Chronologie de l'affaire
Tribunal d'instance de Paris 16 décembre 2010
Cour d'appel de Paris 26 juin 2014
Cour de cassation 17 décembre 2015

Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - Chambre 3, 26 juin 2014, 11/18332

Mots clés société · rapport · procédure civile · désordres · enseigne · bailleur · appartement · expert · astreinte · préjudice · signification · tribunal d'instance · nuisances · locataire · trouble

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro affaire : 11/18332
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Décision précédente : Tribunal d'instance de Paris, 16 décembre 2010, N° 11-09-0003
Président : Monsieur Jacques CHAUVELOT

Chronologie de l'affaire

Tribunal d'instance de Paris 16 décembre 2010
Cour d'appel de Paris 26 juin 2014
Cour de cassation 17 décembre 2015

Texte

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRET DU 26 JUIN 2014

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/18332

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2010 -Tribunal d'Instance de PARIS 04 - RG n° 11-09-0003

APPELANTE

Mademoiselle [Q] [J]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

Assistée de Me Léo HADAD TAIEB, avocate au barreau de Créteil, toque PC87

INTIMES

Monsieur [R] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté et assisté de Me Jean-philippe AUTIER de la SCP SCP AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

SARL ROCEFA EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE PETIT THAI agissant en la personne de son gérant et tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Michel BLIN de la SCP SCP BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0058

Assistée de Me Isabelle VAREILLE, avocate plaidant au barreau de PARIS, toque : B977

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michèle TIMBERT, Conseillère, chargée du rapport et Madame BROGLY, Conseillère

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jacques CHAUVELOT, Président

Michèle TIMBERT, Conseillère

Isabelle BROGLY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Pauline FERREIRA

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jacques CHAUVELOT, président et par Madame Amandine CHARRIER, greffier présent lors du prononcé.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Par acte acte sous seing privé du 9 octobre 2003 Mme [N] [O], aux droits de laquelle vient M. [R] [O], a donné en location à Mme [Q] [J] un appartement situé [Adresse 3].

A partir de fin 2006 le local commercial situé dans le même immeuble au rez de chaussée a été loué à la société ROCEFA exploitant un restaurant sous l'enseigne ' [1]'.

Faisant valoir des désordres et des troubles de voisinage, Mme [Q] [J] a saisi le tribunal d'instance de Paris 4ème qui, par jugement du 16 décembre 2010 :

* s'est déclaré compétent,

* a déclaré recevables les demandes formées par Mme [Q] [J] à l'encontre de M. [R] [O],

* a rejeté les demandes de Mme [Q] [J] tendant à voir condamner M. [R] [O] à faire remplacer les fenêtres de son appartement et à obtenir une réduction de loyer,

* a constaté l'accord des parties pour procéder au détartrage de la chaudière,

* a condamné M. [R] [O] à faire procéder à la réfection complète de l'électricité de l'appartement afin d'assurer sa mise aux normes, sous astreinte de 10 € par jour de retard, passé un délai de trois mois courant à compter du jour de la signification de la présente décision, et ce, pendant un délai de trois mois,

* a condamné M. [R] [O] à délivrer à Mme [Q] [J] ses quittances des loyers réglés depuis le mois de décembre 2006 et ce, sous astreinte de 10 € par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter du jour de la signification de la présente décision et ce, pendant un délai de trois mois,

* s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

* a débouté Mme [Q] [J] de sa demande de provision formée à l'encontre de la société ROCEFA,

* a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

* a dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

* a condamné M. [R] [O] aux dépens, hormis les frais d'expertise.

Mme [Q] [J] et M. [R] [O] ont interjeté appel de cette décision.

Les instances d'appel ont été jointes par ordonnance du 10 mai 2012.

Un congé pour reprise a été délivré par le bailleur à Mme [Q] [J] pour le 10 octobre 2012.

Par arrêt avant dire droit, par défaut, du 19 décembre 2013 la cour d'appel de Paris, pôle 4, chambre 3 a :

* révoqué l'ordonnance de clôture du 3 octobre 2013,

* ordonné, dans le mois du présent arrêt , à la diligence de M. [R] [O], la réassignation de la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ' [Adresse 1], conformément aux termes de l'article 902 du code de procédure civile dernier alinéa,

* dans l'attente sursis à statuer sur toutes les demandes,

* renvoyé l'affaire pour clôture à l'audience de mise en état du jeudi 6 mars 2014 à 13 h,

* fixé la date des plaidoiries au mercredi 19 mars 2014 à 9 h 30

* réservé les dépens.

