Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème Chambre, 16 octobre 2020, 18MA04135

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
  • Numéro d'affaire :
    18MA04135
  • Type de recours : Contentieux répressif
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Montpellier, 5 juillet 2018
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000042444662
  • Rapporteur : Mme Jacqueline MARCHESSAUX
  • Rapporteur public :
    M. CHANON
  • Président : M. GUIDAL
  • Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS MCLEAN & LE BORGNE
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Marseille
2020-10-16
Tribunal administratif de Montpellier
2018-07-05

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : La région Occitanie a déféré M. E... C... au tribunal administratif de Montpellier comme prévenu d'une contravention de grande voirie, a demandé au tribunal de constater que l'infraction commise constitue une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 5335-2 du code des transports et de le condamner au paiement de la somme de 29 985 euros au titre de la remise en état de l'ouvrage détérioré. Par un jugement n° 1704924 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a condamné M. C... à payer une amende de 500 euros et à verser à la région Occitanie la somme de 29 985 euros. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 septembre 2018, 14 décembre 2018 et 24 avril 2019, sous le n° 18MA04135, M. C..., représenté par Me G..., demande à la Cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 5 juillet 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) de prononcer la relaxe des fins de poursuites engagées contre lui ; 3°) de rejeter la demande de la région Occitanie ; 4°) à tire subsidiaire, de ramener le montant des réparations mis à sa charge à la somme de 23 425 euros ; 5°) de mettre à la charge de la région Occitanie la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de ce que les dégâts sont imputables à la faute de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire qui n'avait pas prescrit de consignes d'amarrage suffisantes et de ce qu'il appartenait à tout le moins à cette autorité de signaler au commandant du navire tous les organes d'amarrage dont il pouvait disposer ; - le jugement viole les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; - à titre principal, en ne prescrivant pas des consignes d'amarrage suffisantes, l'administration a commis une faute assimilable à un cas de force majeure ; - à titre subsidiaire, le montant des dépenses mises à sa charge est anormal et doit être ramené à la somme de 23 425 euros. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 novembre 2018 et 4 mars 2019, la région Occitanie, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête de M. C... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu :

- le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 14 février 2017 ; - les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code des transports ; - le code pénal ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme I..., - les conclusions de M. Chanon, rapporteur public, - et les observations de Me D... pour M. C... et de Me F... pour la région Occitanie.

Considérant ce qui suit

: 1. La région Occitanie, par procès-verbal dressé le 14 février 2017, a déféré au tribunal administratif de Montpellier en tant que prévenu d'une contravention de grande voirie, M. C..., commandant du navire " Unlu 5 ", IMO 9334416 (pavillon Turquie), accosté au poste D4 en raison de la détérioration des installations portuaires, à savoir le platelage et le croc largable du duc B... n° 3, le croc largable du duc B... n° 2, ainsi que le platelage et le système de largage du duc B... n° 1 et a demandé au tribunal de constater que l'infraction commise constituait une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 5335-2 du code des transports et de le condamner au paiement de la somme de 29 985 euros hors taxes au titre de la remise en état de l'ouvrage détérioré. M. C... relève appel du jugement du 5 juillet 2018, par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à la peine d'amende de 500 euros résultant de cette infraction et à verser à la région Occitanie la somme de 29 985 euros au titre de la remise en état de l'ouvrage détérioré. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 3. Il résulte du point 7 du jugement attaqué que le premier juge a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que les autorités portuaires ont commis une faute assimilable par sa gravité à un cas de faute majeure en estimant que " les difficultés d'amarrage du navire " Unlu 5" placé sous la garde de M. C... sont dues à la mauvaise anticipation de l'avis de grand frais malgré l'information reçue et la proposition d'aide de la capitainerie " et que " M. C... avait la responsabilité de l'amarrage conformément à l'article R. 5333-10 du code des transports précité, d'autant que l'officier du port lui avait demandé à 16h20, la veille, de renforcer l'amarrage et d'assurer une surveillance pendant la nuit " et n'avait pas à répondre à tous les arguments du requérant. Par suite, ce jugement ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'infraction : 4. Aux termes de l'article L. 5335-2 du code des transports : " Il est interdit de porter atteinte au bon état et à la propreté du port et de ses installations (...) ". Aux termes de l'article L. 5337-1 du même code : " sans préjudice des sanctions pénales encourues, tout manquement aux dispositions du chapitre V du présent titre, à celles du présent chapitre et aux dispositions réglementant l'utilisation du domaine public, notamment celles relatives aux occupations sans titre, constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre ". L'article R. 5333-10 du code précité dispose que : " L'autorité investie du pouvoir de police portuaire fait placer dans le port les navires, bateaux et engins flottants aux postes à quai attribués par l'autorité portuaire. Ceux-ci sont amarrés sous la responsabilité de leur capitaine ou patron, conformément aux usages maritimes et aux prescriptions qui leur sont signifiées par l'autorité investie du pouvoir de police portuaire (...). / En cas de nécessité, tout capitaine, patron, ou gardien à bord doit renforcer ou faire renforcer les amarres et prendre toutes les précautions qui lui sont prescrites sur ordre de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire (...) ". 5. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie à raison d'une atteinte au bon état et à la propreté des ports et de leurs installations est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait la chose qui a été la cause du dommage 6. Lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public qu'au cas où le contrevenant produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure. 7. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement du rapport circonstancié établi le 27 février 2017 par le commandant du port que le navire " Unlu 5 " a accosté au poste D4 du port de commerce de Port-la-Nouvelle le 11 février 2017. La circonstance qu'à son arrivée, aucun plan d'amarrage indiquant les dispositions des différents organes d'amarrage à terre n'ait été remis par l'officier du port au capitaine du navire " Unlu 5 " et que celui-ci n'ait pas indiqué tous les organes d'amarrage dont il pouvait disposer est sans incidence dès lors que l'amarrage du navire s'est fait dans des conditions classiques à quatre crocs largables. En outre, l'autorité portuaire n'a pas donné une information insuffisante en ne prescrivant pas à ce moment le positionnement d'amarres supplémentaires sur les bites situées sur le quai, les conditions climatiques n'étant alors pas anormales et aucun incident n'est survenu jusqu'au 14 février, le navire ayant pu procéder au chargement de 5 000 tonnes de marchandises en vrac. Le 13 février 2017, à 15h33, un bulletin de vigilance orange a été émis par la préfecture de l'Aude. A 16h20, l'officier du port s'est rendu à bord du navire " Unlu 5 " pour signifier un avertissement d'avis de grand frais se traduisant par des vents violents et une houle importante et a demandé au capitaine de prendre des précautions, de renforcer son amarrage et d'assurer une surveillance pendant la nuit. Si M. C... soutient que le capitaine du navire s'est conformé à la consigne de renforcement de son amarrage, en reprenant les aussières, le rapport précité mentionne toutefois que " si les consignes données par l'officier du port de service avaient été respectées par le capitaine, il est fort probable que cette situation n'aurait pas pris une telle ampleur avec des dégâts moindres " et que " la mise en place des aussières supplémentaires par le bord n'étant pas faite dans les règles, les efforts exercés ne peuvent qu'augmenter les risques de dégradations sur les apparaux d'amarrage du poste D4 ". A 18h30, lors de sa ronde, l'officier du port en service a constaté que l'équipage du navire reprenait et renforçait son amarrage mais que les efforts exercés sur les aussières n'étaient pas équilibrés, occasionnant un cavalement du navire. Il a également demandé au capitaine de solliciter le concours du lamanage et de contacter la capitainerie. Si l'autorité de police du port a ainsi commis une faute en s'inquiétant des faiblesses de l'amarrage pour affronter la dégradation des conditions climatiques après son renforcement par l'équipage sans donner de consignes strictes et impératives au capitaine du navire, le requérant reconnaît ne pas avoir sollicité le concours du lamanage et de la capitainerie préconisé par l'officier du port, ce qui selon ce même rapport " a engendré une situation difficilement contrôlable de son amarrage, occasionnant des dégâts aux infrastructures ", alors qu'en vertu de l'article R. 5333-10 du code des transports mentionné au point 4, en cas de nécessité, tout capitaine doit renforcer ou faire renforcer les amarres et prendre toutes les précautions qui lui sont prescrites sur ordre de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire. Par ailleurs, selon le procès-verbal de contravention dressé le lendemain, le navire " Unlu 5 " n'a pas pu maintenir l'intégralité de son amarrage dont certaines aussières ont commencé à rompre vers 8 heures et alors que l'équipage tentait de reprendre l'amarrage, le navire a endommagé le platelage et le croc largable du duc B... n° 3, le croc largable du duc B... n° 2, ainsi que le platelage et le système de largage du duc B... n° 1. Dans ces conditions, ces dommages ne sont pas exclusivement imputables à la faute de l'administration du fait du refus du capitaine du navire de recourir à l'assistance proposée par l'officier de port. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une faute assimilable à un cas de force majeure. En ce qui concerne le coût des réparations : 8. L'auteur d'une contravention de grande voirie doit être condamné à rembourser au gestionnaire du domaine public le montant des frais exposés ou à exposer par celui-ci pour les besoins de la remise en état de l'ouvrage endommagé. Il n'est fondé à demander la réduction des frais mis à sa charge que dans le cas où le montant des dépenses engagées en vue de réparer les conséquences de la contravention présente un caractère anormal. 9. Il résulte du jugement attaqué que le tribunal a mis à la charge de M. C... la somme de 29 985 euros au titre de la remise en état de l'ouvrage détérioré, laquelle résulte de deux devis, le premier établi le 16 février 2017 par la société CESM d'un montant de 23 425 euros et le second du 12 avril 2017, de 6 560 euros. La seule circonstance que ce second devis ait été établi postérieurement aux premiers travaux réalisés en urgence afin d'éviter des retard d'accostage selon le rapport d'expertise du 27 février 2017 n'est pas de nature à établir qu'il concernerait des dommages différents sans rapport avec l'incident du 14 février 2017, alors que ce devis indique correspondre au coût de la réparation de deux caissons d'oreille de cisaillement du poste D4 où était amarré ce navire. En outre, la région Occitanie fait valoir sans être utilement contestée sur ces points que ces dommages ont été révélés lors du diagnostic complet de l'ouvrage par la société CESM à la suite des premiers travaux d'urgence, qu'ils n'existaient pas avant le 11 février 2017 et qu'aucun navire n'a été amarré au poste D4 après l'escale du navire " Unlu 5 ". Il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel coût serait anormal. Enfin, M. C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe du contradictoire du fait que la région Occitanie n'a pas convoqué l'armateur à une nouvelle expertise contradictoire dès lors qu'aucun texte législatif ou réglementaire n'impose à l'autorité portuaire de soumettre un devis à une telle procédure. En tout état de cause, le requérant a pu discuter devant le premier juge et la Cour du montant des sommes réclamées. Ainsi, la procédure contradictoire n'a pas été méconnue. Les conclusions présentées à titre subsidiaire par M. C... et tendant à ce que soit ramené le montant des réparations mis à sa charge à la somme de 23 425 euros doivent dès lors être rejetées. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à la peine d'amende de 500 euros et à verser à la région Occitanie la somme de 29 985 euros au titre de la remise en état de l'ouvrage détérioré. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Occitanie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la région Occitanie et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : M. C... versera à la région Occitanie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à la région Occitanie. Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, où siégeaient : - M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - M. Coutier, premier conseiller, - Mme I..., première conseillère. Lu en audience publique, le 16 octobre 2020. 2 N° 18MA04135 bb