Cour d'appel de Colmar, Chambre 1, 18 mai 2022, 19/05203

Synthèse

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Texte intégral

MINUTE N° 269/22 Copie exécutoire à - Me Laurence FRICK - Me Loïc RENAUD de la SELARL ARTHUS Le 18.05.2022 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET

DU 18 Mai 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/05203 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HHT5 Décision déférée à la Cour : 19 Novembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT : CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINT JEAN prise en la personne de son représentant légal 2 rue du Maire Kuss 67000 STRASBOURG Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour INTIMEES - APPELANTES INCIDEMMENT : SARL RESTORANTE IL GIRASOLE prise en la personne de son représentant légal 12 quai Saint Nicolas 67000 STRASBOURG SELARL JENNER & ASSOCIES, prise en a personne de Maître [B] [A], liquidateur de la SARL RISTORANTE IL GIRASOLE 5 Rue des Frères Lumières 67087 STRASBOURG CEDEX 2 Représentées par Me Loïc RENAUD de la SELARL ARTHUS, avocat à la Cour COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre M. ROUBLOT, Conseiller Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE ARRET : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE : Vu le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 19 novembre 2019, régulièrement frappé d'appel, le 2 décembre 2019, par voie électronique, par la Caisse de Crédit mutuel Saint Jean, Vu la constitution d'intimée du 3 janvier 2020 de la société Restorante Il Girasole et de la Selarl Jenner et associés, prise en la personne de Maître [A], en sa qualité de liquidateur de cette société, Vu les conclusions de la Caisse de Crédit mutuel Saint Jean du 22 juin 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, Vu les conclusions de la société Restorante Il Girasole et de la Selarl Jenner et associés, prise en la personne de Maître [A], en sa qualité de liquidateur de cette société du 18 septembre 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 15 septembre 2021 renvoyant l'affaire à l'audience de plaidoirie du 11 octobre 2021, Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

: Il résulte des pièces et des conclusions des parties, que la Caisse de Crédit mutuel Saint Jean (la Caisse) a consenti à la société Restorante Il Girasole (la société) l'ouverture dans ses livres d'un compte courant, selon convention formule clé du 4 avril 2012, et un prêt professionnel au courant de mai 2014 garanti par un nantissement sur le fonds de commerce. Selon acte d'huissier délivré le 28 septembre 2016, la société, assisté par son administrateur judiciaire, a agi en responsabilité contre la Caisse afin d'obtenir paiement d'une somme correspondant selon elle aux chèques détournés par M. [Z] dans le cadre de l'exécution de sa mission et en fraude de ses droits, soutenant que l'émission de chèques sans autorisation de signature engage la responsabilité de la Caisse. Par jugement du 28 novembre 2016, a été prononcée la liquidation judiciaire de la société. Après avoir déclaré la demande recevable, le jugement attaqué a, ayant retenu un partage de responsabilité par moitié, condamné la Caisse à payer à la société la somme de 47 319,27 euros, outre intérêts, une autre somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. 1. Sur la recevabilité de la demande de la société Restorante Il Girasole : La Caisse soutient que la société a été admise au bénéfice d'une procédure de liquidation judiciaire le 28 novembre 2016 et que le liquidateur lui a versé une somme provisionnelle de 70 000 euros à valoir sur sa créance de nantissement dont elle disposait sur le prix de vente du fonds de commerce, sans faire valoir d'exception de compensation. Elle soutient que le liquidateur, qui entendait faire valoir la créance indemnitaire, devait contester la créance de la Caisse au moment de la vérification, que le juge-commissaire devait suspendre l'admission de la créance de la Caisse, qu'en s'abstenant de faire valoir ce droit, le liquidateur a reconnu qu'il n'entendait pas faire valoir les théories de la société et de sa gérante, de sorte que, n'ayant pas pu initier seule la présente instance, alors que l'intervention de Maître [A] était requise, celle-ci est