AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Jean X..., demeurant ...,
2 / Mme Charline Z..., épouse X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 juillet 1997 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile section A), au profit :
1 / de la société Cergi, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
2 / de la société anonyme Gan Incendie Accidents, dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 mai 2000, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Bénas, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bénas, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de M. X..., de Mme Z..., de la SCP Defrenois et Lévis, avocat de la société Cergi, de la société Gan Incendie Accidents, les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., alors exploitant une station-service à Port Barcarès, avait confié à la société Cergi, cabinet d'expertise comptable, le soin de dresser sa comptabilité ; qu'en 1983, l'exploitation faisant apparaître un crédit de TVA supérieur à 200 000 francs, M. X... a cessé cette activité pour acquérir avec son épouse un fonds de commerce de bar-tabac à Laragne, avec l'aide d'un prêt obtenu sur la foi de l'attestation de la société Cergi précisant le montant du crédit de TVA et sa demande de remboursement ; que, suite à un contrôle fiscal portant sur les années 1980 à 1983, M. X... a subi un redressement de 886 069 francs ; qu'en 1986, il a assigné la société Cergi et son assureur, la compagnie GAN Incendie Accidents, en responsabilité ; qu'en 1988, M. X... était mis en redressement judiciaire pour le fonds de commerce de Laragne, puis, en 1989, en liquidation judiciaire ; que l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 juillet 1997) a prononcé un partage de responsabilité par moitié et condamné la société Cergi à payer à M. X... la somme de 60 000 francs à titre de dommages-intérêts, notamment pour les pénalités de retard ;
Sur le deuxième moyen
, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de n'avoir pas réparé le préjudice subi par M. X... en raison des manquements de la société Cergi à son devoir de conseil dans le cadre du suivi du contrôle fiscal, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel n'aurait pas répondu aux conclusions de M. X... invoquant cette obligation d'assistance, et alors, d'autre part, que la cour d'appel aurait violé l'article
1147 du Code civil en ne réparant pas le préjudice subi par M. X... du fait de ces manquements ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... n'expliquait nullement pourquoi il avait tardé à rétablir rapidement sa comptabilité réelle pour exercer les recours administratifs qui s'imposaient pour calculer le montant de l'impôt réellement dû et que, quatre ans plus tard, M. Y..., expert judiciaire, lui avait réclamé, en vain, la communication d'états comptables qui lui étaient nécessaires pour cette évaluation ; que la cour d'appel, qui a répondu ainsi aux conclusions invoquées en les écartant, a justifié légalement sa décision ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
:
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir inversé la charge de la preuve en faisant reposer sur M. X... la preuve de ce qu'il avait remis à la société Cergi les documents nécessaires pour établir une comptabilité sincère ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que M. X... soutenait avoir fourni à la société Cergi l'intégralité des documents nécessaires à sa mission ; qu'elle a constaté qu'il résultait des éléments du dossier que l'expert comptable n'avait pas disposé des documents nécessaires pour établir une comptabilité sincère ; que, dès lors, elle n'a pas inversé la charge de la preuve en retenant qu'il appartenait à M. X... d'établir son allégation ;
Que le grief est sans fondement ;
Sur le quatrième moyen
, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :
Attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu que seuls les services fiscaux auraient pu établir que le redressement fiscal subi par M. X... avait été évalué de façon excessive, s'ils avaient été saisis dans les délais impartis ; qu'elle a, par là-même, nécessairement écarté les conclusions de l'expert, M. A..., fixant à une somme inférieure le montant des impôts dûs ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a pu estimer, par motifs adoptés, que le lien de causalité entre les fautes de la société Cergi, ce qui incluait la délivrance par celle-ci de l'attestation de TVA, et la liquidation judiciaire de M. X..., n'était pas établie ;
Que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Et
sur le premier moyen
, pris en ses trois branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :
Attendu que Mme X... est intervenue volontairement à l'instance et a conclu dans les mêmes termes que son mari ; qu'elle fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle n'avait pas qualité pour agir en responsabilité contre la société Cergi ;
Attendu qu'après avoir relevé, par un motif vainement critiqué par le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, que les fautes professionnelles de la société Cergi n'étaient pas en relation directe de causalité avec la liquidation judiciaire de M. X... pour l'exploitation du fonds de commerce de Laragne, la cour d'appel a retenu que, a fortiori, elles n'étaient pas davantage en relation directe de causalité avec la saisie subie par Mme X..., conséquence justement de l'exploitation de ce dernier fonds ; que, dès lors, la cour d'appel ayant ainsi rejeté au fond l'action de Mme X..., le moyen qui invoque la qualité à agir de celle-ci est inopérant ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie GAN assurances et de la société Cergi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille.