LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2015), que la société TD Montargis a conclu avec M. X...
Y... et la société SEPRM, dont il était gérant, un bail dérogatoire de vingt-quatre mois à compter du 5 octobre 2006 ; que M. et Mme X...
Y...se sont portés cautions solidaires ; qu'à l'échéance du bail, les preneurs sont restés dans les lieux ; que la société SEPRM ayant été mise en liquidation judiciaire, son mandataire liquidateur a notifié, le 9 septembre 2010, la résiliation du bail à la bailleresse ; que la société TD Montargis a assigné M. X...
Y... en sa qualité de co-preneur, ainsi que M. et Mme X...
Y...en leur qualité de caution solidaire ;
Sur le troisième moyen
, ci-après annexé :
Attendu que la société TD Montargis fait grief à l'arrêt de dire que les cautions ne sont pas tenues au-delà du 14 octobre 2008 ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu qu'il résultait des actes de caution que l'engagement respectif de M. et Mme X...
Y...était limité à l'exécution du bail dérogatoire du 5 octobre 2006 « éventuellement renouvelé » et qu'à l'expiration de ce bail, s'était opéré un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux, la cour d'appel a, par une décision motivée, exactement décidé que l'acte de caution devait être interprété strictement et que, dès lors qu'il ne prévoyait pas que les parties demeuraient engagées au-delà du 4 octobre 2008, les cautions ne pouvaient l'être au-delà de cette date ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais
sur le premier moyen
:
Vu l'article
1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, sauf stipulation conventionnelle expresse, la seule volonté d'un locataire de résilier le bail ne peut suffire à mettre fin au contrat à l'égard des autres co-preneurs ;
Attendu que, pour limiter la condamnation de M. X...
Y... au paiement des loyers et des charges dus au 9 septembre 2010, l'arrêt retient que celui-ci est intervenu au bail en qualité de copreneur et de représentant de la société SERPM, que l'activité commerciale prévue au contrat ne le concerne pas, qu'il n'est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés et que rien n'établit qu'il se soit livré dans les lieux à une activité propre et distincte de celle exploitée par la société SERPM, de sorte que la décision du liquidateur de ne poursuivre le contrat entraînait la résiliation du bail à l'égard du copreneur à la date du 9 septembre 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de clause du bail stipulant le contraire, la résiliation du bail par le liquidateur judiciaire de la société SEPRM n'était pas de nature à mettre fin au bail à l'égard de M. X...
Y..., co-preneur, peu important que la société SEPRM fût seule exploitante de l'activité prévue au contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de M. X...
Y... en qualité de copreneur à la somme de 11 229, 72 euros au titre des loyers et charges et en ce qu'il condamne M. et Mme X...
Y...à payer à la société TD Montargis la somme de 1 euro au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du jugement, l'arrêt rendu le 3 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société TD Montargis aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société TD Montargis et la condamne à payer à M. et Mme X...
Y...la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société TD Montargis
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation de M. X...
Y... en qualité de copreneur en faveur de la société TD Montargis à la somme de 11. 229, 72 euros au titre des loyers et charges et d'avoir débouté la société TD Montargis du surplus de sa demande à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE les preneurs sont restés dans les lieux et ont été laissés en possession des lieux à l'expiration du bail précaire d'une durée de 24 mois convenu entre les parties suivant acte du 5 octobre 2006, il s'est opéré à compter du 5 octobre 2008, par application des dispositions de l'article
L 145-5 du code de commerce, un nouveau bail dont l'effet est soumis aux dispositions du code de commerce relatives au statut des baux commerciaux ; qu'il ressort des termes du bail expressément intitulé « bail commercial », que les parties ont entendu se soumettre « aux dispositions des articles
L 145-1 et suivants du code de commerce » auquel elles n'ont dérogé que pour la durée, qu'elles ont voulu de 24 mois seulement ; que les intimés sont ainsi mal fondés à soutenir que les conditions d'application du statut des baux commerciaux énoncées à l'article
L 145-1 du code de commerce ne seraient pas réunies ; que les locaux répondent à la condition d'exploitation dans les lieux d'un fonds de commerce ou d'une activité accessoire à un fonds de commerce, posée à l'article
L 145-1 et entrent ainsi dans le champ d'application du statut des baux commerciaux ; que les intimés sont mal fondés à prétendre qu'à l'expiration du bail dérogatoire de deux ans les parties se sont trouvées soumises par application de l'article
1738 du code civil à un « bail fait sans écrit » auquel il pouvait être mis fin à tout moment conformément aux dispositions de l'article
1736 du code civil ;
que le congé donné par Robert X...
