Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 30 juin 2021, 19-18.441

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2021-06-30
Cour d'appel de Bordeaux
2019-03-18
Tribunal de grande instance de Bordeaux
2017-06-01

Texte intégral

COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 juin 2021 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 578 F-D Pourvoi n° N 19-18.441 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 JUIN 2021 1°/ Mme [M] [T], domiciliée [Adresse 1], agissant tant en qualité d'ayant droit de [V] [T] qu'en son nom personnel, 2°/ Mme [Y] [T], domiciliée [Adresse 2], 3°/ Mme [W] [T], épouse [H], domiciliée [Adresse 3], 4°/ M. [B] [T], domicilié [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° N 19-18.441 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Barclays Bank PLC, dont le siège est [Adresse 5] (Royaume-Uni), prise en la personne de son établissement secondaire, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ à la société Barclays vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mmes [M], [Y], et [W] [T] et de M. [B] [T], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat des sociétés Barclays Bank PLC et Barclays vie, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à Mme [W] [T] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Barclays Bank et Barclays vie.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 mars 2019), M. et Mme [T] ont ouvert, entre le 24 juillet 2000 et le 1er février 2002, dans les livres de la société Barclays Bank plusieurs comptes. Ils ont également conclu avec la société Barclays vie, le 4 janvier 2001, un contrat d'assurance vie. Ayant été informés en décembre 2011 par le directeur de leur agence bancaire qu'ils ne disposaient plus de liquidités sur leur compte, ils ont demandé au juge des référés la désignation d'un expert. A la suite du dépôt par l'expert de son rapport définitif le 23 septembre 2014, Mme [T] a, en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de son époux décédé, assigné en paiement les sociétés Barclays Bank et Barclays vie, alléguant un préjudice résultant de pertes d'investissement en raison des agissements de M. [N], salarié auquel la gestion des fonds de M. et Mme [T] avait été confiée. Les sociétés Barckays Bank et Barclays vie lui ont opposé la prescription de son action. Les trois enfants de M. et Mme [T] (les consorts [T]) sont volontairement intervenus à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014

, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ou qui sont irrecevables.

Sur le moyen

, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les consorts [T] font grief à l'arrêt de dire que leur action au titre des comptes bancaires ou au titre des remises d'espèce était soit prescrite, soit injustifiée, de dire que l'action de Mme [T] dirigée contre la banque très partiellement fondée au titre du compte n° 4R 840130 99 0801 et de condamner de ce chef la banque à ne lui payer qu'une somme de 800 euros, alors « que les commettants sont responsables des préjudices causés par leurs préposés dans l'exercice de leurs fonctions ; que, comme toute action délictuelle, l'exercice d'une telle action se prescrit par dix ans pour les faits antérieurs à la loi du 17 juin 2008 et par cinq ans pour les faits postérieurs à celle-ci, sauf application du droit transitoire ; que la prescription d'une action en responsabilité délictuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, en tenant pour acquise la prescription de l'action délictuelle des consorts [T] sur le fondement de la responsabilité de l'établissement bancaire du fait des fautes de son préposé dans la disparition de leur épargne, au motif inopérant que "le point de départ de la prescription est à rechercher, compte par compte, à la date à laquelle les époux [T] pouvaient constater l'évaporation de leur épargne", la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 2224 et 1242, alinéa 5, du code civil ; »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 2224 du code civil que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance. 6. C'est à bon droit qu'en application de ce texte, la cour d'appel a retenu que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité extra contractuelle des consorts [T] fondée sur la responsabilité des sociétés Barclays Banks et Barclays vie du fait des agissements de leur préposé, devait être déterminé compte par compte afin de rechercher la date à laquelle M. et Mme [T] avaient pu constater l'existence de pertes sur leurs comptes, en étant nécessairement informés au jour où ils ont reçu les relevés correspondants. 