Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2009, 08-41.935

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2009-06-30
Cour d'appel de Douai
2008-02-29

Texte intégral

Sur le moyen

unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 février 2008), que M. X..., engagé en qualité d'agent de propreté à compter du 1er mai 1996 par la société Nett service, a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 21 décembre 2004 aux termes de laquelle il indiquait "je vous informe de ma constatation de rupture de mon contrat de travail du fait exclusif de l'employeur et je saisis le conseil de prud'hommes pour voir constater la résolution de mon contrat de travail à compter de la présente" ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 13 janvier 2005 ; qu'il a été ultérieurement licencié ;

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt d'avoir constaté la résiliation du contrat de travail à ses torts avec effet au 21 décembre 2004 et de l'avoir condamné à payer diverses sommes au salarié, alors, selon le moyen : 1°/ qu'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formée par un salarié ne peut être assimilée à une prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; que la prise d'acte de la rupture par le salarié entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire ; qu'après avoir qualifié la lettre de M. X... du 21 décembre 2004 comme constituant une prise d'acte, la cour d'appel, qui a admis qu'il convenait de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée par le salarié avec effet à la date de présentation de la lettre du 21 décembre 2004, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, ensemble l'article L. 122-4, devenu l'article L. 1231-1 du code du travail ; 2°/ que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur suppose que les manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles soient suffisamment graves pour la justifier ; que le contrat de travail de M. X... stipulait que le salarié pouvait être conduit à se déplacer sur différents sites dans la zone géographique dont dépendait la société ; qu'en faisant droit à la demande de résiliation judiciaire formulée par le salarié aux motifs que l'employeur avait imposé des déplacements sur un secteur géographique qui dépassait manifestement celui qui avait été contractuellement prévu, sans même caractériser en quoi les affectations du salarié seraient intervenues dans un secteur géographique différent de celui dont dépendait la société Nett service, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ; 3°/ qu'en affirmant que les déplacements au-delà de la zone contractuellement définie étaient fréquents et n'avaient aucun caractère exceptionnel sans aucunement préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour déduire une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que lorsque le salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail à raison des faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie, le juge doit rechercher si la demande était justifiée ; que si tel est le cas, le juge fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date de présentation de la lettre du 21 décembre 2004, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, ensemble l'article L. 122-4, devenu l'article L. 1231-1 du code du travail ;

