Cour administrative d'appel de Paris, 3ème Chambre, 21 avril 2022, 21PA02934

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
  • Numéro d'affaire :
    21PA02934
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Décision précédente :tribunal administratif de la Guyane, 30/06/2017
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000045639693
  • Rapporteur : Mme Gaëlle MORNET
  • Rapporteur public :
    Mme PENA
  • Président : Mme JULLIARD
  • Avocat(s) : SELARL MARIEMA - BOUCHET
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Paris
2022-04-21
Conseil d'État
2021-05-19
Conseil d'État
2021-05-19
cour administrative d'appel de Paris
2019-07-04
tribunal administratif de la Guyane
2017-06-30

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2015 par lequel le maire de Rémire-Montjoly a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section AS 1374 et AS 1806 ainsi que la décision du 30 mars 2016 de ce maire rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1600406 du 30 juin 2017, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 17PA23283 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de M. A..., annulé ce jugement, l'arrêté du 13 octobre 2015 et la décision du 30 mars 2016. Par une décision n° 435109 du 19 mai 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 octobre 2017, M. A..., représenté par Me Taoumi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2015 par lequel le maire de Rémire-Montjoly a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section AS 1374 et AS 1806 ainsi que la décision du 30 mars 2016 de ce maire rejetant son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Rémire-Montjoly la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne répond pas au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le maire de Rémire-Montjoly, qui n'a pas étudié sa demande au regard du paragraphe III de l'article NC1 du plan d'occupation des sols ; - l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé dès lors que le maire ne précise pas sur quelles dispositions il se fonde pour refuser l'autorisation sollicitée ; - les services instructeurs ont dénaturé sa demande dès lors que son projet a été requalifié en construction d'une habitation nécessaire et indispensable à l'exploitation d'une activité, alors que la demande concernait la construction d'une maison d'habitation familiale sans lien avec une activité déterminée ; le délai d'instruction particulièrement court de sa demande révèle cette erreur de droit ; - en raison de cette requalification erronée, sa demande n'a pas été examinée au regard du paragraphe III de l'article NC1 du plan d'occupation des sols ; - l'arrêté attaqué est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que son projet de construction respecte les trois conditions énoncées au paragraphe III de l'article NC1 du plan d'occupation des sols ; - les motifs tirés d'une incomplétude du dossier de demande sont entachés d'illégalité ; il a en effet produit l'étude d'un bureau d'études techniques attestant de la faisabilité de son projet ; par ailleurs, l'avis relatif au dispositif d'assainissement transmis à la commune est relatif à un projet de construction similaire ; sa demande ne méconnaît donc pas les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ; - le refus de permis de construire qui lui a été opposé est entaché de détournement de pouvoir et de procédure. Par deux mémoires enregistrés les 11 juin 2019 et 2 juillet 2021, la commune de Rémire-Montjoly, représentée par Me Bouchet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que - la recevabilité de la requête d'appel n'est pas établie ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. La clôture de l'instruction a été fixée au 10 décembre 2021.

Vu :

- le code de l'urbanisme, - le code général des collectivités territoriales, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit

: 1. M. A... est propriétaire de deux parcelles situées à Rémire-Montjoly, dans l'agglomération de Cayenne en Guyane. Il y exerce, par le biais d'une société, une activité de production d'engrais et de produits azotés. Il a présenté le 7 octobre 2015 une demande de permis de construire une maison individuelle sur ces parcelles cadastrées AS 1374 et AS 1806, classées en zone NC à vocation agricole du règlement du plan d'occupation des sols de la commune. Par un arrêté du 23 octobre 2015, le maire a refusé de lui délivrer le permis sollicité. M. A... a formé un recours gracieux, qui a été rejeté par une décision expresse du 30 mars 2016. Il relève appel du jugement du 30 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2015 et de la décision du 30 mars 2016. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. M. A... soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le maire de Rémire-Montjoly, qui n'aurait pas étudié sa demande de permis de construire au regard du paragraphe III de l'article NC1 du plan d'occupation des sols. Il ressort des termes du jugement que le tribunal, s'il a examiné le moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard dudit paragraphe III, n'a en revanche pas examiné le défaut d'examen invoqué. Il s'ensuit que le jugement est entaché d'omission à statuer et doit, par suite, être annulé pour irrégularité. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de la Guyane. Sur les conclusions à fin d'annulation : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. (...) ". L'arrêté du 23 octobre 2015 portant refus de délivrance de permis de construire vise l'ensemble des textes dont il fait application et énonce les motifs qui en constituent le fondement, à savoir une méconnaissance de l'article NC1 du plan d'occupation des sols par la construction projetée, et une incomplétude du dossier en matière d'assainissement et d'étude de risque géotechnique. Il est ainsi suffisamment motivé. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) / e) Lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou un plan de prévention des risques miniers (...) à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception (...) ". 6. Pour refuser le permis de construire demandé, l'arrêté attaqué expose que le terrain d'assiette de la construction projetée est situé en zone de précaution du plan de prévention des risques naturels de mouvements de terrains de l'Île-de-Cayenne, ce qui imposait, en application des dispositions précitées, la production par le pétitionnaire d'une attestation certifiant la réalisation d'une étude préalable relative à la prise en compte de ces conditions spécifiques dans la conception du projet. Or, il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire, déposée par un architecte agréé, comportait une étude réalisée en janvier 2013 par un cabinet spécialisé, examinant l'ensemble des risques géotechniques présentés par la construction d'une maison d'habitation en rez-de-chaussée, comme c'est le cas en l'espèce. Aucune pièce du dossier ne permet de présumer que cette étude serait insuffisante par rapport aux exigences réglementaires ou que l'architecte auteur du projet ne l'aurait pas prise en compte lors de la conception de la maison d'habitation faisant l'objet de la demande. Si l'arrêté litigieux fait grief au dossier de demande de ne pas comprendre d'attestation formelle de l'architecte en ce sens, il est constant que le service instructeur n'a adressé au demandeur aucune demande de produire cette pièce manquante dans les conditions prévues à l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme. Le maire ne pouvait donc opposer le caractère incomplet du dossier pour rejeter la demande. M. A... est par suite fondé à soutenir que ce motif est entaché d'illégalité. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / (...) c) Le document attestant de la conformité du projet d'installation d' assainissement non collectif au regard des prescriptions réglementaires, prévu au 1° du III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, dans le cas où le projet est accompagné de la réalisation ou de la réhabilitation d'une telle installation (...) ". L'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales dispose : " (...) III.- Pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte, la commune assure le contrôle des installations d'assainissement non collectif. Cette mission consiste : / 1° Dans le cas des installations neuves ou à réhabiliter, en un examen préalable de la conception joint, s'il y a lieu, à tout dépôt de demande de permis de construire ou d'aménager et en une vérification de l'exécution. A l'issue du contrôle, la commune établit un document qui évalue la conformité de l'installation au regard des prescriptions réglementaires (...) ". 8. Pour refuser le permis de construire sollicité, l'arrêté du 23 octobre 2015 relève que la conformité du dispositif d'assainissement individuel de la construction projetée avec la réglementation actuellement en vigueur ne peut être établie avec certitude, dès lors que l'avis favorable de la communauté de communes du Centre Littoral (CACL), compétente pour examiner la conformité du dispositif d'assainissement individuel, est daté du 19 novembre 2012 et concerne un précédent projet de construction. Toutefois, M. A... a produit à l'appui de son recours gracieux un document émanant de la communauté de communes indiquant qu'à la date du 4 janvier 2016, cet " avis reste toujours valable et les dimensionnements validés restent inchangés ", alors qu'il n'est pas précisé en quoi le dispositif d'assainissement individuel, tel qu'il est décrit sur le plan de masse PC 2.2 joint à la demande, serait différent du précédent projet. Par suite, le maire de la commune de Rémire-Monjoly ne pouvait légalement refuser d'accorder l'autorisation sollicitée au motif que la conformité du dispositif d'assainissement individuel à la réglementation existante n'était pas établie. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article NC1 du plan d'occupation des sols de la commune de Rémire-Montjoly : " (...) / II. Ne sont admises que les occupations et utilisations du sol ci-après : (...) 2. Les constructions à usage d'habitation dont la présence est nécessaire pour le gardiennage des installations agricoles ou des carrières (...). / III. Sont également admises les occupations ou utilisations du sol suivantes sous réserve qu'elles respectent les conditions ci-après : / La construction d'une maison à usage d'habitation autre que celle visée à l'article NC 1-II à condition : / - qu'elle soit desservie par les réseaux collectifs d'eau potable, d'électricité, de téléphone ; / - que des voies d'accès revêtues soient réalisées ; / - que la construction s'accompagne de la mise en valeur ou de l'aménagement de l'ensemble de la parcelle. ". 10. M. A... soutient que sa demande de permis de construire n'a pas été examinée par le maire au regard des dispositions dérogatoires précitées du paragraphe III de l'article NC1 du plan d'occupation des sols, mais seulement au regard de son paragraphe II. Il ressort toutefois des termes de l'arrêté attaqué que, si le maire a d'abord estimé que la construction projetée ne pouvait être regardée comme une maison à vocation de gardiennage au sens du paragraphe II de l'article NC1, il a ensuite considéré, " au surplus et en référence à la vocation actuelle du terrain (...) d'assiette ainsi qu'à l'état d'aménagement des voies d'accès, que le demandeur ne [pouvait] se prévaloir des dispositions de l'article NC1-3 du plan d'occupation des sols ". Il a ainsi refusé de délivrer l'autorisation sollicitée tant au regard du paragraphe II que du paragraphe III de l'article NC1. La circonstance que le délai d'instruction de la demande, introduite le 10 octobre 2015, aurait été particulièrement court ne peut en aucun cas révéler le défaut d'examen allégué et est donc sans incidence à cet égard. 11. En cinquième lieu, l'arrêté du 23 octobre 2015 est notamment fondé, comme il vient d'être dit, sur la circonstance que la construction projetée, qui n'est pas une maison à vocation de gardiennage des installations agricoles déjà présentes sur le terrain, ne remplit pas l'une des conditions énoncées au paragraphe III de l'article NC1 du plan d'occupation des sols, cité au point 5 du présent arrêt, s'agissant de l'état d'aménagement des voies d'accès ; il est par ailleurs fait " référence à la vocation actuelle du terrain ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la parcelle appartenant à M. A... est bien desservie par une voie d'accès revêtue, et que les dispositions du III de l'article NC1 ne comportent pas de restrictions relatives à la " vocation actuelle " du terrain d'assiette. Le requérant est par suite fondé à soutenir que le motif ainsi opposé par le maire de Rémire-Montjoly est entaché d'illégalité. 12. La commune de Rémire-Montjoly fait cependant valoir en appel que le projet de construction ne remplit pas une autre des trois conditions cumulatives permettant à titre dérogatoire la délivrance d'une autorisation de construire, énoncée au paragraphe III de l'article NC1 précité du plan d'occupations des sols et relative à la nécessité d'accompagner la construction projetée " de la mise en valeur ou de l'aménagement de l'ensemble de la parcelle ". Or, il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire une maison individuelle, dont l'implantation était prévue au sud-est du terrain d'assiette, ne comportait aucun élément relatif à la mise en valeur ou à l'aménagement de l'ensemble de la parcelle, laquelle supporte déjà à l'ouest des bâtiments agricoles mais ne fait l'objet d'aucun aménagement dans sa partie nord-est. Il y a lieu par suite de substituer ce motif à ceux de la décision attaquée qui sont entachés d'illégalité, cette substitution ne privant M. A..., qui n'établit ni en première instance ni en appel que son projet de construction satisferait à la condition en cause et qui a été mis à même de faire valoir ses observations sur ledit motif, d'aucune garantie procédurale. 13. En dernier lieu, si M. A... soutient que les décisions attaquées sont entachées de détournement de pouvoir et de procédure dès lors qu'il aurait refusé de céder gratuitement une partie de son terrain à la demande d'un agent de la commune, il ne l'établit par aucune des pièces produites au dossier. 14. Il résulte de tout ce qui précède que, dès lors que le motif de substitution énoncé au point 12 du présent arrêt suffit à lui seul à justifier le refus de permis de construire attaqué, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2015 du maire de Rémire-Montjoly ainsi que de la décision du 30 mars 2016 rejetant son recours gracieux. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Rémire-Montjoly, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme de 1 000 euros à la commune de Rémire-Montjoly, sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1600406 du 30 juin 2017 du tribunal administratif de la Guyane est annulé. Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de la Guyane ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : M. A... versera la somme de 1 000 euros à la commune de Rémire-Montjoly en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Rémire-Montjoly. Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient : - Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure, - Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère, - Mme Gaëlle Mornet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2022. La rapporteure, G. C...La présidente, M. D... Le greffier, É. MOULIN La République mande et ordonne au préfet de la région Guyane, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA02934