Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 mai 2010, 09-84.906

Mots clés
préjudice • rente • contrat • tiers • recours • réduction • réparation • salaire • infraction • rapport • connexité • emploi • signature • subrogation • produits

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
18 mai 2010
Cour d'appel de Grenoble
8 juin 2009

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    09-84.906
  • Dispositif : Cassation
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Cour d'appel de Grenoble, 8 juin 2009
  • Identifiant Légifrance :JURITEXT000022366609
  • Rapporteur : Mme Radenne
  • Président : M. Louvel (président)
  • Avocat(s) : Me Le Prado
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Résumé

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Texte intégral

Statuant sur les pourvois formés par : - X... Hamou, - LA SOCIÉTÉ MAAF ASSURANCES, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 8 juin 2009, qui, dans la procédure suivie contre le premier des chefs de blessures involontaires et de refus de céder le passage, a prononcé sur les intérêts civils ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen

unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 593 du code de procédure pénale, 1382 du code civil, L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, 28, 29 de la loi du 5 juillet 1985, 25 de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions ; "en ce que l'arrêt attaqué, déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble et opposable à la MAAF, assureur d'Hamou X..., a fixé le montant de l'indemnisation de Christian Y... à la somme globale de 368 274,74 euros, hors dépenses de santé futures et condamné Hamou X... à payer à Christian Y... la somme de 84 000 euros, déduction faite, poste par poste, de la créance de l'organisme social ; "aux motifs que, sur l'indemnisation des préjudices : que, par application des articles 3 à 5 de la loi du 5 juillet 1985, Christian Y... bénéficie d'un droit à réparation intégrale de ses préjudices, droit dont le principe n'est pas contesté par les défendeurs ; que, par ailleurs, selon l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifié par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; que, conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle ; que, cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ; que le rapport d'expertise du docteur André Z..., clos le 29 août 2003, résulte de plusieurs examens approfondis de la victime effectués, le 17 août 2000, puis le 4 décembre 2001, et ne fait l'objet d'aucune contestation sérieuse ; que ses conclusions peuvent, en conséquence, servir de base à l'évaluation du préjudice de la victime ; que l'expert a constaté que l'accident de voie publique du 17 août 2000 dont a été victime Christian Y..., alors âgé de trente-deux ans pour être né le 23 décembre 1967, sans antécédent médical, chirurgical ou traumatique susceptible de constituer un état antérieur et exerçant la profession de magasinier cariste, a eu pour conséquence une amputation du tiers supérieur de la jambe gauche laissant un moignon sans anomalie cliniquement décelable au niveau des articulations du genou et de la hanche et deux cicatrices thoraciques supérieures droite et gauche, en relation avec la mise en place des chambres d'implantation ; que ces lésions sont en relation directe et certaine avec l'accident survenu le 17 août 2000 ; que l'incapacité temporaire totale de travail a duré du 17 août 2000 au 15 juillet 2003, date de la consolidation ; que le préjudice au titre des souffrances endurées est de 5,5 sur 7, le préjudice esthétique de 3,5 sur 7 alors que le taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 30 % ; que l'expert a également conclu à l'existence d'un préjudice d'agrément et à l'existence d'un retentissement professionnel ; que, sur le fondement de ce rapport, de l'âge de la victime au moment de l'accident (trente-deux ans), de sa situation et des éléments justificatifs produits, l'indemnisation du préjudice est évaluée comme suit : 1) préjudices indemnisés par la caisse primaire d'assurance maladie : - avant consolidation : - dépenses de santé actuelles : que la victime ne réclame aucune somme à ce titre ; que le décompte du 14 septembre 2006 de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble permet de fixer la créance subrogatoire de ce tiers payeur à la somme de 174 454,30 euros de ce chef, dès lors qu'il n'est pas discuté que ces sommes ont été exposées pour la victime, en conséquence de l'accident qu'elle a subi ; - perte de gains professionnels actuels ou perte de revenus : que les conséquences patrimoniales, sous forme de pertes de revenus, de l'inactivité ou de l'indisponibilité temporaire subie par la victime dans l'exercice de sa profession, du fait de l'accident traumatique qu'elle a subi, doivent être indemnisées pendant la période correspondant à la durée de