ARRET
N° 408
[F]
[H]
[H]
[H]
[H]
[H]
[R]
C/
CPAM DU HAINAUT
S.A.S. AGRATI VIEUX CONDE
EW
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 09 JUIN 2022
*************************************************************
N° RG 21/04343 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IGSF
JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE VALENCIENNES EN DATE DU 13 juillet 2016
ARRET DE LA CHAMBRE DE LA PROTECTION SOCIALE COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE DU 19 décembre 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
Madame [U] [F] veuve [H]
773 rue Gambetta
59184 SAINGHIN EN WEPPES
Monsieur [G] [H] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [O] [H]
35 rue du Nord
Appt 3
57600 FORBACH
Madame [J] [H] épouse [R]
92 rue Etienne Bancel
59970 FRESNES SUR ESCAUT
Monsieur [L] [H] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal des ses enfants mineurs [N] [H] née le 10/10/2009 et [W] [H] née le 29/04/2019
773 rue Gambetta
59184 SAINGHIN EN WEPPES
Monsieur [V] [H]
773 rue Gambetta
59184 SAINGHIN EN WEPPES
Monsieur [M] [H]
35 rue du Nord
Appt 3
57600 FORBACH
Monsieur [T] [R]
92 rue Etienne Bancel
59970 FRESNES SUR ESCAUT
Représentés et plaidant par Me Pascal LABBEE, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0075
ET :
INTIMES
CPAM DU HAINAUT agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
63 rue du Rempart
CS 60499
59321 VALENCIENNES CEDEX
Représentée et plaidant par Mme [P] [Y] dûment mandatée
S.A.S. AGRATI VIEUX CONDE agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
2 rue Ferdinand Dervaux BP 29
59690 VIEUX CONDE
Représentée et plaidant par Me Valérie LE BRAS de la SCP SOULIE - COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 10 Mars 2022 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles
786 et
945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. Maximilien COURONNE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 09 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article
450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
*
* *
DECISION
Vu le jugement rendu le 13 juillet 2016 par lequel le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes, statuant dans le litige opposant Madame [U] [F] veuve [H], Monsieur [G] [H] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses fils mineurs [M] [H] et [O] [H], Madame [J] [H] épouse [R], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur [T] [R], Monsieur [L] [H] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure [N], Monsieur [V] [H] d'une part, la société AGRATI VIEUX -CONDE d'autre part, en présence de la CPAM du Hainaut, a:
- ordonné la jonction des procédures n° 20150289 et n° 20160341,
- débouté Madame [U] [F] veuve [H], épouse de Monsieur [C] [H] , Monsieur [G] [H], Madame [J] [H] et Monsieur [L] [H], ses enfants, Monsieur [V] [H], son petit fils majeur, [M] et [O] [H], ses petits fils mineurs représentés par leur père [G] [H], [T] [R], son petits fils mineur représenté par sa mère [J] [H], et [N] [H], sa petite fille mineure représentée par son père Monsieur [L] [H], de leur demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société AGRATI, ainsi que de l'ensemble de leurs demandes subséquentes,
- constaté que la décision de prise en charge de la pathologie de Monsieur [C] [H] par la CPAM du Hainaut en date du 3 septembre 2013 est inopposable à la société AGRATI,
- débouté Madame [U] [F] veuve [H], épouse de Monsieur [C] [H] , Monsieur [G] [H], Madame [J] [H] et Monsieur [L] [H], ses enfants, [V] [H], son petit fils majeur, [M] et [O] [H], ses petits fils mineurs représentés par leur père [G] [H], [T] [R], son petits fils mineur représenté par sa mère [J] [H], et [N] [H], sa petite fille mineure représentée par son père Monsieur [L] [H], de leur demande au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
Vu l'appel de ce jugement relevé par les consorts [H] le 19 août 2016,
Vu le transfert du dossier à la Cour d'appel d'Amiens par l'effet de la réforme des juridictions sociales,
Vu la radiation ordonnée le 19 décembre 2019 et la réinscription de l'affaire au rôle,
Vu les conclusions visées le 10 mars 2022 , soutenues oralement à l'audience, par lesquelles Madame [U] [F] veuve [H], Monsieur [G] [H] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [O] [H], [M] [H] devenu majeur, Madame [J] [H] épouse [R] , son fils devenu majeur [T] [R], Monsieur [L] [H] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses filles mineures [N] [H] et [W] [H], et [V] [H] devenu majeur, prient la cour de:
- réformant la décision entreprise et les recevant en leur appel,
- reconnaître la faute inexcusable de l'employeur,
- dire et juger qu'ils sont fondés à solliciter l'indemnisation intégrale du préjudice découlant de la faute inexcusable de l'employeur,
donner acte à la caisse de ce qu'elle fera l'avance des réparations dues à la victime pour le compte de l'employeur auteur de la faute inexcusable, de dire que celui-ci sera tenu de lui rembourser le montant des réparations ainsi accordées, sur le fondement des dispositions de l'article
L 452-2 et
L 452-3 du code de la sécurité sociale,
- fixer le montant des réparations comme suit:
1°)pour le compte de la succession de Monsieur [H]:
a) la majoration de rente de la date d'attribution à la date du décès,
la rente de M [H] a été attribuée à effet du 23 janvier 2013, la rente annuelle servie est de 21816,97 euros,
la majoration maximale plafonnée est de 23018,35 euros,
Monsieur [H], en raison de la faute inexcusable pouvait prétendre à une majoration mensuelle de 1918,50-1818,08 euros= 100,42 euos,
entre la date d'attribution et la date du décès (novembre 2014) est dû un arriéré de majoration de rente de 2200 euros
b) sur les préjudices accessoires de M [H] :
il sera avant dire droit sur ce poste nommé expert selon les dispositions de la « grille Dinthillac »,
à défaut, fixer le montant de la réparation du préjudice personnel de M [H] à la somme de 40000 euros,
2°) Pour Madame [U] [F] veuve [H] personnellement:
a) la majoration de rente:
fixer le taux de majoration au maximum et dire que la rente de conjoint survivant sera fixée à effet du 1 er décembre 2014 sur la base d'un salaire de référence annuel de vingt trois mille dix huit euros et trente cinq centimes, avec application des dispositions légales sur l'indexation de la pension,
b) le préjudice moral:
Madame [U] [F] veuve [H] est recevable à solliciter au titre du préjudice moral pour la perte de son époux dont le décès est dû à la maladie professionnelle la somme de 40000,00 euros,
3°) pour chacun des enfants , [G], [J] et [L] [H]:
il sera alloué pour préjudice moral à chacun des enfants la somme de 20000,00 euros,
4°) pour chacun des petits enfants:
- [H] [M] né le 9/11/98
- [H] [O] né le 19/09/03
- [H] [T] né le 25/10/01
- [H] [V] né le 7/09/93
- [H] [N] née le 10/10/09
- [H] [W] née le 29/10/2019,
en suite du décès de leur grand père, il sera alloué pour préjudice moral à chacun des petits enfants la somme de 10000,00 euros,
condamner la société AGRATI aux entiers dépens de la procédure, dont ceux visés à l'article
700 du code de procédure civile et appréciés à la somme de 1500 euros,
Vu les conclusions visées le 10 mars 2022 , soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société AGRATI VIEUX -CONDE prie la cour de:
sur le bien fondé de l'action en contestation par l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie de Monsieur [H] au titre du tableau 16 bis et ses conséquences:
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a estimé que les activités correspondant au métier trempeur et exercées par Monsieur [C] [H] ne correspondaient à aucun des travaux limitativement énumérés par le tableau 16 bis et qu'il y avait lieu en conséquence de déclarer inopposable à la société AGRATI VIEUX CONDE la décision de prise en charge par la CPAM du Hainaut de la maladie de Monsieur [C] [H] au titre du tableau 16 bis,
infirmer en revanche le jugement déféré en ce qu'il a dit que le bien fondé de la contestation du caractère professionnel de la maladie par l'employeur n'avait aucune incidence sur l'action en reconnaissance de faute inexcusable initiée par les consorts [H] et ses conséquences,
et statuant à nouveau,
juger que la CPAM du Hainaut sera privée de tout recours à l'encontre de la société AGRATI VIEUX CONDE pour être remboursée des conséquences financières liées à la reconnaissance éventuelle d'une faute inexcusable sollicitée par les consorts [H]
sur l'absence de bien fondé de la demande de reconnaissance de faute inexcusable des consorts [H]:
à titre principal,
juger que l'absence de caractère professionnel de la maladie de Monsieur [H] s'oppose à la reconnaissance d'une faute inexcusable sollicitée par les consorts [H]
débouter en conséquence les consorts [H] de leur demande de reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable et des conséquences en résultant,
à titre subsidiaire,