irrecevable. Cependant, comme le soutiennent les intimés, tandis que la créance de la Caisse au titre du prêt souscrit par la société était liquide et exigible, ce que cette dernière ne conteste pas, tel n'était pas le cas de la créance indemnitaire faisant l'objet de la présente procédure, de sorte que les conditions de la compensation n'étaient pas réunies. Le liquidateur a dès lors pu verser, courant octobre 2017, comme il résulte de la pièce 17 de la Caisse, à la Caisse une somme provisionnelle de 70 000 euros sur le montant estimé de 79 000 euros revenant à la Caisse dans le cadre de la distribution du prix de vente du fonds de commerce. A cette date, aucune décision de justice n'avait encore fixé le montant de la créance indemnitaire de la société faisant l'objet de la procédure collective à l'égard de la Caisse, de sorte qu'aucune compensation n'était possible. En outre, il peut être rappelé que la déclaration d'une créance au passif d'un débiteur soumis à une procédure collective ne tend qu'à la constatation de l'existence, de la nature et du montant de la créance déclarée, appréciés au jour de l'ouverture de la procédure. La contestation de cette créance, au cours de la procédure de vérification du passif, n'a pas le même objet que la demande en paiement d'une somme d'argent formée par le débiteur contre le créancier déclarant. Le débiteur ou le liquidateur n'est pas tenu, dans le cadre de la vérification du passif du débiteur, de se prévaloir de la propre créance du débiteur à l'égard du créancier ayant déclaré sa créance. Il reste recevable à présenter, devant le juge de droit commun, une demande en paiement, laquelle ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée dans le cadre de la vérification des créances. Le fait que le liquidateur n'ait pas fait valoir devant le juge-commissaire une créance invoquée par la société ne permet pas de considérer qu'il a reconnu qu'il n'entendait pas présenter une telle demande devant le juge de droit commun, ce qu'il a d'ailleurs fait. La fin de non-recevoir sera dès lors rejetée. 2. Sur le fond : En l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement ; en revanche, si l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une négligence, et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant. Le liquidateur soutient que 137 chèques ont été tirés, entre janvier et juillet 2015, sur le compte de la société par M. [Z] qui était responsable administratif dans la société, et ce pour un montant de 111 182,23 euros. Il demande à la Caisse le remboursement d'une partie de ces chèques à hauteur de 94 638,54 euros. Il soutient que ces chèques comportent la signature de ce dernier, et non celle de M. ou Mme [L], et ce en l'absence de toute autorisation et de tout dépôt de signature auprès de la Caisse. La Caisse ne conteste pas que M. [Z] a signé les chèques litigieux et que, comme le soutient le liquidateur, et comme il résulte d'ailleurs des signatures figurant sur la convention d'ouverture de compte (P. 1) et les chèques litigieux (dont les photocopies sont produites en pièce 2 par le liquidateur, le CD mentionné sur son bordereau de pièce n'ayant pas été communiqué à la cour) sa signature est manifestement différente de celle de M. ou Mme [L]. Elle ne conteste ainsi pas que les chèques portaient une signature différente de celle de la gérante de la société ou de celle ayant fait l'objet d'un dépôt de signature auprès d'elle. Par jugement du tribunal correctionnel du 23 mai 2017, M. [Z] a été déclaré coupable de l'infraction d'abus de biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles, pour 3 chèques, faits commis du 1er janvier au 31 mai 2015, de l'infraction de banqueroute (détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif) pour 9 chèques, faits commis du 1er juin 2015 au 30 novembre 2015, et de l'infraction d'exécution d'un travail dissimulé du 1er janvier 2015 au 30 juillet 2016. Le tribunal correctionnel retenait notamment que 'de nombreux chèques ont des bénéficiaires inconnus (...) (ce qui) 'renvoie au néant la thèse d'un détournement des biens de la société ou de ses actifs. Cette situation ubuesque trouve sa source dans la non-récupération des informations consécutives à la dénonciation des faits par Mme [L] (...). De la même façon, l'encaissement par