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Tribunal administratif de Bordeaux, 6ème Chambre, 5 avril 2024, 2200023

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Bordeaux
  • Numéro d'affaire :
    2200023
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Rapporteur : Mme Jeanne Patard
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : VIGREUX
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés les 3 janvier 2022, 18 et 23 février 2023, Mme B C, représentée par Me Vigreux, avocate, demande au tribunal : 1°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 du directeur général de l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) en tant qu'il a considéré qu'elle serait redevable d'un dédit pour rupture de contrat d'engagement de servir de 33 008,12 euros et a mis à sa charge ladite somme ; 2°) d'annuler le titre exécutoire n°210159413061200 émis le 30 novembre 2021 par la direction spécialisée des finances publiques pour l'AP-HP ; 3°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme C soutient que : - l'arrêté est entaché d'un vice de forme dès lors qu'il n'est pas signé ; - il a été signé par une autorité incompétente pour ce faire ; - il est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il méconnaît les articles 2, 3 et 4 du décret n°91-1301 relatif aux modalités de remboursement des frais de formation d'un agent ayant souscrit un engagement de servir dans la fonction publique hospitalière, la somme en litige devant être mise à la charge du CHU de Bordeaux, son nouvel employeur. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, l'AP-HP conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n°91-1301 du 19 décembre 1991 ; - le décret n°2008-824 du 21 août 2008 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Mounic, - les conclusions de Mme Jeanne Patard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit

: 1. Mme B C, infirmière anesthésiste titulaire affectée à l'hôpital Necker-enfants malades de l'AP-HP a bénéficié du 2 octobre 2017 au 30 septembre 2019 d'une préparation au diplôme d'Etat d'infirmier anesthésiste, financée par son employeur, avec lequel elle a souscrit, le 14 décembre 2017, un engagement de servir de cinq ans. Elle a été recrutée à compter du 20 décembre 2020 par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux. Par la présente requête, Mme C demande au tribunal d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 du directeur général de l'AP-HP en tant qu'il met à sa charge la somme de 33 008,12 euros au titre de son engagement de service ainsi que, par voie de conséquence, le titre exécutoire émis le 30 novembre 2021 par la direction spécialisée des finances publiques pour l'AP-HP. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2021 2. D'une part, aux termes de l'article 87 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La démission ne peut résulter que d'une demande écrite du fonctionnaire marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions. / Elle n'a d'effet qu'autant qu'elle est acceptée par l'autorité investie du pouvoir de nomination et prend effet à la date fixée par cette autorité. / /La décision de l'autorité compétente doit intervenir dans le délai d'un mois. / L'acceptation de la démission rend celle-ci irrévocable. " L'article 100-1 de cette même loi, alors en vigueur, prévoit que : " Lorsqu'un fonctionnaire de l'un des établissements mentionnés à l'article 2 du présent titre et bénéficiaire d'une action de formation rémunérée, en contrepartie de laquelle il a souscrit un engagement de servir, vient à exercer ses fonctions dans un autre des établissements énumérés audit article, ce dernier rembourse à l'établissement d'origine les sommes correspondant aux traitements et charges financés pendant la durée de la formation, au prorata du temps restant à accomplir jusqu'à la fin de cet engagement ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière : " La formation professionnelle tout au long de la vie comprend principalement les actions ayant pour objet : / () 4° De permettre aux agents de suivre des études favorisant la promotion professionnelle, débouchant sur les diplômes ou certificats du secteur sanitaire et social dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " Les agents qui suivent une formation inscrite au plan de formation de l'établissement bénéficient, pendant leur temps de travail, du maintien de leur rémunération. Lorsqu'ils ont la qualité de fonctionnaire ils sont maintenus en position d'activité ou, le cas échéant, de détachement. / Par dérogation à l'alinéa précédent, dans le cas prévu au 4° de l'article 1er, les agents conservent le bénéfice de la majoration de traitement et du complément temporaire alloués aux fonctionnaires en service dans les collectivités d'outre-mer, dès lors que cette formation est suivie dans une collectivité d'outre-mer y ouvrant droit. / Dans les cas prévus aux 3° et 4° de l'article 1er, les agents conservent leur traitement, leur indemnité de résidence et leurs indemnités à caractère familial. Ils conservent les autres indemnités et primes lorsque la durée totale l'absence pendant les heures de service n'excède pas en moyenne une journée par semaine dans l'année ". L'article 9 alors en vigueur à la date de l'arrêté attaqué dispose que : " Lorsque, à l'issue d'une formation prévue au 4° de l'article 1er, l'agent qui a été rémunéré pendant sa formation obtient l'un des certificats ou diplômes lui donnant accès aux corps, grades ou emplois mentionnés par arrêté du ministre chargé de la santé, il est tenu de servir dans un des établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 modifiée susvisée pendant une durée égale au triple de celle de la formation, dans la limite de cinq ans maximum à compter de l'obtention de ce certificat ou diplôme. / Dans le cas où l'agent quitte la fonction publique hospitalière avant la fin de cette période, il doit rembourser à l'établissement auquel incombe la charge financière de sa formation les sommes perçues pendant cette formation, proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir ". 4. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 19 décembre 1991 relatif aux modalités de remboursement des frais de formation d'un agent ayant souscrit un engagement de servir dans la fonction publique hospitalière : " Les traitements et charges mentionnés à l'article 35 de la loi du 18 janvier 1991 susvisée comprennent : / 1° Les traitements bruts soumis à retenues ; / 2° Le cas échéant, l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement ; / 3° Les autres primes et indemnités perçues conformément à la réglementation en vigueur et n'ayant pas le caractère de remboursement de frais ; / 4° La part patronale des cotisations sociales obligatoires ainsi que la taxe sur les salaires ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Lorsqu'un agent est amené, dans l'un des cas prévus à l'article 4 du présent décret, à exercer ses fonctions dans un autre des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, le fonds pour l'emploi hospitalier mentionné dans le décret du 1er mars 1995 susvisé se substitue à l'établissement d'accueil dans l'obligation de remboursement que celui-ci a envers l'établissement d'origine en application de l'article 1er du présent décret ". Aux termes de l'article 4 du même texte : " Les dispositions prévues à l'article 3 du présent décret s'appliquent lorsque l'agent justifie auprès de l'organisme gestionnaire du fonds pour l'emploi hospitalier qu'il est dans l'une des situations suivantes : / - il exerce sa mobilité à la suite d'une opération de réorganisation le concernant telle que définie à l'article 2 du décret du 20 avril 2001 susvisé ; / - il est appelé à suivre son conjoint astreint à établir sa résidence habituelle en raison de son emploi dans un autre département que celui correspondant à la résidence administrative de l'agent, ou dans un établissement situé à une distance de 40 kilomètres au moins de celle-ci ; / - il établit sa résidence habituelle auprès de son conjoint ou d'un enfant à charge placé, en raison de son handicap ou de son état de santé, dans une institution spécifique dont la localisation contraint l'agent à changer de résidence administrative () ". L'article 6 de ce décret prévoit enfin que : " Dans le cas où l'agent qui a bénéficié des dispositions prévues à l'article 3 rompt tout lien avec la fonction publique hospitalière avant la fin de son engagement de servir, il rembourse à l'établissement qu'il quitte les sommes perçues pendant sa formation, proportionnellement au temps de service lui restant à accomplir. Ledit établissement les rétrocède au fonds pour l'emploi hospitalier ". 