COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 82E
6e chambre
ARRET
N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/02970
N° Portalis DBV3-V-B7F-UYYK
AFFAIRE :
S.A.S.
ARGEDIS
S.N.C.
LOIRETAL
S.A.R.L. LOGISTIQUE ET DIFFUSION 'LOGEDIF'
C/
Syndicat CGT DES STATIONS TOTAL
ARGEDIS
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 17 septembre 2021 par le Juge de la mise en état de NANTERRE
N° RG : 20/01820
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me
Jérôme LAMBERTI
Me
Bénédicte ROLLIN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S.
ARGEDIS
N° SIRET :
306 916 099
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par : Me
Jérôme LAMBERTI de la SELARL
BLB et Associés Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 456 substitué par Me
GRARE Nicolas, avocat au barreau de Paris
S.N.C.
LOIRETAL
N° SIRET :
382 579 977
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par : Me
Jérôme LAMBERTI de la SELARL
BLB et Associés Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 456 substitué par Me
GRARE Nicolas, avocat au barreau de Paris
S.A.R.L. LOGISTIQUE ET DIFFUSION 'LOGEDIF'
N° SIRET :
437 622 780
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par : Me
Jérôme LAMBERTI de la SELARL
BLB et Associés Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 456 substitué par Me
GRARE Nicolas, avocat au barreau de Paris
APPELANTES
****************
Syndicat CGT DES STATIONS TOTAL
ARGEDIS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par : Me
Bénédicte ROLLIN de la SCP
JDS AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0028
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article
805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle VENDRYES, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Greffière lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
Greffière placée de la mise à disposition : Mme Virginie BARCZUK
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS
Argedis exploite des stations-service. Cette exploitation lui est confiée par le groupe Total dans le cadre d'un contrat de location-gérance. La société
Argedis emploie environ 2 900 salariés.
La SNC
Loiretal exploite également des stations-services.
La SARL Logistique et Diffusion 'Logedif' a pour activité l'achat, le stockage et la distribution de produits d'entretien et de marchandises consommés par les stations-services et de marchandises commercialisées par les stations- services.
Ces trois sociétés forment une unité économique et sociale (UES) dénommée
Argedis.
La convention collective applicable au sein de cette UES est celle des services automobiles.
Soutenant que les sociétés auraient violé les dispositions de l'article 1.09 de la convention collective précitée en ne prévoyant pas de contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage des salariés travaillant en station, le syndicat CGT des stations Total
Argedis a, par actes du 21 février 2020, assigné les sociétés
Argedis,
Loiretal et Logistique et Diffusion "Logedif" devant le tribunal judiciaire de Nanterre, aux fins de voir :
- enjoindre aux sociétés défenderesses d'octroyer à tous les salariés de l'UES travaillant en station une contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage et fixer cette contrepartie en une prime d'habillage et de déshabillage correspondant à 1/6 ème du taux horaire de chaque salarié par jour travaillé, à compter du prononcé de la décision à intervenir sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard par infraction constatée, c'est à dire par salarié dont la situation ne serait pas régularisée et à titre subsidiaire, d'octroyer à tous les salariés de l'UES travaillant en station une contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage et plus particulièrement de décompter 5 minutes de temps d'habillage et 5 minutes de temps de déshabillage par jour travaillé sur le temps de travail effectif à compter du prononcé de la décision sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard par infraction constatée, c'est à dire par salarié dont la situation ne serait pas régularisée,
- enjoindre aux sociétés défenderesses d'octroyer à tous les salariés de l'UES travaillant en forfait jour en station une contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage et plus particulièrement de payer une prime d'un montant de 1/48 ème du taux journalier par jour travaillé sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard par infraction constatée, c'est à dire par salarié dont la situation ne serait pas régularisée,
- enjoindre aux sociétés défenderesses de verser, dans les deux mois suivant le prononcé de la décision, à tous les salariés de l'UES travaillant en station une prime d'habillage et de déshabillage correspondant à 1/6 ème du taux horaire des salariés par jour travaillé depuis le mois de février 2017 sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée, c'est à dire par salarié dont la situation ne serait pas régularisée et par jour de retard,
- enjoindre aux sociétés défenderesses de payer, dans les deux mois suivant le prononcé de la décision, à tous les salariés de l'UES travaillant en forfait jour en station une prime d'habillage et de déshabillage correspondant à 1/48 ème du taux journalier des salariés en forfait jour par jour travaillédepuis le mois de février 2017 sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée, c'est à dire par salarié dont la situation ne serait pas régularisée et par jour de retard,
- condamner les sociétés défenderesses à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession outre celle de 4 500 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner les sociétés défenderesses aux entiers dépens.
Au cours de l'instruction de l'affaire, les sociétés employeurs ont saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'un incident .
Aux termes de leurs dernières écritures d'incident, les sociétés employeurs ont soulevé devant ce juge , sur le fondement des articles
31 et
789 du code de procédure civile et
L 2132-3 du code du travail, l'irrecevabilité des demandes principales, faute d'intérêt à agir du syndicat.
Elles ont également sollicité la condamnation du syndicat CGT à verser à chacune d'entre elles la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures en réponse sur incident le syndicat CGT a conclu au rejet des fins de non-recevoir soulevées en défense, soutenant agir sur le fondement de l'intérêt collectif de la profession, ses demandes tendant non pas à obtenir le paiement de sommes à des personnes nommément désignées mais visant à l'application de l'article 1.09 de la convention collective nationale des services de l'automobile relatif à la contrepartie due pour les temps d'habillage et de déshabillage à l'ensemble des salariés travaillant en station astreints au port d'une tenue de travail.
Par ordonnance rendue le 17 septembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a :
- rejeté les fins de non-recevoir soulevées en défense,
- condamné la SAS
Argedis, la SNC
Loiretal et la SARL Logistique et Diffusion 'Logedif' à payer au syndicat CGT des stations Total
Argedis la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
- renvoyé l'affaire à l'audience du juge de la mise en état du 15 octobre 2021 aux fins de conclusions récapitulatives du syndicat CGT des stations Total
Argedis et à défaut pour clôture de l'instruction et renvoi de l'affaire à l'audience de plaidoirie,
- les a condamnées aux dépens de l'incident.
Les sociétés
Argedis,
Loiretal et Logistique et Diffusion 'Logedif' ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 08 octobre 2021.
Par conclusions adressées par voie électronique le 17 mai 2022, les sociétés
Argedis,
Loiretal et Logistique et Diffusion 'Logedif' demandent à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de mise en état rendue le 17 septembre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre,
Statuant de nouveau, il est demandé à la cour de :
- déclarer irrecevables les demandes d'enjoindre à
Argedis,
Loiretal et Logedif :
' d'octroyer à tous les salariés de l'UES travaillant en station une contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage et fixer cette contrepartie en une prime d'habillage et de déshabillage correspondant à 1/6ème du taux horaire de chaque salarié par jour travaillé, à compter du prononcé de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard par infraction constatée,
' à titre subsidiaire : d'octroyer à tous les salariés de l'UES travaillant en station une contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage et plus particulièrement de décompter 5 minutes de temps d'habillage et 5 minutes de temps déshabillage par jour travaillé sur le temps de travail effectif à compter du prononcé de la décision sous astreinte de 500 euros par jour de retard par infraction constatée,
' de verser, dans les deux mois suivant le prononcé de la décision, à tous les salariés de l'UES travaillant en station une prime d'habillage et de déshabillage correspondant à 1/6ème du taux horaire des salariés par jour travaillé depuis le mois de février 2017 sous astreinte de 500 euros par jour de retard par infraction constatée,
- déclarer irrecevables les demandes d'enjoindre à
Argedis,
Loiretal et Logedif :
' d'octroyer à tous les salariés de l'UES travaillant en forfait jour en station une contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage et plus particulièrement de payer une prime d'un montant de 1/48ème du taux journalier par jour travaillé, sous astreinte de 500 euros par jour de retard par infraction constatée,
' de payer, dans les deux mois suivant le prononcé de la décision, à tous les salariés de l'UES travaillant en forfait jour en station une prime d'habillage et de déshabillage correspondant à 1/48ème du taux journalier des salariés en forfait jour par jour travaillé depuis le mois de février 2017,
- débouter le syndicat CGT de sa demande fondée sur les dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
Par conclusions adressées par voie électronique le 21 février 2022, le syndicat CGT des stations Total
Argedis demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de mise en état rendue le 17 septembre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre ;
- condamner les sociétés SAS
Argedis, la SNC
Loiretal, et l'EURL Logistique et Diffusion "Logedif" au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 18 mai 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 07 juin 2022.
