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CJUE, 10 mai 1995, C-422/92

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Texte intégral

Avis juridique important [../../../editorial/legal_notice.htm] | 61992J0422 Arrêt de la Cour du 10 mai 1995. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Manquement - Transposition des directives relatives aux déchets, aux déchets toxiques et dangereux et aux transferts transfrontaliers de déchets dangereux. - Affaire C-422/92. Recueil de jurisprudence 1995 page I-01097 Sommaire Parties Motifs de l'arrêt Décisions sur les dépenses Dispositif MOTS CLÉS ++++ 1. Recours en manquement ° Droit d' action de la Commission ° Exercice ne dépendant pas de l' existence d' un intérêt spécifique à agir (Traité CEE, art. 169) 2. Recours en manquement ° Droit d' action de la Commission ° Délai d' exercice ° Absence ° Choix discrétionnaire du moment de l' introduction du recours (Traité CEE, art. 169) 3. Rapprochement des législations ° Déchets ° Directives 75/442 et 78/319 ° Notion ° Exclusion de certaines matières recyclables ° Inadmissibilité (Directives du Conseil 75/442, art. 1er, et 78/319, art. 1er) 4. Rapprochement des législations ° Déchets ° Transferts transfrontaliers de déchets dangereux ° Directive 84/631 ° Interdiction générale et absolue d' exporter des déchets ° Inadmissibilité ° Législation nationale posant une règle d' élimination des déchets sur le territoire national, tout en n' excluant pas, sous réserve d' autorisation, les transferts transfrontaliers ° Admissibilité (Traité CEE, art. 130 R, § 2; directive du Conseil 84/631, modifiée par la directive 86/279) SOMMAIRE 1. L' introduction par la Commission d' un recours en manquement, en vertu de l' article 169 du traité, ne nécessite pas que celle-ci ait un intérêt spécifique à agir. En effet, l' article 169 ne vise pas à protéger ses droits propres; sa mise en oeuvre constitue l' un des moyens par lesquels la Commission veille à l' application par les États membres des dispositions du traité et des dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci. 2. La Commission n' est pas tenue au respect d' un délai déterminé pour introduire, au titre de l' article 169 du traité, un recours en manquement à l' encontre d' un État membre. Elle dispose ainsi du pouvoir d' apprécier à quelle date il peut y avoir lieu d' introduire un recours, et il n' appartient pas à la Cour de contrôler une telle appréciation. 3. Au sens des articles 1er des directives 75/442 et 78/319, la notion de déchet ne doit pas s' entendre comme excluant les substances et objets susceptibles de réutilisation économique, de sorte que n' assure pas une transposition correcte desdites directives un État membre qui exclue certaines catégories de déchets recyclables du champ d' application de sa législation relative à l' élimination des déchets. 4. La directive 84/631, modifiée par la directive 86/279, relative à la surveillance et au contrôle dans la Communauté des transferts transfrontaliers des déchets dangereux, a mis en place un système complet qui porte notamment sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux en vue de leur élimination dans des établissements concrètement définis et est basé sur l' obligation de notification détaillée préalable de la part du détenteur des déchets. Dans ce système, les autorités nationales concernées ont la faculté de soulever des objections et donc d' interdire un transfert de déchets dangereux déterminé pour faire face aux problèmes relatifs, d' une part, à la protection de l' environnement et de la santé et, d' autre part, à l' ordre et à la sécurité publics, mais ne disposent d' aucune possibilité d' interdire globalement ces mouvements. N' est pas incompatible avec cette directive une législation nationale qui établit la règle d' élimination des déchets sur le territoire national, mais l' assortit de conditions d' application permettant des transferts transfrontaliers de déchets dangereux dans des circonstances spécifiées et fixant à cet effet des procédures administratives correspondant à celles prévues par la directive. Une telle règle, qui traduit la poursuite d' un objectif conforme au principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l' environnement établi à l' article 130 R, paragraphe 2, du traité, ne peut en effet pas être regardée comme une interdiction générale et absolue d' exporter des déchets dangereux, laquelle serait contraire à ladite directive 84/631. Ne sont pas non plus incompatibles avec la directive des dispositions nationales qui soumettent les transferts en cause à une autorisation, dans la mesure où cette dernière notion correspond à celle d' "accusé de réception" utilisée par la directive et où les motifs prévus pour le refus d' autorisation sont essentiellement tirés de raisons d' intérêt général liées à la protection de la santé humaine et de l' environnement, se rattachant ainsi précisément aux préoccupations contenues dans la directive. PARTIES Dans l' affaire C-422/92, Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Rolf Waegenbaur, conseiller juridique principal, en qualité d' agent, assisté de Me Alexander Boehlke, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg, auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, centre Wagner, Kirckberg, partie requérante, contre République fédérale d' Allemagne, représentée par MM. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l' Économie, en qualité d' agent, et Ludger-Anselm Versteyl, avocat à Burgwedel, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de la République fédérale d' Allemagne, 20-22, avenue Émile Reuter, partie défenderesse, ayant pour objet de faire constater que, en n' adoptant pas toutes les mesures nécessaires pour assurer la transposition de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), de la directive 78/319/CEE du Conseil, du 20 mars 1978, relative aux déchets toxiques et dangereux (JO L 84, p. 43), de la directive 84/631/CEE du Conseil, du 6 décembre 1984, relative à la surveillance et au contrôle dans la Communauté des transferts transfrontaliers de déchets dangereux (JO L 326, p. 31), et de la directive 86/279/CEE du Conseil, du 12 juin 1986, modifiant la directive 84/631 (JO L 181, p. 13), la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE, LA COUR, composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, F. A. Schockweiler et C. Gulmann, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, J. L. Murray, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet (rapporteur) et G. Hirsch, juges, avocat général: M. F. G. Jacobs, greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal, vu le rapport d' audience, ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 17 janvier 1995, ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 16 mars 1995, rend le présent Arrêt

MOTIFS DE L'ARRÊT

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 décembre 1992, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l' article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que, en n' adoptant pas toutes les mesures nécessaires pour assurer la transposition de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39; ci-après la "directive 75/442"), de la directive 78/319/CEE du Conseil, du 20 mars 1978, relative aux déchets toxiques et dangereux (JO L 84, p. 43; ci-après la "directive 78/319"), de la directive 84/631/CEE du Conseil, du 6 décembre 1984, relative à la surveillance et au contrôle dans la Communauté des transferts transfrontaliers de déchets dangereux (JO L 326, p. 31; ci-après la "directive 84/631"), et de la directive 86/279/CEE du Conseil, du 12 juin 1986, modifiant la directive 84/631 (JO L 181, p. 13; ci-après la "directive 86/279"), la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE. 2. Selon les conclusions du recours, la Commission reproche plus particulièrement à la République fédérale d' Allemagne: ° d' exclure du champ d' application des réglementations relatives aux déchets certaines substances qui relèvent de la notion de déchets au sens des directives 75/442 et 78/319, ° de prévoir, en violation des directives 84/631 et 86/279, que le traitement des déchets est soumis au principe de l' élimination sur le territoire national, ° de soumettre chaque transfert transfrontalier de tous les types de déchets à une autorisation et de fixer pour celle-ci des conditions qui s' écartent des motifs justifiant les objections au sens de la directive 84/631, telle que modifiée par la directive 86/279, ° de ne pas avoir satisfait à son obligation d' établir, de tenir à jour et de publier ou de communiquer des programmes conformément à la directive 78/319. 3. La directive 75/442 vise au rapprochement des législations des États membres en ce qui concerne l' élimination des déchets et à assortir ce rapprochement d' une réglementation plus ample destinée à réaliser l' un des objectifs de la Communauté dans le domaine de la protection du milieu et de l' amélioration de la qualité de la vie. Elle définit notamment, dans son article 1er, comme déchet "toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou a l' obligation de se défaire en vertu des dispositions nationales en vigueur" et elle prévoit, dans son article 2, paragraphe 1, que les États membres peuvent arrêter des réglementations spécifiques pour des catégories particulières de déchets. Ce même article 2 énumère, dans son paragraphe 2, différentes catégories de déchets qui sont exclues du champ d' application de la directive. 4. La directive 78/319 poursuit les mêmes objectifs en ce qui concerne l' élimination des déchets toxiques et dangereux. Son article 1er reprend la définition du déchet donnée par la directive 75/442 et précise celle du déchet toxique et dangereux. Cette directive fait notamment obligation aux États membres, dans son article 5, de prendre les mesures nécessaires pour assurer que ces déchets seront éliminés sans mettre en danger la santé de l' homme et sans porter préjudice à l' environnement. Son article 12 impose, en outre, l' établissement, la tenue à jour et la publication par les autorités compétentes de programmes pour l' élimination des déchets toxiques et dangereux, qui doivent être communiqués à la Commission. 5. La directive 84/631 vise à mettre en place un système de contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux jusqu' au traitement ou à l' élimination de ces déchets dans des conditions sûres. Son article 3 impose notamment au détenteur de déchets dangereux qui a l' intention de les transférer ou de les faire transférer d' un État membre dans un autre État membre, ou de les faire transiter par un ou plusieurs États membres, d' adresser une notification aux autorités compétentes de ces États. Son article 4 prévoit que le transfert transfrontalier ne peut être effectué que lorsque les autorités compétentes de l' État membre de destination, ou du dernier État membre de transit en cas de transfert vers un pays tiers, ont accusé réception de la notification. Il laisse, dans certaines conditions, la possibilité aux autorités nationales de soulever des objections motivées sur la base des dispositions législatives et réglementaires en matière de protection de l' environnement, d' ordre public et de sécurité publique ou de protection de la santé conformes à la directive, à d' autres instruments communautaires ou à des conventions internationales conclues par l' État membre concerné avant la notification de la directive. 6. La directive 86/279 vise à compléter le système de contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux en tenant compte des risques de pollution susceptibles de se produire à l' extérieur de la Communauté. Elle modifie notamment les articles 3 et 4 de la directive 84/631 en prévoyant des conditions plus strictes pour le transfert de déchets dans les États tiers. Ainsi, elle exige du détenteur qu' il obtienne l' accord de l' État tiers de destination avant d' entamer la procédure de notification et elle confère, en cas de transfert de déchets à partir d' un État membre pour élimination en dehors de la Communauté, à l' État membre d' expédition ou, par exception et dans certaines conditions, au dernier État membre de transit, le droit de délivrer l' accusé de réception ou de soulever des objections. 7. Il convient de préciser que la directive 75/442 a été totalement modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32; ci-après la "directive 91/156"). La directive 78/319 a été abrogée avec effet au 12 décembre 1993 par la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux (JO L 377, p. 20; ci-après la "directive 91/689"), laquelle a été elle-même modifiée par la directive 94/31/CE du Conseil, du 27 juin 1994 (JO L 168, p. 28), qui a reporté au 27 juin 1995 la date d' effet de l' abrogation de la directive 78/319. Enfin, la directive 84/631, modifiée par la directive 86/279, a été abrogée à la date d' application du règlement (CEE) nº 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l' entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1; ci-après le "règlement nº 259/93").

8. En droit

allemand, la législation de base dans le domaine couvert par les directives précitées réside dans l' Abfallgesetz du 27 août 1986 (loi relative à la prévention et à l' élimination des déchets, BGBl.I 2126, ci-après l' "AbfG"). Plusieurs de ses dispositions intéressent la présente affaire. 9. L' article 1er, paragraphe 1, de cette loi, définit comme déchet "toute chose mobile dont le détenteur a l' intention de se défaire ou dont l' élimination régulière s' impose aux fins de la sauvegarde de l' intérêt général, et en particulier de la protection de l' environnement". Ce même paragraphe précise que "toute chose mobile laissée par son détenteur à l' organisme chargé de l' élimination, ou au tiers qui en est chargé par celui-ci, constitue un déchet même en cas de valorisation jusqu' à ce que cette chose, ou les substances obtenues ou l' énergie produite à partir d' elle, entre dans le circuit économique". Cependant, l' article 1er, paragraphe 3, exclut du champ d' application de la loi un certain nombre de matières, au nombre desquelles figurent, au point 7, sauf quelques exceptions, les substances "qui font l' objet d' une valorisation conforme aux règles dans le cadre d' une collecte industrielle, dans la mesure où la preuve de cette valorisation est apportée aux organismes chargés de l' élimination et à condition que des intérêts publics supérieurs ne s' y opposent pas". 10. L' article 2 prévoit notamment que les déchets produits sur le territoire d' application de la loi allemande doivent y être éliminés, sauf disposition contraire de l' article 13. Il précise également que l' élimination doit s' effectuer de manière qu' il ne soit pas porté atteinte à l' intérêt général, en veillant à la protection de la santé humaine et de l' environnement. 11. En vertu de l' article 6 de l' AbfG, les Laender établissent des programmes d' élimination des déchets, qui doivent être harmonisés. 12. L' article 13 de cette même loi réglemente le transfert des déchets à l' intérieur et à l' extérieur du territoire allemand. Il impose notamment à toute personne souhaitant transporter des déchets d' obtenir une autorisation qui ne peut être délivrée que si le transport, le traitement, le stockage ou le dépôt des déchets ne comporte aucun risque d' atteinte à l' intérêt général et s' il n' existe pas de réserves quant à la fiabilité du demandeur. En ce qui concerne l' importation et l' exportation de déchets, cet article exige en outre, pour la délivrance de l' autorisation, d' autres conditions qui peuvent différer selon la destination des déchets. 13. Enfin, l' article 13 c prévoit les conditions dans lesquelles doivent être transposées, par voie de règlement, les dispositions de la directive 84/631. Cette transposition a été réalisée par l' Abfallverbringungsverordnung du 18 novembre 1988 (règlement relatif au transfert transfrontalier des déchets, BGBl.I 2126, ci-après l' "AbfVerbrV"), qui précise notamment les correspondances à établir entre la procédure administrative définie par la loi et celle prévue par la directive. 14. Estimant que ces dispositions nationales n' étaient pas conformes sur plusieurs points aux directives 75/442, 78/319, 84/631 et 86/279, la Commission a, conformément à l' article 169 du traité, adressé au gouvernement allemand, le 30 janvier 1990, une lettre de mise en demeure, à laquelle les autorités allemandes ont répondu par une communication du 2 mai 1990. La Commission a ensuite émis, le 25 septembre 1991, un avis motivé concluant au manquement de la République fédérale d' Allemagne à ses obligations et l' invitant à prendre les mesures nécessaires dans un délai de deux mois. La réponse du gouvernement fédéral, du 20 mars 1992, n' ayant pas été jugée satisfaisante par la Commission, celle-ci a enfin introduit le présent recours. Sur la recevabilité 15. La République fédérale d' Allemagne soulève une exception d' irrecevabilité tirée de l' absence d' intérêt pour agir de la Commission et de la tardiveté du recours en manquement. D' une part, selon le gouvernement fédéral, au moment de l' introduction du recours, la Commission n' avait pas, comme le lui impose la directive 75/442, telle que modifiée par la directive 91/156, établi la liste des déchets qui conditionne la transposition de cette directive actualisée. D' autre part, elle a introduit son recours très longtemps après la publication des dispositions nationales litigieuses, et ce alors que les développements du droit et de la politique communautaire de l' environnement pouvaient donner à penser qu' il ne fallait plus s' attendre à un tel recours. 16. L' introduction d' un recours en manquement, en vertu de l' article 169 du traité, ne nécessite pas que la Commission ait un intérêt spécifique à agir. L' article 169 ne vise pas, en effet, à protéger les droits propres de la Commission, mais sa mise en oeuvre constitue l' un des moyens par lesquels celle-ci veille à l' application par les États membres des dispositions du traité et des dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci. En tout état de cause, le fait que la directive modificative ne pouvait pas être transposée en droit interne tant que la Commission n' avait pas établi la liste qui conditionne cette transposition est sans incidence sur la recevabilité du recours en tant qu' il est tiré du manquement aux obligations découlant des dispositions initiales, alors en vigueur, de la directive 75/442. 17. Il est en revanche exact, et quelque peu surprenant, que la Commission a introduit son recours plus de six ans après l' entrée en vigueur de la législation allemande de base sur les transferts de déchets, et à une époque où la Communauté a précisément infléchi sa politique en la matière dans une direction qui correspond à celle que suit cette législation. Ainsi que le relève l' avocat général aux points 18 et 79 de ses conclusions, on peut se demander pourquoi la Commission a cru devoir engager et poursuivre la présente procédure dans de telles conditions. 18. Toutefois, selon une jurisprudence constante de la Cour, les règles de l' article 169 du traité doivent trouver application sans que la Commission soit tenue au respect d' un délai déterminé (voir, notamment, arrêt du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C-96/89, Rec. p. I-2461, point 15). Celle-ci dispose ainsi du pouvoir d' apprécier à quelle date il peut y avoir lieu d' introduire un recours, et il n' appartient pas à la Cour de contrôler une telle appréciation. Il y a donc lieu d' écarter l' exception d' irrecevabilité. Sur le fond 19. Les griefs de la Commission, au nombre de quatre, ont trait respectivement à l' exclusion de certaines matières recyclables du champ d' application de l' AbfG, à la règle de l' élimination des déchets sur le territoire national, à l' exigence d' une autorisation pour les transferts transfrontaliers de déchets dangereux et à la tenue de programmes pour l' élimination des déchets. Quant au premier grief 20. La Commission estime que l' exclusion, prévue à l' article 1er, paragraphe 3, point 7, de l' AbfG, de certaines matières recyclables, considérées non comme des déchets mais comme des "résidus" auxquels la législation allemande sur les déchets ne s' applique pas, est incompatible avec les directives 75/442 et 78/319, qui donnent une définition large des déchets et n' excluent pas de leur champ d' application les déchets recyclables. 21. Le gouvernement allemand soutient que la disparité alléguée par la Commission entre la notion de déchet retenue par le droit communautaire et celle du droit allemand n' existe pas, ou n' existe plus. Il estime, cependant, que la notion de déchet doit être distinguée de celle de produit usagé susceptible de rester dans le circuit économique lorsque son détenteur veut s' en défaire aux fins d' une action sociale ou d' une opération commerciale. 22. Ainsi que l' a déjà jugé la Cour, la notion de déchet, au sens des articles 1er des directives 75/442 et 78/319, ne doit pas s' entendre comme excluant les substances et objets susceptibles de réutilisation économique. Une réglementation nationale qui adopte une définition de la notion de déchet excluant les substances et objets susceptibles de réutilisation économique n' est donc pas compatible avec ces directives (voir arrêt du 28 mars 1990, Zanetti e.a., C-359/88, Rec. p. I-1509, points 12 et 13). 23. Cette constatation n' est remise en cause ni par les modifications apportées à la première de ces deux directives par la directive 91/156, dont la date limite de transposition est postérieure à l' introduction du présent recours, ni par l' abrogation de la seconde par la directive 91/689, qui a fixé l' effet de cette abrogation à une date également postérieure à celle du recours. 24. Quant à l' argumentation du gouvernement allemand sur l' absence de disparité à ce sujet entre les législations communautaire et nationale, il suffit de relever l' affirmation de ce même gouvernement selon laquelle l' élargissement envisagé du champ d' application de la loi allemande permettra de supprimer cette disparité. Cette affirmation montre, en effet, que la disparité subsiste tant que la nouvelle législation nationale n' a pas été adoptée. 25. Il y a lieu, dès lors, de constater que, en excluant certaines catégories de déchets recyclables du champ d' application de sa législation relative à l' élimination des déchets, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 75/442 et 78/319. Quant aux deuxième et troisième griefs 26. Selon la Commission, la législation allemande est incompatible avec les directives 84/631 et 86/279 en ce que, d' une part, elle établit la règle de l' élimination des déchets sur le territoire national et, d' autre part, elle soumet à une autorisation les transferts transfrontaliers de déchets dangereux. 27. Sur le premier point, la Commission estime que ces directives posent comme une donnée préalable la possibilité du transfert de déchets dangereux dans d' autres États membres ou dans des États tiers et ne permettent donc pas de fonder un principe général d' élimination de ces déchets sur le territoire national. 28. Le gouvernement fédéral fait valoir, pour sa part, que ce principe représente une priorité et non pas une interdiction d' exporter, ainsi que le démontrent tant les dispositions permettant les transferts transfrontaliers que l' importance en fait des exportations de déchets. Il soutient, en outre, que les directives en cause ne peuvent pas être interprétées contrairement à la règle de rang supérieur issue de l' article 130 R, paragraphe 2, du traité, qui énonce notamment le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l' environnement et dont s' inspirent d' ailleurs la nouvelle législation communautaire en matière de déchets et la convention de Bâle du 22 mars 1989, sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et de leur élimination, convention dont la Communauté est signataire (International environmental Law, Kluwer, Deventer-Boston, 1991, p. 546). 29. Sur le second point, la Commission considère que l' obligation d' obtenir une autorisation préalablement à tout transfert va au-delà des exigences du système de contrôle mis en place par ces directives. Selon elle, les conditions particulières prévues par la réglementation allemande pour le transfert des déchets dans d' autres États membres dépassent les possibilités laissées par l' article 4, paragraphe 6, de la directive 84/631, dont la rédaction a été reprise par la directive 86/279, aux autorités compétentes de l' État membre d' expédition, qui peuvent seulement fixer des conditions relatives au transport des déchets sur leur territoire et soulever des objections fondées sur certains motifs. De même, les conditions imposées pour le transfert dans des États tiers dépassent les prévisions de l' article 3, paragraphe 4, de la même directive, dans sa rédaction modifiée par la directive 86/279, qui dispose simplement que, pour de tels transferts, le détenteur des déchets doit obtenir l' accord de l' État tiers de destination avant d' entamer la procédure de notification. 30. Le gouvernement allemand soutient, au contraire, que les dispositions de sa réglementation qui régissent les transferts transfrontaliers de déchets sont conformes à la directive 84/631, telle que modifiée par la directive 86/279, dont elles ont assuré la transposition. En ce qui concerne plus particulièrement les restrictions à l' exportation des déchets vers les États tiers, elles ne sont pas seulement motivées par le bien public en Allemagne mais aussi par la protection de la population locale dans l' État de destination. Or, il s' agit là, selon le gouvernement fédéral, de l' un des objectifs du règlement nº 259/93, qui soumet les exportations de déchets vers les pays tiers à des conditions particulièrement restrictives, précisément afin de protéger l' environnement de ces pays. 31. La référence à ce dernier règlement n' est pas pertinente en l' espèce puisque sa date d' application, à partir de laquelle a été abrogée la directive 84/631, modifiée par la directive 86/279, est postérieure à l' introduction du présent recours. Les griefs de la Commission doivent donc être seulement examinés au regard de ces deux directives. 32. A cet égard, il convient de rappeler que la directive 84/631 a mis en place un système complet qui porte notamment sur des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux en vue de leur élimination dans des établissements concrètement définis et est basé sur l' obligation de notification détaillée préalable de la part du détenteur des déchets. Les autorités nationales concernées ont la faculté de soulever des objections, et donc d' interdire un transfert de déchets dangereux déterminé (par opposition aux transferts de déchets dangereux envisagés de manière générale), pour faire face aux problèmes relatifs, d' une part, à la protection de l' environnement et de la santé et, d' autre part, à l' ordre et à la sécurité publics. Ainsi, ce système ne laisse aucune possibilité pour les États membres d' interdire globalement ces mouvements (voir arrêt du 9 juillet 1992, Commission/Belgique, C-2/90, Rec. p. I-4431, point 20). 33. Contrairement à ce que semble penser la Commission en se référant à l' arrêt Commission/Belgique, précité, la législation allemande n' est pas comparable à la réglementation de la région wallonne, dont la Cour a constaté, au point 21 dudit arrêt, qu' elle n' était pas conforme à la directive 84/631 dans la mesure où elle écartait l' application de la procédure prévue par cette directive et introduisait une interdiction absolue d' importer des déchets dangereux en Wallonie. En effet, si l' article 2 de l' AbfG énonce le principe selon lequel les déchets produits sur le territoire allemand doivent y être éliminés, ce principe ne s' applique que "sauf disposition contraire de l' article 13". Or, cet article 13 prévoit les conditions dans lesquelles sont autorisés les transferts transfrontaliers de déchets et il doit être rapproché de l' article 13 c, dont l' objet est précisément de permettre la transposition, par voie de règlement, des dispositions de la directive 84/631. 34. Eu égard à ses conditions d' application, la règle de l' élimination sur le territoire national énoncée dans la loi allemande, qui ne concerne pas, par définition, l' importation de déchets, ne peut pas être regardée comme une interdiction générale et absolue d' exporter des déchets dangereux qui serait contraire aux directives 84/631 et 86/279. Ainsi que le fait valoir le gouvernement fédéral, cette règle traduit la poursuite d' un objectif qui est conforme au principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l' environnement établi à l' article 130 R, paragraphe 2, du traité. 35. Quant à l' obligation d' obtenir l' autorisation prévue par la même loi pour les transferts transfrontaliers de déchets, elle a fait l' objet d' une adaptation intervenue par voie réglementaire. Ainsi que cela a été relevé au point 13 du présent arrêt, l' AbfVerbrV a notamment précisé les correspondances entre les procédures administratives fixées par la loi et celles prévues par la directive 84/631. En particulier, aux notions de "notification", d' "accusé de réception" et d' "objection", qui figurent dans la directive, correspondent respectivement une demande d' autorisation, une autorisation et une décision de rejet ou d' ajournement au sens de la législation allemande. 36. Cette législation impose notamment à l' autorité compétente de refuser le transfert transfrontalier de déchets s' il comporte un risque d' atteinte à l' intérêt général, s' il existe des réserves quant à la fiabilité des personnes responsables du transport, si les plans d' élimination des déchets s' opposent à un tel transport et si, sauf lorsque ces plans ont prévu d' autres possibilités, il existe des installations appropriées d' élimination des déchets dans le Land où ils ont été produits ou si l' utilisation des installations d' un autre Land est possible. 37. Ces dispositions, contrairement à ce que soutient la Commission, ne sont pas incompatibles avec celles de la directive 84/631, modifiée, quel que soit le type de mouvement transfrontalier envisagé. 38. En ce qui concerne tant les importations de déchets dangereux que l' exportation des mêmes déchets en vue d' une élimination en dehors de la Communauté, il résulte de l' article 4, paragraphes 1 et 2, de cette directive, dans sa rédaction issue de la directive 86/279, que les autorités compétentes de l' État membre de destination et, pour les transferts vers un État tiers, celles de l' État membre d' expédition, sont habilitées à délivrer un accusé de réception permettant le transfert ou au contraire à soulever des objections qui ont pour effet de l' interdire. Conformément au paragraphe 3 du même article, ces objections doivent être motivées sur la base des dispositions législatives et réglementaires en matière de protection de l' environnement, d' ordre public et de sécurité publique ou de protection de la santé, conformes à la directive, à d' autres instruments communautaires ou à des conventions internationales. 39. Or, les motifs prévus par la législation allemande pour empêcher certains transferts transfrontaliers de déchets, qui sont essentiellement tirés de raisons d' intérêt général liées, ainsi que cela ressort des deux premiers articles de l' AbfG, à la protection de la santé humaine et de l' environnement, se rattachent précisément aux préoccupations contenues dans les dispositions précitées de la directive. 40. En ce qui concerne les transferts de déchets dangereux à destination d' un autre État membre, les autorités compétentes de l' État membre d' expédition sont habilitées, en vertu de l' article 4, paragraphe 6, premier alinéa, de la directive 84/631, modifiée, à fixer des conditions relatives au transport des déchets sur leur territoire national. Elles peuvent aussi, conformément au deuxième alinéa du même paragraphe, soulever des objections au motif que le transfert compromet l' exécution des programmes établis en vertu de l' article 12 de la directive 78/319 ou qu' il est contraire aux obligations résultant d' accords internationaux conclus antérieurement à la notification de la directive. 41. Ainsi que le relève l' avocat général au point 56 de ses conclusions, l' établissement des programmes prévus à l' article 12 de la directive 78/319 constitue un exemple spécifique de l' obligation générale, imposée par l' article 5 de la même directive, de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les déchets toxiques et dangereux seront éliminés sans mettre en danger la santé de l' homme et sans porter préjudice à l' environnement. Les dispositions litigieuses de la législation allemande sont précisément fondées sur de telles préoccupations et, comme le souligne à juste titre l' avocat général au point 57 de ses conclusions, l' élimination de déchets dangereux dans un autre État membre, en particulier dans un État voisin, peut avoir de sérieuses conséquences sur l' environnement en Allemagne et justifier un refus de transfert vers cet État. 42. Les deuxième et troisième griefs de la Commission doivent donc être rejetés. Quant au quatrième grief 43. La Commission reproche, enfin, à la République fédérale d' Allemagne un certain nombre de manquements ponctuels aux prescriptions de l' article 12 de la directive 78/319, qui impose l' établissement, la mise à jour, la publication et la communication de programmes pour l' élimination de déchets toxiques et dangereux. 44. Pour répondre à ce dernier grief, le gouvernement allemand a produit des documents qui recensent tous les programmes établis par les Laender conformément à l' article 6 de l' AbfG. 45. Invitée par la Cour à préciser à l' audience sa position à la suite de la communication de ces documents, la Commission a déclaré maintenir ses conclusions sur ce point. 46. Au vu des éléments ainsi échangés, le grief de la Commission est fondé. 47. En effet, l' obligation d' établir, de mettre à jour, de publier et de notifier les programmes pour l' élimination des déchets toxiques et dangereux devait être exécutée par les États membres dans le délai de deux ans prévu pour se conformer à la directive 78/319. 48. Or, il ressort des documents précités que, même s' il est vrai que le gouvernement allemand s' est, dans une très large mesure, conformé à cette obligation, la mise en oeuvre de celle-ci était insuffisante à l' expiration du délai fixé par la Commission dans son avis motivé, c' est-à-dire le 25 novembre 1991. En particulier, certains programmes de Rhénanie-Westphalie n' avaient pas encore été établis ou notifiés, les programmes définitifs pour le Bade-Wurtemberg n' avaient pas encore été adoptés et certains autres programmes n' avaient été ni tenus à jour ni publiés. 49. Il y a lieu, dès lors, de constater que, en n' ayant pas établi, tenu à jour, publié ou notifié à la Commission dans les délais fixés les programmes d' élimination des déchets toxiques et dangereux pour certaines régions, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 78/319. 50. Il résulte de l' ensemble des considérations qui précèdent que, en excluant certaines catégories de déchets recyclables du champ d' application de sa législation relative à l' élimination des déchets et en n' ayant pas établi, tenu à jour, publié ou notifié à la Commission dans les délais fixés les programmes d' élimination des déchets toxiques et dangereux pour certaines régions, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 75/442 et 78/319. DÉCISION S SUR LES DÉPENSES Sur les dépens 51. Aux termes de l' article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La Commission ayant succombé sur deux de ses griefs et la République fédérale d' Allemagne sur les deux autres, il y a lieu de décider que chacune des deux parties supportera ses propres dépens. DISPOSITIF

Par ces motifs

, LA COUR déclare et arrête: 1) En excluant certaines catégories de déchets recyclables du champ d' application de sa législation relative à l' élimination des déchets et en n' ayant pas établi, tenu à jour, publié ou notifié à la Commission dans les délais fixés les programmes d' élimination des déchets toxiques et dangereux pour certaines régions, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, et de la directive 78/319/CEE du Conseil, du 20 mars 1978, relative aux déchets toxiques et dangereux. 2) Le recours est rejeté pour le surplus. 3) Chacune des deux parties supportera ses propres dépens.

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