7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes [M], [Y] [T] et M. [B] [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [M], [Y] [T] et M. [B] [T] et les condamne à payer à la société Barclays Bank PLC et à la société Barclays vie SA la somme globale de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mmes [M], [Y] et [W] [T] et M. [B] [T]. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'action des consorts [T] au titre des comptes bancaires ou au titre des remises d'espèce était « soit prescrite, soit injustifiée » ; d'AVOIR dit que l'action de Mme [T] dirigée contre la Barclays Bank était « très partiellement fondée » au titre du compte n° 4R 840130 99 0801 ; d'AVOIR condamné de ce chef la banque à ne lui payer qu'une somme de 800 ? ; et d'AVOIR condamné les consorts [T] à payer aux sociétés Barclays Bank et Vie la somme de 8 000 ? pour les frais irrépétibles et les a condamnés aux entiers dépens ; AUX MOTIFS QUE : « Il est constant que les époux [T], artisans bouchers, pour préparer leur retraite, en 2000 et 2002 ont ouvert divers comptes auprès de la Barclays Bank et un compte auprès de la Barclays Vie sur lesquels ils ont déposé régulièrement des sommes importantes par l'intermédiaire d'un certain M. [N], préposé des sociétés Barclays. Ils expliquent qu'en décembre 2011, à l'occasion de la régularisation d'une série d'opérations erronées, ils ont appris de la banque que leurs comptes étaient « à sec ». En mars 2012, ils portent plainte auprès de la gendarmerie contre M. [N]. On n'en sait pas plus sur le sort réservé à cette plainte. Quoiqu'il en soit, les époux [T] vont assigner la Barclays Bank en référé expertise et en lecture du rapport de l'expert ils assigneront la Barclays Bank et la Barclays Vie, responsables de leur préposé, M. [N], en indemnisation de leurs préjudices. Il n'est pas discuté que les époux [T] ont ouvert les comptes suivants : A - Barclays Vie 1.- 4 janvier 2001, contrat assurance vie, compte n° 31 007531-IL, souscrit par M. [T] B - Barclays Bank 2.- 24 juillet 2000, compte-joint n° 840 13090801, 3.- 29 septembre 2000, M. [T], compte programme n° 841 904 62801, 4.- 13 mars 2001, M. [T], compte programme n° 841 904 62802, 5.- 1er février 2002, Mme [T], compte programme n° 854 849 92801, 6.- 1er février 2002, M. et Mme [T], compte épargne, Livret Premier, n° 840 130 93001, 7.- 1er février 2002, M. et Mme [T], compte de portefeuille de titre, n° 4R 840130 9 0801, Il est également acquis que les époux [T] n'ont donné sociétés appelantes aucun mandat de gestion. Il ressort des déclarations de M. [T] devant les services de gendarmerie que M. [N] venait à leur domicile une fois par an pour faire le point sur les « comptes » et se déplaçait également à sa demande ; que c'est M. [T] qui, pour le compte du ménage, s'occupait des documents bancaires et qu'il recevait les relevés du compte courant régulièrement et les relevés des autres comptes une fois par an. Enfin, les appelantes, établissent une synthèse des comptes qui fait ressortir : APPORTS [T] + 460.000 ? RETRAITS [T] - 301.385,30 ? FRAIS ET DROITS D'ENTREE - 31,209 ? MOINS-VALUES - 124.420,51 ? Les époux [T] imputent à M. [N], ès qualités de préposé des sociétés de banque et d'assurances, les pertes enregistrées par leurs placements, des virements inexpliqués, la perte de produits financiers (?) jusqu'à la date du 31 décembre 2013 et la disparition d'espèces. Les sociétés appelantes, comme en première instance, voudraient faire juger que les demandes des consorts [T] sont, pour l'essentiel, prescrites. Comme on l'a déjà rappelé, le tribunal a fait partir la prescription de décembre 2011, date à laquelle la banque a informé les époux [T] de ce que les soldes de leurs comptes étaient voisins de zéro. L'action délictuelle menée par les consorts [T] est prescrite par 10 ans pour les faits antérieurs à la réforme du régime des prescriptions par la loi du 17 juin 2008, sauf application du droit transitoire, et de 5 ans pour les faits postérieurs à la réforme. Si le principe d'une action délictuelle est parfaitement admissible concernant la souscription des comptes (défaut d'information pré-contractuelle), il n'en va pas de même pour les demandes qui découlent directement du contrat d'assurance, comme les droits d'entrée, les frais de souscription ou les droits d'arbitrage qui sont soumis à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances. Le point de départ de la prescription est le jour ou les époux [T] ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant d'exercer leur action en responsabilité (article 2224 du code civil - ... à compter du jour ou le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer). Comme l'expliquent les sociétés demanderesses, à supposer fautifs les actes de leur préposé, le point de départ de la prescription est à rechercher, compte par compte, à la date à laquelle les époux [T] pouvaient constater l'évaporation de leur épargne. Les événements interruptifs de la prescription sont, à l'encontre de la Barclays Bank, l'assignation en référé du 5 mars 2013 et à l'encontre de la Barclays Vie l'assignation au fond du 21 juillet 2015. En effet, c'est la demande en justice qui interrompt la prescription. Autrement dit l'action doit être dirigée contre celui que l'on veut empêcher de prescrire. L'intervention volontaire de la Barclays Vie aux opérations d'expertise ne peut avoir interrompu la prescription à son égard. I - Les pertes liées au fonctionnement des comptes ouverts dans les livres des sociétés appelantes. A - Barclays Vie 1.-4 janvier 2001, contrat assurance vie, compte n° 31 007531-IL, souscrit par M. [T] Barclays Bank. Les consorts [T] expliquent que M. [T] a versé sur ce compte une somme de 178.365 ?. Ils déplorent une perte de 104.677 ? entre 2000 et 2011 (frais bancaires et pertes d'arbitrages). La Barclays démontre que le contrat souscrit en 2001 a connu une perte en 2002 (crise boursière) pour enregistrer des augmentations de 2003 à 2007, puis, une nouvelle perte en 2008 (crise boursière) et un retour au bénéfice en 2010 et 2011. Le contrat a été partiellement racheté en 2010 et soldé en 2011. Sur ce contrat, les pertes globales ont été de 78.651 ? et les droits d'entrée et frais d'arbitrage se sont élevés à la somme de 26.021 ?. Les pertes ont été enregistrées en 2002,2008 et 2009. Les époux [T] ont reçu les relevés de compte au plus tard le 31 décembre de chaque année. Au 31 décembre 2002, au 31 décembre 2008 et au 31 décembre 2009 les époux [T] ne pouvaient ignorer les pertes enregistrées sur leurs placements. Pour les pertes enregistrées en 2002, la prescription est acquise au 31 décembre 2012 (régime de prescription antérieur à réforme de 2008) et pour les pertes enregistrées en 2008, la prescription est acquise au 31 décembre 2013. Enfin, pour les pertes enregistrées en 2009, la prescription est acquise au 31 décembre 2014. L'assureur a facturé aux consorts [T] pour 26.201 ? de frais jusqu'au 7 octobre 2011. Les consorts [T] ont eu connaissance de ces frais avec leurs relevés et au plus tard pour les derniers, le 31 décembre 2011. La prescription est acquise au 31 décembre 2013. Le fait interruptif de la prescription étant l'assignation du 21 juillet 2015, toutes les demandes pour pertes et frais au titre du contrat d'assurance vie sont prescrites. B - Barclays Bank 2- 24 juillet 2000, compte-joint n° 840 130 90801. Les consorts [T] relèvent trois virements qu'ils qualifient d'inexpliqués d'un montant total de 6.643 ? (Lajoie, du 7 février 2004, MIC, du 12 mai 2004, [I], du 22 mars 2006). La banque entend se prévaloir de la prescription. En effet, la prescription a commencé à courir à compter de la date du relevé sur lequel chacune des opérations ont été portées. Si les consorts [T] n'ont pas d'action pour le dernier virement, a fortiori toute demande est prescrite pour les deux autres virements litigieux. En retardant le point de départ de la prescription du dernier virement au 31 avril 2006, l'action des consorts [T] est prescrite au 31 avril 2013, soit avant l'intervention du fait interruptif de prescription, l'assignation du 21 juillet 2015. 3.- 29 septembre 2000, M. [T], compte programme n° 841 904 62 801. Ce compte a été clôturé le 13 septembre 2005. Les consorts [T] font valoir que ce compte abondé via le compte-joint pour un montant total de 142.650 ?, qu'il a été débité de 98.297? en faveur du compte-joint et que la différence, 44.353 ? représente les pertes et frais de ce compte. La Barclays explique que les pertes sont de 42.232 ?, le solde correspondant à des frais. Elle établit que les pertes ont été enregistrées en 2002 et que par voie de conséquence l'action délictuelle est prescrite. En effet, la prescription est acquise au plus tard au 31 décembre 2012 et le fait interruptif de prescription, cette fois l'assignation en référé, n'est intervenue que le 5 mars 2013. 4.- 13 mars 2001, M. [T], compte programme n° 841 904 62 802, Les consorts [T] font valoir que ce compte a été abondé, via le compte-joint, pour un montant total de 15.562 ?, qu'il a été débité de 15.269 ? en faveur du compte- joint et que la différence, 292? représente les pertes et frais de ce compte. La Barclays précise que la perte sur ce compte serait de 264 ? et le solde le montant des frais. Elle rappelle que ce compte est clôturé depuis le 15 novembre 2007, qu'il n'a subi aucune moins-value et que le solde s'explique en réalité par le montant des frais de souscription ou droit d'entrée perçus en mars 2001 (2.436 ?). La banque fait valoir que la prescription était acquise au 31 mars 2011. Même si l'on devait faire courir la prescription à compter de la clôture de ce compte en considérant que ce n'est qu'à cette date que l'intéressé a connu le solde déficitaire, la prescription serait acquise au 15 novembre 2012, soit bien avant le fait interruptif de prescription du 5 mars 2013. 5.- 1er février 2002, Mme [T], compte programme n° 854 849 92 801. Les consorts [T] font valoir que ce compte a été crédité, via le compte-joint, de sommes pour un montant total de 32.819 ?, qu'il a été débité de 27.590 ? en faveur du compte-joint et que la différence, 5.229 ? représente les pertes et frais de ce compte. La Barclays explique que ce compte a été clôturé le 4 septembre 2008, que la demande relative aux frais payée en février 2002 est nécessairement prescrite et convient que reste à examiner, au fond, la perte enregistrée à la clôture du compte pour un montant de 2.477 ?. 6.- 1er février 2002, M. et Mme [T], compte épargne, Livret Premier, n° 840 130 9 3001. Les consorts [T] ne forment aucune observation concernant ce compte. 7.- 1er février 2002, M. et Mme [T], compte de portefeuille de titre, n° 4R 840 130 9 0801. Les consorts [T] expliquent que ce compte a été crédité, via le compte-joint, pour un total de 113.771 ?, qu'il a été débité de 112.647 ? en faveur du compte-joint et que la différence, 1.124 ? représente les pertes et frais de ce compte entre septembre 2005 et juin 2010. Ce compte aurait cessé de fonctionner le 15 juin 2010. Les explications de la banque n'ont pu être trouvées dans ses écritures. Il conviendra d'examiner la demande au fond. II - AU FOND 1°.- les pertes sur les comptes titre, 2.477 ? pour le compte programme n° 854 849 92 801, souscrit par Mme [T], et 1.124 ? pour le compte titre n° 4R 840 130 9 0801, souscrit par M. et Mme [T]. Pour pouvoir prétendre à une indemnisation de ce chef, les consorts [T] doivent établir la faute qu'aurait commise à leur égard le préposé de la banque, autrement dit, établir qu'ils ignoraient tout des placements bancaires et notamment de ceux comprenant des produits actions. Si l'on ne sait pas qu'elle était le niveau d'information de Mme [T], M. [T] lui, le 26 janvier 2002, a pu déclarer qu'il gérait un portefeuille de titres depuis plus de trois ans avec un compte dans une banque et nécessairement ailleurs qu'à la Barclays puisque les relations avec cette dernière ont débuté dans le courant de l'année 2000. Aussi, les consorts [T] ne peuvent-ils rien réclamer du chef du compte titre n° 4R 840 130 9 0801 ouvert en février 2002 (postérieurement à la signature de la fiche connaissance client, investissement boursiers et financiers). Par contre, il conviendra de faire droit à la demande de Mme [T] du chef du compte titre n° 4R 840 130 9 0801 en arbitrant son préjudice à une somme de 800 ?. 2°.- les espèces disparues. Les consorts [T] réclament de ce chef une somme de 45.772 ?. Toutefois, à ce jour, ils n'établissent pas la remise d'espèces à M. [N]. L'expert judiciaire a bien expliqué que la preuve de cette remise restait à faire. IV Sur les mesures accessoires. Les consorts [T], qui pour l'essentiel succombent, seront condamnés à verser aux sociétés appelantes une somme de 8.000 ? pour frais irrépétibles. Ils supporteront la charge des dépens de l'instance » ; 1°) ALORS, de première part, QUE les commettants sont responsables des préjudices causés par leurs préposés dans l'exercice de leurs fonctions ; que, comme toute action délictuelle, l'exercice d'une telle action se prescrit par dix ans pour les faits antérieurs à la loi du 17 juin 2008 et par cinq ans pour les faits postérieurs à celle-ci, sauf application du droit transitoire ; que la prescription d'une action en responsabilité délictuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, en tenant pour acquise la prescription de l'action délictuelle des consorts [T] sur le fondement de la responsabilité de l'établissement bancaire du fait des fautes de son préposé dans la disparition de leur épargne, au motif inopérant que « le point de départ de la prescription est à rechercher, compte par compte, à la date à laquelle les époux [T] pouvaient constater l'évaporation de leur épargne » (arrêt, p. 7 § 5), la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 2224 et 1242 alinéa 5 du code civil ; 2°) ALORS, de deuxième part, QUE si seul un acte signifié à celui que l'on veut empêcher de prescrire peut interrompre la prescription, tous les actes émanant de celui qui excipe de la prescription sont susceptibles d'avoir un effet interruptif dès lors qu'ils induisent un renoncement au bénéfice de la prescription ; que la participation active de l'établissement bancaire aux opérations d'expertise judiciaire constitue un acte non équivoque valant renonciation à la prescription ; qu'en l'espèce, en écartant tout effet interruptif de la prescription au motif que « l'intervention volontaire de la Barclays Vie aux opérations d'expertise ne peut avoir interrompu la prescription à son égard » (arrêt, p. 7 in fine), sans faire ressortir en quoi cet acte n'avait aucune portée interruptive du délai, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2240 et 2244 du code civil ; 3°) ALORS, de troisième part et en tout état de cause, QU'en application de la règle specialia generalibus derogant, les délais de prescription de droit commun applicables aux contrats d'assurance cèdent devant les dispositions spéciales prévues en matière d'assurance vie ; qu'il est de principe que la prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel qu'une partie de l'action exercée par les consorts [T] concernait des « demandes pour pertes et frais au titre du contrat d'assurance vie » (arrêt, p. 8 § 4 et 5), ce dont il se déduisait que la prescription n'était pas acquise ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article L. 114-1 du code des assurances, ensemble l'article 2224 du code civil ; 4°) ALORS, de quatrième part et en toute hypothèse, QUE les juges ne peuvent statuer par voie d'affirmation ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen de droit tiré de l'effet interruptif attaché à la participation volontaire de la Barclays vie aux opérations d'expertise, au motif péremptoire que « l'intervention volontaire de la Barclays Vie aux opérations d'expertise ne peut avoir interrompu la prescription à son égard » (arrêt, p. 7 in fine), sans s'en expliquer davantage, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS, de cinquième part et en toute hypothèse, QUE le défaut de réponse aux moyens de droits pertinents formulés par les parties vaut défaut de motifs ; qu'en l'espèce, il est constant que les documents communiqués aux époux [T] étaient « incompréhensibles » pour un client non averti ; que dans leurs conclusions d'appel, les experts rappelaient à la cour d'appel que l'expert a relevé de nombreuses interrogations sur le manque de probité de la démarche entreprise par M. [N] eu égard à sa qualité de conseil des époux [T] pour le compte de la banque Barclays (Cf. le rapport d'expertise, notamment p. 7 et 8) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si les documents communiqués aux époux [T] étaient suffisamment compréhensibles pour leur fournir un degré d'information adéquat, la cour d'appel a délaissé leurs conclusions, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ALORS, de sixième part et tout état de cause, QUE pour trancher le litige dont ils sont saisis, les juges sont tenus d'analyser fut-ce sommairement les pièces produites par les parties ; qu'en l'espèce, les consorts [T] soutenaient que la somme de 45.772 euros remise entre les mains de M. [N] était justifiée par la production de reçus ; qu'ils produisaient notamment une offre de preuve probante comportant une reconnaissante explicite du dépositaire des espèces (production n° 4) ; qu'en ne réservant aucun motif à l'examen de cette pièce déterminante, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile.