Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 26 avril 2024 et un mémoire complémentaire enregistré le 30 avril 2024, la section française de l'observatoire international des prisons (SFOIP), l'association pour la défense des droits des détenus (A3D) et l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, représentés respectivement par Me Quinquis, Me Chapelle, Me Arakelian et Me Cessieux, demandent au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre du travail, de la santé et des solidarités et à toute autre autorité administrative compétente, de mettre en œuvre, aux fins de sauvegarder les libertés fondamentales des personnes détenues au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine, les mesures suivantes :
- de prendre toute mesure propre à garantir le respect de la capacité structurelle d'accueil du centre pénitentiaire, à savoir 597 places ;
- de prendre toute mesure propre à garantir le recensement et la vérification des bouches d'aération défectueuses dans chaque cellule, et procéder à leur réparation dans les plus brefs délais ;
- de prendre toute mesure propre à garantir la réalisation dans les meilleurs délais d'une vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et la réalisation immédiate, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, de l'ensemble des réparations qui s'imposent, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues ;
- de faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la conformité des installations électriques aux normes de sécurité applicables ;
- dans l'attente d'une solution pérenne, identifier l'ensemble des fenêtres des cellules qui ne ferment pas correctement et de procéder aux réparations provisoires nécessaires pour y remédier ;
- d'assurer, dans l'ensemble des cellules et de manière durable, la séparation de l'espace sanitaire du reste de l'espace par un cloisonnement et procéder à l'installation immédiate d'une porte entre les sanitaires et l'espace de vie de l'ensemble des cellules ;
- de procéder à un recensement des toilettes et autres équipements de plomberie défectueux, et faire réaliser les réparations nécessaires ;
- d'équiper les cellules du mobilier de rangement correspondant au nombre de ses occupants et de procéder au remplacement ou au traitement des objets et équipements défectueux se trouvant en cellule ;
- de procéder à la rénovation et au nettoyage des murs, sols et plafonds des cellules et à la réparation du carrelage cassé lorsque cela est nécessaire ;
- de procéder, dans l'attente d'une solution pérenne, au nettoyage régulier et suffisant des douches, à leur rénovation, notamment en réparant le sol et les murs abîmés ;
- de réorganiser la gestion des déchets pour mettre un terme à l'accumulation des poubelles, procéder dans les plus brefs délais à l'enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l'ensemble des espaces extérieurs sur lesquels donnent des cellules et veiller par un nettoyage régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté satisfaisantes ;
- d'intensifier l'action de dératisation, notamment dans les parties extérieures de l'établissement où la concentration des rongeurs est maximale ;
- d'augmenter l'accès au travail des détenus, ainsi qu'à toutes autres activités (notamment scolaires, culturelles, sportives, professionnelles ou cultuelles) ;
2°) d'ordonner une visite des magistrats membres de la formation de jugement au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine aux fins d'y faire les constatations nécessaires pour éclairer leur ordonnance ;
3°) à titre principal, d'organiser le suivi des injonctions ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'administration de les tenir informés très régulièrement, et à minima tous les deux mois, de la nature et de l'avancée des mesures engagées en exécution de l'ordonnance à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur la
condition d'urgence :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que les conditions indignes dans lesquelles sont détenues les personnes incarcérées au sein du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine y exposent ces dernières à de multiples dangers objectifs et immédiats pour leur vie et leur intégrité physique et morale ainsi qu'à des atteintes massives à leur dignité et à leur vie privée ; qu'en outre, il existe dans cet établissement une situation d'urgence non seulement extrême mais aussi permanente tant que perdurent de telles conditions de détention et qu'enfin, l'inexécution des injonctions prononcées le 30 juin 2023 par le juge des référés aggrave la situation d'urgence qui avait justifié le prononcé de mesures ;
Sur l'existence d'atteintes graves et manifestement illégales à des libertés fondamentales :
- il existe une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie, tel que garanti par les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que ce droit met à la charge des autorités l'obligation positive de prendre préventivement des mesures d'ordre pratique pour protéger la vie des personnes, en particulier lorsque celles-ci sont détenues ; or, la grande vétusté du centre pénitentiaire des
Hauts-de-Seine, sa surpopulation, les nombreux manquements à l'hygiène, ainsi que la présence massive de nuisibles et, plus largement l'état sanitaire désastreux du centre pénitentiaire exposent incontestablement les personnes détenues à un risque pour leur santé et pour leur vie ; par ailleurs, de nombreux dysfonctionnements affectent l'accès au soin et le suivi médical des personnes détenues au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ;