la société Metro, grossiste alimentaire, de chèques émis par une société exploitant un restaurant renvoie à l'activité normale de cette société. L'absence de toute recherche sur de telles dépenses fait obstacle à toute notion d'opération frauduleuse. Ne subsiste en fin de compte que 12 chèques émis hors du cadre de l'intérêt social.' Dans la présente instance, le liquidateur recherche la responsabilité de la Caisse en soutenant qu'elle a commis de graves négligences en s'abstenant de procéder à la vérification de la signature, ce qui lui a causé un préjudice. Il conteste tout mandat apparent et toute négligence fautive de la part de la société. La Caisse soutient, d'une part, qu'elle n'avait pas à être particulièrement alertée quant à la destination de la plupart des chèques, dont l'emploi a servi directement à la société, d'autre part, que s'il devait être établi qu'au nombre des chèques incriminés, certains ont été établis par M. [Z] à son profit ou d'entreprise lui étant proche, elle n'avait pas la possibilité de déceler les chèques détournés, car les moyens de paiement de l'entreprise étaient utilisés par une personne disposant pour ce faire d'un mandat express, à défaut d'être formel et car la majeure partie des opérations incriminées correspond à l'acquisition de marchandises ou de frais ou charges destinés à l'entreprise. S'agissant des chèques utilisés par M. [Z] dans son intérêt propre, elle soutient avoir effectué les vérifications nécessaires en échangeant régulièrement avec les époux [L] et qu'ils ont commis une faute cause exclusive du préjudice. Enfin, elle conteste avoir commis une négligence invoquant les diligences accomplies. Sur l'existence d'un mandat : La Caisse soutient que M. [Z] avait été chargé par M. et Mme [L] de gérer la société et de procéder au paiement des achats de matières premières, de frais de fonctionnement, de certains salaires. Elle ajoute que Mme [L] a volontairement remis la gestion de son entreprise entre les mains de ce dernier. Elle indique en outre qu'il avait un mandat express de gestion administrative et comptable. Elle soutient que M. [Z] disposait d'un mandat tacite, sinon express, donné par le gérant afin d'utiliser les chéquiers de la société Enfin, elle invoque l'existence d'un mandat apparent. A supposer que, comme le soutient la Caisse, le successeur de M. [Z] dans la gestion administrative de la société disposait d'une délégation de gestion, ce qui ne résulte d'ailleurs pas suffisamment des pièces produites (P. 20), un tel fait est insuffisant pour considérer que M. [Z] disposait du droit de tirer des chèques sur le compte de la société. Dans les conclusions récapitulatives de première instance de l'intimée, qu'invoque la Caisse, il sera relevé que la société, agissant par son liquidateur, évoquait le départ subi de M. [L] en février 2015, et la situation difficile à laquelle a été confrontée Mme [L], gérante, précisant notamment 'qu'avant son départ, M. [L] avait mis en place M. [V] [Z], l'un de ses fournisseurs en qualité de 'responsable administratif', sans que ses fonctions ne soient clairement définies et surtout sans qu'un statut précis ne lui soit attribué, notamment aucune convention n'avait été signée, ni contrat de travail. M. [V] [Z] a très rapidement compris le parti qu'il pouvait tirer du désarroi de Mme [L] confrontée à la gestion d'un restaurant comportant une dizaine de salariés, concurremment avec l'épicerie et les ventes à emporter. Très rapidement, M. [V] [Z] s'est arrogé les fonctions de directeur de l'établissement, prenant principalement en main la direction administrative et financière. Mme [L], confrontée à la prise en main de l'exploitation du restaurant (cuisine et salle) menée concurremment avec celle de l'épicerie, était totalement immergée dans ses fonctions techniques et pendant les premiers mois n'a pu en aucune façon suivre les activités de M. [Z]. Néanmoins, quelques mois après la 'mise en coupe' de l'établissement par M. [Z], Mme [L] s'est aperçue de difficultés de trésorerie alors que le chiffre d'affaires du restaurant devait en toute logique lui permettre de fonctionner sans aucune difficulté. Elle a par ailleurs interrogé le comptable qui lui a indiqué que M. [Z] ne remettait pas les documents nécessaires au suivi comptable, de sorte que la situation était éminemment confuse. A compter de ce moment là, Mme [L] a repris sérieusement en main l'ensemble de la gestion administrative et financière (...)'. Il résulte notamment de ces conclusions que Mme [L] avait tacitement accepté que M. [Z] exerce des fonctions de gestion administrative et financière. De surcroît, cette analyse avait été partagée par le tribunal correctionnel, retenant que M. [Z] a exécuté une activité professionnelle au sein de la société au moins pour l'établissement de la comptabilité au vu et au su de tous. Elle correspond également aux dires de M. [N] qui travaillait à la Caisse, précisant que M. [Z] lui a été présenté par M. [L] le 28 novembre 2014 lui indiquant qu'il sera chargé de la gestion du restaurant avec effet immédiat et qu'il succédera à une autre personne qui était en charge de la partie comptable et administrative. Pour autant, ces conclusions et les éléments produits par la Caisse ne suffisent pas à démontrer que Mme [L], gérante de la société, avait donné mandat à M. [Z] pour engager financièrement la société, et, surtout, pour utiliser le chéquier et effectuer les paiements litigieux. La Caisse ne démontre dès lors pas l'existence d'un mandat tacite donné à ce dernier, même pour régler par chèque les dépenses courantes de l'entreprise. En outre, le fait que M. [Z] exerçait des fonctions de gestion administrative et comptable de la société ne permettait pas à la Caisse, professionnel tenu de vérifier la régularité du chèque dont le paiement lui est demandé, de se prévaloir d'une croyance légitime en un mandat apparent l'autorisant à effectuer des paiements sur présentation de chèque tiré par ce dernier, et ce alors que les opérations litigieuses n'ont été effectuées que sur une période d'environ 5 mois. Elle ne justifie pas de circonstances l'autorisant à ne pas vérifier les limites exactes du pouvoir de ce dernier. De surcroît et à titre surabondant, la Caisse justifie avoir, le 7 avril 2015, interrogé par courriel la société sur le signataire d'un chèque de 5 858 euros émis à l'ordre de l'Urssaf d'Alsace le 28 mars 2015, car la signature ne correspond pas aux spécimens recensés. La signature figurant sur ce chèque est la même que celle figurant sur les chèques pour lesquels il est admis qu'il s'agit de la signature de M. [Z]. La Caisse ne justifie pas de la réponse apportée à sa demande, ni avoir payé ledit chèque, alors que le liquidateur soutient qu'il n'a pas été payé, ni d'ailleurs d'une raison expliquant le non-paiement qui serait étrangère à ladite signature. En outre, la Caisse justifie de SMS adressés à M. et Mme [L], de courriel et courriers adressés à la société, et non pas à M. [Z], et dans son attestation, M. [N] précise qu'il communiquait depuis début 2015 avec le couple [L]. La Caisse ne justifie ainsi pas d'un mandat apparent pour engager financièrement la société, ni surtout pour signer lesdits chèques. Sur l'existence d'une faute de la société : Il appartient à la Caisse, qui l'invoque, de démontrer que la société a commis une faute. La Caisse renvoie, 'de manière conforme aux faits de l'espèce,' aux termes d'un arrêt de la Cour de cassation du 16 novembre 2010, faisant état d'une absence de protestation à réception des relevés de compte et de ce que les intéressés avaient permis la réalisation de la fraude en donnant eux-même accès aux chéquiers sans contrôle de sa part. Le liquidateur réplique que les circonstances dans lesquelles les opérations litigieuses ont été effectuées excluent une négligence fautive de la part de la société. Certes, la gérante devait faire face à une situation particulièrement difficile en se trouvant subitement contrainte de reprendre en main la direction de l'entreprise, qui comportait un restaurant et une épicerie à une autre adresse, mais elle a laissé M. [Z] l'aider comme elle l'indique, et ce sans surveillance particulière A supposer que, comme l'indique le liquidateur, les consultations à distance du compte de la société qu'établit la Caisse soient le fait de M. [Z], il n'en demeure pas moins que cela signifie alors que Mme [L] n'a pas assuré le suivi du compte. La Caisse produit plusieurs courriers par mois entre mars et juillet 2015, le liquidateur précisant qu'ils ont été adressés à l'adresse de la société et non de l'épicerie