Cour d'appel d'Orléans, 7 mai 2020, 19/03388

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
  • Numéro de pourvoi :
    19/03388
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Tours, 11 octobre 2019
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/6253cdd0bd3db21cbdd94900
  • Président : Madame Carole CAILLARD
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Orléans
2020-05-07
Tribunal de grande instance de Tours
2019-10-11

Texte intégral

COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 07/05/2020 Me Estelle GARNIER la SELARL AROBASE AVOCATS

ARRÊT

du : 07 MAI 2020 No : 83 - 20 No RG 19/03388 - No Portalis DBVN-V-B7D-GBNH DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Président du TC de TOURS en date du 11 Octobre 2019 PARTIES EN CAUSE APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265249444616152 SA PHARMAGEST INTERACTIVE Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège, [...] [...] Ayant pour avocat postulant Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Anne WILLIE, avocat au barreau de PARIS D'UNE PART INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265249319358403 Société APODIS [...] [...] Ayant pour avocat Me Quentin MOUTIER, membre de la SELARL AROBASE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 Octobre 2019 ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 20 Février 2020 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats à l'audience publique du 12 MARS 2020, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en son rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile. Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Nathalie MICHEL, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 07 MAI 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE : La SA Pharmagest Interactive qui appartient au Groupe Welcoop, société coopérative de commerçants détaillants pharmaciens d'officine intervient dans le développement et la commercialisation de solutions informatiques professionnelles pour les officines et les industries pharmaceutiques. Elle a créé et développé un "logiciel métier de gestion" appelé "logiciel de gestion à portail intégré" (logiciel LGPI) qu'elle commercialise auprès des pharmacies d'officine qui acquièrent ainsi une licence d'utilisation du logiciel, et qui se compose d'un portail d'information permettant un service d'aide à la gestion de l'officine et à la commande de produits, ainsi que des services d'informations plurielles et d'une base de données sécurisée intégrée au logiciel, permettant la création de tableaux de bords personnalisés ou de suivi de l'état de santé des patients. La société Apodis, constituée fin 2013 a pour activité le développement de solutions logicielles à destination des professionnels de santé, pharmaciens et laboratoires et a développé une application informatique appelée "Apodis Pharma" accessible via internet qui offre pour les officines des tableaux de bord et outils de gestion et de pilotage d'activité ainsi que des informations en cas de retrait de lots de médicament et pour les fabricants et grossistes, des outils de suivi des ventes et des stocks et des moyens de communication auprès des officines. Apodis Pharma propose un logiciel extracteur de données "Santé Secure" fonctionnant avec le consentement du pharmacien portant sur les seules données de vente. Indiquant avoir constaté le 10 octobre 2018 que la société Pharmagest Interactive avait installé sur l'une des pharmacies à la fois utilisatrices des services Apodis Pharma et équipées du logiciel LGPI de la société Pharmagest, un verrou informatique empêchant le logiciel Santé Secure de se connecter au serveur de données de l'officine, et avoir ensuite reçu de la société Pharmagest une proposition de conclure, sous peine de l'installation d'un nouveau blocage de son logiciel, un "contrat de coopération technique et commerciale" permettant à Apodis d'avoir accès aux données moyennant le versement d'une somme de 20 euros par mois et par pharmacie, la société Apodis a saisi le président du tribunal de commerce de Tours pour voire désigner et autoriser un huissier à rechercher au siège de la société Pharmagest tout élément se rapportant aux interventions techniques réalisées par elle, pouvant être à l'origine de l'interruption de l'accès du logiciel Santé Secure au serveur de données de l'officine Pharmacie du lac et éventuellement d'autres officines, ce en recherchant tout document contenant les mots clés "Apodis" et "Santé Secure". Le Président du tribunal de commerce de Tours a fait droit à cette demande par ordonnance du 13 février 2019 rectifiée par ordonnance du 26 février 2019 et le constat a été établi le 12 mars 2019 par Maître Q... huissier instrumentaire assisté de M. X..., expert informatique. La société Pharmagest a fait assigner la société Apodis en rétractation de l'ordonnance par acte d'huissier du 11 avril 2019 devant le Président du tribunal de commerce de Tours. Par ordonnance du 11 octobre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours a statué ainsi : Renvoyons les parties à mieux se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent et vu l'urgence : Déboutons la société Pharmagest Interactive de toute ses demandes de rétractation des ordonnance rendues