Vu la procédure suivante
:
La société Expatrium International Limited a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos au cours des années 2006 à 2012, de la taxe d'apprentissage, de la contribution au développement de l'apprentissage, et de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auxquelles elle a été assujettie au titre de ces mêmes années, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des années 2010 à 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n°s 1611089, 1611092, 1611096, 1611098, 1611100 du 14 mars 2019, ce tribunal a prononcé la décharge des pénalités pour manœuvres frauduleuses dont ont été assorties les impositions litigieuses et a rejeté le surplus de ces demandes.
Par un arrêt n°s 19VE01794, 19VE01795, 19VE01796, 19VE01797 et 19VE01798 du 28 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Expatrium International Limited contre ce jugement, en tant qu'il n'avait pas fait droit à l'intégralité de ses demandes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 30 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Expatrium International Limited demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée le 22 mai 1968 ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée le 19 juin 2008 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la sociéte Expatrium International Limited ;
Considérant ce qui suit
:
1. Aux termes de l'article
L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".
2. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la société Expatrium International Limited soutient que la cour administrative d'appel de Versailles :
- a dénaturé les faits et les pièces du dossier en se fondant, pour juger que l'administration avait pu, à bon droit, considérer que son activité ne se limitait pas au portage salarial mais s'étendait à celle de consultant en mobilité internationale, sur un contrat relatif à un projet hydro-électrique dépourvu de signatures ;
- a commis une erreur de droit en jugeant que l'administration avait pu légalement se fonder, pour déterminer la nature de son activité, sur la présentation qui en était faite dans des documents de promotion commerciale, sans rechercher quelle était réellement cette activité ;
- a commis une erreur de droit en jugeant, après avoir constaté que son activité de portage salarial était exercée pour son compte au Royaume-Uni par la société Frenger International Limited, qu'elle disposait en France, pour ce qui concerne cette activité, d'un établissement stable en France au domicile de son gérant ;
- l'a insuffisamment motivé en se bornant à relever, pour conclure à l'existence d'un établissement stable en France, qu'un nombre important de documents avaient été trouvés dans l'ordinateur de son gérant domicilié en France, sans indiquer leur nombre, leur nature et leur teneur ;
- a dénaturé les faits et les pièces du dossier en se fondant, pour juger que la société Frenger International Limited ne pouvait être reconnue comme constituant son centre de direction effective, sur ce que cette société n'avait pas le pouvoir de la représenter commercialement ;
- l'a insuffisamment motivé en se fondant, pour juger qu'elle disposait d'un établissement stable en France et non d'un centre de direction effective à Londres, sur la circonstance que les contrats établis à son nom étaient signés par son gérant domicilié en France, sans préciser si ces contrats avaient été signés en France ou au Royaume-Uni ;
- l'a insuffisamment motivé et a commis une erreur de droit en se fondant, pour écarter l'existence d'un centre de décision effective à Londres, sur la mention d'un numéro de téléphone fixe français dans ses courriers et courriels, sans répondre à son argumentation tirée de ce qu'une telle circonstance n'était pas de nature à établir l'existence d'un établissement stable en France dès lors que ce numéro faisait l'objet d'un transfert d'appel vers la société Frenger International Limited, domiciliée à Londres ;
- a méconnu les conventions fiscales franco-britannique du 22 mai 1968 et du 19 juin 2008 en jugeant qu'elle disposait en France d'un établissement stable, alors que les articles 5 de ces conventions stipulent que ne revêt pas, pour leur application, une telle qualification une installation utilisée aux seules fins d'exercer une activité présentant un caractère préparatoire ou auxiliaire ;
- a commis une erreur de droit en se fondant, pour juger qu'elle ne disposait pas d'un centre de direction effective à Londres, sur le temps de présence de son gérant dans cette ville, sur le lieu où a été engagée la majorité des frais qui lui ont été remboursés, sur la localisation de ses clients, sur la domiciliation des personnels mis à disposition de ceux-ci et les conditions de leur couverture assurantielle et de sécurité sociale, sans rechercher quelle était l'étendue des missions exercées pour son compte à Londres par la société Frenger International Limited ;
- a commis une erreur de droit en jugeant que ne constituaient des prises de position invocables sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ni les mentions relatives à l'activité exercée par son gérant figurant dans le rapport consécutif à l'examen contradictoire de la situation personnelle de celui-ci pour les années 2006 à 2008, ni l'absence de rectification dont il a fait l'objet en matière d'impôt sur le revenu ;
- a omis de répondre, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, au moyen tiré de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de contraindre ses clientes à produire des éléments de nature à justifier d'une auto-liquidation de la taxe due au titre des services qu'elle avait facturés depuis le Royaume-Uni ;
- a inexactement qualifié les faits en jugeant qu'elle disposait en France, au sens des règles relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, d'un établissement stable à partir duquel elle rendait les prestations en litige au profit de clients eux-mêmes établis en France, de sorte que le lieu de ces prestations était réputé se situer en France ;
- a inexactement qualifié les faits en jugeant qu'elle disposait en France d'un établissement présentant un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services ayant fait l'objet des rappels de taxe d'apprentissage mis à sa charge.
3. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Expatrium International Limited n'est pas admis.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Expatrium International Limited.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2022 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 3 juin 2022.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Ferrari
La secrétaire :
Signé : Mme Michelle Bailleul