- il existe une atteinte grave et manifestement illégale au droit de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants tels que garanti par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que ce droit a pour corollaire le droit d'être détenu dans des conditions respectueuses du principe de dignité humaine ; or, le centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine souffre depuis de nombreuses années d'une suroccupation chronique alarmante. En particulier, le taux d'occupation du quartier maison d'arrêt s'élevait le 1er mars 2024 à 165,8% - avec un effectif de 990 détenus ; en conséquence, l'espace personnel réservé à chaque occupant des cellules de l'établissement, en particulier du quartier maison d'arrêt, est très insuffisant au regard des standards de la jurisprudence européenne et du principe d'encellulement individuel. Par ailleurs, les conditions matérielles de détention sont indignes au sein des cellules, des parties communes et des espaces extérieurs ;
- il existe une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la même convention, dès lors qu'en ne remédiant pas aux conditions déplorables dans lesquelles sont maintenus les détenus, l'administration ne peut qu'altérer et mettre gravement en danger l'intégrité physique et morale des intéressés ;
- il existe enfin une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'exécution des décisions de justice et au droit à un recours effectif, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 13 de la même convention, dès lors que l'administration est restée silencieuse quant à la demande des requérants dans l'affaire qui a fait l'objet d'une ordonnance le 30 juin 2023 sur l'avancement de l'exécution des injonctions ordonnées par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et qu'il résulte de la dernière visite du barreau des Hauts-de-Seine que l'administration n'a pas encore pleinement exécuté l'ordonnance précitée du 30 juin 2023. Par conséquent, les personnes détenues sont maintenues dans des conditions qui se sont aggravées par rapport à décembre 2022.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance n°2215650 du 2 décembre 2022 des juges des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
- l'ordonnance n°2307209 du 30 juin 2023 des juges des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code pénitentiaire ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Thobaty, vice-président, en application de l'article
L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les requêtes en référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience du 14 mai 2024 à
10 heures.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique, tenue en présence de Mme Soulier, greffière d'audience :
- le rapport de M. Thobaty, juge des référés ;
- et les observations de Me Chapelle et Mme A, élève avocate, représentant la section française de l'Observatoire international des prisons et l'association pour la défense des droits des détenus qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens et demandent en outre qu'il soit enjoint au ministre de la justice de mettre fin à la surpopulation carcérale au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ;
- les observations de Me Arakelian et Me Cessieux, représentant l'ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine, qui persistent dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
- et les observations des représentants de l'administration pénitentiaire qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance du 2 décembre 2022 n°2215650, la formation collégiale des juges des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a enjoint au garde des Sceaux, ministre de la justice, de prendre les mesures suivantes relatives au centre pénitentiaire des
Hauts-de-Seine :
- veiller dans les plus brefs délais à ce que toutes les personnes détenues identifiées médicalement comme présentant des troubles psychiatriques accompagnés d'un risque hétéroagressif fassent l'objet d'un encellulement individuel quelle que soit leur adhésion à leur traitement ;
- dans l'attente de la création de cellules adaptées aux personnes à mobilité réduite, garantir à toute personne détenue ayant de grandes difficultés pour se déplacer, de manière provisoire ou permanente, qu'elle soit ou non en fauteuil roulant, qui en forme la demande, l'accès à une cellule individuelle dans des conditions tenant compte de sa mobilité réduite ;
- dans l'attente d'une solution pérenne, identifier l'ensemble des fenêtres des cellules qui ne ferment pas correctement et procéder aux réparations provisoires nécessaires pour y remédier ;
- procéder dans les plus brefs délais à l'enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l'ensemble des espaces extérieurs sur lesquels donnent des cellules et veiller par un nettoyage régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté satisfaisantes ;
- procéder dans les plus brefs délais à une communication à l'ensemble des détenus sur la problématique des jets de nourritures et de veiller à ce que les détenus disposent gratuitement de sacs poubelles en nombre suffisant pour assurer l'évacuation quotidienne intégrale des déchets produits dans les cellules ;
- faire procéder, dans les plus brefs délais, selon les modalités juridiques et techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus et des autres personnes fréquentant l'établissement ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à une opération d'envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l'ensemble des locaux du centre pénitentiaire des
Hauts-de-Seine ;
- procéder aux réparations nécessaires afin d'assurer le fonctionnement permanent des téléphones au sein de l'unité sanitaire, afin notamment de permettre aux personnes détenues de contacter l'hôpital et le service d'interprétariat ;
- faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et de procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues.
