AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La société coopérative Unicoop et M. X..., ès qualités, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la BNP-Paribas que sur le pourvoi incident relevé par la société Unicoop et M. X..., ès qualités ;
Attendu, selon arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 8 avril 2002) que la société Unicoop a été mise en redressement judiciaire le 29 septembre 1999, MM. X... et Y... étant désignés, le premier, administrateur, le second, représentant des créanciers ; que par jugement du 22 février 2001, le tribunal a arrêté le plan de continuation de la société, M. X... étant désigné commissaire à l'exécution du plan ;
que la BNP-Paribas, venant aux droits de la BNP, (la banque) et le représentant des créanciers ont formé un appel-nullité, ce dernier formant en outre un appel aux fins de réformation ; que la cour d'appel a déclaré irrecevable l'appel-nullité de la banque et mal fondé celui du représentant des créanciers et a dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;
Sur la recevabilité du pourvoi principal
, contestée par la défense :
Attendu que les Caisses régionales de crédit agricole mutuel Périgord et Charente-Maritime Deux-Sèvres soutiennent que le pourvoi formé par la banque qui n'était pas partie à l'instance au cours de laquelle le plan de continuation de la société a été arrêté est irrecevable ;
Mais attendu
que la banque a formé un pourvoi contre l'arrêt qui a déclaré son appel irrecevable ; que son pourvoi, fondé sur un grief né de la décision est recevable ;
Sur les premier et deuxième moyens
du pourvoi principal, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu que la banque fait grief à
l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son appel-nullité, alors, selon le moyen :
1 ) que le jugement qui arrête le plan de continuation de l'entreprise est susceptible d'un appel-nullité d'un créancier, représenté par le représentant des créanciers et donc partie au jugement, lorsque cette décision a été rendue en méconnaissance d'un principe essentiel de procédure ou quand le juge a excédé ses pouvoirs ;
qu'en décidant
que l'appel-nullité formé par la banque était irrecevable au motif que ce créancier n'avait pas la qualité de partie au jugement statuant sur le plan de continuation la cour d'appel a violé les articles
L. 621-39 et
L. 623-6 du Code de commerce, ainsi que l'article
31 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) que la banque avait été convoquée à l'audience de première instance en sa qualité de créancier privilégié, par application des articles
L. 621-96 du Code de commerce et 105 du décret du 1er décembre 1985, pour exprimer une prétention, de sorte qu'elle avait nécessairement la qualité de partie à la première instance ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles
4 et
31 du nouveau Code de procédure civile,
L. 621-96 et
L. 623-6 du Code de commerce et 105 du décret du 27 décembre 1985 ;
3 ) que le jugement qui arrête le plan de continuation de l'entreprise est susceptible d'un appel-nullité d'un créancier, lorsqu'il a été rendu en méconnaissance d'un principe essentiel de procédure ou quand le juge a excédé ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, la banque faisait valoir au soutien de son appel-nullité que le jugement du 22 février 2001 était entaché de nullité pour avoir adopté un plan sans consultation préalable des créanciers ; qu'en déclarant irrecevable l'appel-nullité de la banque, sans rechercher préalablement si ce plan n'avait pas été adopté en méconnaissance de l'article
L. 621-60 du Code de commerce, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs au regard des articles
174,
L. 621-20 et
L. 623-6 du Code de commerce ;
Mais attendu que la banque qui excipait d'un intérêt distinct pour ne pas avoir été consultée avant l'arrêt du plan de continuation, et non d'une atteinte portée à l'intérêt collectif des créanciers dont le représentant des créanciers a seul la charge, n'était pas représentée par celui-ci en première instance ; que sa convocation, en application de l'article 105 du décret du 27 décembre 1985 ne lui avait pas conféré la qualité de partie ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a déclaré son appel irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen
du même pourvoi, pris en ses trois branches :
Attendu que la banque fait encore grief à
l'arrêt d'avoir arrêté le plan de redressement par continuation de l'entreprise tel que présenté par la société Unicoop et d'avoir dit en conséquence que le solde de sa créance serait réglé sur les cinq années suivant le plan, alors, selon le moyen :
1 ) que le jugement qui arrête le plan de continuation de l'entreprise est susceptible d'un appel-nullité d'un créancier, lorsqu'il a été rendu en méconnaissance d'un principe essentiel de procédure ou quand le juge a excédé ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, la banque faisait valoir au soutien de son appel-nullité que le jugement du 22 février 2001 était entaché de nullité pour avoir adopté un plan sans consultation préalable des créanciers ; qu'en confirmant l'adoption de ce plan, sans rechercher préalablement si ce plan n'avait pas été adopté en méconnaissance de l'article
L. 621-60 du Code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 621-60 du Code de commerce ;
2 ) que le jugement qui arrête le plan de continuation de l'entreprise est susceptible d'un appel-nullité d'un créancier, lorsqu'il a été rendu en méconnaissance d'un principe essentiel de procédure ou quand le juge a excédé ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, la banque faisait valoir au soutien de son appel-nullité que le jugement du 22 février 2001 était entaché de nullité pour avoir adopté un plan sans consultation préalable des créanciers ; qu'en confirmant l'adoption de ce plan, lequel reporte sur les cinq dernières années la différence entre la créance incluse dans le plan, soit 22 900 000 francs, et la créance admise, soit 27 628 042,72 francs, la cour d'appel a violé l'article
L. 621-76 du Code de commerce ;
3 ) que dans ses conclusions récapitulatives (du 26 février 2002), la banque faisait valoir que "le crédit agricole qualifié de créancier "à long terme" a bénéficié d'un remboursement à 100% de ces types de crédits sur une durée inférieure à celle consentie à la BNP-Paribas sans que l'on sache véritablement ce qui a pu justifier une telle distorsion qui vide le principe d'égalité entre les créanciers" ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif en ce qu'il soulignait la nullité du plan, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu
que le rejet des deux premiers moyens rend sans objet l'examen du troisième moyen en ses diverses branches ;
Et sur la recevabilité du pourvoi incident, contestée par les Caisses régionales de crédit agricole mutuel Charente Périgord et Charente Maritime Deux-Sèvres :
Attendu que les Caisses soutiennent que ce pourvoi qui ne leur a pas été notifié dans le mois suivant l'expiration du délai pour la remise du mémoire en réponse est irrecevable ;
Mais attendu que le pourvoi incident n'a pas à être notifié à la partie contre laquelle il n'est pas dirigé ; qu'ayant été notifié à la banque et au représentant des créanciers, ce pourvoi est recevable ;
Et sur le moyen
unique de ce pourvoi :
Attendu que la société Unicoop et M. X..., ès qualités, font grief à
l'arrêt d'avoir dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective, application étant faite de l'article
699 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen, que selon cet article, seule la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge n'en décide autrement par décision motivée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui rejetait les appels formés par trois créanciers et qui confirmait le plan de continuation présenté par la société Unicoop, intimée, ne pouvait sans motiver spécialement sa décision sur ce point, dire "que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective" sans violer le texte susvisé ;
Mais attendu
que l'arrêt qui a déclaré recevable l'appel formé par le représentant des créanciers et a confirmé le jugement arrêtant le plan de continuation de la société Unicoop a condamné une partie perdante aux dépens ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la BNP-Paribas et M. Y..., ès-qualités aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette les demandes formées par la BNP-Paribas, la société Unicoop et M. X..., ès-qualités, et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Périgord et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Maritime Deux-Sèvres ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille quatre.