Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème Chambre, 26 décembre 2006, 04BX00394

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
  • Numéro d'affaire :
    04BX00394
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000017993615
  • Rapporteur : M. Michel DRONNEAU
  • Rapporteur public :
    M. VALEINS
  • Président : M. ZAPATA
  • Avocat(s) : CABINET FIDAL
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Texte intégral

Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 4 mars 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ; Le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE demande à la cour ; - d'annuler le jugement en date du 18 décembre 2003, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du préfet de la Gironde en date des 2 janvier 2001 et 1er mars 2002, d'une part, imposant à la SA Baudou des prescriptions au titre d'une installation classée située sur le territoire de la commune des Eglisottes et, d'autre part, lui prescrivant la consignation d'une somme de 111 043 € pour la réalisation des travaux prescrits ; le ministre soutient que ; - en application de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de la Gironde a délivré le 2 février 1983 à la compagnie industrielle du Sud-Ouest un récépissé de déclaration pour l'exploitation d'une activité de fabrication de chaussures sur le territoire de la commune des Eglisottes, activité reprise ultérieurement par la société La Botte Baudou ; cette dernière a été mise en redressement judiciaire ; dans ce cadre, le fonds de commerce a été cédé à la société Baudou ; lors d'une visite effectuée sur le site le 16 novembre 2000, l'inspection des installations classées a constaté que la société Baudou SA avait repris en 1997 les activités de la société La Botte Baudou, et les avait ensuite cessées en mai 1999 sans faire de déclaration requise auprès des services compétents ; il n'avait pas été procédé à la remise en état du site ; c'est dans ces conditions que le préfet de la Gironde, par trois arrêtés successifs, a respectivement enjoint à la société Baudou le 2 janvier 2001 et à Me X, commissaire à l'exécution du plan, les 5 juillet et 22 octobre 2001, de prendre des mesures d'urgence et de remise en état du site ainsi que de surveillance de la nappe phréatique ; les mises en demeure étant restées infructueuses, le préfet a consigné la somme de 123 411 € à l'encontre de Me X ; le 3 avril 2002, un titre de perception a été émis ; Me X a saisi la tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de ce titre ; le tribunal ayant rejeté la demande, Me X a fait appel ; parallèlement la SA Baudou a contesté les arrêtés des 2 janvier 2001 et du 1er mars 2002 ; le tribunal, par le jugement attaqué, a annulé ces deux décisions ; - le tribunal a jugé que la SA Baudou ne pouvait être considérée comme le dernier exploitant parce qu'elle ne s'était pas rendue propriétaire des stocks et n'avait pas exploité l'ensemble des installations utilisées auparavant par la société La Botte Baudou ; que, par ailleurs, la SA Baudou avait fait savoir à l'administration qu'elle n'entendait pas se substituer à la société La Botte Baudou dans les obligations de remise en état ; c'est à tort que le tribunal, au vu de ces considérations, a jugé que la SA Baudou n'était pas le dernier exploitant ; - l'acquisition du fonds de commerce et du matériel ainsi que la reprise du bail commercial et des salariés atteste de la poursuite de l'activité ; il est constant que la SA Baudou a exercé sur le site en cause une activité de fabrication, d'achat et de vente de produits chaussants, activité identique à celle exercée précédemment par La Botte Baudou ; l'acte de vente du 21 février 1997 mentionne que le fonds de commerce comprend le matériel servant à l'exploitation, les marchandises en cours de production ; il n'est pas contesté qu'entre 1997 et 1999, la SA Baudou avait à sa disposition une grande partie des immeubles d'exploitation ainsi que le terrain sur lequel les immeubles sont édifiés ; au vu de la jurisprudence, elle doit donc être regardée comme s'étant substituée à la société La Botte Baudou en qualité d'exploitant ; - la circonstance que la SA Baudou ait expressément décliné son intention de reprendre à son compte les obligations de remise en état du site ne peut l'exonérer de ses obligations légales ; lors de la cessation de ses activités en 1999, la SA Baudou n'a pas rempli les formalités qui lui incombaient au titre de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 en s'abstenant de notifier au préfet l'arrêt des installations ; l'exploitation temporaire du site par la SA Baudou permettait à l'administration d'agir à son encontre ; le tribunal administratif de Bordeaux a d'ailleurs rejeté l'action de Me X contre le titre de perception émis à son encontre pour avoir paiement de la somme de 123 441 € correspondant à la consignation imposée à la société La Botte Baudou pour la réalisation des travaux de réhabilitation du site ; en raison de l'impécuniosité de la société La Botte Baudou, le préfet a engagé une action contre la SA Baudou, dernier exploitant solvable ; --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code

de l'environnement ; Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ; Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2006 : - le rapport de M. Dronneau ; - les observations de M. Pierre Humeau, directeur, pour la SA Baudou ; - et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;