Y...en qualité de gérant de la société SEPRM par lettre recommandée du 23 février 2010 pour le 31 mars 2010 n'a pu dès lors être opérant ; qu'il apparaît en revanche que le liquidateur de la société SEPRM conformément aux prérogatives qui lui sont reconnues par l'article
L 641-12 du code de commerce, a notifié à la bailleresse le 9 septembre 2010, sa décision de ne pas poursuivre l'exécution du contrat de bail avec pour effet d'entraîner, ainsi qu'il est disposé à l'article précité, la résiliation du bail ; que Robert X...
Y...est certes intervenu au bail en son nom personnel, en qualité de copreneur du bail avec la société SEPRM mais il est indiqué à l'acte qu'il est intervenu également en qualité de gérant de la société SEPRM SARL représentant cette dernière à la signature du bail ; qu'il apparaît que l'activité d'entrepôt de stockage pour entreprise de maison individuelle à laquelle est destinée le bail concerne exclusivement la société SEPRM exploitant un fonds de construction de maisons individuelles et non pas Robert X...
Y...à titre personnel, qui n'est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés (seul le numéro d'immatriculation de la société SEPRM est au demeurant mentionné au bail), et dont rien ne montre qu'il se soit livré, sur les lieux, à une activité commerciale propre, distincte de celle exploitée par la société SEPRM ; que la société TD Montargis ne pouvait dans ces conditions, ignorer qu'elle recouvrait la disposition des locaux le 9 septembre 2010 dès lors que le liquidateur de la société SEPRM lui notifiait à cette date la résiliation du bail et lui indiquait le 1er octobre 2010 qu'il demandait à Robert X...
Y...de lui remettre les clés ; que ce d'autant que si le congé du 23 février 2010 n'a pu opérer, il annonçait clairement et sans aucune équivoque à la société TD Montargis la cessation de toute activité dans les lieux à compter du 31 mars 2010 et la volonté de Robert X...
Y...de remettre le local à la disposition du bailleur ; que ce congé a certes été donné par Robert X...
Y...se présentant en qualité de gérant de la société SEPRM mais il demeure que cette circonstance n'a pu générer chez le bailleur aucun doute sur les intentions des preneurs de libérer les locaux, Robert X...
Y...n'ayant aucunement laissé entendre qu'il comptait à titre personnel, poursuivre sur les lieux une quelconque activité exploitée en son nom propre ; qu'il s'ensuit que la société TD Montargis n'est pas fondée à faire supporter à Robert X...
Y...le fait qu'elle ait attendu jusqu'au 20 avril 2011 pour, selon les termes du courrier qu'elle a fait adresser à cette date à Robert X...
Y...par son mandataire Xpert Immo, se rendre sur les lieux et constater qu'ils étaient ouverts, cette circonstance n'étant au demeurant aucunement établie et ne procédant que de ses seules affirmations ; que le jugement mérite en conséquence confirmation en ce qu'il a arrêté le compte des loyers et charges dus par les preneurs au 9 septembre 2010, date à laquelle a pris effet la résiliation du bail à l'initiative du liquidateur de la société SEPRM ;
que cet arriéré correspond au montant non contesté de 11. 229, 72 euros correspondant aux loyers et charges de janvier, avril et juillet 2010, au paiement duquel Robert X...
Y...est tenu personnellement en sa qualité de copreneur du bail avec la société SEPRM ;
1°- ALORS QUE sauf stipulation conventionnelle expresse, la seule volonté d'un locataire de résilier le bail ne peut suffire à mettre fin au contrat à l'égard des autres copreneurs ; qu'en l'espèce, en l'absence de clause du bail stipulant le contraire, la résiliation du bail par le liquidateur judiciaire de la société SEPRM n'était pas de nature à mettre fin au bail à l'égard de M. X...
Y..., copreneur, peu important que la société SEPRM ait été seule exploitante de l'activité prévue au contrat ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article
1134 du code civil ;
3°- ALORS QUE tous les cotitulaires du bail dérogatoire qui se maintiennent dans les locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité sont liés par le bail soumis au statut qui naît de la loi, qu'ils soient ou non personnellement exploitants du fonds ; qu'en se fondant pour dire que le bail aurait pris fin à l'initiative du liquidateur judiciaire de la société SEPRM sur la circonstance que l'activité d'entrepôt de stockage pour entreprise de maison individuelle à laquelle est destinée le bail concerne exclusivement la société SEPRM exploitant un fonds de construction de maisons individuelles et non pas Robert X...
Y...à titre personnel, qui n'est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés et dont rien ne montre qu'il se soit livré, sur les lieux, à une activité commerciale propre, distincte de celle exploitée par la société SEPRM, la Cour d'appel a violé les articles
L 145-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause et
L 145-1 du même code ;
3°- ALORS QUE le bail commercial ne cesse que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance par acte extrajudiciaire ; que dès lors en l'espèce, seul un acte extrajudiciaire délivré par M. X...
Y... en sa qualité de copreneur et ce dans le délai prévu par le statut des baux commerciaux était de nature à mettre un terme au bail à son égard ; qu'en se fondant pour dire que le bail aurait pris fin à l'égard de M. X...
Y... le 9 septembre 2010 date à laquelle a pris effet la résiliation du bail à l'initiative du liquidateur, sur la circonstance que la société TD Montargis ne pouvait ignorer qu'elle recouvrait la disposition des locaux à cette date et que M. X...
Y... n'avait pas laissé entendre qu'il comptait à titre personnel, poursuivre une activité dans les lieux en son nom propre, la Cour d'appel a violé l'article
L 145-9 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause ;
4°- ALORS QUE le défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne peut avoir pour effet que de priver le locataire du droit au renouvellement de son bail ; qu'il ne peut le dispenser de respecter les exigences du statut des baux commerciaux en matière de délivrance d'un congé ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles
L. 145-1 du code de commerce et
L. 145-9 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement M. X...
Y... à payer à la société TD Montargis la somme de 1 euro seulement au titre de la clause pénale prévue au contrat de bail ;
AUX MOTIFS QUE l'article 7 du bail énonce que le non-paiement à échéance du loyer ou de toute autre somme due au titre du bail donnera droit au bailleur de percevoir sans qu'aucune mise en demeure ne soit nécessaire, une majoration forfaitaire de 10 % des sommes échues qui produiront en outre intérêts, indépendamment de toute mise en demeure, au taux de 15 % l'an à compter de la date d'exigibilité ; que ces stipulations s'analysent en une clause pénale destinée à indemniser le bailleur pour les manquements du preneur à ses obligations ; que le montant de cette clause pénale est susceptible d'être révisé par le juge en application des dispositions de l'article 1152 dans le cas où elle serait manifestement excessive ; qu'elle l'est en l'espèce en ce qu'elle vient se surajouter à l'attribution au bailleur, prévue à titre de clause pénale, du dépôt de garantie, outre que le taux d'intérêt de 15 % à compter de l'échéance du loyer, automatiquement majoré de 10 % est très largement supérieur aux intérêts moratoires tels que résultant de l'application des dispositions légales ; que le jugement a ainsi procédé à une juste appréciation en réduisant à un euro la clause pénale prévue à l'article 7 du contrat de bail ;
Et AUX MOTIFS adoptés du jugement que la majoration forfaitaire de 10 % est excessive compte tenu des circonstances, M. X...
