Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Besançon 12 mars 2014
Cour de cassation 26 janvier 2016

Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 janvier 2016, 14-23462

Mots clés société · banque · preuve · prêt · crédit · préjudice · risque · mutuel · garde · compensation · réparation · caisse · dommages · procédure civile · devoir

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 14-23462
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Besançon, 12 mars 2014
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:CO00095

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Besançon 12 mars 2014
Cour de cassation 26 janvier 2016

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... se sont, le 10 octobre 2008, rendus caution solidaire, à concurrence de la somme de 192 000 euros, de la société Natura verde Franche Comté (la société), au profit de la société caisse de Crédit mutuel de Gray (la banque) ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en paiement ;

Attendu que pour condamner la banque à payer aux cautions une certaine somme à titre de dommages-intérêts, après avoir constaté que M. et Mme X... lui faisaient grief d'avoir négligé de les mettre en garde contre les risques de l'opération dans laquelle ils s'engageaient comme cautions profanes, puis relevé que la disproportion alléguée n'était pas établie, l'arrêt retient que, s'agissant d'une société nouvellement créée, à laquelle un prêt de 320 000 euros a été immédiatement accordé, la banque, qui a la charge de la preuve de l'exécution de son devoir de mise en garde, ne produit aucun élément d'information, notamment aucune étude économique, bilan prévisionnel ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait aux cautions, qui invoquaient le risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt, de le démontrer, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société caisse de Crédit mutuel de Gray à payer à M. et Mme X... ensemble la somme de 96 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal, et ordonne la compensation des créances réciproques, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société caisse de Crédit mutuel de Gray la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel de Gray

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Gray à payer à Jean-Marie X... et Véronique X... ensemble la somme de 96. 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt et ordonné la compensation des créances réciproques des parties ;

AUX MOTIFS QUE les époux X..., par voie d'appel incident, renouvellent leur demande de condamnation du Crédit Mutuel au paiement de dommages et intérêts chiffrés à 96. 000 euros en réparation du préjudice à eux causé par les manquements de la banque à ses obligations de mise en garde et de proportionnalité sur le fondement des articles 1147 et 1382 du code civil ; outre que cette demande se heurte au principe de non-cumul de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle, elle méconnaît singulièrement la protection légale apportée par l'article L. 341-4 du code de la consommation, en vertu duquel un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ¿ qu'il s'agisse d'une caution avertie ou profane ; que les époux X... ne subissent cependant aucun préjudice du fait de ce qu'ils sollicitent non pas une décharge mais des dommages et intérêts à hauteur d'une partie de leur dette car la disproportion alléguée n'est pas établie : ils ne contestent pas en effet être propriétaires d'une maison d'habitation à laquelle s'ajoutent pour Jean-Marie X... des terres agricoles de l'ordre de 70 hectares, étant observé qu'il importe peu, pour l'évolution du patrimoine de la caution, que ces biens soient à usage professionnel ; qu'en revanche, les époux X... font à juste titre grief à la banque d'avoir négligé de les mettre en garde contre les risques de l'opération dans laquelle ils s'engageaient comme cautions profanes ; que Véronique X... n'avait aucun intérêt dans la société cautionnée et en tout état de cause la seule qualité d'associé ne suffit pas à conférer un caractère averti ; que certes exploitant agricole, Jean-Marie X... n'avait, au vu des informations fournies, pas d'expérience ni de qualification dans la conduite d'une société, et la convention d'associé conclue entre lui et Natura Verde est révélatrice du rôle qui lui était confié dans la SARL Natura Verde Franche Comté, à savoir l'ensemble des tâches d'exploitation routinières tandis que le suivi technique, la comptabilité, la gestion et le management opérationnel et commercial devaient être assurés par Natura Verde Sigolsheim ; que s'agissant d'une société nouvellement créée et à laquelle un prêt de 320. 000 euros a été immédiatement accordé, le Crédit Mutuel, qui a la charge de la preuve de l'exécution de son devoir de mise en garde, ne produit aucun élément d'information, notamment aucune étude économique, bilan prévisionnel, etc ¿ ; que la cour dispose des éléments suffisants d'appréciation pour fixer à 96. 000 euros le préjudice subi par les époux X... ensemble de ce chef ; qu'il conviendra en conséquence d'opérer compensation entre les créances réciproques, étant rappelé que celle de la banque porte intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement comme décidé par le premier juge par l'effet de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier (le Crédit Mutuel sollicitait la confirmation sur ce point, y compris sur la date du point de départ des intérêts) ;

1/ ALORS QU'il incombe à l'emprunteur, qui invoque un manquement de la banque à son obligation de mise en garde, d'établir l'existence d'un risque d'endettement né de l'octroi du crédit litigieux ; qu'en énonçant que « le Crédit Mutuel, qui a la charge de la preuve de l'exécution de son devoir de mise en garde, ne produit aucun élément d'information, notamment aucune étude économique, bilan prévisionnel, ¿, etc ¿ », quand il incombait à M. X..., caution dirigeante ayant sollicité le prêt litigieux et à Mme X..., caution, d'apporter la preuve du risque d'endettement né de l'octroi du crédit, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi les articles 1315 et 1147 du code civil ;

2/ ALORS QUE pour condamner la Caisse de Crédit Mutuel de Gray au paiement de dommages et intérêts au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde, la cour d'appel, qualifiant M. et Mme X... de cautions profanes, a relevé que « s'agissant d'une société nouvellement créée à laquelle un prêt de 320. 000 euros a été immédiatement accordé, le Crédit Mutuel, qui a la charge de la preuve de l'exécution de son devoir de mise en garde, ne produit aucun élément d'information, notamment aucune étude économique, bilan prévisionnel, ¿ etc ¿ » ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs impropres à établir l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur et le risque de l'endettement né de l'octroi de crédit, de sorte que la banque aurait été tenue d'une obligation de mise en garde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3/ ALORS QUE pour condamner la Caisse de Crédit Mutuel de Gray au paiement de dommages et intérêts au titre de son manquement à son obligation de mise en garde, la cour d'appel a énoncé qu'elle disposait « éléments suffisants d'appréciation pour fixer à 96. 000 euros le préjudice subi par les époux X... ensemble de ce chef » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que le montant alloué constituait la réparation d'une perte de chance et que cette réparation était mesurée à la probabilité de la chance perdue par M. et Mme X... de ne pas souscrire l'engagement litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.