Donne acte à la société Frédéric X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le GFA Vignoble Bernard Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué
, que la société Pierre Y... Fils, qui exploite à Gevrey Chambertin (Côte d'Or) une parcelle de terre au lieudit... donnée à bail par le GFA Vignoble Bernard Y... et qui commercialise des bouteilles de vin portant la mention " clos de la justice ", est titulaire d'une marque figurative comportant notamment la dénomination " clos de la justice " pour désigner en classe 33 les vins AOC Gevrey Chambertin provenant exclusivement du " clos de la justice " ; qu'ayant découvert que l'eurl Frédéric X... commercialisait des bouteilles de vin sous la dénomination " clos de la justice ", la société Pierre Y... Fils et le GFA Vignoble Pierre Y... ont sollicité sa condamnation pour contrefaçon de marque et actes de parasitisme ;
Sur le moyen
unique pris en sa deuxième branche :
Vu
les articles
L. 713-2 et
L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour accueillir
l'action en contrefaçon de marque, la cour d'appel retient que la société Frédéric X... a utilisé la dénomination " Clos de la Justice ", marque protégée conformément à l'article
L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle, pour commercialiser des vins élaborés à partir de raisins provenant de la propriété jouxtant l'exploitation de la société Pierre Y... fils et du GFA Vignoble Bernard Y... et qui ne pouvaient donc prétendre qu'à l'appellation " Gevrey Chambertin " ou à la dénomination de " Gevrey Chambertin La Justice " ;
Attendu qu'en statuant ainsi
, sans procéder à une analyse comparative de la marque opposée et de l'étiquette incriminée alors que celles-ci n'étaient pas constituées de la seule dénomination " Clos de la Justice " mais comportaient d'autres éléments et sans rechercher si l'impression d'ensemble produite par les signes en présence étaient susceptibles de générer, pour le consommateur d'attention moyenne, un risque de confusion quant à l'origine des produits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur la troisième branche du moyen
:
Vu
l'article
1382 du code civil ;
Attendu que pour accueillir l'action en concurrence déloyale et agissements parasitaires, l'arrêt retient
qu'en ayant imité servilement la dénomination " Clos de la Justice ", pour étiqueter et commercialiser des bouteilles de vin élaboré à partir de raisins acquis auprès de la SCEA Domaine Chazans louant une parcelle cadastrée A1 280 au lieu-dit... alors que la dénomination " Clos de la Justice " incarnait la singularité des bouteilles de vin produites par la société Pierre Y... fils, la société Frédéric X... a commis une faute consistant à vouloir profiter sans frais du travail réalisé par son concurrent durant des décennies pour faire connaître sa production viticole ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi
, sans caractériser des faits distincts de ceux à raison desquels elle prononçait condamnation au titre de la contrefaçon, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Pierre Y... fils aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Frédéric X... la somme de 2 500 euros ; rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Frédéric X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné L'EURL FREDERIC X... à verser à la SA PIERRE Y... FILS la somme de 100. 000 € à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et d'avoir ordonné sous astreinte la destruction de la totalité des étiquettes portant la mention « CLOS DE LA JUSTICE » actuellement en stock dans les locaux de l'EURL FREDERIC X... ou apposées sur des bouteilles déjà vendues ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il n'est pas contesté par les parties que l'appellation litigieuse GEVREY CHAMBERTIN CLOS DE LA JUSTICE ne relève pas de la classe des premiers crus mais de celle des appellations communales ; que le décret du 19 août 1921 admet toutefois que les vins issus de vignes classées en appellation communale peuvent être accompagnées d'un nom de climat (lieu-dit cadastral) s'ils sont élaborés à partir de raisins exclusivement issus