Y... ayant été érigé comme « preneur à bail » alors qu'il n'était que gérant de la société SEPRM exploitant seule le site ; que compte tenu de la cessation complète d'activité de la société SEPRM et de son placement en liquidation judiciaire, il conviendra de réduire la clause pénale à un euro avec les intérêts au taux légal à compter du jugement ;
1° ALORS QUE pour apprécier le caractère excessif d'une clause pénale le juge doit se fonder sur la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi et le montant conventionnellement fixé ; qu'en se fondant pour réduire la clause pénale en ce qu'elle prévoit une majoration de 10 % des loyers échus et impayés sur des considérations étrangères à cette disproportion par rapport au préjudice subi la Cour d'appel a violé l'article
1152 du code civil ;
2°- ALORS QU'en se fondant pour réduire les sommes dues par M. X...
Y... copreneur au titre de la clause pénale à une somme symbolique de 1 euro, sur une considération inopérante tirée de la cessation complète d'activité de la société SEPRM et sur son placement en liquidation judiciaire, quand il lui appartenait d'apprécier la mesure de la réduction au regard de l'importance du préjudice subi par le créancier, la Cour d'appel a encore violé l'article
1152 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les cautions ne sont pas tenues de leur engagement au-delà de la date du 4 octobre 2008 et d'avoir débouté la société TD Montargis de sa demande au titre de l'engagement des cautions ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'acte de cautionnement respectivement signé le 5 octobre 2006 par Robert X...
Y...et Saveta Z...épouse X..., la caution déclare se porter « caution solidaire soit jusqu'au 4 octobre 2008 et à son renouvellement éventuel, du paiement des loyers pour un montant mensuel hors taxes de 900 euros soit un montant annuel de 10. 800 euros » ajoutant avoir « reçu un exemplaire du bail et pris parfaitement connaissance de la nature et de l'étendue de son engagement et de l'obligation contractée par les preneurs » ; qu'il suit de ces stipulations que l'engagement de caution est limité à l'exécution du bail dérogatoire du 5 octobre 2006 éventuellement renouvelé ; qu'or en l'espèce le bailleur ne peut sans se contredire soutenir dans le même temps qu'un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux s'est opéré par application des dispositions légales, à l'expiration du bail dérogatoire convenu entre les parties pour 24 mois et que le bail dérogatoire arrivé à son terme se serait renouvelé ; que l'acte de caution qui doit être interprété strictement ne prévoyant aucunement que les parties demeureraient engagées au-delà du 4 octobre 2008 en cas de naissance d'un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux et ayant par là même vocation à durer neuf années, la société TD Montargis est mal fondée à mettre en oeuvre la garantie personnelle résultant des actes de cautionnement du 5 octobre 2006 pour des manquements des preneurs aux obligations du nouveau bail liant les parties à compter du 5 octobre 2008 ;
1°- ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait après avoir constaté que les actes de cautionnement stipulaient que l'engagement des cautions s'appliquait au renouvellement du bail lequel s'agissant d'un bail dérogatoire de deux ans ne pouvait être renouvelé que par la naissance d'un bail de neuf ans soumis au statut des baux commerciaux, ce dont il résulte que les cautions étaient tenues au titre des manquements du preneur résultant de ce bail de neuf ans, la Cour d'appel a violé les articles
1134,
2288 et
2292 du code civil ;
2°- ALORS en tout état de cause, QUE le jugement doit être motivé ; que la société TD Montargis faisait valoir que les cautions étaient tenues au moins au titre du bail dérogatoire et jusqu'au 4 octobre 2008 et devaient dès lors être condamnées a minima au titre de l'arriéré locatif à la date du terme du bail dérogatoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans aucun motif à l'appui de sa décision de débouter la société TD Montargis de toutes ses demandes au titre de l'engagement des cautions, la Cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile.