COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET
DU 15 Novembre 2010
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 09/03852
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 juin 2009 par le tribunal d'instance de STRASBOURG
APPELANT :
Monsieur Pierre S
Représenté par Me Laurence FRICK (avocat à la cour)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2010/002328 du 07/06/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)
INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE :
S.A.S. X anciennement Y
ayant son siège social
[...]
75001 PARIS
Représentée par Me Michel WELSCHINGER (avocat à la cour)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 septembre 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme RASTEGAR, président de chambre
Mme MAZARIN-GEORGIN, conseiller
Mme SCHNEIDER, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. UTTARD
ARRET :
-contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
-signé par Mme F. RASTEGAR, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le rapport ;
M. S a conçu un support de lecture nomade en collaboration avec l'ENSAIS et l'Ecole d'Architecture de Strasbourg.
Pour protéger son invention, M. S a déposé le 27 avril 1999 un brevet français FR. 99/5426, qu'il a également entendu protéger au niveau européen sous le numéro
EP 00/922756, ce brevet étant la propriété indivise de M. S et des deux écoles précitées.
M. S a déposé un second brevet français le 17 septembre 2001 en son nom sous le numéro FR. 01/12004.
A compter de l'année 2001, M. S a fait appel aux services de la SA Y, conseil en
propriété industrielle, pour qu'il soit procédé à la rédaction, au dépôt des brevets et que les annuités afférentes à la protection de ces inventions soient réalisées par son intermédiaire.
La SA Icodex dirigée par M. S a été créée et immatriculée au registre du commerce le 7 octobre 2002 pour développer ce projet, les statuts de la société indiquant que M. S entendait faire apport de ses brevets à la société en formation.
Onze factures ont été émises par la SA Y à l'ordre de M. S s'échelonnant du
26 septembre 2001 au 29 septembre 2004 pour un montant total de 18.233,99 € sur lequel divers acomptes ont été réglés d'un montant cumulé de 8.833,37 €.
Le solde sur factures s'élevant à 9.400,62 € a été vainement réclamé à M. S par mise en demeure du 2 janvier 2007 et sommation du 14 mars 2007.
Par ordonnance du 30 mars 2007, le président du tribunal d'instance de Strasbourg a enjoint à M. S de payer la somme de 9.400,62 € à la SA Y.
M. S a régulièrement formé opposition et a soutenu devant le tribunal d'instance que la débitrice de cette somme était la SA Icodex dont il était le dirigeant, qu'il n'avait agi que comme mandataire de la société en formation qui a repris les engagements du fait même de son immatriculation, et qu'il a fait l'apport des brevets à la SA Icodex qui en est devenue propriétaire.
Il faisait valoir que la SA Y ne pouvait ignorer ces cessions qu'elle avait
formalisées et qu'en outre cette société n'avait pas rempli ses obligations contractuelles puisque les brevets français apportés à la SA Y restaient inscrits à
son nom.
Par jugement du 8 juin 2009 le tribunal d'instance a considéré :
-que les factures des 26 septembre 2001 et 2 octobre 2002 antérieures à l'immatriculation de la société restaient à la charge de M. S, qui n'avait pas indiqué qu'il agissait au nom d'une société en formation ;
-qu'il résultait des statuts que M. S avait apporté les demandes de brevet objet du litige à la SA Icodex qui en était devenue propriétaire au jour de son immatriculation au registre du commerce, et était donc redevable des factures émises à compter du 7 octobre 2002 ;
Le tribunal a ainsi condamné M. S à payer à la SA Y la somme de 3.483,89 € avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2007, a ordonné la capitalisation des intérêts, a débouté la SA Y du surplus de sa demande, et a condamné M. S au paiement d'une somme de 600 € en application de l'article
700 du code de procédure civile.
M. S a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l'article
455 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de l'appelant M. S reçues au greffe le 20 septembre 2010 tendant à ce que la cour constate le règlement des deux factures qui lui sont imputées, infirme le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 3.483,89 €, déboute la SA Y devenue la SAS X de ses demandes,
rejette l'appel incident, et condamne la SAS X à lui payer la somme de
1.000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de l'intimée la SA Y devenue la SAS X, reçues au
greffe le 17 juin 2010, tendant à ce que la cour constate que M. S a réglé une somme de 417,06 € après le jugement déféré, et sur son appel incident, condamne M. S à lui payer la somme de 9.400,62 € en deniers ou quittance avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2007, ordonne la capitalisation des intérêts, condamne M. S à lui payer la somme de 700 € à titre de dommages-intérêts ainsi qu'un montant de 1.000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
Vu les pièces de la procédure ;
Sur l'appel principal
Attendu que
les factures faisant l'objet de l'appel principal se rapportent à des prestations commandées par M. S bien avant la création et l'immatriculation de la SA Icodex, et sans indication de ce qu'il agissait au nom et pour le compte d'une société en cours de constitution ; que M. S admet aujourd'hui qu'il était seul débiteur de ces factures ;
Attendu que M. S soutient que les deux factures n°3 4418 du 26 septembre 2001 s'élevant à 3.125,10 € (20.499,30 Francs) et n°4529 9 du 2 octobre 2002 s'élevant à 358,80 € ont été payées l'une et l'autre par chèques qui, par erreur n'incluait pas la TVA pour la première (paiement de 2.766,84 € du 4 octobre 2001) et était d'un montant sensiblement différent de la somme réclamée pour la seconde ;
Attendu que pour justifier du paiement de la facture n°34418 s'élevant à 3.125,10 €, M. S produit son relevé de compte bancaire faisant état du débit le 9 octobre 2001 d'un chèque n° 4695168 d'un montant de 2.766,84 € a insi que le talon de ce chèque sur lequel il a porté la mention manuscrite Y;
que cependant, à défaut de production d'une copie de chèque mentionnant l'identité du bénéficiaire, rien n'établit que ce paiement ait été encaissé par la SA Y ;
que le document produit par la SA Y intitulé 'situation du compte client' faisant
mention d'un paiement par M. S d'une somme de 2.766,84 € à la date du 1er janvier 2003 ne peut davantage justifier de ce que ce paiement serait intervenu en réalité le 4 ou 9 octobre 2001 et se rapporterait à la facture du 26 septembre 2001 ;
Attendu que M. S ne justifie pas davantage avoir réglé la facture n° 45299 avant le prononcé du jugement ;
qu'ainsi, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement des factures antérieures à l'immatriculation de la SA Icodex, et qu'il y a lieu de donner acte aux parties de ce que M. S a réglé après le jugement une somme de 417,06 € ;
Sur l'appel incident
Attendu qu'au soutien de son appel incident, la SAS X fait valoir qu'après
l'immatriculation au registre du commerce de la SA Icodex, M. S a lui-même sollicité que les demandes française et européenne soient délivrées en son nom personnel ainsi que l'établissent les courriers des 5 mars 2003 et 8 août 2003, et qu'elle n'a jamais eu connaissance du transfert de propriété des brevets qui est aujourd'hu invoqué, de sorte qu'il est débiteur des factures émises ;
Attendu que pour sa part, M. S se prévaut d'un apport des brevets à la SA Icodex prenant effet à la date d'immatriculation de la société, ce que la SA Y ne pouvait
ignorer puisqu'elle a fourni le rapport d'évaluation des apports et qu'elle a également rédigé l'acte de cession des droits indivis des deux écoles à la SA Icodex ;
qu'il soutient encore que la circonstance que l'un des brevets soit encore inscrit à son nom démontre que la SA Y n'a pas rempli sa mission ni tiré les conséquences de
l'acte de cession qu'elle a établi ;
Attendu que les factures dont le paiement est réclamé s'échelonnent du 15 octobre 2002 au 29 septembre 2004 ;
qu'elle se rapportent :
-à la validation du brevet européen n° 00/922756 en France, Belgique et Suisse (facture du 4 février 2004) ;
-au paiement des annuités en France, Belgique et Suisse du brevet européen 00/922756 (factures du 13 mai 2004) ;
-au paiement des annuités du brevet France 01/12004 du 17 septembre 2001 ;
-au dépôt d'une demande de brevet n° PCT/FR. 02/031 57 du 16 septembre 2002, y compris le paiement des taxes (facture du 15 octobre 2002), au passage en phase régionale de la demande de ce même brevet en Europe (facture du 17 mars 2004) et à l'annuité Europe de ce même brevet (facture du 29 septembre 2004) ;
-aux honoraires de négociation et de rédaction du contrat 'accord de copropriété' communiqué aux parties le 3 décembre 2002 (facture du 17 décembre 2002) ;
Attendu que s'agissant des honoraires de négociation et rédaction du contrat 'accord de copropriété', il y a lieu de constater que ceux-ci se rapportent à la cession par l'ENSAIS et l'école d'architecture de Strasbourg à la SA Icodex de leurs droits indivis dans le brevet français FR.99/05426 et son extension européenne EP 00/922756 ;