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les ayants droit de de Monsieur [H] de leur demande de reconnaissance de faute inexcusable au regard de l'absence de connaissance ou de conscience du risque par la société AGRATI VIEUX CONDE au moment ou pendant la période d'exposition au risque de développement d'un cancer broncho-pulmonaire,
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait estimer que l'employeur a commis une faute inexcusable,
sur les demandes au titre de l'action successorale:
déclarer irrecevable la demande de majoration de la rente versée de son vivant à Monsieur [C] [H], celui-ci n'ayant introduit aucune demande de reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable
débouter les ayants droit de Monsieur [H] de leur demande d'expertise judiciaire sur la base de la nomenclature Dinthilac,
limiter la mission d'expertise aux chefs de préjudice énumérés à l'article
L 452-3 du code de la sécurité sociale s'agissant de la réparation des préjudices personnels de Monsieur [H], soit les postes de préjudices suivants:
souffrances physiques et morales endurées avant consolidation,
préjudice esthétique,
préjudice d'agrément,
à l'exception du préjudice de poste lié à la perte de chance ou diminution des possibilités de promotion professionnelle, qui ne constitue pas un poste de préjudice médicalement constatable,
sur les demandes indemnitaires formulées par les ayants droit,
ramener à de plus justes proportions la demande indemnitaire formulée par Madame [H] veuve de Monsieur [C] [H] au titre de son préjudice moral, et la fixer à la somme de 20000,00 euros,
ramener à de plus justes proportions la demande indemnitaire formulée par Monsieur [G] [H] , Madame [J] [H] et Monsieur [L] [H] , enfants de Monsieur [C] [H], au titre de la réparation de leur préjudice moral, et la fixer à la somme de 15000,00 euros chacun,
déclarer irrecevable la demande indemnitaire formulée par Monsieur [L] [H], en qualité de représentant légal de Mademoiselle [W] [H], petite fille de Monsieur [C] [H], au titre de son préjudice moral, celle-ci étant née plusieurs années après le décès de son grand père,
ramener à de plus justes proportions la demande indemnitaire formulée au titre du préjudice moral des autres petits enfants et la fixer à la somme de 4000 euros chacun,
Vu les conclusions visées le 10 mars 2022 , soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM du Hainaut s'en rapporte à l'appréciation de la cour s'agissant de la reconnaissance de faute inexcusable et prie la cour de:
lui donner acte de ce qu'elle fera l'avance des réparations dues à la victime pour le compte de l'employeur auteur de la faute inexcusable , de dire que celui-ci sera tenu de lui rembourser le montant des réparations ainsi accordées , sur le fondement des dispositions de l'article
L452-2 et
L452-3 et
L 452-3-1 du code de la sécurité sociale,
***
SUR CE LA COUR,
Monsieur [C] [H], employé en qualité d'agent de fabrication de la société VALMEX , devenue AGRATI, de 1966 à 2001, année au cours de laquelle il a pris sa retraite, a effectué une déclaration de maladie professionnelle en date du 30 avril 2013, faisant état d'un carcinome pulmonaire , sur la base d'un certificat médical initial établi le 21 janvier 2013 constatant l'existence d'un « carcinome pulmonaire , maladie n°16 bis ».
Après mise en oeuvre d'une enquête et par courrier en date du 3 septembre 2013, la caisse primaire a notifié à l'employeur une décision de prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [C] [H] au titre du tableau n°16 bis des maladies professionnelles: affections cancéreuses provoquées par des fractions de la houille et les suies de combustion du charbon.
Contestant l'opposabilité à son égard de cette décision, la société AGRATI a saisi la commission de recours amiable, qui a rejeté sa requête, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes.
Suite au décès de Monsieur [C] [H] survenu le 9 novembre 2014, la CPAM a pris en charge le décès de Monsieur [C] [H] au titre des suites de la maladie professionnelle déclarée.
Madame [U] [F] veuve [H] a par la suite saisi la CPAM du Hainaut d'une demande conciliation dans le cadre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société AGRATI.
Suite à l'échec de la procédure de conciliation, les consorts [H] ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes de cette action.
La société AGRATI a pour sa part demandé à cette même juridiction de réinscrire la procédure par elle introduite en inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [C] [H], qui avait été retirée du rôle.
Par jugement dont appel, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes a ordonné la jonction des procédures relatives respectivement à l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie déclarée et à la faute inexcusable alléguée à l'encontre de la société AGRATI, et statué comme indiqué précédemment.
Les consorts [H] concluent à l'infirmation et à la reconnaissance, avec toutes conséquences, d'une faute inexcusable à l'encontre de la société AGRATI.
Ils exposent que Monsieur [C] [H], dans le cadre de ses activités au sein de la société AGRATI, travaillait en contact avec des fours, lors de l'immersion de pièces sortant des fours dans des bains d'huile, avec passage au solvant.
Ils observent que si l'ingénieur conseil estime dans son avis qu'il n'est pas prouvé que les fours en cause sur lesquels travaillait Monsieur [C] [H] fonctionnaient avec le combustible charbon, celui-ci a cependant affirmé que l'interessé était exposé aux Hydrocarbures Aromatiques Polycliques ( HAP) issus de la dégradation des huiles de trempe, que les HAP sont des constituants naturels du charbon dont certains composants sont des cancérogènes avérés, et que compte tenu de ce que les HAP sont des dérivés naturels du charbon, l'exposition professionnelle aux HAP relève du tableau 16 bis des maladies professionnelles.
Ils ajoutent que l'ensemble des conditions visées au taleau précité sont remplies et que l'employeur est mal fondé en sa contestation de la décision de prise en charge de la maladie déclarée.
S'agissant de la faute inexcusable reprochée à l'employeur, les consorts [H] soutiennent que l'employeur de Monsieur [C] [H] avait nécessairement conscience du danger lié à l'inhalation des vapeurs d'huile de trempe auquel était exposé celui-ci, et qu'il aurait du veiller à la mise en place d'une protection adaptée, ce qu'il n'a pas fait, de sorte que le manquement de celui-ci à son devoir de sécurité est acquis selon eux.
Les consorts [H] sollicitent par ailleurs l'indemnisation des préjudices consécutifs à la faute inexcusable invoquée, suivant les montants repris au dispositif de leurs conclusions.
La société AGRATI VIEUX CONDE conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a déclaré inopposable la décision de prise en charge par la CPAM du Hainaut de la maladie de Monsieur [C] [H] au titre du tableau n°16 bis.
Elle fait valoir que le salarié n'a jamais réalisé les travaux repris à la liste limitative du tableau 16 bis , la houille n'étant pas utilisée sur ce site, que l'ingénieur conseil n'a en rien étayé le lien réel avec l'exposition aux HAP, que celui-ci avait écarté l'exposition de Monsieur [C] [H] aux substances citées dans le tableau 16 bis, et n'a pas pris en compté l'état antérieur de celui-ci, qui était un grand fumeur.
Elle soutient que Monsieur [C] [H] a en réalité été exposé aux hydrocarbures aromatiques polycycliques en dehors du contexte professionnel,l'activité industrielle de la société n'appliquant pas les procédés incluant des HAP, alors que la majorité des HAP respirés provient de la fumée du tabac.
Elle estime ainsi que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que les activités de trempeur de Monsieur [C] [H] ne correspondaient à aucun des travaux limitativement énumérés par le tableau 16 bis et que la déclaration de prise en charge devait lui être déclarée inopposable.
Elle demande à la cour de dire que la CPAM sera par voie de conséquence privée de tout recours à son encontre s'agissant des conséquences financières liées à la reconnaissance éventuelle d'une faute inexcusable de l'employeur.
La société AGRATI VIEUX CONDE conclut par ailleurs à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a considéré que le bien fondé de la contestation du caractère professionnel de la maladie par l'employeur n'avait pas d'incidence sur l'action en reconnaissance de faute inexcusable initiée par les consorts [H] et ses conséquences.
Il demande à la cour de dire que l'absence de caractère professionnel de la maladie de Monsieur [C] [H] fait obstacle à la reconnaissance de la faute inexcusable invoquée à son encontre.
A titre subsidiaire, la société conclut à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a débouté les consorts [H] de leur demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Elle fait valoir que les consorts [H] ne démontrent pas qu'elle même aurait eu conscience du risque auquel était exposé M [H], dès lors que les études et publications scientifiques concernant les HAP ont été établies en 2009, soit 8 ans après le départ à la retraite de celui-ci, et que la révélation du caractère cancérogène des HAP n'a été connue que postérieurement à son départ.
A titre infiniment subsidiaire, la société conclut à l'irrecevabilité de la demande de majoration de rente concernant Monsieur [C] [H] au motif qu'il n'avait introduit aucune demande de reconnaissance de faute inexcusable de son vivant .
Elle indique que la demande d'expertise éventuellement ordonnée doit être limitée aux postes de préjudice énumérés à l'article
L 452-3 du code de la sécurité sociale, et conclut à la réduction des demandes indemnitaires des ayants droit de Monsieur [H].
Elle souligne enfin que la demande indemnitaire concernant [W] [H], petite fille de Monsieur [C] [H] est irrecevable , celle-ci étant née plusieurs années après le décès de son grand père.
La CPAM du Hainaut s'en rapporte à l'appréciation de la cour s'agissant de l'action en reconnaissance de faute inexcusable et sollicite le bénéfice de son action récursoire dans l'hypothèse où celle-ci serait retenue.
***
* Sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge par la caisse primaire de la maladie déclarée par Monsieur [C] [H]:
Aux termes de l'article
L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Ainsi, sont présumées maladies professionnelles, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail, les maladies inscrites et définies aux tableaux prévus par les articles
L.461-2 et
R.461-3 du Code de la Sécurité Sociale et ce, dès lors qu'il a été établi que le salarié qui en est atteint a été exposé de façon habituelle au cours de son activité professionnelle, à l'action d'agents nocifs.
A partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux susmentionnés, la caisse ne prend en charge la maladie que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau.
Lorsque la liste des travaux susceptibles de provoquer une affection a un caractère limitatif, elle s'impose aux juges qui ne jouissent d'aucun pouvoir pour en étendre ou en restreindre l'étendue.
L'exposition au risque d'une maladie professionnelle doit être recherchée et caractérisée objectivement par rapport au poste de travail occupé par le salarié et à ses conditions d'exécution.
En l'espèce, le tableau n°16 bis des maladies professionnelles intitulé « affections cancéreuses provoquées par des fractions de la houille et les suies de combustion du charbon » mentionne, s'agissant du cancer broncho pulmonaire primitif une liste limitative de travaux susceptibles de le provoquer, à savoir:
travaux en cokerie de personnels directement affectés à la marche ou à l'entretien des fours ou à la récupération et au traitement des goudrons, exposant habituellement à l'inhalation des émissions des produits précités,
-travaux ayant exposé habituellement à l'inhalation des émissions des produits précités dans les unités de production de gaz de ville,
-travaux de fabrication de l'aluminium dans les ateliers d'électrolyse selon le procédé à anode continue, exposant habituellement 'inhalation des émissions des produits précités,
travaux de pose de joints à base de brai de houille (pâte chaude) pour la confection ou la réfection de cathodes (brasquage), exposant habituellement à l'inhalation des émissions des produits précités,
-travaux de mélangeage, de malaxage et de mise en forme lors de la fabrication d'électrodes destinés à la métallurgie,exposant habituellement à l'inhalation des émissions des produits précités,
- travaux de chargement de pâte en boulets à base de brai ou de soudage de viroles dans le procédé à anode continue en électrométallurgie de ferroalliages, exposant habituellement à l'inhalation des émissions des produits précités,
-travaux de fabrication par pressage des agglomérés de houille(boulets ou briquettes), exposant habituellement à l'inhalation des émissions des produits précités,
-travaux de coulée et de décochage en fonderie de fonte ou d'acier utilisant des sables au noir incorporant des brais, exposant habituellement à l'inhalation des émissions des produits précités,
-travaux de pose de masse à boucher au goudron, et nettoyage et réfection des rigoles de coulée des hauts fourneaux, exposant habituellement à l'inhalation des émissions des produits précités,
-travaux de ramonage et d'entretien des chaudières et foyers à charbon et de leurs cheminées ou conduits d'évacuation, exposant habituellement à l'inhalation des émissions des produits précités.
Il résulte de l'enquête administrative effectuée que l'ingénieur conseil sollicité a indiqué, s'agissant de Monsieur [H] : « ... chez Valmex.... en tant que trempeur, il mettait les pièces au four puis les transférait dans un bain huile...Il a respiré les émanations d'huiles chauffées lors de l'immersion des pièces dans ces bains. Les huiles de trempe utilisées sont en général des huiles minérales, parfois recyclées, dont les produits de dégradation thermique contiennent des HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques).
En l'absence de données sur les combustibles des fours et le type d'huiles de trempe utilisées , nous ne pouvons ni infirmer ni confirmer l'exposition de l'interessé aux substances citées dans le tableau 16 bis.
Cependant, il a été exposé aux HAP issus de la dégradation des huiles de trempe, et ce, durant 34 ans.. ».
Les premiers juges ont justement relevé , au vu des pièces versées , qu'en dépit de l'avis de l'agent de la caisse primaire figurant en synthèse du rapport selon lequel l'exposition professionnelle aux HAP pouvait être traitée dans le cadre du tableau 16 bis, aucun élément n'établissait que les activités de trempeur exercées par Monsieur [H] s'inscrivaient dans la liste limitative des travaux figurant au tableau n°16 bis, étant observé que la société Valmex, devenue AGRATI avait pour activité la fabrication de pièces d'assemblage pour automobiles.
C'est ainsi à juste titre qu'ils ont dit que l'origine professionnelle de la maladie n'était pas caractérisée , au vu de la liste limitative des travaux reprise à ce tableau.
La décision déférée sera par voie de conséquence confirmée en ce qu'elle dit inopposable à la société AGRATI VIEUX CONDE la décision de prise en charge par la caisse primaire de la maladie déclarée par Monsieur [C] [H] .
*Sur l'action en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur:
Aux termes de l'article
L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants-droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié , l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article précité, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie reconnue d'origine professionnelle, dès lors qu' il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
.Il appartient au salarié de rapporter la preuve d'une faute inexcusable imputable à son employeur
L'article
L 4121-1 du code du travail dispose en outre que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, que ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, et que l'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
En vertu de l'article
R 4321-4 du même code, l'employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l'exige, les vêtements de travail appropriés; il veille à leur utilisation effective.
Par ailleurs et en défense à une action en reconnaissance de faute inexcusable, l'employeur peut soutenir le défaut d'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie.
En l'espèce, il a été retenu ci-dessus qu' au vu des pièces versées et de la description de ses activités , aucun élément n'établissait que les activités de trempeur exercées par Monsieur [H] s'inscrivaient dans la liste limitative des travaux figurant au tableau n°16 bis.
L'origine professionnelle de la maladie de Monsieur [C] [H] n'étant pas caractérisée au regard de la liste limitative des travaux reprise à ce tableau, la demande en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur ne peut en conséquence qu'être rejetée, ainsi que l'ensemble des demandes indemnitaires des consorts [H].
La décision déférée sera , par substitution de motifs, confirmée de ces chefs, sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus del'argumentation développée par les parties.
*Sur l'article
700 du code de procédure civile:
Les premiers juges ont fait une exacte appréciation de l'équité.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des consorts [H] les frais irrépétibles par eux exposés en appel.
Leur demande faite sur ce fondement sera rejetée.
*Sur les dépens:
Le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 (article 11) ayant abrogé l'article
R.144-10 alinéa
1 du code de la sécurité sociale qui disposait que la procédure était gratuite et sans frais, il y a lieu de mettre les dépens de la procédure d'appel à la charge de la partie perdante, conformément aux dispositions de l'article
696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision déférée dans toutes ses dispositions, sauf à dire par substitution de motifs que l'absence de caractère professionnel de la maladie de Monsieur [H] s'oppose à la reconnaissance éventuelle de la faute inexcusable invoquée par les consorts [H]
Y AJOUTANT,
DEBOUTE les consorts [H] de leurs demandes contraires au présent arrêt,
CONDAMNE Madame [U] [F] veuve [H], Monsieur [G] [H] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [O] [H], [M] [H] devenu majeur, Madame [J] [H] épouse [R] , son fils devenu majeur [T] [R], Monsieur [L] [H] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses filles mineures [N] [H] et [W] [H], et [V] [H] Madame [U] [F] veuve [H], Monsieur [G] [H] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [O] [H], [M] [H] devenu majeur, Madame [J] [H] épouse [R] , son fils devenu majeur [T] [R], Monsieur [L] [H] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses filles mineures [N] [H] et [W] [H], et [V] [H] aux dépens nés après le 31 décembre 2018.
DEBOUTE les consorts [H] de leur demande fondée sur l'article
700 du code de procédure civile,
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile
Le Greffier,Le Président,