Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Créteil 13 décembre 2013
Cour d'appel de Paris 25 septembre 2015
Cour de cassation 06 septembre 2017

Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - Chambre 2, 25 septembre 2015, 14/03546

Mots clés banque · prescription · prêt · recours · condamnation · procédure civile · vente · dette · intérêts · saisie · principal · remboursement · débiteur · action · adresse

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro affaire : 14/03546
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Créteil, 13 décembre 2013, N° 12/02904
Président : Madame Anne VIDAL

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Créteil 13 décembre 2013
Cour d'appel de Paris 25 septembre 2015
Cour de cassation 06 septembre 2017

Texte

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2015

(n° 2015-230, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03546

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 12/02904

APPELANTE

Madame [F] [M]

Née le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

Représentée et assistée par Me Carine DENEUX-VIALETAY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1663

INTIMES

Monsieur [O] [M]

Né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 1]

[Adresse 5]

[Adresse 2]

Madame [W] [M] née [L]

Née le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 2]

[Adresse 5]

[Adresse 2]

Représentés par Me Marine PARMENTIER de la SELURL MARINE PARMENTIER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2084

Assistés de Me Alain David POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 juin 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Anne VIDAL, présidente de chambre, chargée d'instruire le dossier.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne VIDAL, présidente de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère pour la présidente empêchée et par Mme Malika ARBOUCHE, greffier.

******

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier en date du 9 février 2012, M. et Mme [M] ont fait assigner leur fille, Mme [F] [M], devant le tribunal de grande instance de Créteil pour obtenir sa condamnation à leur payer la somme de 132.966,70 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2002 et subsidiairement celle de 66.483,35 euros, outre 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Ils agissaient sur le fondement de l'article 1371 du code civil pour enrichissement sans cause en faisant valoir qu'ils ont souscrit conjointement avec leur fille auprès de la banque HSBC un prêt de 795.000 FF le 31 mars 1992 dont les fonds ont servi exclusivement à celle-ci et qu'elle s'est enrichie sans cause à leur détriment en n'honorant pas les échéances du prêt qu'ils ont dû rembourser sur leurs biens. Ils invoquaient subsidiairement les dispositions des articles 1213 et 1217 du code civil puisque la créance était conventionnellement indivisible et répartie à 50% sur eux et 50% sur leur fille.

Mme [F] [M] leur a opposé à titre principal la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil et subsidiairement a soutenu que la dette devait être divisée en trois, de sorte qu'ils ne pourraient lui réclamer que la somme de 44.322,23 euros. Elle formait une demande reconventionnelle en dommages et intérêts à hauteur de 30.000 euros en affirmant que M. et Mme [M] auraient commis une faute en prenant l'initiative de payer la banque, lui faisant perdre la chance de négocier la réduction de la dette.

Par jugement en date du 13 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Créteil a :

Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription en retenant que l'action en paiement n'était pas prescrite à la date d'entrée en vigueur du nouvel article 2224 du code civil, le 19 juin 2008, et qu'elle avait été engagée dans les cinq ans suivant cette date, sans que la durée totale excède les trente années de la prescription antérieure,

Retenu qu'aux termes du contrat de prêt, si les trois co-emprunteurs sont tenus solidairement à l'égard de la banque, Mme [F] [M] est seule redevable, dans ses relations avec ses co-empruteurs, au paiement du capital et des intérêts, de sorte que M. et Mme [M] sont bien fondés à lui réclamer le paiement de la totalité de la somme empruntée d'un montant de 132.966,70 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

Rejeté la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [M] à l'égard de Mme [F] [M] et celle de Mme [F] [M] en retenant qu'elle n'établit pas la preuve d'une faute de ses parents et ne démontre pas que la banque était disposée à négocier avec elle et que les éventuelles négociations auraient eu une issue favorable,

Condamné Mme [F] [M] à verser à M. et Mme [M] une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [F] [M] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 17 février 2014.

Par ordonnance en date du 2 avril 2015, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident de nullité de la déclaration d'appel, a donné acte à M. et Mme [M] du désistement de leur incident au regard des justificatifs produits par l'appelante sur son domicile effectif.

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Mme [F] [M], suivant conclusions récapitulatives signifiées le 10 septembre 2014, sollicite l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de :

Déclarer la concluante recevable et bien fondée en ses prétentions,

Déclarer l'action de M. et Mme [M] irrecevable comme prescrite et les débouter de leurs demandes,

Subsidiairement, ramener la dette à la somme de 102.795,05 euros et lui accorder les plus larges délais pour s'en acquitter,

En tout état de cause, condamner M. et Mme [M] à lui verser une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient :

Sur la prescription : il résulte d'un arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2012 que les actions relatives aux prêts immobiliers se prescrivent par deux ans depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et, l'action de M. et Mme [M] étant fondée sur les dispositions des articles 2305 et suivants du code civil, ceux-ci ne peuvent avoir plus de droits que celle-ci dans le cadre de leur subrogation dans les droits de la banque, leur recours expirant donc en juin 2010 ;

Sur le fond : elle invoque les dispositions de l'article 2308 aux termes desquelles la caution qui a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur n'a point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, le débiteur aurait eu les moyens de faire déclarer la dette éteinte ; or, la créance avait été arrêtée à 102.795,05 euros et M. et Mme [M] se sont précipités en réglant une somme bien supérieure, de 132.966,70 euros ; ils ne pourront donc réclamer que la somme de 102.795,05 euros ;

M. et Mme [M] ne peuvent invoquer l'enrichissement sans cause puisqu'il existe d'autres fondements à leur demande.

M. et Mme [M], en l'état de leurs écritures signifiées le 10 juillet 2014, concluent à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, à la condamnation de Mme [F] [M] à leur verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

le délai de prescription biennale est opposable à la banque mais ne peut être invoqué contre ses codébiteurs ; l'article 2308 du code civil n'a pas à s'appliquer, les relations entre les parties étant celles de co-empunteurs et non de débiteur et caution ; au contraire, en application de l'article 1206 du code civil, les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous ;

c'est lors de la vente de leur domicile conjugal que M. et Mme [M] ont été amenés à désintéresser la banque qui avait pris une hypothèque judiciaire sur l'immeuble ; la créance de la banque a été vérifiée par le notaire et Mme [F] [M] n'établit pas en quoi la dette aurait dû être limitée à la somme de 102.795,05 euros.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 21 mai 2015.


MOTIFS DE LA DECISION :


Considérant que l'article 1216 du code civil dispose : « Si l'affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement ne concernait que l'un des coobligés solidaires, celui-ci serait tenu de toute la dette vis-à-vis des autres codébiteurs qui ne seraient considérés par rapport à lui que comme ses cautions » ;

Qu'il ressort de la lecture de l'acte de prêt en cause que les emprunteurs sont désignés comme étant Mme [F] [M] de première part et M. et Mme [M] de seconde part, agissant solidairement, mais qu'il est précisé que la somme de 18.976.650 yens japonais (soit 795.000 FF), objet du prêt, est affectée au financement par Mme [F] [M] d'un immeuble acquis par elle à [Adresse 6], la garantie hypothécaire étant prise sur la villa appartenant à M. et Mme [M] et sise à [Adresse 4] ; que l'acte prévoit expressément les dispositions suivantes : « Le crédit ouvert sert exclusivement au profit de Mademoiselle [F] [M], qui sera par conséquent seule tenue au paiement des intérêts, au remboursement du crédit, ainsi qu'à la stricte exécution de tous les engagements contractés au présent acte. Cette convention entre débiteurs ne pourra cependant jamais être invoquée vis-à-vis de la société créditrice qui y est restée étrangère, et envers laquelle les comparants d'autre part restent tenus solidairement de l'exécution de tous les engagements contractés au présent acte. » ;