où travaillait de fait Mme [L], ce qui ne peut être reproché à la Caisse. Ces courriers contiennent une information préalable avant rejet de chèque sans provision à destination de la société. Elle produit également des copies de SMS adressés à M. [L] en janvier, avril, mai et juin 2015 évoquant le rejet de chèques sans provision, ainsi qu'une copie de SMS adressée à Mme [L] en juillet 2015 évoquant le solde débiteur du compte, l'impayé d'une échéance de prêt et le rejet inévitable de chèque. Elle produit, en outre, un extrait d'échange de SMS (p.11), la Caisse écrivant le 13 mai 2015 au même numéro de téléphone que celui sur lequel elle avait adressé un message en s'adressant expressément à M. [L] (p.9), annonçant des rejets de chèques massifs inévitables ; et la réponse indiquant 'Bonjour je anvuaie 10000 euro sui cont demande a mister [Z] svp'. Si, comme l'invoque l'intimée, Mme [L] n'a pas reçu les courriers de relance produits en pièce 8 par la Caisse parce qu'adressés à l'adresse de la société, alors qu'elle s'occupait exclusivement de la gestion de l'épicerie située à une autre adresse, cela montre aussi qu'elle ne s'est pas mise en mesure de prendre connaissance de ces courriers par la banque, qui étaient destinés à l'informer de l'insuffisance de provision du compte pour honorer le paiement de chèque dont la date, le numéro et le montant étaient à chaque fois indiqués. S'agissant des informations par SMS quant au risque de rejet de chèque, et notamment ceux concernant Mme [L], les intimés soutiennent qu'il s'agissait de simples avertissements sur le risque de rejet de chèques, faute de provision suffisante, sans mention sur l'identité de l'auteur du chèque ou de son bénéficiaire, et qu'elle avait provisionné le compte pour éviter le risque de défaut de paiement. Cependant, elle avait bien été alertée de l'insuffisance de provision de chèques et elle a alimenté le compte sans pour autant effectuer de vérifications sur lesdits chèques. Au-delà de cette absence de surveillance des comptes de la société, il résulte des conclusions précitées, reprises en appel, qu'elle a laissé sans surveillance M. [Z] à qui elle avait tacitement confié une fonction administrative et financière au sein de la société. Il résulte du jugement du tribunal correctionnel, qu'elle a déposé plainte le 31 août 2015. Les chèques ont été émis avant cette date, et il n'est pas contesté qu'ils ont aussi été payés avant cette date. Il en résulte que Mme [L], en sa qualité de gérante de la société titulaire du compte, a commis une faute qui a rendu possible l'établissement de ces faux ordres de paiement. Sur l'existence d'une négligence de la Caisse : La Caisse soutient n'avoir commis aucune négligence, et avoir contacté les époux [L] pour tout chèque susceptible d'entraîner un rejet pour insuffisance de provision. Si la Caisse justifie avoir fait preuve de vigilance en adressant le courriel précité du 7 avril 2015, afin de connaître l'identité du signataire du chèque, dont la signature ne correspondait pas aux spécimens recensés, elle ne justifie pas avoir, par la suite, continué à exercer suffisamment son devoir de vigilance quant à la signature des autres chèques, alors qu'elle ne justifie pas de la réponse à ce courriel, ni que le chèque a été payé, ni de la cause de l'absence de paiement et notamment d'une raison expliquant le non-paiement qui serait étrangère à ladite signature, ni, comme il a été dit, que M. [Z] disposait d'un mandat ou d'un mandat apparent pour signer le chèques. Certes, elle a assuré le suivi du compte, a adressé les courriers précités relatifs à l'insuffisance de provision des chèques, envoyé des SMS à M. ou Mme [L] afin de les alerter des risques de rejets de chèques, même massifs, pour défaut de provision ; elle a pu s'apercevoir que M. [L] ou Mme [L] alimentaient suffisamment le compte afin qu'il ne se trouve pas en débit ; et elle démontre que M. ou Mme [L] ou une personne qu'ils avaient mandatée en leur confiant le code d'accès, consultaient très régulièrement leur compte à distance, comme il résulte de sa pièce 13. Cependant, ces diligences ont été insuffisantes pour détecter le fait que les chèques n'étaient pas signés par une personne mandatée à cet effet et ainsi éviter qu'elle ne paie de faux ordres de paiement. La Caisse a ainsi, par sa négligence, contribué au paiement des chèques signés par M. [Z]. Ainsi, la faute de la gérante n'est pas la cause exclusive du préjudice subi. Eu égard à la faute de cette dernière et aux négligences de la Caisse, il résulte de ce qui précède que la part de responsabilité découlant de la négligence de la Caisse dans le préjudice subi par le titulaire du compte s'élève à 50 %. La Caisse sera ainsi tenue d'indemniser la moitié du préjudice subi par la société. Sur le montant du préjudice : Le liquidateur demande la réparation du préjudice subi par la société, soit 94 638,54 euros, et à titre subsidiaire, de la somme à laquelle M. [Z] a été condamné par le tribunal correctionnel, soit 14 913,23 euros. Pour réparer le préjudice de privation des montants indûment prélevés, il demande, en outre, non pas le taux légal, mais l'application du taux de base appliqué par le Crédit mutuel à ses propres opérations. Le tribunal a retenu que le préjudice correspond au montant des 124 chèques émis par M. [Z] et payés par la Caisse. La Caisse soutient qu'à l'exception de 12 chèques pour 14 913,23 euros, émis en dehors de l'intérêt social, les autres paiements ont été effectués dans l'intérêt de la société. Elle oppose l'appréciation du caractère probant des demandes de l'intimée par le tribunal correctionnel ; le liquidateur soutient que le juge civil conserve son pouvoir d'appréciation Le principe de l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal correctionnel concernant les infractions pénales reprochées à M. [Z] et le préjudice résultant des infractions retenues à son encontre qui a été causé à la société ne saurait limiter l'appréciation de la cour quant à la preuve du préjudice causé à la société par la négligence de la Caisse lors du paiement de chèques signés par M. [Z]. Le courriel produit par la Caisse en pièce 19 n'est pas suffisant, étant au demeurant établi par elle, pour établir que les chèques, dont le remboursement est demandé dans le cadre de la présente instance, concernaient l'exploitation du restaurant, étant d'ailleurs de surcroît observé qu'il est demandé le remboursement pour un nombre de chèques inférieur au nombre de chèques identifiés par la Caisse comme pouvant avoir une destination frauduleuse ainsi qu'au nombre de chèques dont le liquidateur soutient que M. [Z] les a signés. Les chèques dont le remboursement est demandé correspondent aux dépenses suivantes, étant observé qu'il n'est pas demandé paiement de chèques émis au bénéfice de personnes inconnues : - dépenses dont le caractère personnel à M. [Z] est reconnu par la Caisse (14 913,23 euros), soit : - paiement d'un employé d'une autre société : 3 251,07 euros - paiement loyers à la SCI Europaikido : 4 500 euros - à des versements à SCI Tadif : 6 067,48 euros - paiement à 'Centralihal' : 1 094,68 euros Il peut être observé que le tribunal correctionnel a déjà condamné M. [Z] à payer à la société Il Girasole en liquidation judiciaire agissant par son liquidateur Maître [A], partie civile, la somme de 14 913,23 euros, qui correspondait à ces chèques. Cependant, il n'est pas soutenu que la société ou le liquidateur ait déjà perçu une quelconque somme au titre de cette condamnation, de sorte que ce chef de préjudice existe toujours en l'état. - paiement du salaire de M. [Z] (10 516,97 euros). Si le liquidateur soutient qu'il n'était titulaire d'aucun contrat de travail et qu'il s'est auto-embauché, il convient de constater qu'il a été relaxé de l'infraction d'escroquerie conduisant la société à lui remettre des salaires indus de janvier 2015 à la liquidation et à son licenciement. Cependant, il peut être observé que le tribunal correctionnel a retenu la relaxe en considérant que la réalité de la relation contractuelle était établie. En outre, il résulte des conclusions de l'intimée qu'elle admet que M. [Z] a travaillé plusieurs mois au sein de la société. Les éléments versés aux débats permettent ainsi d'établir que la société était tenue de verser une rémunération à M. [Z]. Les sommes dont il a ainsi obtenu le paiement ne constituant pas une rémunération anormale au regard des fonctions qui lui avaient été confiées selon les intimés, il sera retenu que ce paiement n'a pas porté préjudice à la société. - achat au nom de la société Il Girasole