à son encontre les 13 et 26 février 2019 ; Ordonnons le maintien sous séquestre des documents recueillis par l'huissier instrumentaire jusqu'au prononcé d'une décision définitive concernant la présente procédure de référé rétractation ; Ordonnons l'exclusion des correspondances ou entretiens entre la Société Pharmagest Interactive et son avocat des documents recueillis par l'huissier instrumentaire ; Déboutons les Sociétés Pharmagest Interactive et Apodis de leurs demandes respectives d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Laissons à la charge de la société Pharmagest Interactive le coût de son assigation et la condamnons aux entiers dépens liquidés et taxés à 45,42€. La société Pharmagest Interactive a formé appel de la décision par déclaration du 28 octobre 2019 en intimant la société Apodis, et en critiquant tous les chefs de l'ordonnance. Dans ses dernières conclusions du 17 février 2020, elle demande à la cour de : Vu l'article 145 du Code de Procédure Civile Vu les articles 233 et suivants du Code de Procédure Civile Vu les articles 493 et suivants du Code de Procédure Civile Vu l'article 6§1 de la Convention Européenne des droits de l'homme Vu l'article 66-5 de la Loi no71-1130 du 31 décembre 1971 Vu les pièces versées aux débats Il est demandé à la Cour de : - Déclarer recevable et bien fondés l'appel, ainsi que les fins, moyens et prétentions de la Société Pharmagest Interactive et y faire droit ; - Annuler l'ordonnance déférée du 11 octobre 2019 pour avoir commis un excès de pouvoir en procédant à l'examen du bien-fondé des demandes de la Société Apodis et en l'absence totale de motivation, à tout le moins infirmer l'ordonnance déférée du 11 octobre 2019 ; Statuant à nouveau, - Faire droit à l'exception d'incompétence matérielle du Président du Tribunal de Commerce de Tours et à l'exception d'incompétence territoriale de la Juridiction de Tours au profit du Président du tribunal de grande instance, et à titre infiniment subsidiaire au profit du Président du tribunal de grande instance ; - Juger que le Président du tribunal de commerce de Tours n'a pu être régulièrement saisi des requêtes des 12 et 25 février 2019, et ordonner l'annulation des deux ordonnances sur requête rendues ainsi que de toutes les mesures accomplies en exécution de celles-ci ; - Ecarter des débats les pièces numérotées de 48 à 51 ayant été communiquées dans des conditions ne permettant pas d'assurer le contradictoire ; Ce faisant, - Déclarer nuls et non avenus l'ensemble des constats et mesures opérées par Me Q... et M. I... X... ; - Ordonner la restitution intégrale à la Société Pharmagest Interactive par Me Q..., Huissier instrumentaire et le cas échéant par les hommes de l'art et/ou experts notamment M. I... X..., de l'ensemble des données, pièces, fichiers, courriels et documents recueillis, ainsi que les supports informatiques correspondants et toute éventuelle "empreinte électronique" qui aurait pu en être faite, sur simple présentation de la décision à venir; - Ordonner à Me Q... et M. X... pour le surplus la destruction des copies sur tout support qui ont pu être réalisées à l'occasion des opérations et leur interdire toute communication à des tiers ; A titre subsidiaire, - Juger que les conditions des articles 493 et suivants ainsi que de l'article 145 du code de procédure civile ne se trouvent pas réunies ; - Juger que la Société Apodis ne justifie ni du recours à une procédure non contradictoire ni d'un intérêt et motif légitime à agir; - Juger que la désignation du technicien « homme de l'art et/ou expert judiciaire » ayant une mission propre est irrégulière ; En conséquence, - Prononcer l'annulation, à tout le moins ordonner la rétractation des deux ordonnances respectivement rendues à son encontre les 12 et 26 février 2019 ; En conséquence, - Déclarer nuls et non avenus l'ensemble des constats et mesures opérées par Me Q... et M. I... X... ; - Ordonner la restitution intégrale à la Société Pharmagest Interactive par Me Q..., Huissier instrumentaire et le cas échéant par les hommes de l'art et/ou experts notamment M. I... X..., de l'ensemble des données, pièces, fichiers, courriels et documents recueillis, ainsi que les supports informatiques correspondants et toute éventuelle « empreinte électronique » qui aurait pu en être faite, sur simple présentation de la décision à venir; - Ordonner à Me Q... et M. X... pour le surplus la destruction des copies sur tout support qui ont pu être réalisées à l'occasion des opérations et leur interdire toute communication à des tiers ; A titre infiniment subsidiaire : - Maintenir la mesure de séquestre entre les mains de l'Huissier dans l'attente de l'issue de la procédure de contestation du procès-verbal de constat de Me Q... du 12 mars 2019, pendant devant le Tribunal de Commerce de Tours (RG no18/01418), par le prononcé d'une décision définitive ; A titre encore plus infiniment subsidiaire, - Juger que le Président de la chambre commerciale de la Cour d'Appel de céans procèdera à un tri des documents recueillis par l'Huissier afin de ne remettre à la Société Apodis que ceux s'inscrivant dans les strictes limites de la mission donnée et ne comportant aucun échange impliquant un Avocat ou portant sur des notes d'entretien avec un Avocat ; En toutes hypothèses, - Déclarer irrecevables, en tous cas mal fondées, toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes et les rejeter ; - Condamner la Société Apodis à verser à la Société Pharmagest Interactive la somme de 8.000 Euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la Société Apodis aux entiers dépens de 1 ère instance et d'appel, et accorder à Me N... le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile. Sur les faits, l'appelante explique que la société Apodis pirate les codes d'accès à la base de données qu'elle a développée au sein du LGPI, afin, par l'intermédiaire de son logiciel Santé secure, qui permet l'extraction des données des pharmacies clientes d'en extraire automatiquement les données qui s'y trouvent enregistrées et traitées, en fraude des droits de la Société Pharmagest, qui a déposé entre 2002 et 2017 pour le logiciel LGPI plusieurs dépôts à l'agence de protection des programmes, et au mépris de toute sécurité. Elle soutient qu'Apodis ne peut se prévaloir d'une prétendue autorisation donnée en ce sens alors que le pharmacien acquiert une licence d'utilisation personnelle et non cessible du LGPI, de sorte qu'il dispose d'un code d'accès lui permettant de saisir ses données dans le logiciel et de les extraire, mais ne dispose pas d'un code administrateur donnant accès au cœur du système sécurisé des données traitées, et ne peut a fortiori les céder à un tiers. Elle soulève l'incompétence du président du tribunal de commerce de Tours au profit du président du tribunal de grande instance de Nancy au motif que : - le Président du tribunal de commerce ne peut ordonner des mesures sur requête que dans les limites de sa compétence ; la base de données et le logiciel LGPI sont protégés au titre du droit d'auteur comme création originale par l'article L112-3 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle et l'article L331-1 du même code donne compétence exclusive au tribunal de grande instance pour statuer sur toute question relative à la propriété littéraire et artistique. Dès lors que la société Apodis veut obtenir la reconnaissance d'un prétendu droit à connecter son logiciel « santé secure » sur le serveur LGPI propriété de la Société Pharmagest, afin d'en extraire des données, et prétend à tort que l'accès de son logiciel au LGPI ne contrevient à aucun droit de propriété intellectuelle et ne peut être bloqué, le litige suppose que soit tranchée la question du droit de propriété de la société Pharmagest sur la base de données et le LGPI. - la mesure d'exécution s'est exécutée au siège social de Pharmagest et seul le tribunal de Nancy était compétent en vertu de l'article 493 du code de procédure civile et non celui de Tours, lieu prétendu du fait dommageable et de réalisation du dommage dans la Pharmacie du Lac à Tours, alors que la société Apodis ne justifie pas même d'un contrat la liant à cette dernière. Sur le fond, l'appelante fait valoir que l'ordonnance déférée doit être annulée, à tout le moins infirmée en ce qu'elle a fait une application inexacte des règles de droit et une appréciation technique erronée des faits. Elle indique qu'aucune circonstance ne justifie une dérogation au principe du contradictoire et que la société Apodis ne justifie d'aucun motif légitime. Elle conteste avoir commis une voie de fait ou une faute intentionnelle et réaffirme que le logiciel frauduleux Santé Secure force frauduleusement les codes d'accès à la base de données et que c'est à tort que la société Apodis prétend que l'extraction opérée par son logiciel ne mettrait en oeuvre aucun des traitements réalisés par le LGO alors qu'elle ne procède pas à cette extraction au niveau des données brutes saisies par le pharmacien dans le LGPI mais bien à celui de la base de données après traitement desdites données. Elle ajoute que les mesures poursuivies sont sans pertinence et utilité et n'améliorent pas la situation probatoire de la société Apodis qui dispose par le procès verbal de constat établi les 11 et 12 octobre 2018 de l'identification de la mesure technique ayant empêché la remontée directe de données de la Pharmacie du Lac, et est déjà en mesure d'identifier parmi ses pharmacies clientes celles qui rencontreraient des difficultés de fonctionnement de son logiciel. Elle soutient enfin que le technicien chargé d'assister l'huissier aurait dû être désigné nominativement, afin de permettre à la juridiction de vérifier ses qualifications et garanties d'indépendance par rapport à la société requérante, et que l'huissier s'est borné à constater l'aspiration en masse de documents non identifiés sans aucun contrôle puisqu'il n'a pas même conservé une copie de la clé USB de travail de l'informaticien ce qui ne permet aucune traçabilité des documents ni une fiabilité probatoire des fichiers, susceptibles d'altération hors la présence de l'huissier. Elle en déduit que la mission d'expertise est irrégulière. La société Apodis demande à la cour, par dernières conclusions du 14 février 2020 de: Vu les dispositions de l'article 145, 493, 496 et 497 du Code de procédure civile, Vu les dispositions de l'article R153-1 du Code de commerce, Au principal, Débouter la société Pharmagest Interactive de sa demande de rétraction des ordonnances des 13 et 26 