5. Il résulte des dispositions mentionnées aux points 2 à 4 que, lorsqu'un agent relevant de la fonction publique hospitalière, qui a bénéficié d'une action de formation rémunérée au titre du 4° de l'article 1er du décret du 21 août 2008, en contrepartie de laquelle il est soumis à un engagement de servir, démissionne ou rompt tout lien avec la fonction publique hospitalière avant la fin de son engagement de servir, il doit rembourser au dernier établissement dans lequel il a exercé ses fonctions, proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir, les sommes effectivement perçues pendant sa formation et qui correspondent aux montants figurant dans le " net à payer " de ses bulletins de salaires, majorées, le cas échéant, par le montant de l'impôt prélevé à la source et d'autres éléments, tels que la mutuelle, directement précomptés sur les bulletins de salaires de l'agent. En revanche, lorsqu'un fonctionnaire placé dans l'une des situations statutaires mentionnées au chapitre 4 de la loi du 9 janvier 1986 est amené à exercer ses fonctions, avant la fin de son engagement de servir, dans un autre établissement hospitalier que celui au sein duquel il a bénéficié de cette formation, l'obligation de remboursement qui est mise à la charge, selon les cas, de l'établissement d'accueil ou de l'organisme gestionnaire du fonds pour l'emploi hospitalier, correspond, au prorata du temps restant à accomplir jusqu'à la fin de cet engagement, aux traitements et charges, mentionnés à l'article 1er du décret du 19 décembre 1991, financés pendant la durée de la formation. 6. D'une part, il résulte de l'instruction que la requérante a suivi une formation d'infirmière anesthésiste (IADE), formation diplômante s'inscrivant dans le cadre d'une promotion professionnelle financée par l'AP-HP et était soumise à un engagement de service de cinq ans auprès de l'AP-HP. Il résulte de l'instruction qu'elle n'aurait effectué qu'un an deux mois et 20 jours de ce contrat. 7. D'autre part, contrairement à ce que soutient l'AP-HP, et bien que la rédaction de l'arrêté présente des erreurs de plume et des incohérences dès lors qu'il s'intitule " démission mutation ", qu'il vise la demande de mutation présentée par Mme C le 17 septembre 2020 mais arrête à l'article 1 que " La demande de démission est acceptée " et à l'article 2 qu'elle " est radiée des cadres () pour mutation auprès du CHU de Bordeaux en la même qualité ", il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait démissionné à compter du 21 décembre 2020. A l'inverse, il ressort du courrier de Mme C du 17 septembre 2020, réceptionné par l'AP-HP le même jour, qu'elle a demandé sans ambiguïté sa " mutation pour suivi de conjoint " au CHU de Bordeaux. Par courrier du 30 septembre 2020, adressé au CHU de Bordeaux et intitulé " Demande de mutation de Mme B A, infirmière-anesthésiste titulaire " l'APHP émet un avis favorable et donne son accord pour que le mouvement intervienne au 21 décembre 2020 et précise que le dossier médical et administratif seront adressés en courrier séparé, établissant ainsi qu'il s'agit bien d'une mutation. Par suite, conformément aux dispositions précitées de l'article 6 du décret du 19 décembre 1991, dès lors qu'elle n'a pas démissionné ni rompu tout lien avec la fonction publique hospitalière, il n'appartient pas à Mme C de rembourser à l'AP-HP, proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir, les sommes effectivement perçues pendant sa formation. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que l'arrêté est entaché d'une erreur de droit. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2021 en tant qu'il met à sa charge la somme de 33 008,12 euros au titre de son engagement de service ainsi que, par voie de conséquence, le titre exécutoire n°210159413061200 émis le 30 novembre 2021 par la Direction spécialisée des finances publiques pour l'AP-HP. Sur les frais d'instance 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 28 octobre 2021 est annulé en tant qu'il met à la charge de Mme C la somme de 33 008,12 euros pour rupture de contrat d'engagement de servir et par voie de conséquence, le titre exécutoire correspondant. Article 2 : L'AP-HP versera à Mme C la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C et à l'assistance publique des hôpitaux de Paris. Copie sera adressée pour information au Centre universitaire hospitalier de Bordeaux. Délibéré après l'audience du 15 mars 2024 à laquelle siégeaient : - M. Delvolvé, président, - Mme Mounic, première conseillère, - Mme Passerieux, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2024. La rapporteure S. MOUNIC Le président Ph. DELVOLVÉ Le greffier, A. PONTACQ La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier N°2200023

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