Mais attendu

que la cour d'appel a relevé que si le contrat de travail de M. X... stipulait que le salarié pouvait être conduit à se déplacer sur différents sites dans la zone géographique dont dépendait la société, cette mention ne pouvait avoir pour effet de l'autoriser à affecter le salarié sur une zone plus étendue que celle prévue à l'article 5 du contrat qui prévoyait une affectation aux sites des "secteurs valenciennois, bassin de la Sambre, Avesnois", et a constaté que le salarié avait été affecté fréquemment sur plusieurs chantiers en dehors de ces sites ; qu'elle a pu en déduire que l'employeur avait modifié unilatéralement le contrat de travail, ce qui justifiait la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que le moyen, inopérant en ses première et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Nett service 59 aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Nett service 59 ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour la société Nett service 59 Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté la résiliation du contrat de travail liant Monsieur Ramdam X... à la société NETT SERVICE HAINNAUT CAMBRESIS avec effet au 21 décembre 2004 aux torts de l'employeur et d'avoir, en conséquence, condamné l'employeur à payer au salarié diverses indemnités de rupture outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme à titre de rappels de salaire ; AUX MOTIFS QUE «le 21 décembre 2004, Monsieur Ramdam X... a envoyé à l'employeur le courrier suivant : «J'ai l'honneur de vous informer de ma constatation de rupture de mon contrat de travail du fait exclusif de l'employeur, en effet, vous avez procédé à des retraits de salaire pour absences injustifiées. Je conteste ces retraits de salaire n'ayant jamais eu d'absences injustifiées, le fait de ne pas vouloir exercer son activité professionnelle pour une autre société que son employeur ne peut être considéré comme absences injustifiées. En outre, vous ne m'avez pas payé de nombreux paniers. Pour toutes ces raisons, je considère que la rupture du contrat de travail vous impute et j'ai saisi le conseil de prud'hommes pour voir constater la résolution du contrat de travail à compter de la présente» ; qu'aux termes du contrat de travail de Monsieur Ramdam X..., sous la rubrique «lieu de travail», article 5, la convention dispose que ce dernier est affecté aux sites des «secteur valenciennois, bassin de la Sambre, Avesnois» ; que si le contrat dispose que dans le cadre des travaux qui lui sont confiés, le salarié serait amené à se déplacer sur différents sites dans la zone géographique dont dépend la société, cette stipulation, aux termes très généraux, ne saurait avoir pour effet d' «autoriser» l'employeur à affecter les salariés sur une zone géographique largement plus étendue que celle définie à l'article 5 de la convention ; qu'au surplus, il résulte des explications données par l'employeur dans ses conclusions que la société NETT SERVICE HAINAUT CAMBRESIS était amenée à intervenir chez un client d'une autre société du concept dit «ATIVI» ; que cette affirmation constitue en tout état de cause l'aveu que les salariés étaient amenés à intervenir dans la zone géographique d'une autre société, différente de celle de la société NETT SERVICE HAINAUT CAMBRESIS» ; qu'en l'espèce, il apparaît que Monsieur Ramdam X... a été affecté sur un chantier à Grande Synthe à Amiens, à Saint Quentin, à Lille, à Villeneuve d'Ascq et Arras ; que les déplacements au-delà de la zone contractuellement définie étaient fréquents et n'avaient aucun caractère exceptionnel ; que l'employeur, en dehors de tout accord d'entreprise, et sans le consentement du salarié, ne pouvait imposer à ce dernier des déplacements sur un secteur géographique qui dépassait manifestement celui qui avait été contractuellement prévu ; que par conséquent, et dans la mesure où Monsieur Ramdam X... justifie s'être rendu au siège de la société à chaque fois qu'il estimait que son affectation n'était pas licite, c'est, à bon droit, que le salarié a refusé lesdites affectations ; que même si postérieurement au courrier de «prise d'acte» formé par le salarié, ce dernier est retourné travailler auprès de l'employeur pendant quelques jours, cette attitude n'a pas pour effet de remettre en cause la teneur du courrier en question ; que dès lors, compte tenu du non respect par la société NETT SERVICE HAINAUT CAMBRESIS de ses obligations contractuelles, et au vu du courrier du 21 décembre 2004, la demande en résiliation formée par Monsieur Ramdam X... aux torts de l'employeur sera accueillie ; que le jugement entrepris sera donc réformé sur ce point ; que la demande en résiliation du contrat de travail est intervenue antérieurement au licenciement de Monsieur X..., et que la résiliation aux torts de l'employeur a les mêmes effets que licenciement sans cause réelle sérieuse ; que par conséquent, les demandes afférentes à l'indemnité de préavis et à l'indemnité de licenciement seront accueillies ; que compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, la cour estime que le préjudice subi doit être fixé à la somme de 14 000 ; qu'en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et sans respect des formalités de rupture, il ne peut être alloué deux indemnités au salarié, mais seulement celle prévue par l'article L. 122-14-4 alinéa 1er qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Il convient donc de rejeter la demande de dommages et intérêts pour irrégularité dans la procédure de licenciement ; que le refus de Monsieur Ramdam X... de se rendre sur des chantiers en dehors du secteur géographique prévu à l'article cinq du contrat de travail n'était pas illégitime ; que le salarié justifie être resté à la disposition de l'employeur, lequel ne lui a pas fourni d'autres chantiers ; que dès lors, c'est à bon droit que Monsieur Ramdam X... sollicite le paiement des heures non rémunérées par la société NETT SERVICE HAINAUT CAMBRESIS. La demande sera donc accueillie. Le jugement entrepris doit donc être réformé sur ce point» ; ALORS D'UNE PART QU'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formée par un salarié ne peut être assimilée à une prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; que la prise d'acte de la rupture par le salarié entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire ; qu'après avoir qualifié la lettre de Monsieur X... du 21 décembre 2004 comme constituant une prise d'acte (cf. arrêt attaqué p. 2 § 4), la Cour d'appel, qui a admis qu'il convenait de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formé par le salarié avec effet à la date de présentation de la lettre du 21 décembre 2004 (cf. arrêt attaqué p. 4, 4ème attendu) a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil, ensemble l'article L. 122-4, devenu l'article L. 1231-1 du Code du travail ; ALORS D'AUTRE PART QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur suppose que les manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles soient suffisamment graves pour la justifier ; que le contrat de travail de Monsieur X... stipulait que le salarié pouvait être conduit à se déplacer sur différents sites dans la zone géographique dont dépendait la société ; qu'en faisant à la droit à la demande de résiliation judiciaire formulée par le salarié aux motifs que l'employeur avait imposé des déplacements sur un secteur géographique qui dépassait manifestement celui qui avait été contractuellement prévu, sans même caractériser en quoi les affectations du salarié seraient intervenues dans un secteur géographique différent de celui dont dépendait la société NETT SERVICE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; ALORS EN OUTRE QU'en affirmant que les déplacements au-delà de la zone contractuellement définie étaient fréquents et n'avaient aucun caractère exceptionnel sans aucunement préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour déduire une telle affirmation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE QUE, lorsque le salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail à raison des faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie, le juge doit rechercher si la demande était justifiée ; que si tel est le cas, le juge fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date de présentation de la lettre du 21 décembre 2004, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ensemble l'article L. 122-4, devenu l'article L. 1231-1 du Code du travail.