février 2019 ; Reconventionnellement, Ordonner la levée du séquestre des pièces saisies lors de la mesure de constat du 12 mars 2019 dans les locaux de la société Pharmagest Interactive ; Donner acte à la société Apodis qu'elle sollicitera de Me Q... de conserver par-devers lui les correspondances échangées entre la Société Pharmagest Interactive et son propre avocat, jusqu'à ce que leur communication soit tranchée par le Tribunal de commerce de Tours statuant avant dire-droit. En tout état de cause, Condamner la société Pharmagest Interactive à payer à la société Apodis la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'espèce. Sur la régularité de la procédure, elle indique : - que le président du tribunal de commerce est bien compétent matériellement, s'agissant d'un litige de pur droit commun de la responsabilité délictuelle entre sociétés commerciales, et sa compétence ne pouvant être déclinée en raison de moyens en défense ultérieurs dont il n'avait pas connaissance, ainsi que territorialement, le fait dommageable et le dommage s'étant produits dans une pharmacie de Tours, - que peu importe que l'ordonnance sur requête n'ait pas désigné nominativement le technicien chargé d'exécuter la mesure aux côtés de l'huissier de justice désigné, - que les griefs tirés du prétendu conflit d'intérêt que présenterait ce technicien, son absence prétendue de contrôle par l'huissier et l'inobservance par l'huissier désigné des termes de sa mission concernent l'exécution de la mesure et n'ont pas à être discutés devant la cour. Sur le bien fondé de la demande de mesure d'instruction sur requête, elle indique qu'elle justifie d'un motif légitime car en installant un moyen de blocage du logiciel Santé Secure sur le serveur de données de la Pharmacie du Lac alors qu'il avait été autorisé par l'officine, la société Pharmagest a commis le délit d'entrave à un système de traitement automatisé de données et par suite une faute délictuelle confinant à la voie de fait, ce alors que ce blocage n'a aucun motif légitime, puisque le logiciel Santé Secure se borne à extraire des données brutes de vente depuis la base de données des pharmaciens sans reproduction du programme de LGPI et de la structure de la base de données. Elle considère que son activité ne porte atteinte à aucun droit de propriété intellectuelle de la société Pharmagest car le droit d'auteur protège la structure d'une base de données à supposer qu'elle soit originale, et non les données elles mêmes et qu'en tout état de cause, la société Pharmagest ne pouvait pas bloquer le fonctionnement du logiciel Santé Secure par un moyen frauduleux. L'affaire a été fixée à l'audience du 12 mars 2020 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile. Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions. La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 20 février 2020. MOTIFS DE LA DÉCISION : Sur la demande tendant à écarter des débats certaines pièces En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Pour demander à la cour d'écarter des débats les pièces numérotées de 48 à 51 communiquées par la société Apodis, la société Pharmagest indique que ces pièces ont été communiquées le 17 février 2020 à trois jours de l'ordonnance de clôture, dans des conditions ne permettant pas d'assurer le contradictoire et que les dernières conclusions de la société Apodis prises le même jour y font référence et comportent de nombreux rajouts à ses précédentes conclusions. Il ressort toutefois des conclusions et bordereaux de communication de pièces versées aux débats que la société Apodis a conclu le 14 février 2020, et non le 17, a communiqué ce même jour trois nouvelles pièces numérotées 48, 50 et 51 et que la société Pharmagest a conclu le 17 février et a ainsi pu répondre aux dernières écritures et pièces de son adversaire, ce dernier indiquant le 18 février 2020 qu'il n'entendait pas répliquer et l'ordonnance de clôture étant rendue le 20 février 2020. La société Pharmagest a ainsi été en mesure, dans ses dernières conclusions signifiées le 17 février 2020, de formuler ses observations sur les dernières écritures et pièces de son adversaire. En conséquence, la demande d'écarter des débats les pièces 48 à 51 communiquées par la société Apodis n'est pas justifiée au regard du principe de la contradiction et sera rejetée. Sur la demande de nullité de l'ordonnance déférée du 11 octobre 2019 L'article 458 alinéa 1 du même code dispose : "Ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454 en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 alinéa 1er et 456 doit être observé à peine de nullité". L'article 455 alinéa 1 énonce notamment que le jugement doit être motivé. La société Pharmagest demande l'annulation de l'ordonnance du 11 octobre 2019 au motif que le juge a commis un excès de pouvoir en procédant à l'examen du bien fondé des demandes de la société Apodis et en l'absence totale de motivation. Sur le premier point, il n'apparaît pas, à la lecture du dispositif de l'ordonnance déférée, que le premier juge ait statué sur des questions excédant ses pouvoirs. S'agissant ensuite de la motivation, il a motivé sa décision sur différents chefs contestés, à savoir la compétence, le motif de la mesure d'instruction, l'irrégularité alléguée