INPI, 23 novembre 2006, 05-3285

Synthèse

  • Juridiction : INPI
  • Numéro de pourvoi :
    05-3285
  • Domaine de propriété intellectuelle : OPPOSITION
  • Marques : E ; E
  • Classification pour les marques : 39
  • Numéros d'enregistrement : 36343 ; 3375357
  • Parties : ENTERPRISE RENT A CAR COMPANY / SOCIETE AIR FRANCE SOCIETE ANONYME

Texte intégral

OPP 05-3285 / CJR 23/11/2006 DECISION STATUANT SUR UNE OPPOSITION **** LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE ;

Vu le

règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marqu e communautaire et notamment son article 9 ; Vu le Code de la propriété intellectuelle et notamment ses articles L. 411-4, L. 411-5, L. 712-3 à L. 712-5, L. 712-7, R. 411-17, R. 712-13 à R. 712-18, R. 712-21, R. 712-26, et R. 718-2 à R. 718-4 ; Vu l'arrêté du 31 janvier 1992 relatif aux marques de fabrique, de commerce ou de service ; Vu l'arrêté du 2 août 2005 relatif aux redevances de procédure perçues par l'Institut national de la propriété industrielle.

I.- FAITS ET PROCEDURE

La société AIR FRANCE (société anonyme) a déposé, le 12 août 2005, la demande d'enregistrement n° 05 3 375 357, portant sur le si gne complexe E. Ce signe est présenté comme destiné à distinguer notamment les services suivants : « Transport de passagers ; transport de voyageurs, assistance en cas de pannes de véhicules (remorquage), transport en automobile, location d’automobiles, location de garages, informations en matière de transport de passagers, location de places de stationnement, location de véhicules, services de parcs de stationnement, services de sauvetage, opérations de secours (transport), réservations pour le transport de passagers, représentation de compagnies de location de véhicules » (classe 39). Cette demande a été publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle n° 05/38 NL du 23 septembre 2005. Le 23 novembre 2005, la société ENTERPRISE RENT-A-CAR COMPANY (société de droit américain), représentée par Madame Sandrine CUGINI, conseil en propriété industrielle, mention "marques, dessins et modèles", du cabinet HARLE & PHELIP, a formé opposition à l'enregistrement de cette marque. L'acte d'opposition était accompagné de la justification du paiement de la redevance correspondante. La marque antérieure invoquée dans cet acte est la marque communautaire complexe E, déposée le 1er avril 1996 et enregistrée sous le n° EM36343. Cet enregistrement porte notamment sur les produits et services suivants : « Véhicules de terre ; véhicules, automobiles et appareils pour la locomotion à terre. Services de location de véhicules ; services de location à bail de véhicules ; services de remorque de véhicules ; services de sauvetage de véhicules en panne ; sauvetage de véhicules ; location et location à bail de véhicules, et services de réservation pour la location et/ou la location à bail de véhicules » (classes 12 et 39). L'opposition, formée à l'encontre d’une partie seulement des services désignés dans la demande d'enregistrement contestée, à savoir ceux précités, a été notifiée à la société déposante le 5 décembre 2005, sous le n° 05-3285. Cette notif ication l'invitait à présenter des observations en réponse à l'opposition dans les deux mois. Le 22 décembre 2005, la société AIR FRANCE a demandé le bénéfice des dispositions de l’article L. 712-8 du Code de la propriété intellectuelle, aux termes desquelles « le déposant peut demander qu’une marque soit enregistrée nonobstant l’opposition dont elle fait l’objet s’il justifie que cet enregistrement est indispensable à la protection de la marque à l’étranger ». A la suite de cette demande, l’Institut a procédé à l’enregistrement de la marque complexe E, lequel a été publié au Bulletin officiel de la propriété industrielle n° 06/06 du 10 février 2006, ce dont a été informé la société opposante. Le 26 janvier 2006, la société ENTERPRISE RENT-A-CAR COMPANY et la société AIR FRANCE, représentée par Monsieur Frédéric GLAIZE, Conseil en propriété industrielle mention « marques, dessins et modèles » du cabinet MEYER & PARTENAIRES, ont présenté conjointement, conformément à l’article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle, une demande de suspension de la procédure d’opposition pour une période d’un mois, ce qui leur a été accordé. Le 24 février 2006, la société déposante, a, par télécopie confirmée par courrier, présenté des observations en réponse à l’opposition et invité la société ENTERPRISE RENT-A-CAR COMPANY à produire des pièces propres à établir que la déchéance de ses droits pour défaut d’exploitation de la marque antérieure invoquée, n’était pas encourue. A défaut d’accord, la procédure d’opposition a repris le 27 février 2006. Les observations et demande de la société déposante ont été notifiées à la société opposante par l’Institut le 28 février 2006. Il lui était précisé que les pièces sollicitées devaient être produites dans le délai d’un mois à compter de la réception de cette notification. Le 27 février 2006, puis les 27 mars, 27 avril et 23 juin 2006, les parties ont présenté conjointement, conformément à l’article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle, quatre demandes de suspension de la procédure d’opposition pour une période totale de cinq mois, ce qui leur a été accordé. A défaut d’accord, la procédure d’opposition a repris le 28 juillet 2006. Le 28 juillet 2006, la société déposante, a, par télécopie confirmée par courrier, présenté des observations complémentaires en réponse à l’opposition, transmises à la société opposante par l’Institut le 1er août 2006. Le 25 août 2006, la société ENTERPRISE RENT-A-CAR COMPANY a fourni les pièces sollicitées, transmises à la société AIR FRANCE par l'Institut, le 7 septembre suivant. Par courrier émis le 27 septembre 2006, l’Institut a notifié aux parties, un projet de décision établi au vu de l’opposition et des observations en réponse. Cette notification les invitait, si elles souhaitaient en contester le bien-fondé, à présenter des observations écrites au plus tard le 30 octobre 2006. Le 27 octobre 2006, la société ENTERPRISE RENT-A-CAR COMPANY a, par télécopie confirmée par courrier, présenté des observations contestant le bien-fondé du projet de décision, transmises par l’Institut le jour même à la société AIR France, par télécopie confirmée par courrier. Il lui était précisé qu’afin de respecter le principe du contradictoire, la date de fin de la procédure écrite était repoussée au 2 novembre 2006, ce dont la société opposante a également été informée. II.- ARGUMENTS DES PARTIES A.- L'OPPOSANT La société ENTERPRISE RENT-A-CAR COMPANY fait valoir, à l'appui de son opposition et dans ses observations contestant le bien-fondé du projet de décision, les arguments exposés ci-après. Sur la comparaison des produits et services Les services de la demande d'enregistrement contestée, objets de l’opposition, sont pour certains, identiques et pour d’autres, similaires aux produits et services invoqués de la marque antérieure. Sont identiques, les services de « location de véhicules, location d’automobiles, assistance en cas de pannes de véhicules (remorquage), services de sauvetage, opérations de secours (transport) » de la demande d'enregistrement et les services de « location de véhicules, services de remorque de véhicules, sauvetage de véhicules en panne, sauvetage de véhicules » de la marque antérieure. Sont similaires par complémentarité, les services de « Transport de passagers ; transport de voyageurs, transport en automobile, location de garages, informations en matière de transport de passagers, location de places de stationnement, services de parcs de stationnement, réservations pour le transport de passagers, représentation de compagnies de location de véhicules » de la demande d'enregistrement et les « Véhicules de terre ; véhicules, automobiles et appareils pour la locomotion à terre. Services de location de véhicules ; services de location à bail de véhicules ; services de remorque de véhicules ; services de sauvetage de véhicules en panne ; sauvetage de véhicules ; location et location à bail de véhicules, et services de réservation pour la location et/ou la location à bail de véhicules » de la marque antérieure. Sont enfin similaires plus spécifiquement, les services suivants de la demande d’enregistrement contestée et de la marque antérieure invoquée : - les services de « transport de passagers ; transport de voyageurs, transport enautomobile » et les « véhicules », par complémentarité ; - les services de « location de garages, location de places de stationnement, location de véhicules, services de parcs de stationnement » et les services de « véhicules, services de location de véhicules », par complémentarité ; - les services d’ « informations en matière de transport de passagers, réservation pour le transport de passagers » et les « … services de location de véhicules destinés aux voyageurs, personnes physiques … », par connexité ; - les services de « représentation de compagnies de location de véhicules » et les services de « location de véhicules », les premiers couvrant les seconds. Sur la comparaison des signes La demande d'enregistrement contestée constitue l’imitation de la marque antérieure, en raison des ressemblances visuelles entre l’élément figuratif du signe contesté et celui de la marque antérieure invoquée. A l’appui de son argumentation, la société opposante invoque la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes relative à l’interdépendance des facteurs pris en compte, c’est-à-dire à la compensation d’un faible degré de similitude entre les signes par un degré élevé de similitude entre les produits et services. Elle invoque enfin le fait que les parties ont conclu un accord de coexistence de marques et que le dépôt de la demande d'enregistrement constitue une rupture des négociations entre les parties. Suite au projet de décision, la société opposante insiste sur le fait que le caractère arbitraire de la lettre E en minuscule, caractéristique de la marque antérieure, est source de réelle confusion dans l’esprit du public. Elle invoque en outre, la notoriété de la marque antérieure au plan mondial, et notamment à l’échelle européenne, pour les services de réservation, location et location-vente de véhicules et produit pour prouver cette notoriété, des extraits Internet, des publicités, des photographies et des articles de presse. B - LE TITULAIRE DE LA DEMANDE D'ENREGISTREMENT Dans ses observations en réponse à l’opposition, la société AIR FRANCE conteste la comparaison des signes, au motif que les marques présentent des différences visuelles, phonétiques en intellectuelles de nature à exclure tout risque de confusion. Elle ajoute également que l’accord intervenu entre les parties ne peut pas être pris en compte dans le cadre de la présente opposition. En revanche, elle ne présente aucune observation quant à la comparaison des produits et services.

