Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
Par une ordonnance n°1900951 du 22 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a prononcé la suspension de l'exécution de l'arrêté du 22 mai 2019 du maire de Porto-Vecchio retirant le refus du 21 novembre 2018 et accordant un permis de construire à la société Norik pour la réalisation d'une maison individuelle, de deux piscines et d'un garage sur une parcelle située lotissement Punta d'Oro.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 août 2019 sous le n°19MA03761, la société Norik, représentée par Me B..., demande :
1°) d'annuler cette ordonnance du 22 juillet 2019 ;
2°) de rejeter le déféré préfectoral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le secteur doit être regardé comme un espace urbanisé nécessitant un renforcement urbain au sens du PADDUC et de l'article
L.121-8 du code de l'urbanisme ;
- le secteur constitué par le lotissement constitue un village au sens des dispositions de l'article
L.121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC, qui le situe dans une " tâche urbaine " ;
- en tout état de cause, il doit être regardé comme un espace urbanisé nécessitant un renforcement urbain au sens des dispositions de l'article
L.121-8 issues de la loi ELAN du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC ;
- le projet constitue une extension limitée de l'urbanisation au sens des dispositions de l'article
L.121-13 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2019 la préfète de la Corse-du-Sud conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que l'appel n'est pas fondé et que les moyens de sa demande sont maintenus.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille donnant délégation à M. A..., premier vice-président, président de la 5ème chambre, pour juger les référés.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 9 octobre 2019 à 11h :
- le rapport de M. A..., juge des référés,
-les observations de Me B..., représentant la SAS Norik, maintenant et développant l'intégralité des conclusions et moyens de la requête.
La clôture de l'instruction a été prononcée à 11h30 au terme de l'audience.
Considérant ce qui suit
:
1. Par une ordonnance n°1900951 du 22 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a suspendu l'exécution de l'arrêté du 22 mai 2019 du maire de Porto-Vecchio retirant un refus daté du 21 novembre 2018 et accordant un permis de construire à la société Norik pour la construction d'une villa individuelle en résidence secondaire comprenant deux piscines et un garage pour une surface plancher de 548,8 m2 sur un terrain cadastré section F 1621et se trouvant dans le lotissement Punta d'Oro.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Il résulte de l'examen de l'ordonnance attaquée que le premier juge a omis de se prononcer sur le moyen soulevé en défense par la société Norik et tiré de ce que le secteur doit être regardé comme un espace urbanisé nécessitant un renforcement urbain au sens des dispositions de l'article
L.121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC. Par suite, l'ordonnance est entachée d'irrégularité et doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la préfète de la Corse-du-Sud.
Sur la demande de suspension :
Quant aux dispositions applicables :
3. En premier lieu, aux termes de l'article
L 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article
L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : " Article
L. 2131-6, alinéa 3.- Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...)." ".
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 applicable à la date de l'arrêté attaqué : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article
L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs.(...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En outre, dans les secteurs déjà urbanisés ne constituant pas des agglomérations ou des villages, des constructions peuvent être autorisées en dehors de la bande littorale des cent mètres et des espaces proches du rivage dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
L. 121-8, sous réserve que ces secteurs soient identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme. Pour l'application de ces dernières dispositions, l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique prévoit dans son paragraphe IV que dans les communes de la collectivité de Corse n'appartenant pas au périmètre d'un schéma de cohérence territoriale en vigueur, le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse peut se substituer à ce schéma. Enfin, dans ces secteurs urbanisés non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la loi du 23 novembre 2018, l'article 42 de cette loi prévoit en son paragraphe III que dans une période transitoire allant jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites.
6. En outre, le PADDUC rappelle le régime de l'extension de l'urbanisation prévu par l'article
L.121-8 du code de l'urbanisme et définit les critères et indicateurs constituant un faisceau d'indices de nature à permettre d'identifier et de délimiter les agglomérations et villages en Corse. A cet effet, le PADDUC prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire. Pour le village, celui-ci est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Le PADDUC prévoit en outre la possibilité de permettre le renforcement et la structuration, sans extension de l'urbanisation, des espaces urbanisés qui ne constituent ni une agglomération ni un village ainsi caractérisés, sous réserve qu'ils soient identifiés et délimités dans les documents d'urbanisme locaux. L'ensemble de ces prescriptions qui apportent des précisions au sens des dispositions du I de l'article
L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales et qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral sont applicables.
7. En troisième lieu, l'article
L.121-13 du code de l'urbanisme dispose : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article
L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau.
Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer.
En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Le plan local d'urbanisme respecte les dispositions de cet accord. ". Par ailleurs, l'annexe 3 du livret Littoral du PADDUC précise que " parce qu'ils peuvent subir une très forte pression anthropique et foncière et qu'ils sont rares, les espaces proches du rivage bénéficient du régime de protection renforcé (...) : outre l'obligation de se réaliser en continuité avec les villages ou agglomérations existants (...) l'extension de l'urbanisation doit y présenter un caractère limité ".
Quant au bien-fondé de la demande :
8. Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet d'une surface de 3431 m2 se trouve au sein du lotissement Punta d'Oro caractérisé par un habitat à vocation résidentielle et diffus. Il ne constitue donc ni une agglomération ni un village de la commune de Porto-Vecchio. Par ailleurs, les secteurs l'entourant au Nord et à l'Est ne peuvent davantage être regardés comme une agglomération ou un village. La circonstance invoquée, à la supposer même vraie, que le secteur soit identifié par le PADDUC comme une tâche urbaine demeure sans incidence sur la qualification, le livret III du PADDUC précisant que cette modélisation " n'a aucune portée juridique et ne saurait être confondue avec l'espace urbanisé ". En outre si le renforcement urbain est prévu par le PADDUC, son livret Littoral vise " les espaces plus densément bâtis qui peuvent être appréhendés comme des espaces urbanisés et ainsi faire l'objet d'un renforcement ", cas étranger à l'espèce. Par suite et en l'état de l'instruction, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article
L.121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC paraît de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire attaqué.
9. Il ressort également du dossier, ce qui n'est pas contesté, que le terrain du projet en litige se trouve dans les espaces proches du rivage. Par suite et alors, comme dit au point 8, que le secteur n'est pas en continuité avec une agglomération ou un village, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article
L.121-13 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC paraît de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du permis contesté.
10. En revanche, et pour l'application de l'article
L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par la préfète de la Corse du Sud ne paraissent pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'autorisation de construire en litige.
11. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Corse du Sud est fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 22 mai 2019 du maire de Porto-Vecchio.
Sur l'application des dispositions de l'article
L.761-1 du code de justice administrative :
12. La demande de la société Norik, partie perdante, ne peut être que rejetée.
ORDONNE
Article 1 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia en date du 22 juillet 2019 est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 22 mai 2019 du maire de Porto-Vecchio retirant un refus daté du 21 novembre 2018 et accordant un permis de construire à la société Norik pour la construction d'une villa individuelle en résidence secondaire comprenant deux piscines et un garage pour une surface plancher de 548,8 m2 sur un terrain cadastré section F 1621 et se trouvant dans le lotissement Punta d'Oro est suspendue.
Article 3 : Les conclusions de la SAS Norik tendant à l'application des dispositions de l'article
L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la préfète de la Corse-du-Sud, à la commune de Porto-Vecchio et à la société Norik. En outre, copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Ajaccio.
Fait à Marseille, le 11 octobre 2019.
19MA03761 6