Chronologie de l'affaire
Cour nationale de l'incapacité et de la tarification 11 mars 2009
Cour de cassation 03 juin 2010

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 3 juin 2010, 09-66767

Mots clés sécurité sociale · service · caisse · médical · recours · société · assurance · maladie · rapport · primaire · tribunal du contentieux de l'incapacité · taux · incapacité · médecin · possession

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 09-66767
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification, 11 mars 2009
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau et Fattaccini

Chronologie de l'affaire

Cour nationale de l'incapacité et de la tarification 11 mars 2009
Cour de cassation 03 juin 2010

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 11 mars 2009), que la caisse primaire d'assurance maladie du Jura (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle l'accident dont avait été victime M. X..., salarié de la société Félix Baroni (la société) et a fixé à 25 % le taux de l'incapacité permanente partielle en résultant ; que la société a contesté devant une juridiction du contentieux de l'incapacité l'opposabilité de la décision de la caisse fixant ce taux ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de déclarer sa décision inopposable à la société, alors, selon le moyen :

1°/ que le secret médical, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi ; qu'en l'absence de dérogation expressément prévue par la loi, un médecin du service du contrôle médical de la sécurité sociale ne peut être contraint à fournir à un tiers des informations couvertes par le secret médical sans l'accord de la personne concernée, serait-ce par l'intermédiaire d'un médecin désigné par ce tiers ; que l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, texte réglementaire, ne peut déroger au secret médical ; qu'en jugeant le contraire, et en déclarant inopposable à l'employeur la décision de la caisse primaire d'assurance maladie fixant le taux d'IPP d'une victime d'accident du travail au prétexte que ce dernier n'aurait pas eu communication des pièces médicales ayant permis cette fixation, la Cour nationale a violé les articles 226-13 et 226-14 du code pénal, ensemble les articles L. 1110-4, R. 4127-4 et R. 4127-104 du code de la santé publique, l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'une partie ne peut se voir reprocher le défaut de communication de pièces qui ne sont pas en sa possession et qu'elle est dans l'impossibilité d'obtenir ; qu'il résulte des articles R. 4127-104 du code de la santé publique et R. 434-32 (R. 434-35 avant le décret n° 2006-111 du 2 février 2006) du code de la sécurité sociale que les pièces médicales sur la base desquelles les médecins du service du contrôle médical déterminent le taux d'IPP sont en la possession dudit service et non de la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'en outre, le service du contrôle médical est indépendant de la caisse ; que dès lors, le refus de communication de pièces médicales opposé par ce service ne peut avoir pour conséquence de rendre inopposable à l'employeur la décision de la caisse fixant le taux d'IPP d'une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle ; qu'en jugeant le contraire, la Cour nationale a violé les textes susvisés, ensemble les articles L. 224-7, R. 315-2 et R. 315-6 du code de la sécurité sociale, et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que satisfait aux exigences de l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale la caisse qui transmet au secrétariat de la juridiction les documents médicaux concernant l'affaire, le secrétariat transmettant par la suite ces documents au requérant qui peut ainsi faire valoir ses droits dans le cadre d'une débat contradictoire ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté par les parties que la caisse avait transmis le rapport médical du salarié au secrétariat du tribunal du contentieux de l'incapacité, et que ce rapport médical avait par la suite été transmis par ledit secrétariat au médecin désigné par l'employeur; qu'en considérant que la caisse n'aurait pas satisfait aux exigences de l'article R. 143-8 précité au prétexte qu'elle n'aurait pas transmis directement ce document au médecin désigné par l'employeur, la Cour nationale a violé les articles R. 143-8 et R. 143-13 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale oblige seulement la caisse a présenter ses observations écrites et à transmettre les documents médicaux concernant l'affaire dans le délai de dix jours qui lui est imparti par le secrétariat du tribunal ; qu'elle n'a pas à donner de précision quant à la nature des pièces transmises; qu'en considérant que la caisse n'aurait pas satisfait aux exigences de l'article R. 143-8 précité au prétexte qu'elle n'aurait pas apporté de précisions quant à la nature des pièces transmises, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, que la caisse n'apporte la preuve ni d'avoir transmis directement le rapport médical au médecin désigné par la société, ni d'avoir fourni des précisions quant à la nature des pièces transmises ; qu'ensuite, si la caisse soutient qu'elle ne peut produire de tels documents en raison d'un empêchement légitime invoqué par le service médical, ce service relevant de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, cette situation ne concerne que les rapports des deux organismes sociaux ; qu'enfin, les textes ont prévu l'exercice effectif de recours des parties concernées contre les décisions des caisses primaires d'assurance maladie, lesquelles se doivent de communiquer les pièces qui ont déterminé la fixation du taux d'incapacité permanente partielle afin de permettre un déroulement normal de l'instance devant les tribunaux saisis d'une contestation de leurs décisions ;

Que de ces énonciations la cour d'appel a exactement déduit que la caisse n'ayant pas fourni les pièces nécessaires à un réel débat contradictoire sur la fixation du taux d'incapacité permanente partielle, l'employeur n'avait pu exercer de manière effective son droit de recours, de sorte que la décision de la caisse ne lui était pas opposable ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche et qui vise un motif surabondant en sa quatrième, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Jura aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura ; la condamne à payer à la société Félix Baroni la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie du Jura

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré inopposable à la société FELIX BARONI la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du 30 septembre 2004 ayant fixé à 25% le taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur X...

AUX MOTIFS QUE les textes du Code de la sécurité sociale ont prévu l'exercice par les parties concernées d'un recours effectif à l'encontre des décisions des caisses primaires d'assurance maladie fixant le taux d'incapacité permanente partielle attribué à un salarié, en cas de séquelles médicales d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ; que ce recours, devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, doit bénéficier du principe du contradictoire et des dispositions du procès équitable prévues par le Code de procédure civile, le Code de la sécurité sociale et les articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Hommes ; que la société reproche à la caisse primaire d'assurance maladie le non-respect des dispositions de l'article R. 143-8 du Code de la sécurité sociale ; que cet article dispose que lors d'un recours, la caisse primaire d'assurance maladie doit fournir aux parties et au secrétariat du tribunal du contentieux de l'incapacité les documents médicaux concernant l'affaire, dans un délai de dix jours ; que la caisse primaire d'assurance maladie indique avoir transmis au tribunal du contentieux de l'incapacité le rapport médical ; que toutefois, elle n'apporte ni la preuve d'une transmission directe d'un tel document au médecin désigné par la société, ni de précisions quant à la nature des pièces transmises ; que par ailleurs, la caisse primaire d'assurance maladie soutient qu'elle ne peut fournir de tels documents en raison d'un empêchement légitime invoqué par le service médical, service qui a proposé le taux d'incapacité permanente partielle et qui dispose des pièces médicales nécessaires à l'examen du litige ; que le service du contrôle médical, service indépendant de la caisse primaire d'assurance maladie, relève de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ; que la cour constate tout d'abord que cette situation concerne les rapports de deux organismes sociaux, la caisse primaire d'assurance maladie et le service médical, qui dépendent de structures différentes ; que la cour observe par ailleurs que les textes ont prévu l'exercice effectif de recours des parties concernées à l'égard des seules caisses primaires d'assurance maladie, organismes fixant et notifiant le taux d'incapacité permanente partielle faisant grief ; qu'à ce titre, la caisse, organisme décisionnaire, se doit de communiquer les pièces qui ont déterminé la fixation du taux d'incapacité permanente partielle permettant un déroulement normal de l'instance devant les tribunaux à l'encontre de l'une de ses décision ; que la caisse primaire d'assurance maladie comme toute partie à un procès, se doit de respecter les dispositions des articles 9 et 16 du Code de procédure civile permettant l'exercice de réels recours à l'encontre de ses décisions ; que la Cour doit faire respecter le principe du contradictoire conformément aux textes nationaux et européens entre les parties ; que le recours prévu par les textes précise clairement que celui-ci est exercé à l'encontre de la seule caisse qui fixe et notifie des décisions faisant grief ; que dans ces conditions, l'empêchement légitime invoqué par le service médical ne concerne que les rapports de la caisse avec ce service et ne peut être légitimement invoqué par la caisse de manière à rendre ineffectif l'exercice du recours ; que la Cour nationale ne peut que constater la carence de la caisse qui n'a pas satisfait aux exigences de l'article R. 143-8 du Code de la sécurité sociale, des articles 9 et suivants du Code de procédure civile ainsi qu'aux dispositions prévues par la Convention européenne des Droits de l'Homme ; qu'il s'en déduit que le recours introduit par la société FELIX BARONI ne pouvant s'exercer dans les conditions prévues par les textes susvisés, la décision de la caisse primaire d'assurance maladie lui faisant grief devra être déclarée inopposable.

1° - ALORS QUE le secret médical, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi ; qu'en l'absence de dérogation expressément prévue par la loi, un médecin du service du contrôle médical de la sécurité sociale ne peut être contraint à fournir à un tiers des informations couvertes par le secret médical sans l'accord de la personne concernée, serait-ce par l'intermédiaire d'un médecin désigné par ce tiers ; que l'article R. 143-8 du Code de la Sécurité Sociale, texte réglementaire, ne peut déroger au secret médical ; qu'en jugeant le contraire, et en déclarant inopposable à l'employeur la décision de la CPAM fixant le taux d'IPP d'une victime d'accident du travail au prétexte que ce dernier n'aurait pas eu communication des pièces médicales ayant permis cette fixation, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé les articles 226-13 et 226-14 du Code Pénal, ensemble les articles L. 1110-4, R. 4127-4 et R. 4127-104 du Code de la santé publique, l'article L. 162-2 du Code de la sécurité sociale et l'article 8 de la CEDH.

2° - ALORS en outre QU' une partie ne peut se voir reprocher le défaut de communication de pièces qui ne sont pas en sa possession et qu'elle est dans l'impossibilité d'obtenir ; qu'il résulte des articles R. 4127-104 du Code de la santé publique et R. 434-32 (R 434-35 avant le décret n° 2006-111 du 2 février 2006) du Code de la sécurité sociale que les pièces médicales sur la base desquelles les médecins du service du contrôle médical déterminent le taux d'IPP sont en la possession dudit service et non de la CPAM ; qu'en outre, le service du contrôle médical est indépendant de la CPAM ; que dès lors, le refus de communication de pièces médicales opposé par ce service ne peut avoir pour conséquence de rendre inopposable à l'employeur la décision de la CPAM fixant le taux d'IPP d'une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle ; qu'en jugeant le contraire, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé les textes susvisés, ensemble les articles L. 224-7, R. 315-2 et R. 315-6 du Code de la sécurité sociale, et l'article 8 de la CEDH.

3° - ALORS, en tout état de cause QUE satisfait aux exigences de l'article R. 143-8 du Code de la sécurité sociale la caisse qui transmet au secrétariat de la juridiction les documents médicaux concernant l'affaire ; le secrétariat transmettant par la suite ces documents au requérant qui peut ainsi faire valoir ses droits dans le cadre d'une débat contradictoire ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté par les parties que la caisse avait transmis le rapport médical du salarié au secrétariat du tribunal du contentieux de l'incapacité, et que ce rapport médical avait par la suite été transmis par ledit secrétariat au médecin désigné par l'employeur; qu'en considérant que la caisse n'aurait pas satisfait aux exigences de l'article R. 143-8 précité au prétexte qu'elle n'aurait pas transmis directement ce document au médecin désigné par l'employeur, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé les articles R. 143-8 et R. 143-13 du Code de la sécurité sociale.

4° - ALORS, en tout état de cause QUE l'article R. 143-8 du Code de la sécurité sociale oblige seulement la caisse a présenter ses observations écrites et à transmettre les documents médiaux concernant l'affaire dans le délai de dix jours qui lui est imparti par le secrétariat du tribunal ; qu'elle n'a pas à donner de précision quant à la nature des pièces transmises; qu'en considérant que la caisse n'aurait pas satisfait aux exigences de l'article R. 143-8 précité au prétexte qu'elle n'aurait pas apporté de précisions quant à la nature des pièces transmises, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé l'article R. 143-8 du Code de la sécurité sociale.