Attendu, selon l'arrêt attaqué
, que la société Le Calvez dont l'activité consistait en l'acquisition de porcelets qu'elle confiait en nourrissage à des éleveurs, payant elle-même les aliments fournis par la société compagnie Cargill-Hens (la société Cargill) et par la société Beucherie devenue la société Frap a, par conventions des 9 et 12 septembre 1987, cédé à chacune de celles-ci un certain nombre de porcelets avec reprise par elles des contrats d'élevage, pour le prix de 515 103,75 francs et de 204 047,55 francs ; que la société Cargill a émis en paiement deux lettres de change, l'une de 320 520,82 francs qui a été encaissée par la société Le Calvez, l'autre de 194 582,93 francs que celle-ci a endossée à l'ordre même de la société Cargill en règlement d'une dette échue d'aliments ; que la société Beucherie a payé partie du prix convenu par un chèque de 166 130,04 francs, le solde, soit 37 16,31 francs, correspondant à une créance d'aliments sur la société Le Calvez ; que la société Le Calvez ayant été mise en redressement judiciaire le 12 novembre 1987, puis en liquidation, avec fixation de la date de cessation des paiements au 31 décembre 1986, le liquidateur judiciaire a demandé la nullité des deux conventions ;
Sur les premier et second moyens
, pris en leurs première et troisième branches, réunis :
Vu
les articles
1243 du Code civil,
12 du nouveau Code de procédure civile et 107-4° de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que pour décider que les conventions des 9 et 12 septembre 1987 ne constituaient pas des dations en paiement prohibées, l'arrêt retient
que ces actes ont indivisiblement pour objet la reprise par les sociétés Cargill et Frap des contrats liant la société Le Calvez à des éleveurs pour des lots de porcelets à eux confiés pour engraissement, avec effet rétroactif à la date de chaque mise à l'engraissement et annulation des facturations par elles faites à la société Le Calvez des fournitures de ces lots ainsi que la vente par celle-ci à celles-là des porcelets formant ces lots ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi
, sans rechercher si, pour la partie du prix, correspondant à des dettes d'aliments, qui n'a pas été encaissée par la société Le Calvez, il n'y avait pas dation en paiement de porcelets aux sociétés créancières et si une telle dation était communément admise dans les relations d'affaires considérées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le premier moyen
pris en sa quatrième branche :
Vu
l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que pour rejeter la demande de nullité de la convention du 9 septembre 1987 fondée sur cet article, l'arrêt retient
qu'il n'est justifié d'aucun préjudice résultant pour la société Le Calvez des effets d'ensemble de la convention, ni d'un appauvrissement de son patrimoine ;
Attendu qu'en statuant ainsi
alors que le prononcé de la nullité n'est pas subordonné à la constatation de l'existence d'un préjudice subi par le débiteur ou par ses créanciers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.