Considérant que

, par arrêté du 2 janvier 2001, le préfet de la Gironde a ordonné à la SA Baudou de respecter les prescriptions relatives à la remise en état, la surveillance de la nappe phréatique et au diagnostic des sols du site d'une usine de fabrication de chaussures située sur le territoire de la commune des Eglisottes (Gironde) ; que, par un arrêté en date du 1er mars 2002, le préfet a enjoint à la même société de consigner entre les mains d'un comptable public la somme de 111 043 € pour n'avoir pas réalisé les prescriptions de l'arrêté du 2 janvier 2001 ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE relève appel du jugement en date du 18 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces deux décisions ; Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, dont les dispositions sont reprises à l'article L. 511-1 du code de l'environnement : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et d'une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour le commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité ou la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments (...) » ; qu'aux termes de l'article 23 de la même loi, dont les dispositions sont reprises à l'article L. 514-1 du code de l'environnement : « Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu'un inspecteur des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : - soit faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ; - soit obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser (...) ; - soit suspendre par arrêté (...) le fonctionnement de l'installation, jusqu'à exécution des conditions imposées » ; qu'enfin aux termes de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 pris pour application de ces dispositions : « I. - Lorsqu'une installation classée est mise à l'arrêt définitif, son exploitant remet son site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun danger ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée. Le préfet peut à tout moment imposer à l'exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site (...) » ; Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, reprises aux articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement, que l'obligation de remise en état du site est applicable à toutes les installations classées dès lors que ces installations demeurent susceptibles de présenter les dangers ou inconvénients énumérés à l'article L. 511-1 de ce code ; que, dans cette hypothèse, l'obligation de remise en état du site imposé par l'article 34 -1 du décret du 21 septembre 1977 pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant droit ; que, lorsque l'exploitant ou son ayant droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par arrêté en date du 2 février 1983, le sous-préfet de Libourne a délivré un récépissé de déclaration à la Compagnie industrielle du Sud-Ouest pour l'exploitation d'une activité de fabrication de chaussures sur le territoire de la commune des Eglisottes ; que cette activité a été reprise par la société La Botte Baudou qui l'a poursuivie jusqu'à sa mise en redressement judiciaire à la fin de l'année 1996 ; que cette société, alors que son activité nécessitait l'utilisation de produits toxiques et polluants, n'a pas remis le site en état; que si la SA Baudou a acquis le 21 février 1997 le fonds de commerce et diverses installations appartenant à la société La Botte Baudou et pris à bail, à titre temporaire, une partie des locaux que celle-ci exploitait, dans l'attente de la construction d'une nouvelle usine sur un autre site, elle ne s'est pas rendue propriétaire des stocks de matières premières utilisées par la société La Botte Baudou; que l'activité industrielle exercée par la SA Baudou sur une partie du site antérieurement exploité par la société La Botte Baudou ne faisait pas appel aux mêmes produits ; que la SA Baudou soutient sans être utilement contredite, que lors d'une visite du site, le 23 janvier 2001, en présence des services de la DRIRE, il a été constaté que les sites pollués n'étaient pas repris dans son bail et que les produits polluants appartenaient à l'ancien exploitant ; qu'il n'est pas contesté que la SA Baudou a cessé son activité, en août 1999, en faisant enlever les déchets liés à sa propre activité ; que, dès lors, la SA Baudou ne s'étant pas substituée à la société La Botte Baudou en qualité d'exploitant, cette dernière n'était pas exonérée de son obligation de remise en état du site, quand bien même elle n'était plus solvable ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés litigieux ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du préfet de la Gironde en date des 2 janvier 2001 et 1er mars 2002 ; Considérant qu'il n'appartient pas à la cour de faire droit aux conclusions de Me X, agissant en qualité de représentant des créanciers puis de commissaire à l'exécution du plan de la société La Botte Baudou, tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il n'était pas investi d'un mandat d'administration de ladite société ; Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à verser à la SA Baudou une somme de 1 300 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE, ensemble les conclusions incidentes de Me X, sont rejetés. Article 2 : L'Etat versera à la SA Baudou une somme de 1 300 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 4 No 04BX00394