de parcelles portant le nom de ce climat et à condition que le nom du climat soit imprimé en caractères plus petits ; que c'est ainsi qu'aucun litige ne serait né entre les parties si les vins élaborés par l'EURL FREDERIC X... avaient été commercialisés sous l'appellation « GEVREY CHAMBERTIN LA JUSTICE » ; que la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE » est utilisée depuis plus d'un siècle par le domaine Y... ainsi qu'en font foi les catalogues datés du début du vingtième siècle versés aux débats ; qu'un aussi long usage est corroboré par le fait que les vignes implantées sur la parcelle dont le climat est La Justice sont clôturées de murs pluricentenaires en pierres de taille empilées et dont la grille en fer forgé est surmontée depuis une époque indéterminée mais fort ancienne de l'inscription « CLOS DE LA JUSTICE » ; que consulté en 1966 sur la légitimité à se prévaloir de la dénomination CLOS DE LA JUSTICE, l'Institut National des Appellations d'Origine a donné son assentiment à la Société PIERRE Y... au double motif qu'elle justifiait d'un usage très ancien et que les vignes étaient entièrement ceintes de murs ; que L'EURL FREDERIC X... conteste la légitimité des intimés à se prévaloir de l'exclusivité de l'usage de la dénomination CLOS DE LA JUSTICE aux motifs que l'arrêt de la Cour d'appel de DIJON en date du 30 mars 2006 ayant constaté que la propriété du Clos de la Justice n'a pas toujours été transmise par voie exclusivement successorale aurait ainsi mis fin au monopole conventionnel d'usage de Pierre Y... sur la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE » matérialisé par l'engagement du propriétaire de la parcelle joignant de midi l'immeuble vendu par acte authentique du 26 avril 1968 à ne pas dénommer commercialement « CLOS DE LA JUSTICE » aussi bien le fonds que les récoltes qui en proviendraient ; que c'est au prix d'une lecture erronée des énonciations de cet arrêt que l'EURL FREDERIC X... soutient qu'elle est en droit d'utiliser la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE » alors que les demandes de la Société PIERRE Y... FILS sont fondées sur le droit commun dont l'interdiction d'attribuer le nom « CLOS DE LA JUSTICE » à des vins qui ne proviennent pas du clos concerné ; … ; qu'en ayant imité servilement la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE », pour étiqueter et commercialiser des bouteilles de vin élaboré à partir de raisins acquis auprès de la SCEA DOMAINE CHAZANS louant une parcelle cadastrée AI 280 au lieu-dit « La Justice », alors que la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE » incarnait la singularité des bouteilles de vin produites par la SA PIERRE Y... FILS, l'EURL FREDERIC X... a commis une faute consistant à vouloir profiter sans frais du travail réalisé par son concurrent durant des décennies pour faire connaître sa production viticole, ce qui établit les actes de parasitisme commercial et de concurrence déloyale reprochés à l'EURL FREDERIC X... ; qu'en ayant utilisé la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE », marque protégée conformément à l'article
L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle, pour commercialiser des vins élaborés à partir de raisins provenant de la propriété jouxtant l'exploitation de la SA PIERRE Y... FILS et du GFA VIGNOBLE BERNARD Y... et qui ne pouvaient donc prétendre qu'à l'appellation « GEVREY CHAMBERTIN » ou à la dénomination de « GEVREY CHAMBERTIN LA JUSTICE », l'EURL FREDERIC X... a commis un acte de contrefaçon de marque ; qu'au vu des éléments dont elle dispose, la Cour estime devoir fixer à 100. 