La société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', a été assignée ; elle a constitué avocat ;

Aux termes de ses dernières écritures du 11 mars 2014 Mme [Q] [J] demande à la cour de :

> confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [R] [O] à lui délivrer ses quittances de loyer depuis décembre 2006 et ce, sous astreinte de 10 € par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce, pendant un délai de trois mois,

> infirmer le jugement pour le surplus,

> constater que M. [R] [O] n'a pas procédé à la réfection de l'électricité de l'appartement pour assurer sa mise aux normes,

> constater qu'il n' a pas procédé au détartrage de la chaudière,

> condamner M. [R] [O] à payer, sur le fondement de l'article 1142 du code civil, une somme de 10.000 € au titre de son préjudice pour trouble de jouissance résultant de l'inexécution des travaux réparatoires mis à sa charge,

> y ajoutant, condamner M. [R] [O] à lui verser la somme de 13.230 € correspondant à la réfaction des loyers de décembre 2006 à décembre 2010 inclus,

> à l'encontre de la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', réformer le jugement et condamner cette société à lui payer une somme de 15.000 € au titre de son préjudice résultant des troubles de jouissance et du préjudice résultant de l'altération de son état de santé,

> débouter M. [R] [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

> condamner tout succombant à payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

> condamner solidairement les intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières écritures du 18 mars 2014 M. [R] [O] demande à la cour de :

> réformer le jugement,

> débouter Mme [Q] [J] de toute action en paiement ou en travaux qui dépasse au total le plafond de 10.000 € contre toutes les parties, ainsi que de toutes les réparations de troubles de jouissance dus à des tiers ( article 1725 du code civil ), évaluées par elle dans le rapport d'expert à 45.000 € environ, comme le remplacement des fenêtres ou la réduction des loyers, aucune faute du bailleur ne pouvant être établie et l'atteinte à sa vie privée interdite, la seule fautive étant Mme [Q] [J] qui refuse de dormir dans la chambre au dessus du box et de calfeutrer ses fenêtres par des bourrelets adéquats, [ sic ]

> condamner reconventionnellement Mme [Q] [J] à lui payer la somme de 7.997,43 € , notifiée le 19 novembre 2013, concernant tous les impayés de loyers à cette date et leurs intérêts à partir de cette date, et la somme de 4.000 € pour procédure et résistance abusives et malveillantes depuis le 10 octobre 2012 au congé pour reprendre signifié en novembre 2010,

> la condamner à payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

> débouter Mme [Q] [J] de toutes autres demandes supplémentaires ( électricité, quittances )

> la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 19 mars 2014 la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ' demande à la cour de :

> confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [Q] [J] de toutes ses demandes à son encontre,

> débouter celle-ci de toutes ses demandes,

> la condamner à payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

> la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile la cour renvoie aux dernières écritures des parties en date des 11, 18 et 19 mars 2014 pour un plus ample examen de leurs moyens et arguments.


MOTIFS DE LA DECISION


sur les impayés de loyers

M. [R] [O] produit un décompte arrêté à septembre 2013 faisant ressortir un solde restant dû de 8.410,69 € ; dans ses dernières écritures il demande une somme de 7.997,43 € arrêtée à novembre 2013;

Mme [Q] [J] sollicite le débouté de son bailleur mais elle ne critique pas précisément le décompte produit ; toutefois elle établit, par la production d'extraits de son compte bancaire CIC avec indication des numéros de chèques, non contestés, avoir payé les mois de mai à novembre 2013 soit la somme de 979,66 € x 7 = 6.857,62 € indûment réclamés par le bailleur ;

Le solde restant dû, arrêté à novembre 2013, s'élève donc à la somme de

7.997,43 - 6.857,62 = 1.139,81 € qu'il convient de condamner Mme [Q] [J] à payer ;

sur les désordres

Electricité

Il résulte d'un rapport du service technique de l'habitat de la ville de [Localité 2] du 11 mai 2007 que l'alimentation électrique de l'appartement est vétuste et dangereuse ( les conducteurs électriques sont dénudés et apparents, les points lumineux se détachent des plafonds et les prises de courant sont descellées ) ; les volumes de sécurité ne sont pas respectés dans la salle de bain ; injonction était donnée au bailleur de procéder aux réfections nécessaires dans un délai de trois mois ; M. [R] [O] ne justifie d'aucune réfection ;

Il conteste cette réclamation de sa locataire faisant valoir qu'il n'a pas obligation de refaire l'installation électrique aux normes actuelles destinées aux installations neuves et que des décisions antérieures ont débouté Mme [Q] [J] de ses doléances concernant l'électricité ; il produit une attestation de son artisan réparateur,M. [G], qui conteste tout problème ;