En application de l'article
455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et
MOTIFS
Létés
Argedis,
Loiretal et Logistique et Diffusion ' Logedif ' font valoir , au soutien de leurs demandes, que le litige les opposant au syndicat CGT des stations Total
Argedis n'a aucune portée générale ou de principe, que la seule question posée est en effet factuelle portant sur le fait de savoir si chaque collaborateur, pris individuellement, peut s'habiller pendant son temps de travail effectif et rémunéré , la contrepartie au temps d'habillage étant pour sa part parfaitement admise ce sans divergence sur l'application de la convention collective.
Le syndicat CGT des stations Total
Argedis fait au contraire valoir que ses demandes visent à octroyer aux salariés de l'UES une contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage et à verser à tous ces salariés travaillant en station une prime d'habillage en application de la convention collective de branche, certains éléments dont la position prise par l'employeur lors de la réunion du CSE du 24 octobre 2019 tendant notamment à exclure ces salariés de l'obligation de compensation.
Sur ce,
L'article
L.2131-1 du code du travail dispose que « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts.'
Aux termes de l'article
L. 2132-3 du code du travail, « les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.»
Il résulte de ces textes que les syndicats peuvent agir au regard des intérêts professionnels qu'ils sont chargés statutairement de défendre dès lors que l'action pose une question de principe touchant à l'intérêt collectif des salariés d'une profession.
Tant les dispositions susvisées que celles de l'article
L.2262-11 du code du travail rendent également les syndicats professionnels recevables à agir en cas de non-application d'une convention collective et des avantages individuels acquis en résultant.
En revanche, l'intérêt collectif ne se confond ni avec l'intérêt général, ni avec les intérêts individuels des salariés et notamment, l'action d'une organisation syndicale concernant uniquement le paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées se heurte à une fin de non recevoir.
En l'espèce, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire a relevé avec raison que l'action du syndicat tend au respect par l'employeur de la convention collective nationale des services automobiles dont l'article 1.09, ayant trait à l'organisation du travail, vise notamment que 'Lorsqu'une disposition réglementaire ou conventionnelle ou le règlement intérieur ou le contrat de travail imposent le port d'une tenue de travail justifié par la protection de l'hygiène et de la sécurité du salarié, cette tenue doit être revêtue sur le lieu de travail. Une contrepartie doit alors être donnée au salarié soit sous forme de prime d'habillage, soit en assimilant les temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail. Une contrepartie de même nature doit également être accordée lorsque l'employeur fournit une tenue de travail spécifique qu'il impose de porter sur le lieu de travail' , le syndicat sollicitant ici le rétablissement de l'ensemble des salariés des stations de l'UES dans leurs droits et non le paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées.
L'ordonnance qui relève également avec raison que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action sera donc confirmée.
Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés
Argedis,
Loiretal et Logistique et Diffusion ' Logedif 'à payer au syndicat CGT des stations Total
Argedis la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés
Argedis,
Loiretal et Logistique et Diffusion ' Logedif ' aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère, en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES, Présidente, légitimement empêchée, et par Madame Virginie BARCZUK, Greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE placée, P/ LA PRESIDENTE empêchée,