000 € le montant du préjudice subi par la SA PIERRE Y... FILS ; que l'EURL FREDERIC X... sera donc condamnée à verser à la SA PIERRE Y... FILS cette somme à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 26 avril 2006 ; que le GFA VIGNOBLE BERNARD Y... ne justifiant pas d'un préjudice personnel sera débouté de ses prétentions ainsi que l'a dit et jugé le jugement entrepris ; que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la destruction des étiquettes portant la mention « CLOS DE LA JUSTICE » actuellement en stock dans les locaux de l'EURL FREDERIC X... ou apposées sur des bouteilles déjà vendues ; qu'ajoutant au jugement entrepris, cette destruction des étiquettes sera assortie d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard passé un délai de quinze jours après la signification du présent arrêt » (cf. arrêt p. 6 et 7) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il résulte des débats que depuis 1864, à GEVREY, devenu GEVREY-CHAMBERTIN (Côte d'Or), la famille Y... exploite une parcelle de terre cadastrée AI 368 au lieu-dit « La justice » ; que la SA PIERRE Y... FILS exploite cette parcelle selon les règles « traditionnelles », avec limitation des quantités produites et vente à des professionnels sélectionnés ; que depuis plusieurs décennies, les étiquettes des bouteilles de vin commercialisées portent la mention « CLOS DE LA JUSTICE » ; que depuis l'année 2000, l'EURL FREDERIC X... achète des raisins auprès de la SCEA DOMAINE CHAZANS, qui loue une parcelle cadastrée AI 280 au lieu-dit « La Justice » ; que cette EURL commercialise ses bouteilles avec l'indication « Clos de la Justice » au motif que les raisins proviennent de la parcelle susmentionnées qui est entièrement close de murs ; qu'en imitant de manière servile la dénomination originale « CLOS DE LA JUSTICE » qui faisait l'unicité et la singularité de bouteilles de vin déjà vendues au public, et en l'apposant sur un produit identique susceptible d'être comparé à l'original, L'EURL FREDERIC X... a commis une faute consistant à profiter sans aucun frais du travail réalisé par la SA PIERRE Y... FILS durant des décennies pour faire connaître sa production de vin ; que par conséquent, les actes de parasitisme commercial reprochés à l'EURL FREDERIC X..., et par conséquent de concurrence déloyale, sont établis ; que le Code de la propriété intellectuelle prohibe les dénominations servant à désigner notamment la provenance géographique d'un bien ; qu'à cet égard, le toponyme « lieu-dit La Justice » ne pourrait pas être utilisé en qualité de marque ; que toutefois, l'appellation « CLOS DE LA JUSTICE », objet du présent litige, ne désigne pas stricto sensu la provenance géographique du vin produit et commercialisé par la SA PIERRE Y... FILS mais constitue un « assemblage de mots » autorisé par l'article
L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle ; que cette appellation, parfaitement distinctive et originale, peut être protégée par une marque ; que la SA PIERRE Y... FILS a fait enregistrer auprès de l'Institut National de la Propriété Intellectuelle, le 19 mars 2002, la marque « CLOS DE LA JUSTICE » ; que conformément à l'article
L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle, l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits désignés ; qu'il résulte de ces données qu'en utilisant la marque « CLOS DE LA JUSTICE » postérieurement au 19 mars 2002, l'EURL FREDERIC X... a commis un acte de contrefaçon de marque, mettant en jeu sa responsabilité civile ; … ; que le préjudice de la SA PIERRE Y... FILS doit être complètement réparé, qu'il résulte de ce qui précède que la totalité des étiquettes portant la mention « CLOS DE LA JUSTICE » actuellement en stock dans les locaux de l'EURL FREDERIC X... ou apposées sur des bouteilles déjà vendues à des tiers doivent être détruites » (cf. jugement pp. 4, 5 et 6) ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en se bornant à affirmer que la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE » est utilisée depuis plus d'un siècle par le Domaine Y..., que l'Institut National des Appellations d'Origine a donné en 1966 son assentiment à la Société PIERRE Y... sur la légitimité de se prévaloir de cette dénomination au double motif qu'elle justifiait d'un usage très ancien et que les vignes étaient entièrement ceintes de murs, que les demandes de la Société PIERRE Y... FILS sont fondées sur le droit commun dont l'interdiction d'attribuer le nom « CLOS DE LA JUSTICE » à des vins qui ne proviennent pas du clos concerné et qu'en l'état de la marque déposée, les vins élaborés à partir de raisins provenant de la propriété jouxtant