de la mission d'expertise, la demande de maintien sous séquestre, et l'excès de pouvoir allégué n'est pas établi. Il a omis de vérifier l'existence de circonstances de nature à justifier l'absence de contradiction mais l'absence de motivation de l'ordonnance sur ce point ne justifie pas son annulation. La pertinence de la motivation sera analysée ci-après. Il n'y a en tout état de cause pas lieu à annulation de l'ordonnance déférée. Sur l'exception d'incompétence Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que, "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé". Aux termes de l'article 875 du même code, le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement. - sur la compétence matérielle La société Pharmagest prétend que le président du tribunal de commerce de Tours devait nécessairement, pour statuer, rechercher au regard de quelle disposition légale les prétentions du demandeur doivent être appréciées, et dès lors trancher la question du droit de propriété de la société Pharmagest sur la base de données du logiciel de gestion à portail intégré (LGPI) installé dans les officines, ce qui selon elle relèverait de la compétence exclusive du tribunal de grande instance devenu le tribunal judiciaire. En application de l'article 49 du code de procédure civile, toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question de la compétence exclusive d'une autre juridiction. L'article L331-1 du code de la propriété intellectuelle dispose : "les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance (tribunaux judiciaires, depuis l'ordonnance no 2019-964 du 18 septembre 2019 entrée en vigueur le 1er janvier 2020) déterminés par voie règlementaire. En l'espèce le litige oppose deux sociétés commerciales dont l'une (Apodis) invoque l'existence probable de faits de nature à engager la responsabilité quasi-délictuelle de l'autre (Pharmagest) ayant consisté à installer un verrou informatique interdisant l'accès par Apodis aux données du serveur d'une officine alors que la pharmacie lui aurait donné son accord, et en déduit l'existence d'un motif légitime à voire ordonner sur requête une mesure d'instruction. L'action engagée par la société Apodis n'est pas relative à la propriété littéraire et artistique et cette dernière ne fonde pas ses prétentions et le motif légitime dont elle se prévaut sur le code de la propriété intellectuelle mais sur le droit commun de la responsabilité délictuelle entre deux sociétés commerciales. L'action engagée par la société Apodis par voie de requête relevait donc bien de la compétence du tribunal de commerce. C'est seulement en défense, devant le juge de la rétractation, et donc après que le président du tribunal de commerce de Tours a été régulièrement saisi, que la société Pharmagest soulève l'absence de motif légitime de la requérante, résultant de ce qu'elle serait elle-même titulaire de droits de propriété intellectuelle sur la base de données dont la société Apodis aurait selon elle forcé l'accès, ce qui constituerait de la part de cette dernière un accès frauduleux à son logiciel et rendrait illégitimes les motifs de sa demande de mesure d'instruction. Cette question pourra le cas échéant justifier au fond une question préjudicielle posée au tribunal judiciaire compétent pour déterminer, dans l'hypothèse où la société Apodis se serait effectivement connectée à la base de données du logiciel LGPI, si la société Pharmagest est ou non titulaire de droits de propriété intellectuelle auxquels la société Apodis a porté atteinte, ce que cette dernière conteste. En revanche, elle ne justifie pas l'incompétence matérielle du président du tribunal de commerce de Tours pour statuer sur la requête déposée par la société Apodis le 8 février 2019. - sur la compétence territoriale Sauf dispositions légales contraires, le juge territorialement compétent pour rendre l'ordonnance sur requête est le président de la juridiction saisie au fond ou celui du tribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée. S'agissant de la juridiction compétente sur le fond, l'article 46 du code de procédure civile permet au demandeur de saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. En l'espèce, la société Apodis invoque, en produisant un constat d'huissier établi avec le concours d'un informaticien, de l'installation par la société Pharmagest d'un "verrou" informatique interdisant à son logiciel de se connecter au serveur de données de la Pharmacie du lac située à Tours, faits susceptibles d'engager la responsabilité de l'appelante. Elle ne verse pas aux débats de contrat signé l'unissant à cette dernière mais produit une attestation établie par Mme G... Pharmacienne titulaire de la pharmacie du Lac dont il ressort que cette dernière a consenti expressément, en procédant elle-même à l'installation du logiciel "Santé Secure" à ce que la société Apodis puisse extraire grâce à ce logiciel des données de vente de la pharmacie depuis son environnement informatique (pièce 50). La juridiction de Tours étant le lieu où ont été constatés le possible fait dommageable à l'origine du litige c'est à dire le système de blocage informatique et le dommage, à savoir l'impossibilité d'accéder aux données du serveur de l'officine, le Président du tribunal de commerce