au liquidateur de société SBSA : 4 800 euros Comme l'indique le liquidateur, cette somme a été payée, alors que M. [Z] a signé, sans mandat, l'offre de reprise au nom de la société Restorante Il Girasole (p.6 du liquidateur). La Caisse qui est tenue de réparer le préjudice causé par le paiement du faux chèque à hauteur de sa part de responsabilité, ne démontre pas que lesdits actifs n'ont pas été utilisés à titre personnel par M. [Z] ou, en tous les cas, que la société en ait bénéficié. - location de véhicule : 650 euros. Le 3 juin 2015, une somme de 650 euros a été payée à Ucar. Le liquidateur justifie que M. [Z] a été interpellé, le 12 février 2016, au volant d'une fourgonnette loué par la société Ucar développement à la société Mercedes Financement. En l'absence d'autre élément, il sera retenu que cette location était faite à titre personnel. - fournisseurs (64 853,02 euros) : S'agissant des paiements pour 12 024,31 euros à trois fournisseurs dont le liquidateur indique le nom dans ses conclusions, il résulte de l'attestation du comptable (produit en pièce 9 par le liquidateur) que ces trois fournisseurs 'ont fait l'objet d'échanges commerciaux avec la société Restorante IL Girasole à partir de janvier 2015 jusqu'à juillet 2015, période pendant laquelle M. [Z] était responsable administratif et qu'il ne s'agissait pas de fournisseurs 'habituels'. Il en résulte que lesdits fournisseurs ont été ceux de la société, de sorte que les paiements effectués à leur profit n'ont pas été commis au préjudice de la société. S'agissant des autres paiements de fournisseurs pour 52 828,71 euros : Il a déjà été statué plus haut sur le cas du paiement de 1 094,68 euros au profit de 'Centralihal'. S'agissant des autres paiements aux fournisseurs, soit 51 734,03 euros, aucun élément ne permet d'établir que les paiements opérés sur la base de ces faux ordres de paiement ont profité à la société. Le fait que certains fournisseurs soient des fournisseurs de restaurant est insuffisant à cet égard, dès lors que le liquidateur soutient que M. [Z] exerçait une activité de négoce sous l'enseigne Distri Agro, non immatriculée et utilisatrice du numéro Siret de la société Il Girasole, la cour observant que cette situation a été constatée par le tribunal correctionnel et que, selon la facture émise par la SARL Distri Agro avec ledit numéro Siret, produite par le liquidateur en pièce 8, celle-ci vendait à des restaurants des produits alimentaires ou s'y rapportant. Dès lors, il convient d'en déduire que les paiements effectués sur la base de faux ordres de paiement ont causé un préjudice à la société s'élevant à 72 097,26 euros, dont est responsable la Caisse à hauteur de la moitié, soit 36 048,63 euros. La Caisse sera ainsi condamnée à payer cette somme à la société, outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 2016. Le liquidateur ne justifie pas que la privation de ladite somme a causé un préjudice à la société qui ne serait pas suffisamment réparé par l'allocation d'intérêts au taux légal sur ladite somme à compter du 11 février 2016, de sorte que sa demande tendant à l'application du taux d'intérêt conventionnel sera rejetée. 3. Sur les frais et dépens : La Caisse succombant partiellement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les frais et dépens, et elle sera condamnée à supporter les dépens d'appel. Dès lors qu'elle succombe tout en obtenant partiellement gain de cause en appel, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en appel et de rejeter les demandes formées à ce titre. P A R C E S M O T I F S La Cour, Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 19 novembre 2019, sauf en ce qu'il a condamné la SA Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean à payer à la SARL Restorante Il Girasole la somme de 47 319,27 euros au taux conventionnel à compter du 11 février 2016, L'infirme de ce chef, Statuant à nouveau du chef infirmé : Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean à payer à la SARL Restorante Il Girasole la somme de 36 048,63 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 2016, Y ajoutant : Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean à supporter les dépens d'appel,

Rejette

les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile. La Greffière :la Présidente :