Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mars 2022 et 28 février 2023, M. C Fernandes, représenté par Me Nivet, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2022 par lequel le président de l'université de Perpignan via Domitia a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
2°) d'enjoindre au président de l'université de Perpignan via Domitia de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Université de Perpignan via Domitia une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- il a subi des faits de harcèlement qui ne sauraient être qualifiés de simples " désaccords professionnels " ; le document rédigé par Mme D. sur sa manière de servir porte atteinte au principe d'impartialité dès lors que sa demande de protection portait sur des faits que cette supérieure lui faisait subir ; enfin le courriel qu'il a adressé à la CPAM ne peut lui être reproché.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 juillet 2022 et 17 avril 2023, l'université de Perpignan via Domitia conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. Fernandes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B,
- les conclusions de Mme Delon, rapporteure publique,
- et les observations de Me
Telès, substituant Me Nivet, représentant M. Fernandes.
Considérant ce qui suit
:
1. M. Fernandes, infirmier de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, était affecté au service de santé universitaire (SSU) de l'université de Perpignan Via Domitia. Par courrier du 24 décembre 2021, il a saisi le président de l'université d'une demande de protection fonctionnelle s'estimant victime d'agissements de harcèlement moral au sein de son service. Par la présente requête, il sollicite l'annulation de la décision du 28 février 2022 refusant de lui accorder le bénéfice de cette protection.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir () ". Aux termes de son article L. 211-5 : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Pour refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. Fernandes, le président de l'université a, après avoir informé l'intéressé de ce que le service de rattachement faisait l'objet d'une attention particulière, estimé que l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement dont il serait victime n'était pas établie à ce jour. La double circonstance qu'il ait tout de même décidé d'ajouter cette question à l'ordre du jour du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et qu'il n'a pas précisé en quoi les faits relatés dans sa demande n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral, ne sont de nature à révéler, ni une insuffisance de motivation en fait, ni un aveu de l'existence même de tels agissements. En outre, si cette décision ne se réfère pas expressément à l'article
11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il ressort des termes mêmes de la demande préalable du 24 décembre 2021 adressée au président de l'université que le requérant a mentionné lui-même les dispositions intégrales de cet article pour en demander l'application. Par suite, M. Fernandes, qui avait présenté lui-même l'état du droit applicable dans sa demande préalable, et qui se trouvait par ailleurs en mesure de discuter utilement le refus de protection fonctionnelle opposé au vu des motifs lui indiquant que les conditions d'octroi n'en étaient pas réunies, n'est pas fondé à soutenir que la décision du 28 février 2022 méconnaîtrait les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.
4. En second lieu, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".
5. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
6. Pour faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral dont il aurait été victime, M. Fernandes fait valoir qu'il est devenu la cible privilégiée du docteur D, à compter de la nomination de cette dernière en qualité de directrice du SSU. En particulier, il fait valoir qu'elle lui a fait des remontrances, brimades, l'a isolé au sein du service en lui ôtant l'accès à son outil de travail et que, dans ce contexte de travail délétère, il a progressivement été mis à l'écart et remis en question dans son travail qui avait, jusqu'alors, toujours été reconnu. Il se prévaut de ce que ces agissements répétés ont eu un retentissement négatif sur sa santé.
7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. Fernandes en envoyant un courriel à la CPAM en octobre 2021, aux termes duquel il interrogeait la caisse sur la légalité des pratiques de ce docteur et de l'autre docteur du service et faisait allusion à une situation mal gérée, a lui-même adopté un comportement qui a nourri le différend professionnel. Ensuite, s'il fait état de ce que Mme D. l'a progressivement isolé du service en lui ôtant, notamment, l'accès au logiciel de travail lui permettant de dispenser des actes infirmiers de qualité, il ressort des pièces du dossier que le paramétrage opéré ne concerne pas seulement le requérant mais également une collègue infirmière. S'il soutient que ce paramétrage impliquerait une réduction de ses activités et de son champ de compétence, M. Fernandes ne le démontre pas, alors que l'UPVD fait état dans ses écritures de ce que la supérieure hiérarchique de l'intéressé et un confrère médecin, ont remis en cause son positionnement dans le cadre des actes qu'il dispensait au sein du SSU et ont décidé de réorganiser le service afin de permettre aux infirmiers de se consacrer exclusivement à la réalisation d'actes d'infirmiers. En outre, les allégations du requérant selon lesquelles Mme D. aurait fait pression pour qu'il arrête son activité au sein du vaccinodrôme de Perpignan ou aurait, de manière injustifiée, refusé de lui accorder des jours de repos, ne sont pas assortis d'éléments suffisants pour en apprécier leur véracité. Enfin, s'il fait valoir qu'il a été victime de remontrances et de brimades injustifiées, il ressort des pièces du dossier que M. Fernandes ne développe qu'un seul évènement au cours duquel Mme D. a, d'après les témoignages corroborant les propos de M. Fernandes, manqué de mesures à l'égard du requérant, remettant en cause sa version des faits, sans le laisser s'expliquer et en faisant preuve d'agressivité en le maintenant physiquement en dehors d'une salle. Toutefois cet évènement bien que corroborant la version de M. Fernandes sur une attitude inadéquate de sa supérieure, dépassant le cadre normal de son pouvoir hiérarchique, ne peut être regardé à lui seul comme constitutif d'agissements répétés de harcèlement moral à son encontre. Dans ces conditions, M. Fernandes ne démontre pas les agissements de harcèlement moral dont il aurait été victime et n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le refus de protection serait entaché d'une erreur d'appréciation quant à la réalité de ces agissements.
8. Si M. Fernandes fait valoir que le refus de protection fonctionnelle a été pris en méconnaissance du principe d'impartialité, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'UPVD ait, en sollicitant le docteur A de donner sa version des faits et son appréciation du comportement de l'intéressé, délégué à cette dernière la décision d'octroyer ou non le bénéfice de la protection fonctionnelle sollicitée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. Fernandes n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 28 février 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Perpignan via domitia, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. Fernandes, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er :
La requête de M. Fernandes est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C Fernandes et à l'université de Perpignan via domitia.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Philippe Gayrard, président,
Mme Isabelle Pastor, première conseillère,
Mme Marion Bossi, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.
La rapporteure,
I. BLe président,
J-Ph. Gayrard
La greffière,
B. Flaesch
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Montpellier, le 29 mars 2024.
La greffière,
B. Flaesch.
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