de Tours est territorialement compétent pour statuer sur l'ordonnance sur requête. Par ailleurs, il n'y a pas lieu à désignation du tribunal judiciaire de Paris sollicitée à titre subsidiaire par l'appelante sur le fondement des articles D331-1-1 du code de la propriété intellectuelle et D211-6-1 du Code de l'organisation judiciaire puisque l'incompétence matérielle du président du tribunal de commerce au profit du président du tribunal judiciaire fondée sur l'article L331-1 du code de la propriété intellectuelle n'a pas été retenue. Sur les conditions de la mesure d'instruction ordonnée sur requête L'article 145 du code de procédure civile dispose que "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé". En vertu des articles 493 et 495 du même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse et elle doit être motivée. En application de ces dispositions, le juge, saisi d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, est tenu d'apprécier au jour où il statue, les mérites de la requête et doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement. L'ordonnance qui, visant la requête, en adopte les motifs, satisfait à l'article 495 du code de procédure civile. En l'espèce, l'ordonnance sur requête du 13 février 2019 procède en son entête par visa de la requête, des pièces produites et des motifs qui y sont exposés. Ce visa a valeur de motivation à condition que les motifs de la requête et les preuves apportées, répondent aux exigences précitées. En premier lieu, le fait de ne pas procéder contradictoirement pour solliciter une mesure d'instruction doit être justifié par des circonstances qui doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance de manière précise et circonstanciée, ce qui exclut les motifs abstraits ou stéréotypés. L'ordonnance dont appel ne mentionne aucun élément sur les circonstances justifiant de ne pas procéder contradictoirement, alors que le premier juge saisi en référé rétractation aurait dû même d'office, vérifier l'existence de telles circonstances. La requête déposée par la société Apodis le 8 février 2019 expose de manière développée le contexte et l'origine du litige ainsi que l'entrave à un système de traitement automatisé de données qu'elle reproche à la société Pharmagest d'avoir mise en place, interdisant ainsi à son logiciel Santé Secure de se connecter au serveur de données de la Pharmacie du Lac située à Tours. En revanche, s'agissant des circonstances justifiant qu'il ne soit pas procédé contradictoirement, elle se borne à énoncer en page 42, qu'il "est vraisemblable que, si elle était avertie des griefs de la requérante et des mesures d'instruction requises, la société Pharmagest tenterait de faire disparaître toute trace des documents", en ajoutant qu'elle s'est efforcée elle-même d'assortir les mesures sollicitées d'exigences propres à garantir leur exécution loyale, équitable et autant que faire se peut contradictoire. Sur ce second point, il ressort de ses conclusions que la société Apodis évoquait le fait d'avoir sollicité, dans le cadre de sa requête, une mesure de séquestre. Cette circonstance ne dispense toutefois pas de la nécessaire motivation des circonstances de nature à écarter la contradiction, dans la requête ou l'ordonnance. Sur le premier point, la cour rappelle que si le risque de dépérissement ou de disparition des preuves peut effectivement justifier qu'il ne soit pas procédé de manière contradictoire, encore faut il que la requête ou l'ordonnance contienne des éléments de l'espèce permettant de circonstancier ce risque. (Cf pour exemple Civ 2 1er mars 2018 no 17-10107). Or, la requête se borne à une motivation générale sur un risque de disparition des documents recherchés qui n'est pas formellement allégué mais est seulement qualifié de "vraisemblable" et surtout, n'est pas argumenté au regard des éléments propres au cas d'espèce. La société Apodis prétend dans ses écritures que les mesures d'instruction sollicitées tendent à la recherche, au moyen de mots clés, de documents numériques dématérialisés (messages électroniques et autres fichiers), ce dont elle déduit le risque important de modification ou de disparition des preuves. La cour observe toutefois que la mesure d'instruction sollicitée porte sur "tous documents quel qu'en soit le support, papier ou numérique..." et que la requête ne fait pas clairement de lien entre la nécessité de ne pas procéder de manière contradictoire et les documents qui sont recherchés. L'intimée soutient encore que la voie de fait précisément exposée dans la requête et ses écritures autorise légitimement à penser que la société Pharmagest avait les compétences et la détermination requise pour user et abuser de moyens informatiques de dissimulation et que la dérogation au contradictoire s'imposait. Néanmoins, ainsi qu'il a été dit, les circonstances justifiant de déroger au principe de la contradiction doivent être caractérisées dans l'ordonnance ou la requête et le juge de la rétractation ne peux déduire ces circonstances des éléments de la cause ou des pièces (voir pour exemple, Civ. 2ème 22 mars 2018 no 17-14500). En outre, la société Apodis a indiqué dans la requête (page 27) qu'elle avait interrogé la société Pharmagest le 11 octobre 2018, bien avant de déposer la