que ce contrat concerne donc exclusivement la SA Icodex qui avait été immatriculée le 7 octobre 2002, de sorte que M. S n'a mandaté la SA Y pour établir l'acte de
cession et participé aux négociations qu'en sa qualité de représentant légal de la SA Icodex ;
que la facture correspondante s'élevant à 1.116,97 € ne peut être imputée à M. S ;
Attendu que pour le surplus, il convient de rechercher qui, de M. S ou de la SA Icodex est titulaire de chacun des brevets faisant l'objet des autres factures précitées ;
Attendu que si les statuts de la SA Icodex signés le 14 juillet 2002 prévoyaient que M. S allait apporter en nature à la SA Icodex la demande de brevet français FR. 01/12004 et la demande de brevet européen EP 00/922756 (qui ont fait l'objet d'une évaluation par la SA Y) pour autant il n'est pas établi que tous ces apports
aient été réalisés ;
Attendu que seules deux cessions de brevets ont été consenties peu après l'immatriculation au RCS de la SA Icodex ;
que le 14 novembre 2002, l'ENSAIS et l'école d'architecture de Strasbourg ont cédé à la SA Icodex leur part indivise dans le brevet français FR. 99/5426 et son extension
européenne EP 00/922756, ce brevet appartenant désormais en indivision à la SA Icodex et à M. S ;
que le 31 octobre 2002, M. S a cédé à la SA Icodex ses droits sur le brevet français FR. 99/05426 mais uniquement sur l'ensemble du territoire français ;
que cette cession de licence a été enregistrée à l'INPI le 4 mars 2003, la SA Icodex étant ainsi inscrite comme étant seule titulaire du brevet français FR. 99/5426 ;
qu'il doit être déduit de ces cessions d'une part que l'extension européenne du brevet, enregistrée sous le numéro EP 00/922756 est toujours en indivision entre M. S et la SA Icodex ;
que d'autre part, aucun acte de cession n'a concerné le brevet FR. 01/12004 qui est toujours la seule propriété de M. S ;
qu'enfin, aucun acte de cession de brevet n'a concerné le brevet PCT/FR. 02/03157 déposé le 16 septembre 2002, qui n'est même pas visé dans le projet d'apport résultant des statuts ;
Attendu que la confirmation de ce que M. S restait titulaire des droits sur ces brevets résulte en premier lieu du certificat d'inscription à l'INPI du brevet français FR. 01/12004 déposé le 17 septembre 2001, toujours inscrit au nom de M. S, et qui n'a fait l'objet d'aucune inscription modificative depuis lors ;
que cette confirmation doit également être trouvée dans le courrier de la SA Y du
5 mars 2003 indiquant que la demande de brevet européen EP 00/922756 inscrite au nom de M. S a été acceptée et lui indiquant le montant des taxes correspondantes, courrier sur lequel M. S a apposé la mention 'Bon pour accord' suivie de sa signature ;
que cette confirmation doit enfin être trouvée dans le courrier de la SA Y du
8 août 2003 indiquant que sa demande de brevet FR. 01/12004 a été acceptée, et lui précisant le montant des taxes à acquitter, courrier sur lequel M. S a apposé la mention manuscrite 'Bon pour accord, STRASBOURG le 1er septembre 2003" suivie de sa signature ;
Attendu que contrairement aux allégations de M. S, la SA Y n'a nullement été
chargée de rédiger d'autre cession que celle des droits indivis de l'ENSAIS et de l'école d'architecture à la SA Icodex, de sorte que la circonstance qu'il reste titulaire de droits sur les brevets ou extension sus-visées résulte de sa propre volonté et non d'une quelconque négligence de la SA Y.
Attendu qu'en définitive, M. S reste devoir la somme suivante à la SAS X :
9.400,62 € - 1.116,97 € = 8.283,65 €, cette somme devant être majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2007, date de réception de la mise en demeure ;
qu'il y a lieu de porter en déduction la somme de 417,06 € payée par M. S après le prononcé du jugement ;
que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;
Attendu que la SAS X ne justifie pas d'une faute ni d'un préjudice distinct
de celui déjà réparé par l'allocation des intérêts moratoires ;
que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande ;
Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SAS X
l'intégralité des frais non compris dans les dépens ;
qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE les appels recevables ;
Au fond DIT l'appel principal mal fondé et le REJETTE ;
FAIT droit pour partie à l'appel incident ;
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts sur la créance, débouté la SA Y de sa demande de dommages-intérêts, condamné M. S aux frais et dépens et condamné M. S à payer à la SA Y la somme de 600 € (six cents euros) en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
L'INFIRME pour le surplus et, statuant à nouveau,
CONDAMNE M. S à payer à la SAS X la somme de 8.283,65 € (huit mille deux cent quatre-vingt-trois euros soixante-cinq cents) avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2007 ;
DONNE acte aux parties de ce que M. S a versé une somme de 417,06 € (quatre cent dix-sept euros six cents) après le prononcé du jugement déféré ;
CONDAMNE M. S à payer à la SAS X la somme de 1.000 € (mille euros) en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. S aux frais et dépens d'appel.