III.- DECISION

Sur la comparaison des produits et services CONSIDERANT que l’opposition porte sur les services suivants : « Transport de passagers ; transport de voyageurs, assistance en cas de pannes de véhicules (remorquage), transport en automobile, location d’automobiles, location de garages, informations en matière de transport de passagers, location de places de stationnement, location de véhicules, services de parcs de stationnement, services de sauvetage, opérations de secours (transport), réservations pour le transport de passagers, représentation de compagnies de location de véhicules » ; Que dans l’acte d’opposition, la société opposante a visé comme servant de base à la procédure les « services de location de véhicules destinés aux voyageurs, personnes physiques » lesquels ne se retrouvent pas tels quels dans le libellé de la marque antérieure ; que toutefois ces services sont aisément identifiables comme étant les « services de location de véhicules » ; Qu ’ainsi, le libellé à prendre en considération aux fins de la présente procédure est le suivant : « Véhicules de terre ; véhicules, automobiles et appareils pour la locomotion à terre. Services de location de véhicules ; services de location à bail de véhicules ; services de remorque de véhicules ;services de sauvetage de véhicules en panne ; sauvetage de véhicules ; location et location à bail de véhicules, et services de réservation pour la location et/ou la location à bail de véhicules ». CONSIDERANT que les services de la demande d'enregistrement, objets de l’opposition, apparaissent pour certains, identiques et pour d’autres, similaires aux produits et services invoqués de la marque antérieure, ce qui n’est pas contesté par la société déposante. Sur la comparaison des signes CONSIDERANT que la demande d'enregistrement contestée porte sur le signe complexe E, ci-dessous reproduit : Que la marque antérieure porte sur le signe complexe E, ci-dessous reproduit : CONSIDERANT que la société opposante invoque l’imitation de la marque antérieure par le signe contesté. CONSIDERANT que l’imitation nécessite la démonstration d’un risque de confusion entre les signes, lequel doit donc être apprécié globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles- ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants ; CONSIDERANT que les signes en présence ont en commun une lettre E présentée en minuscule ; Que toutefois, cette seule circonstance ne saurait suffire à engendrer un risque de confusion entre les signes en présence, tant ces derniers produisent une impression d’ensemble différente ; Qu’en effet, les lettres E en présence, même si elles apparaissent toutes les deux en minuscule, sont toutefois présentées dans une calligraphie radicalement différente excluant tout risque de confusion ; Qu’en effet, la lettre E du signe contesté est inscrite suivant une calligraphie parfaitement commune, alors que la lettre E de la marque antérieure apparaît sous une forme stylisée composée d’une bande blanche et d’une ligne noire symbolisant une route dont les extrémités se prolongent jusqu’aux bords du carré ; Qu'en outre, l’impression d’ensemble produite par ces marques est totalement différente ; Qu'en effet visuellement, les marques en présence se distinguent par leur présentation et leur physionomie, le signe contesté se composant de la lettre E présentée dans un rond suivi d’une forme géométrique représentant une flèche, alors que la marque antérieure comporte un élément figuratif représentant la lettre E très stylisée présentée dans un carré ; Qu’à cet égard, le seul fait que les signes en présence contiennent une lettre E en minuscule présentée en noir et blanc avec une forme géométrique (respectivement un rond et un rectangle) ne saurait à lui seul constituer une ressemblance suffisante de nature à créer un risque de confusion entre eux ; Que de même, le caractère arbitraire de la lettre E en minuscule pour les services concernés, ne saurait être un critère suffisant, tant les signes en présence produisent une impression d’ensemble radicalement différente, comme précédemment démontré. CONSIDERANT ainsi que le signe contesté ne constitue pas l’imitation de la marque antérieure. CONSIDERANT que le risque de confusion dans l’esprit du consommateur doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, ce qui implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte ; qu’ainsi, un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits et services ; Que toutefois, les différences visuelles entre les signes sont telles qu’ils ne peuvent être confondus, comme il l’a été précédemment démontré et ce, même si les produits et services sont identiques et similaires ; Que d’autre part, si comme le rappelle la société opposante suite au projet de décision, le risque de confusion est d'autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits et services en cause, tel n'est pas le cas en l'espèce ; Qu’en effet, en l’espèce, la notoriété alléguée de la marque antérieure qui n’est du reste pas démontrée pour les produits et services en cause, ne constitue qu’un facteur aggravant du risque de confusion et ne saurait avoir pour effet de supplanter l’absence de risque de confusion entre les signes, du fait des grandes différences précédemment relevées ; Qu’enfin, la société opposante ne saurait valablement invoquer l’existence d’un accord de coexistence de marques signé en 2000 entre les parties, ainsi que le fait que la société déposante se serait rendue coupable d’un acte parasitaire ; Qu’en effet, le bien-fondé d’une opposition s’apprécie uniquement eu égard aux droits conférés par l’enregistrement de la seule marque antérieure invoquée et à l’atteinte susceptible d’être portée à ces droits par la demande contestée, toute autre considération relevant de la compétence exclusive des tribunaux judiciaires. CONSIDERANT qu’en raison de l’absence d’imitation de la marque antérieure par le signe contesté et nonobstant l’identité et la similarité des produits et services en cause, il n’existe pas globalement de risque de confusion sur l’origine de ces marques pour le consommateur des produits et services concernés ; Que le signe complexe contesté E peut donc être adopté comme marque pour désigner des produits et services identiques et similaires, sans porter atteinte aux droits antérieurs de la société opposante sur la marque complexe E.

PAR CES MOTIFS

DECIDE Article unique : L'opposition n° 05-3285 est rejetée. Caroline ROUILLON, Juriste Pour le Directeur général del'Institut national de la propriété industrielle Marie-Aude B Chef de Groupe