qu'elle pratiquait avant les soins. Sur les préjudices permanents : * donner son avis sur les éventuelles dépenses de santé futures y compris les frais de prothèses ou d'appareillage, * donner son avis sur les frais de logement adapté ou d'admission dans une maison médicalisée, * donner son avis sur la nécessité d'éventuelles dépenses liées à l'assistance permanente d'une tierce personne en précisant, le cas échéant s'il s'agit d'un besoin définitif, spécialisé ou non et dans l'affirmative en évaluer le nombre d'heures, * dire si la requérante sera capable de poursuivre, dans les mêmes conditions, son activité professionnelle antérieure à l'accident, * dire si en raison des lésions consécutives aux faits à l'origine du dommage, le requérant subi une incidence professionnelle, * déterminer la différence entre la capacité antérieure de Mme [N] [Z] et sa capacité actuelle. * dire s'il résulte des lésions et/ou troubles constatés un déficit fonctionnel permanent en prenant en compte notamment la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo physiologique médicalement constatable ainsi que les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liés à l'atteinte ainsi que les conséquences liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours. Enfin, chiffrer le taux de déficit existant au jour de l'examen. * évaluer le préjudice esthétique permanent de Mme [N] [Z] sur une échelle de un à sept. * préciser si Mme [N] [Z] peut exercer les activités d'agrément qu'il avait avant les soins. * préciser si l'état de Mme [N] [Z] est susceptible de modification et détailler une éventuelle aggravation de celui-ci, la nature des soins et interventions éventuellement nécessaires et le coût prévisionnels de ceux-ci. - dire que l'Expert dans l'exercice de sa mission pourra s'entourer de tous les renseignements qu'il jugera utile à charge pour lui d'en indiquer l'origine et pourra recueillir l'avis de toute personne informée et qu'il aura la faculté de s'adjoindre tout spécialiste de son choix. - dire que l'Expert, une fois ses opérations terminées, et au moins un mois avant le dépôt de son rapport définitif, communiquera à chacune des parties, le résultat de ses constations ainsi que les conclusions auxquelles il sera parvenu et recevra et répondra aux observations que les parties auront jugées utile de lui adresser sous forme de dires à annexer au rapport définitif. - débouter l'ONIAM de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions. - condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise dont distraction au profit Maître Bourges, avocat au Barreau de Rennes. Par dernières conclusions notifiées le 20 février 2023, l'ONIAM demande à la cour de : À titre principal : - confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il a : * débouté Mme [N] [Z] de ses demandes formées à son encontre, * débouté Mme [N] [Z] de sa demande au titre des frais irrépétibles, * condamné Mme [N] [Z] aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais de l'expertise ordonnée le 15 décembre 2016, - juger que les seuils de gravité ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas atteints, En conséquence, - juger que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies, - débouter Mme [N] [Z] de son appel, - débouter Mme [N] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre, - prononcer sa mise hors de cause, - condamner Mme [N] [Z] aux entiers dépens d'appel. À titre subsidiaire : - ordonner une expertise médicale confiée à tel expert qu'il plaira dont la mission sera limitée à la seule évaluation du déficit fonctionnel permanent strictement imputable à la neuropathie fémorale, À titre infiniment subsidiaire : - juger que le montant de l'indemnisation allouée à Mme [N] [Z] se fera déduction faite des indemnités de toute nature versées par les organismes sociaux et tout tiers débiteur, - juger que l'ONIAM ne remboursera pas aux tiers payeurs les indemnités de toute nature versées à Mme [N] [Z], - débouter Mme [N] [Z] de ses demandes d'indemnisation au titre des frais divers après consolidation et des frais de véhicule adapté en l'absence de demandes chiffrées, - débouter Mme [N] [Z] de ses demandes d'indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles, des frais de logement adapté et du préjudice d'agrément, - prendre acte de ce que Mme [N] [Z] ne sollicite plus l'indemnisation d'un préjudice sexuel, - en tout état de cause, rejeter l'indemnisation de ce poste de préjudice, - rejeter la demande d'indemnisation de Mme [N] [Z] au titre des frais d'assistance par tierce personne avant et après consolidation en l'absence de production d'une attestation de la MDPH de versement ou de non versement de la PCH ou de l'APA, - à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où Mme [N] [Z] justifierait ne pas percevoir la PCH ou l'APA, fixer l'indemnisation de ces postes de préjudice dans les limites suivantes : * avant la consolidation, à la somme de 4 050,01 euros et à titre infiniment subsidiaire à la somme de 111 815,67 euros, * après la consolidation : ° du 12 juillet 2017 au 31 décembre 2022 : 117 333,08 euros, ° à compter du 1er janvier 2023 : rente trimestrielle d'un montant de 5 356 euros, de laquelle devront être déduites les aides perçues au titre de ce poste de préjudice (notamment la PCH et l'APA) étant précisé que la rente sera suspendue en cas d'hospitalisation, - fixer l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM au titre des autres postes de préjudices dans les limites suivantes : * 700 euros au titre des frais divers avant consolidation, * 20 126 euros au titre des dépenses de santé futures, * 10 034,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, * 300 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, * 13 531euros au titre des souffrances endurées, * 30 364 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, - statuer ce que de droit quant aux dépens. La CPAM de [Localité 4] n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration de saisine ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à une personne habilitée le 31 août 2022. L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2023.

MOTIFS

DE LA DÉCISION Suite à l'arrêt de la Cour de cassation, la cour d'appel n'est saisie que de la contestation des termes du jugement du tribunal de Nantes suivants : - déboute Mme [N] [Z] de ses demandes formées à l'encontre de l'Office National des Accidents Médicaux, - déboute Mme [N] [Z] de sa demande au titre des frais irrépétibles, - condamne Mme [N] [Z] aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais d'expertise ordonnée le 15 décembre 2016. - sur le droit à indemnisation Mme [Z] estime que ses préjudices sont directement indemnisables par l'ONIAM car ils sont directement imputables à un acte de soins et ont des conséquences anormales au regard de son état de santé comme l'évolution prévisible de celui-ci. Son taux de DFP, selon elle, est supérieur à 24%, puisqu'étant de 75%, lui ouvrant droit à la solidarité nationale, et ajoute qu'il n'y a aucun état antérieur préexistant à l'acte de soins de nature à réduire celui-ci. L'ONIAM demande la confirmation du jugement rendu le 28 novembre 2019, considérant que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies. Il relève que les seuils de gravité requis ne sont pas atteints, car si l'expert a conclu que la capacité fonctionnelle actuelle est 25%, il ne peut en être déduit a contrario, comme le fait Mme [Z] que son déficit fonctionnel permanent est de 75%. Il estime que l'expert a commis là une erreur de frappe, ce qui est corroboré par le fait que l'examen clinique réalisé par l'expert ne correspond pas à un DFP de 75 %, de sorte que l'expert a manifestement voulu écrire incapacité fonctionnelle de 25%, ce qui est d'ailleurs dans la droite ligne du DFT de 33% retenu. Toutefois, ce DFP de 25% n'est pas, selon l'ONIAM, imputable à la complication survenue dans les suites de l'intervention du 12 avril 2012, à savoir la neuropathie fémorale. Il considère que la neuropathie fémorale n'est pas à l'origine d'un DFP, puisque l'expert a indiqué qu'elle avait évolué très favorablement dans les trois premiers mois avec une récupération motrice du quadriceps quasi complète dès juillet 2012. Il relève que l'expert a considéré que le DFP était en lien avec des douleurs du membre inférieur gauche et une appréhension à la marche. Selon lui, ces douleurs et cette appréhension ne sont pas imputables à un aléa thérapeutique mais à un échec de la pose de prothèse qui ne peut être couvert par la solidarité nationale. Ainsi, l'ONIAM demande à la cour de rejeter toute demande d'indemnisation à son encontre. En application de l'article 1142-1 II du code de la santé publique, la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; L'article D 1142-1 du code de la santé publique dispose : Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. À titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. Mme [Z] a consulté début mars 2012 le docteur [L] en raison de douleurs du genou gauche ; ce dernier a posé l'indication d'une prothèse du genou. L'intervention a eu lieu le 12 avril 2012. Les conclusions du rapport de l'expert le docteur [T] et de son sapiteur le docteur [P] du 2 octobre 2017 sont les suivantes : 'La neuropathie fémorale constatée dans les suites de la mise en place de la prothèse totale du genou gauche le 12 avril 2012 est en relation directe, certaine et exclusive avec cet acte de soin, c'est vraisemblablement la technique d'anesthésie locorégionale qui est en cause : elle a induit une dysfonction prolongée du nerf fémoral, soit par des phénomènes toxiques, soit par compression. On ne peut dire comment l'anesthésie locorégionale a été à l'origine de la complication. Cela aurait pu être, soit une toxicité du produit utilisé, soit une compression du nerf du fait d'un hématome, d'un volume excessif de produit au voisinage du nerf ou de phénomènes inflammatoires induits par la présence du cathéter (corps étranger). Quoiqu'il en soit, il s'agit d'une complication imprévisible qu'aucune mesure de précaution supplémentaire ne pouvait prévenir ou en diminuer l'intensité. La neuropathie fémorale a évolué très favorablement dans les trois premiers mois avec une récupération motrice du quadriceps quasi complète. Mais sont apparues des douleurs spontanées du membre inférieur gauche et surtout une appréhension à la marche mise sur le compte de dérobements répétés avec chutes. C'est en raison de cette appréhension et non pas de douleurs, que Mme [Z] limite ses activités. Il s'est constitué un état de dépendance physique du fait d'une appréhension à se servir du membre opéré et d'un syndrome douloureux. Ceci est en rapport direct et certain avec l'acte de soins, mais pas exclusif : l'acte de soins a constitué le facteur facilitateur (direct et certain) de décompensation d'un état psychique antérieur (non exclusif).' Les séquelles imputables aux conséquences des interventions et de leurs suites sont précisées comme suit par les experts : 'Au jour de l'accédit, l'atteinte motrice en rapport avec l'atteinte du nerf crural a pratiquement disparu (force musculaire du quadriceps gauche à 4 +/5. Il persiste une atteinte sensitive à type d'hypoesthésie du territoire dépendant du nerf crural à savoir la face interne de la cuisse et de la jambe gauche, et des douleurs neurogènes de même topographie. La gêne à la marche est liée à une appréhension de la marche secondaire aux chutes et à une sensation de dérobements du genou gauche'. La condition d'imputabilité est remplie lorsque le dommage a été provoqué par un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, ce qui implique qu'il présente un caractère distinct de l'atteinte initiale, soit qu'il résulte de son aggravation. Par ailleurs, le droit de la victime à obtenir une indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique, lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable. Les experts ont indiqué que 'la situation clinique de Mme [Z] avant la mise en place de la prothèse du genou concordait parfaitement avec les définitions de l'algoneurodystrophie, pathologie douloureuse complexe sans lésion neurologique anatomique individualisable, accompagnée de troubles vasomoteurs ou trophiques, le plus souvent dans les suites d'un traumatisme, avec un retentissement psychologique'. Ils ont relevé en effet que 'Mme [Z] avait eu une pathologie douloureuse du genou, qui fut explorée par une arthroscopie en décembre 2011 (c'est là le traumatisme) avec une majoration des phénomènes douloureux non accessibles aux médications anti-inflammatoires et la constitution de troubles fonctionnels nécessitant le recours à une (des) canne(s).' S'ils soulignent que 'certains éléments du dossier suggèrent la participation au tableau clinique actuel d'un terrain psychique fragilisé avant avril 2012, algoneurodystrophie et médications psychoactives, antidépresseur et anxiolytiques, de sorte qu'il y avait un haut risque de voir se constituer un syndrome douloureux complexe dans les suites de l'intervention, indépendamment de la technique d'anesthésie et de ses modalités', ils concluent clairement que 'la neuropathie fémorale n'était ni redoutée, ni attendue, ni probable du fait de la maladie arthrosique de Mme [Z]', que 'la situation clinique actuelle ne s'explique pas par une évolution prévisible de la pathologie initiale, même en prenant en compte l'état de santé antérieur avant l'acte de soins du 12 avril 2012. L'état actuel a un caractère anormal au regard de l'évolution prévisible de la pathologie initiale.' La cour approuve les premiers juges en ce qu'ils retiennent que les préjudices subis par Mme [Z] sont directement et au moins partiellement imputables à l'intervention chirurgicale du 12 avril 2012 et notamment la mise en place d'un cathéter crural, et donc un acte de soins, et qu'ils ont eu pour la patiente des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci. La question se pose de savoir si la patiente présente un taux de déficit fonctionnel permanent supérieur à 24%. En l'espèce, les experts concluent : 'Nous déduisons une incapacité fonctionnelle de 20% antérieure aux faits, relevant que Mme [Z] selon un courrier du docteur [L] du 9 mars 2012 est handicapée de façon majeure avec deux cannes anglaises, des antalgiques et anti-inflammatoires inefficaces. La capacité fonctionnelle actuelle est de 25%. Ceci se trouve justifié par un syndrome douloureux atypique du membre inférieur gauche, un examen neurologique proche de la normale n'explique pas la faiblesse musculaire alléguée et les dérobements du genou gauche, l'appréhension à la marche, la limitation des déplacements qui en résulte et les conséquences sur l'humeur de la réduction des activités, des échanges sociaux et de la dépendance d'une aide quasi-permanente. S'y ajoute la culpabilité d'imposer à sa fille le rôle de garde-malade.' Il est souligné que les experts ont arrêté : - le DFT imputable à la neuropathie fémorale à 30% du 8 juin 2012 au 24 juillet 2017, - le DFT imputable au syndrome douloureux atypique sous tendu par les difficultés psychiques à 25% du 25 juillet 2012 au 20 octobre 2012, puis à 33% du 21 octobre 2012 au 11 juillet 2017. La cour rappelle que si une victime est atteinte d'un déficit fonctionnel permanent, le taux du déficit fonctionnel temporaire partiel jusqu'à la consolidation est nécessairement égal ou supérieur au taux du déficit fonctionnel permanent. Mme [Z] ne peut donc prétendre à un taux de DFP de 75 % . La thèse de l'ONIAM qui allègue une erreur de frappe, au motif que 'capacité' doit s'entendre par 'incapacité', se trouve confortée par les éléments suivants : - il est tout d'abord constaté que cette évaluation est immédiatement suivie de la description des séquelles présentées par Mme [Z], en l'espèce la douleur du membre inférieur gauche, la faiblesse musculaire alléguée, les dérobements du genou, l'appréhension à la marche, la réduction des activités qui en découle et ses conséquences sur l'humeur de Mme [Z], éléments correspondant aux contours d'une incapacité et non d'une capacité, - ensuite, il est observé que les conclusions de l'expert ont donné lieu à un dire du conseil de Mme [Z] le 28 septembre 2017 ; dans ce dire, le conseil écrit : 'Quant à l'évaluation du DFP à hauteur de 25% après les faits, celle-ci est minorée puisqu'il n'a été pris en compte que l'incapacité fonctionnelle alors que le déficit fonctionnel permanent a été défini par la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 28 mai 2009 comme comprenant pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelle, familiale et sociale. Or, les incidences du dommage qui touchent la sphère personnelle de Mme [Z] sont extrêmement importantes puisqu'elle est privée de toute vie sociale, a besoin d'une aide dans tous les actes de la vie quotidienne, et est désormais confinée dans son appartement. Ces éléments n'ont pas été pris en compte. De sorte que le DFP est bien supérieur à 25%.' L'expert répond à ce dire de la manière suivante (page 27 du rapport) : Me Mouranne ne nous apporte pas dans le dire d'éléments qui puisse nous amener à modifier notre évaluation du déficit fonctionnel permanent, - enfin un taux de 25% est parfaitement cohérent avec l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire. La cour retient donc que les experts ont conclu à un déficit fonctionnel permanent de 25 %. La Cour de cassation a rappelé que lors de l'appréciation du taux d'atteinte permanente lié à la survenue d'un accident médical grave, il ne peut être tenu compte du taux préexistant à l'acte médical en cause, lorsque cet acte aurait permis d'y remédier en l'absence d'accident. En l'espèce, il a été décidé la pose de la prothèse en raison de l'arthrose du genou présenté par Mme [Z]. Les experts précisent que le docteur [L] note dans un courrier du 3 mars 2012 : 'je crois que sa gêne nous incite maintenant à une thérapeutique plus agressive'. L'incapacité fonctionnelle liée à l'état antérieur est explicitée par les experts comme correspondant au handicap présenté par Mme [Z] tenant à la nécessité de se déplacer avec deux cannes et les traitements antalgiques et anti inflammatoires inefficaces, outre un syndrome douloureux. Mme [Z] relève donc, à juste titre, que la prothèse du genou gauche devant remédier, en l'absence d'accident médical, aux difficultés décrites, il n'y a pas lieu de déduire du taux de déficit fonctionnel permanent actuel (25%), un quelconque taux de déficit lié à un état antérieur. Le seuil légal requis de déficit fonctionnel permanent est donc atteint et Mme [Z] peut prétendre à une indemnisation par la solidarité nationale, la cour estimant n'y avoir lieu à mesure d'instruction supplémentaire, au regard des conclusions circonstanciées des experts. - sur la liquidation des préjudices de Mme [Z] Les experts retiennent une date de consolidation au 11 juillet 2017. 1.Sur les préjudices patrimoniaux 1.1 sur les préjudices patrimoniaux temporaires les dépenses de santé actuelles Mme [Z] sollicite le remboursement d'une somme de 267 euros représentant selon elle le coût d'un fauteuil roulant. La dépense justifiée à ce titre correspond à l'achat d'un déambulateur demeuré à charge pour 234,71 euros et effectuée le 23 février 2022. Une telle dépense ne constitue pas une dépense de santé actuelle. À défaut de toute autre pièce, il convient de constater l'absence de toute dépense de santé avant consolidation. Mme [Z] est déboutée de ses prétentions de ce chef. les frais divers Il s'agit d'indemniser la victime notamment des frais liés à l'hospitalisation, des dépenses liées à la réduction d'autonomie, des frais de déplacement pour consultations et soins, des frais de transport et d'hébergement des proches pour visiter la victime puisque le moral du blessé peut agir sur l'évolution de son état de santé. Mme [Z] sollicite une somme de 12 259,33 euros, représentant : - gasoil trajets pour rendez-vous médicaux : 200 euros, - rapport ergothérapeute : 3 652,40 euros, - médecin conseil : 2 619 euros, - assurance scooter électrique : 128,53 euros, - scooter électrique : 1 455,90 euros, - grue de coffre : 4 203,50 euros. L'ONIAM demande de limiter ces frais à l'article 700 euros, montant des honoraires de médecin conseil prévu par son référentiel. Aucun justificatif n'est versé aux débats concernant les frais d'essence, les frais de grue de coffre. Il ne peut être fait droit à ces demandes. La nécessité d'un scooter électrique, comme d'un recours à un ergothérapeute n'est pas retenue par les experts. Toutes demandes y afférentes sont écartées. Les experts ont indiqué que Mme [Z] était assistée du docteur [X]. Une facture d'honoraires de 2 619 euros est versée aux débats. La cour retient ce montant qui a été effectivement déboursé. L'assistance tierce personne temporaire Mme [Z] sollicite de ce chef une indemnisation de 197 288 euros (soit 1897 jours x 6,5 heures x 16 euros de l'heure) et à titre subsidiaire, une indemnisation de 121 408 euros sur une base de 4 heures par jour. L'ONIAM conclut au rejet de cette prétention, observant que Mme [Z] est susceptible de percevoir ou d'avoir perçu l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), laquelle couvre une partie des dépenses nécessaires pour accomplir des actes essentiels de la vie ou une surveillance régulière, qu'elle ne fournit aucun élément quant aux éventuelles aides perçues au titre de l'assistance tierce personne et qu'à défaut de justifier d'une attestation de la MDPH de son domicile de versement ou de non versement de la Prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l'APA, sa demande n'est pas fondée. Subsidiairement, il conteste l'évaluation du besoin allégué de 6h30 par jour, définie par un ergothérapeute dans un rapport non contradictoire, ainsi que le taux horaire réclamé. L'ONIAM demande de fixer ce préjudice à 4 050 euros soit 16 058 euros par an (3 heures x 13 euros x 412 jours), x 92 jours : 365 jours et subsidiairement à 111 815,67 euros représentant 21 424 euros par an (4 heures x 13 euros X 412 jours) x 1905jours : 365 jours). Il s'agit ici d'indemniser la victime des dépenses liées à la réduction d'autonomie. Le préjudice est indemnisé selon le nombre d'heures d'assistance et le type d'aide nécessaire. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance familiale ni subordonné à la justification de dépenses effectives. Les experts ont conclu que Mme [Z] a eu besoin de l'assistance de sa fille pour l'accomplissement de toutes les taches de la vie quotidienne du 24 avril 2012 (sortie de la clinique [7]) au 11 juillet 2017, à raison de 4 heures par jour, tous les jours sur toute la période. Aucune obligation n'est faite à la victime de solliciter une prestation sociale lorsque cette possibilité existe et aucun élément du dossier ne permet en l'espèce de constater que Mme [Z] a perçu une prestation devant venir en déduction de la somme ainsi allouée par application de l'article L1142-17 du code de la santé publique. Un taux horaire de 16 euros sera retenu, représentant ainsi une indemnisation de 121 408 euros (1897 jours x 4 heures x 16 euros). 1.2 sur les préjudices patrimoniaux permanents après consolidation les dépenses de santé futures Mme [Z] sollicite une indemnisation de 28 211,77 euros représentant les frais suivants : - fauteuil électrique: 21 285,88 euros, - chaise douche/rehausseur : 3 310,63 euros, - fauteuil roulant : 162,80 euros, - déambulateur : 1 142,33 euros, - fauteuil salon : 2 310,13 euros. Elle précise qu'elle doit changer de déambulateur et de cannes anglaises tous les trois ans et de fauteuil électrique tous les cinq ans. Elle demande de faire application du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en 2020. L'ONIAM demande de ramener cette demande à de plus justes proportions, concluant notamment au rejet des demandes portant sur une chaise de douche, un rehausseur, un fauteuil roulant manuel et un fauteuil de salon, non prévues par les experts. Il évalue ce préjudice à la somme de 20 126,16 euros. Il demande de faire application de son propre barème. Les experts concluent sur ce point à la nécessité du remplacement des cannes anglaises tous les trois ans, du remplacement du déambulateur tous les trois ans, et à la fourniture et au remplacement tous les cinq ans d'un fauteuil roulant électrique. Seules ces dépenses justifient une indemnisation. La cour écarte donc les demandes relatives à une chaise douche/ rehausseur, à un fauteuil roulant manuel et à un fauteuil de salon. L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue ; le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais 2020 en sa version à 0% apparaît, en l'espèce, comme le plus approprié eu égard aux données démographiques, économiques et monétaires les plus récentes au vu de l'inflation en cours et sera préféré au barème de l'ONIAM soumis à la cour, établi sur la base des tables de mortalité des femmes entre 2013 et 2015. Sont donc justifiées les préjudices suivants: - pour le remplacement du déambulateur : *dépense déjà engagée et restant à charge : 234,71 euros (facture du 23 février 2022) * dépense à prévoir : remplacement tous les trois ans: 334,71 : 3 = 78,13 euros par, représentant une capitalisation selon l'euro de rente pour une femme âgée née le [Date naissance 1] 1938, âgée alors de 84 ans à la date de la décision, selon le barème Gazette du Palais 2020 (7,743), de 78,13 x 7,743 = 604,96 euros, soit une somme totale de 839,67euros, - pour le remplacement du fauteuil électrique : La dépense à prévoir selon devis produit, pour les frais restant à charge est de 8 351,99 euros pour l'achat et le remplacement tous les cinq ans soit une dépense de 1 670,39 (8351,99 :5) x 7,743 = 12 933,82 euros, soit un total de 21 285,81 euros. Les dépenses de santé futures sont donc fixées à 22 125,48 euros. les frais de logement adapté Mme [Z] sollicite la différence entre le prix d'achat, frais de notaire inclus (soit 589 000 euros) d'un appartement semblable au sien mais accessible aux personnes à mobilité réduite, et la valeur moyenne de son appartement soit 310 000 euros et donc une indemnisation de ce chef de 279 800 euros. L'ONIAM demande à la cour de rejeter cette demande, dans la mesure où les prix annoncés par elle ne sont pas justifiés par les pièces produites aux débats. Les experts ne se sont pas prononcés sur ce poste de préjudice. Le docteur [T] avait toutefois dans son rapport du 23 août 2014 indiqué que 'Mme [Z] doit pouvoir habiter un logement accessible sans escalier et qui lui permet d'utiliser dans de bonnes conditions un fauteuil roulant'. L'appartement occupé par Mme [Z] dont elle est propriétaire, selon une attestation de valeur émanant de l'agence immobilière de la poste du 25 août 2022, versée aux débats, est situé au deuxième étage d'un immeuble desservi par un escalier extérieur et un escalier intérieur. Il est évalué par cette agence entre 300 000 euros et 320 000 euros. L'agence évalue le même bien, accessible PMR à 550 000 euros, précisant que son avis n'est pas une expertise. Une autre attestation de l'agence V.I.L.A du 10 juillet 2017 mentionne que la valeur d'un appartement semblable à celui de Mme [Z], face au port du [Localité 6], avec ascenseur et garage, se situe entre 350 000 et 370 000 euros, frais notariés en sus (26 000 à 27 000 euros) Seule l'absence d'ascenseur dans l'immeuble apparaît constituer une gêne pour Mme [Z], laquelle n'évoque aucun besoin d'aménagement intérieur de son logement pour circuler avec le fauteuil roulant. Il n'est nullement indiqué que Mme [Z] dispose à ce jour d'un garage. Le besoin sur ce point serait donc soit un appartement identique au rez-de-chaussée soit un appartement dans un immeuble avec ascenseur. Les attestations produites aux débats ne permettent pas de caractériser l'existence d'une différence de valeur entre l'appartement propriété de Mme [Z] et un appartement présentant les mêmes caractéristiques répondant à ces conditions. En conséquence, la cour considère que la preuve d'un préjudice est insuffisamment caractérisée par Mme [Z]. les frais de véhicule adapté Mme [Z] formule une demande à ce titre ' pour mémoire'. Une telle demande non chiffrée sera rejetée. l'assistance tierce personne permanente Mme [Z] réclame de ce chef, à titre principal, une somme de 575 015,58 euros et à titre subsidiaire, celle de 353 855,74 euros. Elle s'oppose au versement d'une rente trimestrielle. L'ONIAM conclut au rejet de cette demande ; à titre subsidiaire, en prenant une base de 4 heures par jour et un taux horaire de 13 euros, il demande de fixer l'indemnisation de ce préjudice pour la période du 12 juillet 2017 au 31 décembre 2022 à la somme de 117 333,08 euros et au delà d'attribuer à Mme [Z] une rente trimestrielle de 5 356 euros, laquelle se fera sous déduction des aides perçues par Mme [Z], qu'il lui appartiendra de justifier, et sera réduite ou suspendue en cas d'hospitalisation. La cour indemnisera ce préjudice conformément aux modalités précédemment retenues, à savoir un taux horaire de 16 euros et un besoin de 4 heures par jour. Les arrérages échus sont pour la période du 12 juillet 2017 au 31 décembre 2022 : 412 jours x 4 heures x 16 euros = 26 368 euros par an, soit (26 368 x 5 =131 840) + ( 26 368 :12 x 5.5= 9 793 ) = 141 633 euros. Il est en outre fixé une capitalisation selon l'euro de rente pour une femme âgée née le [Date naissance 1] 1938, âgée alors de 84 ans à la date de la décision, selon le barème Gazette du Palais 2020, soit 26 368 x 7,743 = 204 167,42 euros. Le préjudice est donc évalué à 408 334,84 euros. 2.Sur les préjudices extra-patrimoniaux 2. 1 Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires le déficit fonctionnel temporaire Mme [Z] sollicite une indemnisation à hauteur de 21 815,55 euros sur une base de 23/2 euros par jour pendant 1897 jours en retenant un DFT de 50%. L'ONIAM considère que cette indemnisation ne peut excéder la somme de 10 034,20 euros. Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire pendant la maladie traumatique de la victime. Ce poste de préjudice correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime, à la perte de la qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante rencontrée par la victime (séparation de la victime de son environnement familial et amical, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement la victime). Les experts retiennent : - le DFT imputable à la neuropathie fémorale a été de 30% du 8 juin 2012 au 24 juillet 2017, - le DFT imputable au syndrome douloureux atypique sous tendu par les difficultés psychiques a été de 25% du 25 juillet 2012 au 20 octobre 2012, puis de 33% du 21 octobre 2012 au 11 juillet 2017. La cour procédera à l'évaluation de ce poste de préjudice sur une base horaire de 23 euros, conformément aux conclusions des experts, soit: - pour la période du 8 juin 2012 au 24 juillet 2012 : 46 jours x 23 euros x 30% = 317,40 euros, - pour la période du 25 juillet 2012 au 20 octobre 2012 : 87 jours x 23 euros x 25 % = 500,25 euros, - pour la période du 21 octobre 2012 ay 11 juillet 2017 : 1724 jours x 23 euros x 33 % = 13 085,16 euros, soit un total de 13 902,81 euros. les souffrances endurées Il s'agit d'indemniser ici toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation. Les experts ont précisé que les douleurs attendues en post-opératoire d'une chirurgie prothétique du genou sont élevées et sont de 4/7, que dans le cas particulier de Mme [Z] se sont ajoutées des douleurs à caractère neuropathique, intenses et continues évaluées à 5/7. Au regard des souffrances physiques et morales justifiées par Mme [Z], la cour évalue ce préjudice à la somme de 20 000 euros. le préjudice esthétique temporaire Ce poste vise à réparer le préjudice né de l'obligation de la victime de se présenter temporairement avant consolidation au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures. Les experts notent que ce préjudice est constitué par l'utilisation de deux cannes, évalué à 2/7, mais tempéré par le fait qu'avant l'intervention, Mme [Z] se déplaçait avec deux cannes et que dans les suites normales, elle aurait utilisé deux cannes pendant 45 jours, une canne les 45 jours suivants et une canne pour les trajets longs ou en situation difficile pendant 90 jours. Une somme de 1 000 euros réparera ce préjudice. 2. 2 Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents après consolidation le déficit fonctionnel permanent Mme [Z] revendique une indemnisation à hauteur de 116 250 euros en prenant en considération un DFP de 75 %, tandis que l'ONIAM considère qu'un DFP de 25 % doit être retenu. Ce poste tend à la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours. Au vu des séquelles précédemment décrites et du taux de DFP précédemment arrêté de 25%, de l'âge de Mme [Z] à la date de consolidation en l'espèce 78 ans, la fixation de ce préjudice sera de 34 375 euros. le préjudice d'agrément Le préjudice d'agrément est celui qui résulte d'un trouble spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs. Si les experts relèvent que Mme [Z] ne peut actuellement exercer des activités de loisirs antérieures, la preuve de la pratique antérieure de telles activités n'est pas démontrée. La demande d'indemnisation de ce chef est rejetée. Il est donc dû à Mme [Z] les sommes suivantes : Préjudices patrimoniaux temporaires - les frais divers : 2 619 euros, - assistance tierce personne temporaire : 121 408 euros, Préjudices patrimoniaux permanents - dépenses de santé futures : 22 125,48 euros, - assistance tierce personne permanente : 408 334,84 Préjudices extra-patrimoniaux temporaires - déficit fonctionnel temporaire : 13 902,81 euros - souffrances endurées : 20 000 euros, - préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros, Préjudices extra-patrimoniaux permanents - déficit fonctionnel permanent : 34 375 euros. L'ONIAM est condamné au paiement de ces sommes. Mme [Z] est déboutée de ses demandes d'indemnisation portant sur les dépenses de santé actuelles, le surplus des frais divers, les frais de logement adapté, les frais de véhicule adapté et le préjudice d'agrément. - sur les autres demandes L'équité commande d'allouer à Mme [Z] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'ONIAM est condamné à payer cette somme à la partie appelante et supportera les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise ordonnée le 15 décembre 2016, dont distraction au profit de Me Bourges, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe : Statuant dans les limites de l'appel et des termes de l'arrêt de la cour de cassation du 22 juin 2022, Infirme le jugement du 28 novembre 2019 ; Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés, Condamne l'ONIAM à payer à Mme [N] [Z] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel : Préjudices patrimoniaux temporaires - les frais divers : 2 619 euros, - assistance tierce personne temporaire : 121 408 euros, Préjudices patrimoniaux permanents - dépenses de santé futures : 22 125,48 euros, - assistance tierce personne permanente : 408 334,84 euros, Préjudices extra-patrimoniaux temporaires - déficit fonctionnel temporaire : 13 902,81 euros - souffrances endurées : 20 000 euros, - préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros, Préjudices extra-patrimoniaux permanents - déficit fonctionnel permanent : 34 375 euros ; Déboute Mme [N] [Z] de ses demandes d'indemnisation portant sur les dépenses de santé actuelles, le surplus des frais divers, les frais de logement adapté, les frais de véhicule adapté et le préjudice d'agrément ; Y ajoutant, Condamne l'ONIAM à payer à Mme [N] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne l'ONIAM aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise ordonnée le 15 décembre 2016, dont distraction au profit de Me Bourges, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile. Le Greffier La Présidente