2. Par une ordonnance du 30 juin 2023 n°2307209, la formation collégiale des juges des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a constaté l'exécution de certaines injonctions précédemment prononcées et enjoint au garde des Sceaux, ministre de la justice, de prendre les mesures suivantes relatives au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine :
- procéder à la réparation de l'ensemble des bouches d'aération identifiées comme défectueuses lors de l'audit technique, dans les plus brefs délais ;
- de faire procéder sans délai, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations identifiées comme nécessaires lors de l'audit électrique, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues.
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale () ".
4. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de son article 8 : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".Enfin, aux termes de son article 13 : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ".
5. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article
L. 2 du code pénitentiaire :
" Le service public pénitentiaire s'acquitte de ses missions dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par la France, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ". L'article L. 6 du même code dispose que : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la commission de nouvelles infractions et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap, de l'identité de genre et de la personnalité de chaque personne détenue ". Enfin, aux termes de l'article L. 7 de ce code :
" L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels ". Enfin aux termes de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue ".
6. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance
vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article
L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.
7. Le droit au respect de la vie privée et familiale rappelé notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont bénéficient, compte tenu des contraintes inhérentes à la détention, les personnes détenues, revêt le caractère d'une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque le fonctionnement d'un établissement pénitentiaire ou des mesures particulières prises à l'égard d'un détenu affectent, de manière caractérisée, son droit au respect de la vie privée et familiale dans des conditions qui excèdent les restrictions inhérentes à la détention, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article
L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser l'atteinte excessive ainsi portée à ce droit.
8. Il résulte de ce qui précède que les conditions d'intervention du juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, diffèrent selon qu'il s'agit d'assurer la sauvegarde des droits protégés par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une part, et du droit protégé par l'article 8 de la même convention, d'autre part, le paragraphe 2 de ce dernier article prévoyant expressément, sous certaines conditions, que des restrictions puissent être apportées à son exercice.
Sur les pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative :
9. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L. 521-2 et
L. 521-4 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article
L. 521-2 et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article
L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en œuvre. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article
L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l'article
L. 521-2, les mesures qu'il peut ordonner doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises.
10. En outre, s'il n'appartient pas au juge des référés de prononcer, de son propre mouvement, des mesures destinées à assurer l'exécution de celles qu'il a déjà ordonnées, il peut, d'office, en vertu de l'article
L. 911-3 du code de justice administrative, assortir les injonctions qu'il prescrit d'une astreinte. Il incombe dans tous les cas aux différentes autorités administratives de prendre, dans les domaines de leurs compétences respectives, les mesures qu'implique le respect des décisions juridictionnelles. L'exécution d'une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles
L. 911-4 et L. 911-5. La personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 521-4 du même code, d'assurer l'exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte.
11. Enfin, il découle des obligations qui pèsent sur l'administration, qu'en parallèle de la procédure prévue à l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, qui permet d'ores et déjà de remédier aux atteintes les plus graves aux libertés fondamentales des personnes détenues, le juge de l'excès de pouvoir peut, lorsqu'il est saisi à cet effet, enjoindre à l'administration pénitentiaire de remédier à des atteintes structurelles aux droits fondamentaux des prisonniers en lui fixant, le cas échéant, des obligations de moyens ou de résultats. Il lui appartient alors de statuer dans les délais adaptés aux circonstances de l'espèce.
Sur la demande en référé :
12. La section française de l'observatoire international des prisons, l'ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'association pour la défense des droits des détenus soutiennent que les conditions de détention prévalant au sein du centre pénitentiaire des
Hauts-de-Seine, constituant une atteinte grave et manifestement illégale aux droits garantis par les articles 2, 3, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impliquent, d'une part, d'ordonner l'exécution des injonctions prononcées par l'ordonnance n° 2307209 du 30 juin 2023 et, d'autre part, de prononcer des injonctions complémentaires à l'encontre de l'administration en vue de mettre fin à des atteintes graves et manifestement illégales à des libertés fondamentales.
Sur les conclusions tendant à ce que le juge des référés s'assure de l'exécution effective des mesures prononcées à l'encontre de l'administration :
13. Il incombe aux différentes autorités administratives de prendre, dans les domaines de leurs compétences respectives, les mesures qu'implique le respect des décisions juridictionnelles. Si l'exécution d'une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles
L. 911-4 et
L. 911-5, la personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 521-4 du même code, d'assurer l'exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte. En revanche, il n'appartient pas au juge des référés de prononcer de telles mesures destinées à assurer l'exécution des injonctions qu'il ordonne. Il s'ensuit que les conclusions tendant à organiser le suivi des injonctions et à enjoindre à l'administration de tenir informés les requérants très régulièrement, et à minima tous les deux mois, de la nature et de l'avancée des mesures engagées en exécution de l'ordonnance à intervenir doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article
L. 521-4 du code de justice administrative :
S'agissant de la sécurité électrique dans l'établissement :
14. Les requérants soutiennent que l'administration n'a pas exécuté l'injonction prononcée le 30 juin 2023 de procéder à l'ensemble des réparations identifiées comme nécessaires lors de l'audit électrique pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues et demandent au juge des référés d'assurer l'exécution de ces injonctions.
15. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'ordonnance rendue le 30 juin 2023, la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris et le centre pénitentiaire des
Hauts-de-Seine ont mis en place un plan d'action pour mettre en œuvre ces injonctions et assurer un suivi régulier de l'avancement des études, des commandes et des travaux par le biais d'un tableau récapitulatif précis et actualisé en permanence. Un tableau recense aussi les signalements des personnes détenues et les besoins en maintenance générant des demandes de réparation. Préalablement à la 1ère saisine du juge des référés, un audit des équipements électriques avait été réalisé du 19 au 23 septembre 2022 qui a été suivi, à la suite de l'ordonnance rendue le 2 décembre 2022, d'un audit de l'ensemble des cellules de l'établissement réalisé en décembre 2022 par le prestataire GEPSA afin de contrôler l'état du système électrique et des gaines techniques de chaque cellule. Cet audit a permis d'établir un bilan afin d'effectuer, au cours d'une même opération, les réparations identifiées comme nécessaires dans chaque cellule. En octobre 2023, la société SOCOTEC a expertisé les installations électriques et a émis des réserves demandant des mesures de correction qui ont donné lieu à un plan d'action du prestataire GEPSA eu vue de la levée de ces réserves et de la mise aux normes. Il ressort du tableau de suivi de ce prestataire que sur les cent vingt réserves relatives aux installations électriques cent cinq ont été traitées et que les réserves restantes sont en voie de traitement. En outre, a été mis en place un mécanisme de signalement par les détenus des dysfonctionnements qui donne lieu à une remarque consignée et une réponse par le prestataire GEPSA suivie par le logiciel ISIS. Si les requérants produisent des photographies de fils électrique, celles-ci représentent des cordons reliant des appareils électriques privatifs des détenus à des multiprises et rallonges pour lesquels la solution consisterait à interdire l'usage des détenus d'appareils autres que le téléviseur. Dans ces conditions, l'injonction relative à la sécurité électrique prononcée le 30 juin 2023 doit être regardée comme exécutée ou en voie d'exécution. En outre, à la suite de cette injonction, a été mis en place un processus pérenne de réparation de ces équipements grâce à l'intervention des associations requérantes et à la réponse de l'administration pénitentiaire. Par suite, la demande des requérants sur ce point doit être rejetée.