S'il est vrai que le bailleur n'est pas obligé de remettre l'installation électrique aux normes il doit, en application de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à sa sécurité physique ou sa santé ;

Une jugement du 20 octobre 2005 du tribunal d'instance de Paris 4ème a débouté Mme [Q] [J] de sa réclamation concernant l'installation électrique et une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Paris du 12 septembre 2008, désignant expert, a refusé d'étendre la mission de cet expert aux problèmes électriques de l'appartement ; Toutefois il est bien certain que le jugement de 2005 n'opposait pas les mêmes parties ( la mère de M. [R] [O] était toujours bailleresse à l'époque ) et n'a pas pu tenir compte de l'avis du service technique de la ville de [Localité 2] de mai 2007 ;

Quant à l'ordonnance de référé de septembre 2008, elle n'a pas autorité de chose jugée au principal ;

Enfin la cour ne saurait retenir l'attestation du propre artisan réparateur du bailleur qui est lui même intervenu sur les lieux et qui est lié à ce dernier ;

Il y a lieu de retenir que l'installation électrique de l'appartement était vétuste et dangereuse et que la réclamation de la locataire est fondée ;

chaudière

Mme [Q] [J] demande des dommages et intérêts au motif que le bailleur n'a pas procédé au détartrage de la chaudière ordonné par le tribunal d'instance ;

M. [R] [O] conteste tout accord sur ce point ;

Pourtant le juge d'instance, aussi bien dans ses motifs que dans le dispositif de la décision du 16 décembre 2010, a expressément constaté l'accord des parties pour procéder au détartrage de la chaudière ;

Il faut retenir la réclamation de la locataire ;

sur les dommages et intérêts pour absence de réfection de l'électricité et de détartrage de la chaudière

L'installation électrique et la chaudière ont causé des problèmes à la locataire ( cf : pièces 50 à 53 de l'appelante ) notamment en novembre 2007 et mars 2011 ; dans une note du 23 octobre 2010 la société de ramonage indique que la chaudière n'est plus aux normes de sécurité, qu'elle ne comporte pas de détecteur de monoxyde , que sa fixation est à surveiller et que de l'eau s'infiltre par derrière ;

La cour a les éléments suffisants pour condamner M. [R] [O], bailleur, à payer à Mme [Q] [J] la somme de 2.000 €

à titre de dommages et intérêts ;

désordres olfactifs et sonores

Mme [Q] [J] fait valoir que depuis l'installation du restaurant ' [1] ' juste en dessous de son appartement, elle subit de graves nuisances olfactives et sonores ;

Un expert, ingénieur acousticien, a été désigné par ordonnance de référé du 12 septembre 2008 ;

Compte tenu de la gravité de la situation cet expert a déposé un pré-rapport faisant état d'un réel problème grave de nuisances sonores dans l'appartement loué provenant du restaurant en dessous ;

Les conclusions de ce pré rapport sont confortées par plusieurs autres éléments :

- courrier de plainte du 11 mars 2007 à la Préfecture de [Localité 2],

- compte rendu d'enquête sur les nuisances sonores et olfactives du 20 mars 2007 par la Préfecture de [Localité 2], sous direction de la protection sanitaire et de l'environnement, qui constate le caractère effectif des nuisances,

- main courante de Mme [Q] [J] du 20 avril 2007,

- nouveau rapport de la Préfecture du 13 août 2007 ( mesures du 6 juillet )

qui constate la persistance des nuisances sonores,

- courrier du syndic de l'immeuble du 14 juin 2007 qui dénonce les nuisances olfactives et sonores dans l'immeuble,

- troisième rapport confirmatif de la Préfecture du 19 décembre 2007

( mesures du 30 novembre 2007 ),

- mains courantes de Mme [Q] [J] des 12 août et 24 octobre 2008, 27 novembre et 12 décembre 2009,

- attestations d'amis ( Mme [D], M. [X] ),

- attestation de M. [S], président du conseil syndical de l'immeuble ;

A l'encontre de ces éléments M. [R] [O] soutient que la demande excède le taux de compétence du tribunal d'instance,

que l'article 1725 du code civil exonère le bailleur de toute responsabilité pour voies de fait dues à des tiers ; il critique l'expert, affirmant que les fenêtres ne sont pas vétustes, qu'il suffit de les calfeutrer avec des bourrelets et que la locataire devrait dormir dans la chambre au dessus du box ;

