AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 15 décembre 1994 la société Evasion Caraïbes a vendu le navire "Le Rolander" à M. X... ; que l'association Centre de plongée subaquatique méridien (l'association) a effectué des travaux de réparation sur ce navire ; que celui-ci étant grevé d'une hypothèque inscrite antérieurement à la vente et au profit de la société Sodema, M. X... a assigné la société Evasion Caraïbes et M. Y... en résolution de la vente et en paiement de dommages-intérêts et l'association a assigné ceux-ci en paiement des frais de réparation et de dommages-intérêts ;
Sur les premier et deuxième moyens
, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu que M. Y... et la société Evasion Caraïbes reprochent à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation de la vente du navire "Le Rolander" pour dol aux torts de la société Evasion Caraïbes et d'avoir condamné cette dernière, solidairement avec M. Y..., à la restitution du prix et au paiement de diverses sommes au profit de M. X... et de l'association, alors, selon le moyen :
1 / que le dol revêt un caractère intentionnel ; qu'en se bornant à relever le caractère erroné de la mention, figurant à l'acte de vente, suivant laquelle le navire n'était pas grevé de sûretés maritimes, sans faire ressortir que cette inexactitude procédait de la volonté délibérée de la société Evasion Caraïbes de tromper son contractant, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles
1116 et
1382 du Code civil ;
2 / que l'énonciation de l'arrêt, suivant laquelle la connaissance par le vendeur d'une inscription hypothécaire serait au demeurant probable, de même que l'énonciation figurant au jugement, dont les motifs sont réputés avoir été adoptés, au terme de laquelle certains éléments du dossier laissent à penser que la société Evasion Caraïbes avait eu connaissance de l'inscription hypothécaire, sont dubitatives ; qu'ainsi, l'arrêt a été rendu en violation de l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que le dol, qui constitue un vice du consentement, entraîne, soit la nullité du contrat, soit une réduction du prix ; qu'en revanche, il ne saurait justifier, faute de se rattacher à l'exécution du contrat, sa résolution ou encore sa résiliation ; qu'en prononçant néanmoins la résiliation de la vente du navire, motif pris d'un dol, les juges du fond ont violé, en tout état de cause, les articles
1116 et
1184 du Code civil ;
4 / que dès lors que la vente est un contrat à exécution instantanée, sa résolution produit nécessairement un effet rétroactif ;
qu'en cas d'impossibilité de restituer, il n'y a pas matière à résolution de la vente, le vendeur pouvant seulement prétendre à l'allocation de dommages et intérêts ; qu'en décidant néanmoins que la résiliation du contrat de vente ne devait produire d'effet que pour l'avenir, la cour d'appel, qui au reste n'a constaté aucun élément de nature à faire conclure à l'impossibilité de restituer, a violé les articles
1134,
1184 et
1583 du Code civil ;
5 / que la cour d'appel ne pouvait tout à la fois décider que la résiliation du contrat de vente ne produirait d'effets que pour l'avenir et ordonner la restitution du prix, l'obligation de restituer postulant un anéantissement rétroactif, ce en quoi, elle a de nouveau violé l'article
1184 du Code civil ;
6 / que si en règle générale, le vendeur, partie à un contrat de vente annulé ou résolu, n'est pas fondé, à raison de la rétroactivité dont est assorti l'anéantissement du contrat, à demander paiement à l'acquéreur d'une indemnité correspondant au profit qu'il a retiré de l'utilisation du bien vendu antérieurement à restitution, au cas d'espèce, rien ne faisait obstacle au paiement d'une telle indemnité puisque, précisément, les juges du fond ont fait ressortir que l'anéantissement de la vente ne produisait d'effet que pour l'avenir ; qu'à cet égard encore, l'arrêt a été rendu en violation de l'article
1184 du Code civil ;
7 / que faute d'avoir recherché, ainsi qu'elle y était pourtant invité, si, le navire n'ayant toujours pas été restitué à la date où la cour d'appel a statué, en dépit de l'exécution provisoire dont était assortie la décision des premiers juges, la société Evasion Caraïbes n'était pas en droit d'obtenir paiement, à tout le moins, d'une indemnité d'occupation au titre de la période postérieure au jugement entrepris, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1184 et
1382 du Code civil ;
8 / qu'en ordonnant la restitution de la totalité du prix de vente payé par l'acquéreur, sans tenir compte de la dépréciation du navire spécialement invoquée dans les conclusions récapitulatives de la société Evasion Caraïbes et de M. Y..., la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé, de ce fait, l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé qu'il résulte d'un certificat émanant du conservateur des hypothèques maritimes de Fort-de-France que le navire "Le Rolander" est grevé d'une hypothèque prise à la requête de la Soderag, le 27 août 1989, pour un certain montant et constaté que dans l'acte de vente du navire du 15 décembre 1994, le vendeur a déclaré qu'il n'existait pas d'inscription hypothécaire sur ce navire, l'arrêt retient, sans adopter les motifs du jugement, que le vendeur ne s'est pas assuré de la réalité de cette mention et, en conséquence, prononce la "résiliation" de la vente en raison de l'impossibilité pour l'acheteur d'obtenir la mutation régulière de la propriété du navire ce dont il résulte que la vente est résolue pour manquement du vendeur à son obligation de garantir à l'acheteur la possession paisible de la chose vendue et non pour dol du vendeur ; que le moyen manque en fait ;
Mais
sur le troisième moyen
, pris en sa première branche :
Vu les articles
1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner M. Y... en qualité de gérant de fait de la société Evasion Caraïbes, à payer diverses sommes d'argent à M. X... et à l'association l'arrêt retient qu'il résulte des documents versés aux débats que M. Y... s'est comporté vis-à-vis de l'acheteur du navire comme le seul représentant légal apparent de la société propriétaire du navire ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser une activité positive de gestion ou de direction exercée en toute indépendance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Y... à payer diverses sommes d'argent à M. X... et à l'association Centre de plongée subaquatique méridien, l'arrêt rendu le 28 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne l'association Centre de plongée subaquatique méridien, la société Sodema, qui vient aux droits de la société Soderag et M. X... aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Y..., de la société Evasion Caraïbes, de M. X..., de l'association Centre de plongée subaquatique méridien et de la société Sodema ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du sept janvier deux mille trois.