S'agissant des bouches d'aération :
16. Les requérants soutiennent que l'administration pénitentiaire n'a pas exécuté l'injonction ordonnée le 30 juin 2023 de procéder à la réparation des cent soixante-neuf bouches d'aération identifiées comme défectueuses lors de l'audit technique, dans les plus brefs délais.
17. Il résulte de l'instruction que le système d'aération du centre pénitentiaire est basé sur un équipement de ventilation mécanique contrôlée (VMC) comportant deux tuyaux incorporés dans la gaine technique qui sont raccordés à des bouches d'aération. Il résulte en outre de l'instruction que certaines grilles de protection de ces bouches sont détachées par les personnes détenues en vue de cacher du matériel interdit à l'intérieur, ce qui peut avoir pour effet une rupture de l'aération. A la suite de l'ordonnance rendue le 30 juin 2023, la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris et le centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ont mis en place le 5 juillet 2023 un plan d'action pour mettre en œuvre ces injonctions et assurer le remplacement des bouches d'aération. Il ressort du tableau de suivi de ce plan que le comité de pilotage du 12/01/2024 a acté l'exécution totale en décembre 2023 des travaux de remplacement par GEPSA des bouches et gaines techniques sur l'ensemble des 300 unités et que le comité de pilotage du 16/04/2024, constatant que les gaines techniques peuvent facilement être ouvertes par les détenus, a envisagé une solution à court terme d'installation de serrures pour sécuriser ces gaines. Un processus de signalement a aussi été mis en place permettant aux personnes détenues de signaler une bouche d'aération défectueuse en cellule auprès du personnel de l'administration pénitentiaire afin que la situation soit prise en charge. Ainsi, l'injonction relative aux bouches d'aération prononcée le 30 juin 2023 doit être regardée comme exécutée. Par suite, la demande des requérants sur ce point doit être rejetée.
Sur conclusions tendant au prononcé d'injonctions complémentaires relevant de mesures structurelles :
En ce qui concerne les mesures utiles en vue de faire cesser la sur-occupation :
18. Pour faire cesser les atteintes invoquées aux droits découlant des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les requérants demandent qu'il soit enjoint au ministre de la justice de faire cesser la
sur-occupation du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine et de prendre toute mesure propre à garantir le respect de la capacité structurelle d'accueil du centre pénitentiaire, à savoir 597 places.
19. Eu égard à leur objet, les injonctions demandées mentionnées au point précédent, qui portent sur des mesures d'ordre structurel, et au surplus sur des choix de politique publique, insusceptibles d'être mis en œuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative.
En ce qui concerne l'équipement des cellules :
20. En l'état de l'instruction, et à supposer même établie, au regard de certaines photographies produites, une carence de l'administration pénitentiaire du centre pénitentiaire à doter les cellules d'un équipement suffisant et adapté au nombre de détenus en cellule, les mesures de nature à remédier à une telle carence sont d'ordre structurel et sont insusceptibles d'être mis en œuvre à très bref délai. L'injonction à équiper les cellules en biens mobilier doit être rejetée comme n'étant pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative.
En ce qui concerne l'accès au travail et à des activités :
21. La demande d'injonction tendant à augmenter l'accès au travail des détenus, ainsi qu'à toutes autres activités porte sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en œuvre à très bref délai. Ces demandes, qui ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
Sur conclusions tendant au prononcé d'injonctions complémentaires de nature à améliorer à bref délai les conditions matérielles de détention :
En ce qui concerne la mise aux normes des gaines électriques :
22. Les requérants soutiennent que les gaines et installations électriques ne sont pas aux normes et présenteraient des risques, en produisant des photographies de certains tableaux électriques. Toutefois, si ces photographies montrent une vétusté de certains installations, il résulte de l'instruction et notamment du plan de réalisation de la mise aux normes élaboré le
31 octobre 2023 que les anomalies constatées concernent essentiellement les parties administratives ou réservées au personnel, sont en voie de réparation et qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que les points de non-conformité subsistant nécessiteraient que soit ordonnée une mesure de sauvegarde à bref délai.
En ce qui concerne les détériorations des murs, sols et plafonds de certaines cellules :
23. En l'état de l'instruction, et à supposer établie, au regard de certaines photographies produites, une carence de l'administration pénitentiaire du centre pénitentiaire à assurer un entretien correct des murs, la rénovation des murs, sols et plafonds de certaines cellules et la réparation du carrelage cassé, une telle carence, qui n'est pas généralisée mais concerne certaines cellules, ne suffit pas à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale aux exigences tirées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il résulte en outre de l'instruction que l'administration pénitentiaire a mis en place un processus de signalement et de remédiation ponctuelle par des travaux de réparation.
En ce qui concerne la réparation des fenêtres des cellules :
24. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une injonction prononcé le 2 décembre 2022, l'administration pénitentiaire a procédé au recensement des fenêtres des cellules qui ne ferment pas correctement, a procédé aux réparations provisoires nécessaires pour y remédier et a mis en place un système de signalement des dysfonctionnements devant conduire à les traiter dans un délai réduit. Il ressort du tableau de suivi du plan d'action du comité de pilotage du 16/04/2024 que les 83 fenêtres commandées et reçues sont sur le point d'être installées en remplacement des fenêtres défectueuses et qu'un processus de signalement par une personne détenue en vue de réparations a aussi été mis en place sur ce point. Un nouvel audit de l'ensemble des cellules de l'établissement réalisé le 2 mai 2024 par le prestataire GEPSA afin de contrôler l'état des fenêtres a permis de recenser 4 fenêtres comme " cassées ", sans que les vitres ne soient endommagées et de planifier des réparations identifiées comme nécessaires dans chaque cellule. Dans ces conditions, la circonstance que quelques fenêtres de cellules ne ferment pas encore correctement, ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde soit ordonnée à très bref délai.
En ce qui concerne le nettoyage régulier et suffisant des douches, à leur rénovation, notamment en réparant le sol et les murs abîmés :
25. Il résulte de l'instruction qu'une opération de rénovation des douches de ce centre pénitentiaire a été initiée par l'affectation de crédits à son financement et que le prestataire GEPSA réalise actuellement la programmation de ces travaux. Il résulte aussi de l'instruction que le lavage et la désinfection des douches sont pratiqués quotidiennement par les auxiliaires de nettoyage qui assurent également à un rythme hebdomadaire le détartrage des cabines et des sols et le nettoyage des carrelages muraux. Dans ces conditions, l'état actuel des douches ne suffit pas à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale aux exigences tirées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le recensement des toilettes et autres équipements de plomberie défectueux et la réalisation des réparations nécessaires :
26. Il résulte de l'instruction que l'audit de l'ensemble des cellules de l'établissement réalisé par le prestataire GEPSA a permis de recenser les cellules concernées par les fuites d'eau et de programmer les travaux de réparation nécessaires de remédiation et que le processus de signalement par les personnes détenues des anomalies permet au prestataire d'exécuter des réparations dans un délai satisfaisant. Dans ces conditions, l'état de la plomberie ne permet pas de caractériser une atteinte grave et manifestement illégale aux exigences tirées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la demande des requérants sur ce point doit être rejetée.
En ce qui concerne la séparation de l'espace sanitaire du reste de l'espace de la cellule :
27. Les requérants demandent à ce qu'il soit ordonné de procéder à l'installation de portes de séparation assurant un cloisonnement total des toilettes du reste de l'espace de la cellule afin de préserver l'intimité des personnes détenues. Eu égard à leur objet, les injonctions tendant à l'installation de portes pleines à la place des portes battantes portent sur des mesures d'ordre structurel, et au surplus sur des choix en matière de surveillance en vue de la prévention des suicides et des violences entre détenus, qui sont insusceptibles d'être mis en œuvre à très bref délai et ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative.
28. Il résulte de l'instruction les sanitaires des cellules, dans leur état normal de fonctionnement, sont séparés du reste de l'espace de la cellule par une cloison et des portes battantes. Il résulte des pièces produites par les requérants que certaines cellules visitées et photographiées ne comportent pas de portes sur les sanitaires. Si l'administration reconnaît que certaines portes battantes sont manquantes, elle indique que cette situation résulte des dégradations par les personnes détenues, notamment du fait d'un usage détourné en table. Il résulte de l'instruction que l'administration a commandé des portes battantes et que sont régulièrement commandées des charnières pour pouvoir réparer les portes de toilette défaillantes en cas de besoin. Il résulte en outre de l'instruction que les portes battantes des toilettes, lorsqu'elles sont dégradées, sont habituellement réparées dans un délai inférieur à
48 heures. La circonstance qu'en raison des dégradations commises par certaines personnes détenues, certaines portes battantes ne sont pas en place pendant le temps nécessaire à une réparation, ne caractérise pas une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité humaine ou au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes détenues.
En ce qui concerne la gestion des déchets :
29. Les requérants soutiennent que la propreté des espaces extérieurs et le ramassage des poubelles ne sont toujours pas efficacement garantis par l'administration et demandent au juge des référés d'ordonner de réorganiser la gestion des déchets pour mettre un terme à l'accumulation des poubelles, de procéder dans les plus brefs délais à l'enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l'ensemble des espaces extérieurs sur lesquels donnent des cellules et de veiller par un nettoyage régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté satisfaisantes.
30. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'ordonnance du 2 décembre 2022, l'administration pénitentiaire a procédé les 21 février et 8 juin 2023 à des actions de nettoyage des abords des bâtiments et du stade réalisées par quarante personnes détenues volontaires et que les cours de promenade et les abords du bâtiment sur lesquels donnent les cellules sont nettoyés quotidiennement par quarante-huit auxiliaires " étage " et douze auxiliaires " abords " affectés au service général. Elle fait valoir en outre qu'une note de service datée du 9 février 2023 encadre la procédure de nettoyage des cours de promenade en rappelant les responsabilités des détenus et qu'il appartient à chaque responsable de secteur de faire nettoyer chaque jour les cours de promenade de son bâtiment par les auxiliaires dédiés. Le chef d'établissement a par ailleurs rappelé la présence de ces sacs poubelle dans les cours de promenade " afin de préserver la propreté des promenades et de faciliter le travail des auxiliaires ". Dans ces conditions, s'il est constant que des déchets sont encore jetés par les détenus dans les cours et aux abords des bâtiments, il ne résulte pas de l'instruction que le nettoyage présenterait des carences constitutives d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
En ce qui concerne le renforcement de l'efficacité de la lutte contre les nuisibles :
31. Les requérants demandent au juge des référés d'intensifier l'action de dératisation, notamment dans les parties extérieures de l'établissement.
32. Il résulte de l'instruction que le contrat entre l'établissement et le prestataire, sous-traitant, la société Ecolab, prévoit une intervention mensuelle obligatoire de dératisation et que l'administration pénitentiaire a procédé à la commande à la société Ecolab d'interventions de dératisation, désinfection et désinsectisation plus fréquentes, à savoir à hauteur de trois fois par semaine. S'agissant des actions à mener sur le long terme, l'établissement a sollicité des devis pour le bétonnage des pieds des bâtiments, et ainsi prévenir l'apparition de terriers et la pénétration au sein du centre pénitentiaire, mais également auprès d'autres sociétés pour envisager une dératisation au moyen de furets. Le centre pénitentiaire a mené parallèlement des actions de sensibilisation des personnes détenues aux problèmes posés par le jet de nourritures afin de lutter efficacement contre la prolifération de nuisibles au sein de l'établissement. Dans ces conditions, s'il y a lieu pour l'administration de poursuivre ces efforts de lutte contre les nuisibles, la présence de rongeurs au sein de l'établissement procède également de causes structurelles auxquelles il n'appartient pas au juge des référés de remédier. Dans ces conditions, compte tenu des mesures qui ont déjà été prises, la situation ne caractérise pas, à la date de la présente ordonnance, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde soit ordonnée à très bref délai.
33. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de prononcer les injonctions demandées à l'encontre de l'administration pénitentiaire. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées au titre des frais liés à l'instance en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la section française de l'observatoire international des prisons, à l'association pour la défense des droits des détenus, à l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre du travail, de la santé et des solidarités et au préfet des Hauts-de-Seine.
Copie en sera adressée au directeur du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine.
Fait à Cergy, le 22 mai 2024.
Le juge des référés,
Signé
G. Thobaty
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°2406006