l'incapacité temporaire totale de travail du 17 août 2000 au 15 juillet 2003, soit pendant presque trois ans ; qu'en l'espèce, le décompte du 14 septembre 2006 produit par la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble indique que, pendant la durée de l'incapacité temporaire totale de travail, il a été versé à la victime la somme de 39 820,44 euros au titre des indemnités journalières correspondant à sa perte de salaire pendant cette période ; que Christian Y... ne réclame, en conséquence, aucune indemnisation de ce chef ; qu'en revanche, il est constant que cette somme a été versée à la victime en conséquence de l'accident qu'elle a subi et que l'organisme social, subrogé dans ses droits pour ce poste, est fondé à réclamer le remboursement de la somme qu'il a ainsi exposée ; que la créance de la caisse primaire de ce chef est donc fixée à la somme de 39 820,44 euros ; - après consolidation : - dépenses de santé futures : que la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble évalue ce poste à la somme de 55 892,68 euros selon décompte versé aux débats, alors que la partie civile réclame, à ce titre, la somme de 95 000 euros ; qu'en cours de délibéré, la partie civile a transmis à la cour, par l'intermédiaire de son conseil, deux devis concernant l'acquisition de prothèses adaptées à la pratique du sport dont rien n'indique qu'ils aient été communiqués au conseil du prévenu et de sa compagnie d'assurance ; que ces pièces nouvelles étant de nature à modifier, le cas échéant, l'évaluation qui pourrait être faite par la cour de ce poste, il convient d'ordonner la réouverture des débats, uniquement sur ce point, à l'audience du 5 octobre 2009, au cours de laquelle la partie civile justifiera, par tous moyens, de la communication de ces pièces aux autres parties ; - perte de gains professionnels futurs : qu'il est constant que la partie civile, au moment de l'accident, exerçait la profession de magasinier cariste, à temps complet, selon un contrat à durée déterminée qui a été prorogé par avenant du 13 juillet 2000, date de fin du contrat initial, jusqu'au 13 octobre 2001, moyennant une rémunération mensuelle de 1 067,14 euros brut, selon le contrat signé le 17 avril 2000, auquel renvoie l'avenant régularisé le 13 juillet 2000, alors que les bulletins de salaire de janvier à juin 2001, versés aux débats par la victime, font état d'un salaire mensuel de base de 1 090 euros ; que ces éléments et, notamment, la signature de l'avenant du 13 juillet 2000 au contrat initial du 17 avril 2000, prorogeant la première embauche de quinze mois, établissent que la partie civile donnait satisfaction à son employeur qui a renouvelé son contrat initial ; que, cependant, le poste examiné consiste à déterminer la perte annuelle de revenus liée, soit à la perte d'emploi, soit à la réduction d'activité de la victime du fait des séquelles permanentes qu'elle supporte, en comparant les revenus antérieurs à l'accident à ceux postérieurement obtenus, puis de capitaliser cette perte annuelle pour la période postérieure à l'arrêt jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de la victime, en tenant compte des perspectives d'évolution de carrière ; qu'en l'espèce, la situation de la partie civile au moment de l'accident peut être précisément établie par les pièces produites ; qu'en revanche, le demandeur ne verse aux débats aucune pièce susceptible d'informer la cour sur sa situation professionnelle actuelle, comme l'a relevé le premier juge, tels un contrat de travail, des bulletins de salaire, ou ses avis d'imposition avant et après l'accident, pas plus qu'il ne fait état de ses recherches d'emploi et des refus qui auraient pu lui être opposés du fait de son handicap ; qu'il place ainsi la cour dans l'impossibilité de déterminer la perte de revenus éventuellement subie par lui ; qu'en outre, le lien de causalité entre une éventuelle perte d'emploi ou une éventuelle réduction d'activité et les séquelles permanentes résultant de l'accident n'est pas non plus établi ; que le seul certificat médical du 30 septembre 2003 du docteur Olivier A... énonçant que "Christian Y... est inapte à reprendre son activité professionnelle antérieure de magasinier cariste" alors que ni l'expertise ni ce certificat médical n'indiquent que la partie civile serait inapte à tout emploi après l'accident, est évidemment insuffisant à établir la perte d'emploi ou la réduction d'activité ; qu'en conséquence, la demande formée de ce chef par la partie civile est rejetée ; - incidence professionnelle : l'expertise a conclu à "l'existence d'un retentissement professionnel", sans plus préciser ce point ; qu'il résulte cependant du rapport d'expertise que l'amputation subie ne peut avoir pour conséquence qu'une dévalorisation sur le marché du travail et une augmentation de ses difficultés d'insertion en interdisant à la partie civile d'exercer toute profession nécessitant la position debout de façon prolongée comme celle qu'il exerçait précédemment ; qu'au regard des critères objectifs que sont l'âge de la victime, sa qualification et sa situation professionnelle au moment de l'accident, l'indemnisation de ce chef est fixée à la somme de 70 000 euros ; que, constatant que le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble s'exerce sur ce poste au titre de la rente versée à la victime, il convient, le montant du capital de cette rente étant de 135 694,56 euros, de dire qu'au titre de ce recours, la somme allouée à Christian Y... est intégralement absorbée et que le recours de la caisse s'exerce sur la somme de 70 000 euros ; 2) préjudices personnels non indemnisés par la caisse primaire d'assurance maladie : - avant consolidation : - déficit fonctionnel temporaire : que la gêne dans la vie courante jusqu'à la date de consolidation doit s'apprécier au regard de la durée de la perte de la qualité de vie pendant cette période soit du 17 août 2000 au 15 juillet 2003 ; qu'en l'espèce, la privation, pendant cette période, des activités sportives auxquelles il se livrait régulièrement avant l'accident comme, notamment le rugby, justifie que ce poste soit indemnisé à hauteur de 24 000 euros, conformément à ce qui a été fixé en première instance et à ce qu'acceptent le prévenu et sa compagnie d'assurance ; - après consolidation : - déficit fonctionnel permanent : préjudice a été évalué par l'expert à 30%, correspondant à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomophysiologique, médicalement appréciable par un examen approprié, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques liées à l'atteinte séquellaire ainsi que les conséquences de cette atteinte dans la vie de tous les jours ; que, compte tenu de l'âge de la victime au moment de l'accident et du taux d'incapacité, ce poste de préjudice est évalué à la somme de 60 000 euros, conformément à l'appréciation qu'en avait fait le premier juge et qu'admettent, dans leurs écritures, le prévenu et sa compagnie d'assurance ; "1) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que, dans la mesure où son montant excède celui des pertes de revenu et l'incidence professionnelle, la rente servie en application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale répare nécessairement, en tout ou en partie, l'atteinte objective à l'intégralité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent, de sorte qu'en refusant d'imputer la créance de la caisse née de la rente accident du travail servie à la victime sur la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ; "2) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que, dans la mesure où la MAAF avait déjà réglé la créance de la caisse, laquelle participait à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de la victime, la cour d'appel, qui a décidé d'évaluer la somme revenant à la victime au titre du "déficit fonctionnel permanent" sans tenir compte de la rente accident du travail versée par la caisse, a méconnu le principe de l'exacte réparation du préjudice notamment en faisant supporter à l'assureur du tiers responsable une indemnisation supérieure au préjudice de la victime et derechef violé les textes susvisés" ;

Vu

l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, et L. 434-2 du code de la sécurité sociale ; Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; Attendu que, statuant sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation dont Hamou X..., reconnu coupable de blessures involontaires sur la personne de Christian Y..., a été déclaré tenu à réparation intégrale, l'arrêt, après avoir estimé que la partie civile n'avait pas subi de pertes de revenus, a fixé l'indemnisation lui revenant au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, respectivement à 70 000 et 60 000 euros, a considéré que le montant du capital représentatif de la rente accident de travail, versé par la caisse primaire d'assurances maladie de Grenoble s'élevant à 135 694, 56 euros, devait s'imputer uniquement sur l'indemnité réparant l'incidence professionnelle ;

Attendu que, pour refuser

d'imputer cette rente sur la réparation du déficit fonctionnel permanent, les juges retiennent qu'il s'agit d'un préjudice personnel non indemnisé par la caisse primaire d'assurances maladie ;

Mais attendu

qu'en statuant ainsi, alors que, dans la mesure où son montant excède celui des pertes de revenu et l'incidence professionnelle, la rente servie en application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale répare nécessairement, en tout ou en partie, l'atteinte objective à l'intégrité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ; D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs

: CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 8 juin 2009,et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Krawiec ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;