requête litigieuse, sur le blocage informatique observé la veille et que cette dernière lui avait répondu, en annonçant ouvertement travailler sur un nouveau dispositif technique de blocage sauf acquittement d'un droit d'accès. Au regard de cet échange entre les parties dont il résulte qu'elles connaissaient dès octobre 2018 leur position respective, de sorte que la société Pharmagest avait dès cette date la possibilité, si elle le souhaitait, de faire disparaître les preuves éventuelles, la motivation de la requête ci-dessus rappelée est a fortiori insuffisante pour établir que l'absence du respect du principe de la contradiction était l'unique moyen de parvenir au succès de la mesure d'instruction. Force est de constater que la requête est motivée sur ce point par voie d'affirmation abstraite et stéréotypée, que l'ordonnance procède par simple visa à la requête, et qu'il n'est donc pas satisfait à l'exigence de motivation telle qu'affirmée par l'article 493 du code de procédure civile. En second lieu, s'agissant du motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige au sens de l'article 145 du code de procédure civile, le juge de la rétractation doit l'apprécier au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve fournis à l'appui de la requête et de ceux ultérieurement produits devant lui. L'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu'il existe un procès « en germe » possible, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. En l'espèce, la société Apodis se prévaut de ce que la société Pharmagest aurait installé une mesure technique de blocage informatique l'empêchant de se connecter au serveur de la pharmacie du Lac à Tours, rendant l'extraction de données de vente impossible, alors que cette Pharmacie l'a autorisée en ce sens. Ainsi qu'il a été dit, elle ne verse pas aux débats le contrat signé l'unissant à la Pharmacie du lac mais produit ses conditions générales et il ressort de l'attestation établie par Mme G... pharmacienne qu'elle a procédé elle-même à l'installation du logiciel "Santé Secure" et a ainsi accepté qu'Apodis puisse extraire grâce à ce logiciel des données de vente de la pharmacie. L'existence d'un procès "en germe" était ainsi suffisamment établie lors de la requête et les parties versent d'ailleurs aux débats l'assignation devant le tribunal de commerce de Tours délivrée le 12 mars 2019 par la société Apodis à la société Pharmagest, sollicitant la condamnation de la seconde à lui verser des dommages et intérêts et à lui interdire sous astreinte tout entrave au transfert de données traitées par une officine vers la société Apodis avec le consentement du pharmacien. La cour observe toutefois que la requête, (comme d'ailleurs l'assignation du 12 mars 2019) se fonde essentiellement sur le blocage informatique constaté le 10 octobre 2018 qui concerne la Pharmacie du Lac et pour lequel la société Apodis produisait déjà à l'appui de sa requête, en pièce 23, un procès verbal de constat établi les 11 et 12 octobre 2008 par Maître S... huissier de justice à Tours qui s'est adjoint un informaticien ayant procédé en sa présence à des constatations très précises au sein de la Pharmacie du Lac. Ce procès verbal a d'ores et déjà permis d'identifier précisément la mesure technique ayant empêché la remontée directe de données de la pharmacie en octobre 2018 en en précisant le fonctionnement. La requérante produisait en outre au soutien de sa requête des échanges de courriels entre elle et la société Pharmagest dont il ressort qu'elle a interrogé cette dernière dès le 11 octobre 2018 au sujet du blocage applicatif de son logiciel Santé Secure, et que la société Pharmagest n'avait pas contesté être à l'origine de ce blocage mais soutenait que la société Apodis interrogeait de manière illicite sa base de données et lui a proposé pour résoudre cette situation la conclusion d'un "contrat de coopération technique et commerciale" à titre onéreux, permettant de développer un "connecteur" au sein de son logiciel LGPI qui assurerait la sécurisation de sa base données et permettrait à Apodis l'obtention des informations soumise à l'accord du pharmacien. La société Apodis disposait donc déjà lors de la requête d'éléments précis établissant le "verrou" informatique l'empêchant d'accéder au serveur de données de la Pharmacie du Lac. Elle l'a d'ailleurs expressément admis dans sa requête mais soutenait que la mesure d'instruction était néanmoins nécessaire car si elle rapporte la preuve de cette mesure, elle n'en connaît pas la nature technique, la portée et le nombre d'officines touchées, ces éléments étaient nécessaires pour étayer, au fond, l'étendue des mesures d'interdiction et de réparation qu'elle réclamera. La société Apodis était toutefois en mesure de rechercher auprès de ses autres pharmacies clientes celles qui rencontrent les mêmes difficultés, et il est établi qu'elle l'a fait puisqu'elle indique en page 23 de sa requête qu'après vérification, elle a réalisé que tous les pharmaciens équipés du logiciel LGPI de la société Pharmagest rencontraient la même difficulté. En outre, le constat d'huissier précité d'octobre 2018 identifiait précisément le fonctionnement technique du blocage utilisé. La solution du litige au fond ne dépend donc pas de la mesure d'instruction sollicitée qui n'apparaît pas pertinente et utile et la société Apodis ne justifie pas à ce titre d'un motif légitime. de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige au sens de l'article 145 du code de procédure civile. Enfin, s'agissant de la mesure ordonnée, la cour observe au surplus que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1o de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales commande que le technicien qui prête assistance à l'huissier de justice désigné par le juge pour effectuer la mesure d'instruction sollicitée soit indépendant des parties et qu'en l'espèce, l'ordonnance du 13 février 2019, qui a nominativement désigné l'huissier de justice chargé de la mesure mais a prévu qu'il pouvait "se faire assister pour l'aider dans ses constatations et pour l'exécution de sa mission d'hommes de l'art et/ou experts judiciaires désignés par la société Apodis à l'exception des dirigeants et personnels salariés de cette dernière", ne garantit pas de manière suffisante l'indépendance de ce technicien. En effet, il ressort de la mission sollicitée dans la requête que ce technicien a une mission importante dépassant des opérations strictement matérielles de manipulation et d'extractions de données informatiques même si elles s'exercent sous le contrôle continu de l'huissier. En prévoyant que l'huissier peut s'adjoindre un technicien choisi non par lui mais par la société requérante, et même si était exclue la désignation des dirigeants et personnels salariés de cette dernière, le juge n'a pas entouré sa décision de précautions suffisantes au regard notamment de l'absence de conflit d'intérêts avec l'une des parties. Pour l'ensemble de ces raisons, l'ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Tours le 13 février 2019, telle que rectifiée le 26 février suivant doit être rétractée, sans qu'il soit besoin de statuer plus avant sur les moyens soulevés par l'appelante et l'intimé. C'est en effet le cas échéant au juge du fond qu'il appartiendra de rechercher si la société Pharmagest dispose, ainsi qu'elle l'allègue, de droits de propriété intellectuelle auxquels la société Apodis aurait porté atteinte et si elle a commis une faute en installant une mesure technique de blocage informatique empêchant le logiciel Santé Secure d'Apodis d'accéder au serveur de données de l'officine ou si au contraire, cette mesure de blocage est légitimée par la propre faute commise par la société Apodis qui accèderait sans autorisation à une base de données de Pharmagest sur laquelle cette dernière détient des droits de propriété intellectuelle. La rétractation de l'ordonnance emporte comme conséquences, la perte de fondement juridique des constats et mesures d'instruction effectuées et par suite leur nullité, ainsi que la levée du séquestre, la restitution à la société Pharmagest de l'ensemble des données, pièces, fichiers, courriels et documents recueillis, ainsi que des supports informatiques correspondants et toute éventuelle empreinte électronique qui aurait pu en être faite, et la destruction des copies sur tout support qui ont pu être réalisées à l'occasion des opérations. Il n'y a pas lieu de faire expressément interdiction à l'huissier instrumentaire de divulguer toute information recueillie lors de son procès verbal de constat, ses obligations professionnelles et déontologiques le lui imposant en tout état de cause. Sur les autres demandes La société Pharmagest obtenant gain de cause en son appel, les entiers dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Apodis, outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître N... qui en fait la demande expresse, et l'intimée versera à l'appelante la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, - Rejette la demande de la société Pharmagest Interactive tendant à écarter des débats les pièces 48 à 51 communiquées par la société Apodis ; - Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance du 11 octobre 2019 ; - Infirme l'ordonnance du 11 octobre 2019 en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau et y ajoutant ; - Rétracte l'ordonnance sur requête rendue par le Président du tribunal de grande instance de Tours le 13 février 2019 rectifiée le 26 février suivant ; - Prononce en conséquence la nullité de l'ensemble des constats et mesures opéréees par ou sous le contrôle de Maître Q... huissier de justice en exécution de l'ordonnance du 13 février 2019 rectifiée le 26 février suivant ; - Ordonne la levée du séquestre réalisé en exécution de cette ordonnance et la restitution à la société Pharmagest Interactive par Maître Q... huissier instrumentaire et le cas échéants les hommes de l'art qu'il s'est adjoint, de l'ensemble des données, pièces, fichiers, courriels et documents recueillis, ainsi que les supports informatiques correspondants et toute éventuelle "empreinte électronique" qui aurait pu en être faite, et la destruction des copies sur tout support qui ont pu être réalisées à l'occasion des opérations ; - Condamne la société Apodis à verser à la société Pharmagest Interactive une indemnité de 3000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - Rejette le surplus des demandes ; - Condamne la société Apodis aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT