ARRET
N° 537
Société [6]
C/
CPAM DE L'ARTOIS
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 01 JUIN 2023
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N° RG 20/00848 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HUYY - N° registre 1ère instance : 18/00622
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 02 décembre 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
La Société [6], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
( salariée : Mme [S] [O]-[T])
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Valérie SCETBON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 346
ET :
INTIME
La CPAM DE L'ARTOIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Mme [P] [L] dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 02 Mars 2023 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles
786 et
945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 01 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article
450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Le 27 avril 2015, Mme [S] [O]-[T], salariée de la société [6] depuis le 24 juin 1993 en qualité d'hôtesse d'accueil et de caisse puis d'hôtesse-vendeuse, a effectué une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial du 27 avril 2015 faisant état d'une « tendinopathie de l'épaule droite ».
La pathologie a été prise en charge au titre de la législation professionnelle dans le cadre du tableau 57 A et l'état de santé de Mme [S] [O]-[T] a été déclaré consolidé le 17 novembre 2017.
Par décision du 29 décembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (ci-après la CPAM) lui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle de 17 % pour des séquelles « d'une rupture de la coiffe des rotateurs droite, opérée à deux reprises et compliquée d'une algoneurodystrophie et d'une capsulite rétractile, consistant en une limitation moyenne des amplitudes de l'épaule dominante et des douleurs résiduelles légèrement invalidantes ».
Saisi par la société [6] d'un recours contre cette décision, le tribunal judiciaire de Lille, par jugement du 2 décembre 2019, a :
- déclaré recevable le recours de la société [6],
- fixé le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [S] [O]-[T] opposableà à l'employeur, à la date de consolidation de la pathologie professionnelle, à 10 %,
- condamné la CPAM aux dépens.
Par courrier recommandé expédié le 21 février 2020, la société [6] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 27 janvier 2020.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 2 mars 2023.
Par conclusions communiquées au greffe le 16 février 2020 et soutenues oralement à l'audience, la société [6] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 2 décembre 2019,
- fixer le taux d'incapacité opposable à son égard à 8 %.
Elle expose que le taux d'incapacité doit être ramené à 8 % en raison d'une légère limitation séquellaire des mouvements d'élévation de l'épaule dominante et de l'existence d'un état pathologique préexistant, caractérisé par une double chirurgie de l'épaule lésée antérieure à la déclaration de maladie professionnelle.
Elle ajoute que ledit état antérieur est mentionné au sein du rapport d'évaluation des séquelles et soutient que le médecin consultant désigné par les premiers juges relève à tort un déficit moyen des amplitudes de l'épaule droite pour évaluer le taux médical à 10 %.
Par observations du 2 mars 2023, soutenues oralement à l'audience, la CPAM de l'Artois demande à la cour de :
- confirmer la décision déférée,
- déclarer le taux d'incapacité de 10 % opposable à l'employeur,
- entériner le rapport du docteur [X],
- débouter la société [6] de l'ensemble de ses demandes.
Elle fait valoir qu'à la date de consolidation, Mme [O]-[T] présentait une limitation moyenne des mobilités de l'épaule droite ainsi que des algies résiduelles légèrement invalidantes, suite à une rupture de la coiffe des rotateurs traitée chirurgicalement, dont les suites opératoires ont été compliquées d'une algoneurodystrophie associée à une capsulite rétractile.
Elle indique que le taux d'incapacité de 17 % initialement attribué est conforme aux préconisations du chapitre 1.1.2 du barème d'invalidité, lequel prévoit un taux médical de 20 % pour une diminution moyenne de l'ensemble des mouvements de l'épaule dominante.
Elle ajoute enfin que le taux d'incapacité permanente partielle de 10 % retenu par le docteur [X], médecin commis par la cour, correspond à une indemnisation minimale au regard du barème précité.
Conformément à l'article
455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
Motifs
En application de l'article
L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, de l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
En l'espèce, le praticien-conseil du service médical de la caisse conclut à un taux d'incapacité de 17 % pour des séquelles d'une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite dominante consistant en une limitation moyenne de l'ensemble des mouvements de l'épaule associée à des douleurs résiduelles légèrement invalidantes, compliquées d'une algoneurodystrophie et d'une capsulite rétractile.
Le docteur [W], médecin consultant désigné par les premiers juges, relève : « ['] Au cadre de l'évaluation des séquelles, pour critiquer le taux proposé par le praticien-conseil, il faut reconnaître que l'appréciation de l'état antérieur reste incertaine vis-à-vis de l'opération chirurgicale réalisée en 2014 et celle réalisée en 2015. En considération d'une limitation moyenne des mouvements de l'épaule droite dominante et cette réserve sur l'état antérieur, le taux d'incapacité peut être proposé à 10 %. »
Aux termes de son rapport, le docteur [X], commis par la cour, indique pour sa part : « Mme [S] [T] a été reconnue en maladie professionnelle le 27 avril 2015 pour une tendinopathie de l'épaule droite, chez une droitière, opérée le 5 juin 2015.
L'étude des pièces médicales met en évidence un état antérieur de l'épaule droite, avec notion de deux opérations en 2014 et 2015, pour une rupture du tendon sous-scapulaire avec ténodèse du tendon du chef long du biceps au niveau de l'épaule droite. La maladie professionnelle est déclarée postérieurement à ces deux interventions.
Suite à la reconnaissance en maladie professionnelle, il a été mis en évidence une lésion de la face superficielle du supra-épineux, avec une bursite sous-acromiale, ayant justifié une arthroscopie au cours de laquelle il a été mis en évidence une bonne continuité des tendons de la coiffe des rotateurs, remaniée, inflammatoire, ne justifiant aucune réparation, mais juste une libération de l'espace sous-acromial et une acromioplastie. Lors de son examen, le médecin conseil retrouve une limitation moyenne de toutes les amplitudes de l'épaule droite, sans amyotrophie.
Comme repris par le médecin conseil de l'employeur et par le médecin expert désigné par le tribunal, l'évaluation des séquelles doit tenir compte de l'état antérieur sous-jacent, justifiant donc de retenir un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %.
Conclusion : À la date du 17 novembre 2017, le taux d'incapacité permanente partielle était de 10 %. »
La cour rappelle que la pathologie professionnelle se distingue de l'accident du travail par son apparition progressive, résultant de l'exposition plus ou moins prolongée à un risque existant lors de l'exercice habituel de la profession et dont il est généralement impossible de dater exactement le point de départ, certaines affections pouvant se manifester des années après le début de l'exposition au risque.
Le médecin conseil de l'employeur se fonde sur le traitement chirurgical de février 2014 pour appuyer l'existence d'un éventuel état antérieur, sans toutefois démontrer que l'acte chirurgical réalisé en 2014 est sans rapport avec la tendinopathie déclarée et résulte exclusivement d'un état intercurrent.
Or, il ressort des pièces versées aux débats que l'intervention chirurgicale susvisée a été réalisée pour traiter une rupture du tendon du subscapulaire, avec ténodèse du tendon du long biceps de l'épaule droite et qu'aux termes de la déclaration de la maladie professionnelle, la première constatation médicale de la pathologie professionnelle est intervenue le 5 décembre 2013.
En l'espèce, l'étude des mobilités de l'épaule dominante de la salariée, réalisée par le praticien-conseil du service médical, fait état d'une limitation algique des mouvements d'élévation à 150°, d'une discrète diminution de la rétropulsion, d'une rotation externe à 45° et d'un déficit de la rotation interne, les mouvements complexes main-nuque et main-crâne étant difficilement obtenus, en l'absence d'amyotrophie.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [S] [O]-[T] à 10 %, à la date de consolidation du 17 novembre 2017.
En application de l'article
696 du code de procédure civile, la société [6], partie succombante, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 2 décembre 2019,
Y ajoutant,
Condamne la société [6] aux dépens de l'instance d'appel.
Le Greffier, Le Président,