l'exploitation de la Société PIERRE Y... FILS et du GFA VIGNOBLE BERNARD Y... ne pouvaient prétendre qu'à l'appellation « GEVREY CHAMBERTIN » ou à la dénomination « GEVREY CHAMBERTIN LA JUSTICE », sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la Société EURL FREDERIC X..., si celle-ci n'était pas aussi en droit de faire usage de la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE » dès lors que les vignes dont sont exclusivement issus les vins qu'elle exploite en utilisant cette dénomination sont entièrement situées au lieu-dit cadastral (nom de climat) « La Justice », sont effectivement closes de murs à la suite de la cession de 1968 et que si l'acte de cession avait, sous certaines conditions, réservé au cédant l'usage de cette dénomination, il résultait de l'arrêt définitif rendu par la Cour d'appel de DIJON le 30 mars 2006 que cette réserve d'usage conventionnelle ne pouvait plus être invoquée, la Cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motifs, en violation de l'article
455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la contrefaçon de marque suppose soit une reproduction de celle-ci à l'identique sans retrait ni ajout ou avec des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen, soit l'existence d'un risque de confusion ; qu'en l'espèce, la marque déposée par la Société PIERRE Y... FILS le 19 mars 2002, dont la contrefaçon était invoquée, est une marque complexe semi-figurative comportant, outre la mention « (CLOS DE LA JUSTICE) », notamment la dénomination « PIERRE Y... FILS » ainsi que la représentation d'un blason, tandis que les étiquettes incriminées de l'EURL FREDERIC X... comportent quant à elles, outre la mention « CLOS DE LA JUSTICE », la dénomination « FREDERIC X... » accompagnée d'une signature ; que l'exposante faisait valoir qu'il n'existait aucun risque de confusion et que la contrefaçon n'était donc pas caractérisée ; qu'en retenant que L'EURL FREDERIC X... aurait commis des actes de contrefaçon de la marque précitée, au seul motif qu'elle avait utilisé la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE », sans rechercher, comme l'y invitait pourtant celle-ci, s'il existait un risque de confusion quant à l'origine des produits, la Cour d'appel a violé les articles
L. 713-2 et
L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la concurrence déloyale ou parasitaire doit être fondée sur des faits distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon ; qu'en imputant en l'espèce à l'EURL FREDERIC X... des actes de parasitisme et de concurrence déloyale aux motifs qu'en imitant servilement la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE » pour étiqueter et commercialiser des bouteilles de vin, celle-ci a voulu profiter sans frais du travail réalisé par son concurrent durant des décennies pour faire connaître sa production viticole, tout en jugeant que l'emploi par l'EURL FREDERIC X... de la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE » constituait des actes de contrefaçon de la marque « CLOS DE LA JUSTICE » de la Société PIERRE Y... FILS, la Cour d'appel, qui n'a pas ainsi caractérisé des faits de concurrence déloyale distincts de ceux à raison desquels elle prononçait condamnation au titre de la contrefaçon, a violé l'article
1382 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, SUBSIDIAIREMENT, QU'en l'absence de droit privatif, copier le signe sous lequel un concurrent fait commerce ne constitue pas en soi une faute, en sorte que le fait que cette reprise soit, en elle-même, susceptible de procurer à celui qui la pratique des économies ou de le faire profiter des investissement d'un concurrent ne peut être qualifié de fautif ; qu'en retenant en l'espèce que L'EURL FREDERIC X... se serait rendue coupable de concurrence déloyale et parasitaire au seul motif qu'en faisant usage de la dénomination « CLOS DE LA JUSTICE », elle aurait profité sans frais du travail réalisé par son concurrent pour faire connaître sa production viticole sous cette dénomination, quand celle-ci ne faisait, en elle-même, l'objet d'aucun droit privatif, la Cour d'appel a violé l'article
1382 du Code civil.