Qu'au regard de ces éléments, il convient de retenir que le recours de M. et Mme [M] contre leur fille, Mme [F] [M], s'inscrit dans le cadre des dispositions des articles 2305 et suivants du code civil et leur permet de poursuivre cette dernière pour la totalité de la dette ;

Considérant que c'est en vain que Mme [F] [M] oppose la prescription de l'action engagée par M. et Mme [M] en soutenant qu'elle répondrait aux règles de prescription de la banque contre l'emprunteur, en raison des règles de la subrogation ; qu'en effet, si l'action des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans, les cautions qui agissent contre le débiteur échappent à ce délai de forclusion de deux ans qui n'est opposable qu'aux professionnels et bénéficient du délai de prescription de droit commun ;

Que le tribunal a justement fait application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 et retenu que l'action, engagée le 9 février 2012, l'avait été dans le délai de cinq ans de l'article 2224 du code civil courant à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle du 17 juin 2008, et que le délai ancien de prescription de droit commun courant à compter du paiement effectué, soit en l'espèce à compter du 23 septembre 2002, n'était pas expiré à la date de l'assignation ;

Considérant que M. et Mme [M] justifient avoir réglé à la banque HSA au titre du remboursement du prêt la somme de 132.966,70 euros, prélevée par le notaire sur le prix de vente de leur immeuble d'EVRY en septembre 2002 ; qu'ils sollicitent en conséquence la condamnation de Mme [F] [M] à leur rembourser la somme ainsi versée ;

Que Mme [F] [M] leur oppose les dispositions de l'article 2308 du code civil qui prévoit, dans son alinéa 2, que la caution qui a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal n'a pas de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action contre le créancier ;

Mais que force est de constater, d'une part que Mme [F] [M] et M. et Mme [M] ont fait l'objet de poursuites de saisie immobilière engagées par la banque en mai 1999 à la suite du commandement de saisie immobilière délivré le 12 mai 1998, d'autre part que la somme de 132.966,70 euros a été réglée lors de la vente de l'immeuble objet des poursuites sur le prix de vente, enfin que cette somme correspond au décompte de la créance de la banque actualisée au 20 août 2002 et qu'ainsi, M. et Mme [M] n'ont, ni réglé de manière spontanée, sans avoir été préalablement poursuivis, ni payé une dette susceptible d'être éteinte ou même d'être minorée, l'ordonnance du JEX de Toulouse du 29 janvier 2002 (statuant sur l'action en nullité de Mme [F] [M] contre la saisie attribution pratiquée le 23 juillet 2001) ayant, certes, limité les effets de celle-ci à la somme de 102.795,05 euros, mais à la date du 16 octobre 2001 et au regard du cours du yen japonais à cette date puisque le prêt était consenti dans cette monnaie ;

Que dès lors, il ne peut être reproché aucune négligence de M. et Mme [M] dans le paiement de la somme de 132.966,70 euros à la banque HSA au bénéfice de Mme [F] [M], débiteur principal, et que leur recours doit être déclaré recevable et bien-fondé pour la totalité de cette somme ;

Considérant que Mme [F] [M] n'apporte aucun élément permettant de justifier sa demande de délais de paiement, la cour observant en outre qu'elle a disposé, depuis l'engagement de la procédure, d'un délai de plus de deux ans qu'elle n'a pas mis à profit pour effectuer le moindre début de remboursement ;

Considérant qu'il n'est pas établi qu'en se défendant en justice et en exerçant une voie de recours ordinaire contre la décision qui l'avait condamnée, Mme [F] [M] aurait commis une faute rendant son comportement abusif et justifiant sa condamnation à verser à M. et Mme [M] des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [F] [M] de sa demande de délais de paiement ;

Déboute M. et Mme [M] de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Mme [F] [M] à payer à M. et Mme [M] une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

La condamne aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERMarie-Sophie RICHARD, conseillère

Pour la présidente empêchée