En application de l'article 954 al. 2 du code de procédure civile la cour n'est tenue que par le dispositif des conclusions, M. [R] [O] n'a pas réclamé dans son dispositif la compétence du tribunal de grande instance mais seulement le débouté des demandes ;

Les faits dénoncés par la locataire ne sont pas constitutifs de voies de fait

permettant de faire application de l'article 1725 du code civil ;

Le bailleur est tenu, en application de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, d'assurer une jouissance paisible à son locataire notamment, comme en l'espèce, à l'égard du comportement d'autres locataires et/ou co-propriétaires qui ne sont pas des tiers ; il lui appartient de faire intervenir, en tant que de besoin, le syndicat des co-propriétaires ;

Les conclusions de l'expert sont parfaitement claires et affirmatives en ce qu'il affirme que les fenêtres de l'appartement ne sont pas adaptées aux désordres acoustiques et il n'appartient pas au bailleur de déterminer le choix de la chambre à coucher de sa locataire;

La société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', conteste également les prétentions de Mme [Q] [J] ;

Elle fait valoir qu'elle a effectué des travaux pour supprimer les nuisances, que l'expert n'a déposé qu'un pré rapport après avoir effectué qu'un seul déplacement sur les lieux, qu'il devait procéder à une nouvelle série de mesures, qui n'ont jamais été effectuées, notamment pour déterminer les bruits transmis par le plafond du restaurant par rapport aux bruits de l'extérieur causés essentiellement par les clients qui sortent fumer en discutant dans la rue;

Elle fait valoir sa bonne foi, indiquant que la locataire ne se plaint plus de nuisances olfactives, et conteste le réel préjudice subi par l'appelante ;

La société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', produit plusieurs attestations qui indiquent l'absence de nuisances sonores particulières consécutives à son activité commerciale ( [O], [Z], [B], [F] ) ;

S'il est vrai qu'en dernier lieu Mme [Q] [J] se plaint essentiellement de nuisances sonores, des nuisances olfactives ont également été reprochées au départ au restaurant ' [1] '( cf : attestation de M. [S] ) ;

L'expert a effectivement déposé un pré rapport et n'a jamais terminé son rapport définitif après une deuxième série de mesures qui n'ont pas été effectuées ; pour autant les conclusions du pré rapport retiennent clairement l'existence de graves nuisances sonores, l'expert, ingénieur acousticien, indiquant :

' en l'état actuel de nos investigations nous avons pu constater et confirmer

a ) l'ampleur inhabituelle des désordres sonores imputables aux habitudes de la clientèle du restaurant, désordres dont l'ampleur, la durée et la fréquence d'apparition sont telles que l'appartement de la demanderesse en devient objectivement totalement inadapté à son usage normal avec pour conséquence directe une dégradation de son état de santé.

Ce sont donc ces premiers désordres qui ont motivé à eux seuls le dépôt d'un pré rapport précisant à l'attention du tribunal, leur nature, leur cause et leur origine ainsi que les moyens techniques permettant d'y remédier '

L'expert a encore précisé en page 23 de son pré rapport

' l'ampleur des désordres constatés confirmant les dires et les termes du certificat médical de Maître [P] [ alors avocat de Mme [Q] [J] ] nous aura confirmé dans notre intention de déposer au tribunal un pré rapport, ceci pour la première fois dans notre exercice d'expert '

Il y a lieu de rappeler que si l'expert ne s'est rendu effectivement qu'une seule fois sur les lieux, dans la nuit du 11 au 12 septembre 2009 , les services techniques de la Mairie de [Localité 2] avaient effectué des mesures sur les lieux en mars, juillet et novembre 2007 ; l'ensemble de ces mesures aboutit à constater la réalité des désordres acoustiques ;

Les attestations produites par la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', ne peuvent permettre de retenir l'absence de tout bruit anormal dû à son activité commerciale :

deux auteurs d'attestations habitent à des étages élevés de l'immeuble

( M. [B] habite au 4ème étage, Mme [F] au 5ème étage ) ;

les deux autres ( [Z] et [O] ) habitent certes au premier et deuxième étage, mais pas juste au dessus du restaurant comme Mme [Q] [J] ; or une partie des désordres acoustiques provient de l'intérieur de la salle de restaurant ; en outre aucune de ces attestations ne précise si l'appartement est ou non équipé en vitrage de fenêtres adapté aux désordres acoustiques ;

Or, selon l'expert, la première mesure à prendre pour diminuer de façon significative les désordres acoustiques constatés dans l'appartement de

Mme [Q] [J] serait de changer les trois fenêtres de l'appartement ' au profit d'autres munies d'entrée d'air autoréglages et très performantes sur le plan acoustique ' ( cf pré rapport page 22 ) :

L'expert a chiffré à la somme de 2.670 € HT le coût de ce remplacement de fenêtres, que le bailleur conteste formellement, soutenant, à tort au vu de l'expertise, que de simples bourrelets aux fenêtres seraient suffisants ;

En conséquence de l'ensemble de ces éléments il convient de retenir l'existence de réels désordres, désordres olfactifs au départ, qui ont cessé, puis désordres sonores importants qui, eux, ont perduré ;

Les désordres ayant existé depuis fin 2006, date de l'installation du restaurant, jusque fin 2010, ( Mme [Q] [J] réclame réparation de son préjudice pour la période fin 2006 à fin 2010 ) il convient de chiffrer à la somme de 10.000 € ( correspondant à un peu moins de 25 % du loyer moyen pour la période, chiffré à 980 €, pendant

48 mois ) le montant des dommages et intérêts accordés à l'appelante pour son trouble de jouissance ;

Etant retenu qu'il n'est pas établi que les désordres acoustiques extérieurs soient réels tous les soirs, que raisonnablement ces désordres ne peuvent être que moins fréquents en hiver ou par temps de pluie, la clientèle sortant moins pour fumer en période pluviale et/ ou hivernale, étant retenu que l'expert n'a pas précisé exactement la part de désordres résultant de l'activité intérieure du restaurant et celle résultant des clients à l'extérieur, il y a lieu de dire que cette indemnisation apparaît suffisante et qu'il n'y a pas lieu, en plus, à réfaction du montant des loyers payés ;

La responsabilité des désordres acoustiques doit être supportée par moitié par la société ROCEFA, qui est responsable par sa faute de négligence dans le fonctionnement de son établissement en application de l'article 1382 du code civil, et par moitié par le bailleur responsable en raison de ses obligations de bailleur ( article 6 de la loi du 6 juillet 1989 ) d'assurer une jouissance paisible à sa locataire ( non changement des fenêtres ) ;

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [R] [O] à remettre à Mme [Q] [J] ses quittances de loyers sous astreinte ; toutefois la cour n'entend pas se réserver la liquidation de l'astreinte, le point de départ de celle-ci courant à compter de la signification du présent arrêt ;

Compte tenu de la décision il faut débouter M. [R] [O] et la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure et résistance abusives et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le bailleur ne produisant pas le congé pour reprise et ne sollicitant pas la validité de celui-ci et l'expulsion de la locataire ;

En revanche il est équitable de condamner in solidum M. [R] [O] et la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ' , à payer à Mme [Q] [J] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

M. [R] [O] et la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', doivent supporte in solidum les dépens d'appel comprenant les frais d'expertise ;

PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal d'instance de Paris 4ème du 16 décembre 2010 sauf en ce qu'il a condamné M. [R] [O] à faire procéder à la réfection sous astreinte de l'électricité de l'appartement, sauf en ce qu'il a débouté Mme [Q] [J] de ses demandes indemnitaires, sauf quant au point de départ de l'astreinte pour la remise des quittances,

statuant à nouveau,

Constate que Mme [Q] [J] ne demande plus en appel la réfection de l'installation électrique,

Statuant à nouveau et y ajoutant , condamne M. [R] [O] et la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', chacun pour moitié, à payer à Mme [Q] [J] la somme de 10.000 € pour trouble de jouissance résultant des nuisances acoustiques et olfactives provenant de l'activité commerciale du restaurant [1],

Condamne M. [R] [O] à payer à Mme [Q] [J] la somme de 2.000 € pour trouble de jouissance résultant de l'absence de reprise de l'installation électrique et absence du détartrage de la chaudière de l'appartement,

Dit que l'astreinte quant à la production des quittances de loyers courra passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,

Dit que la cour n'entend pas se réserver la liquidation de l'astreinte,

Y ajoutant,

Condamne Mme [Q] [J] à payer à M. [R] [O] la somme de 1.139,81 € à titre de loyers impayés, compte arrêté à novembre 2013 inclus,

Ordonne la compensation entre les sommes dues de part et d'autre,

Déboute M. [R] [O] et la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', de leurs demande de dommages et intérêts pour procédure et résistance abusives et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [R] [O] et la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', à payer à Mme [Q] [J] la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [R] [O] et la société ROCEFA, exerçant sous l'enseigne ' [1] ', aux dépens d'appel comprenant les frais d'expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT