Logo pappers Justice
Logo pappers Justice

CEDH, Cour (Première Section), STAVRETI et AUTRES contre la GRECE, 5 décembre 2002, 3652/02

Synthèse

  • Juridiction : CEDH
  • Numéro de pourvoi :
    3652/02
  • Dispositif : Irrecevable
  • Date d'introduction : 24 janvier 2002
  • Importance : Faible
  • État défendeur : Grèce
  • Nature : Décision
  • Identifiant européen :
    ECLI:CE:ECHR:2002:1205DEC000365202
  • Lien HUDOC :https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-43962
  • Avocat(s) : STAMOULIS, I., avocat, Athènes
Voir plus

Résumé

Vous devez être connecté pour pouvoir générer un résumé. Découvrir gratuitement Pappers Justice +

Suggestions de l'IA

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ de la requête no 3652/02 présentée par Chrysoula STAVRETI et autres contre la Grèce La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant le 5 décembre 2002 en une chambre composée de Mme F. Tulkens, présidente, MM. C.L. Rozakis, P. Lorenzen, Mmes N. Vajić, S. Botoucharova, MM. A. Kovler, V. Zagrebelsky, juges, et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section, Vu la requête susmentionnée introduite le 24 janvier 2002, Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants, Mme Chrysoula Stavreti-Gounari, Mme Mary Papadopoulou, Mme Christina Papadopoulou, Mme Bozana Papadopoulou, M. Pavlos Papadopoulos, M. Michail Batsanis, M. Angelos Kirkos, Mme Meropi Kirkou, Mme Zinovia Kirkou, M. Georgios Kirkos, M. Alexandros Kirkos, Mme Afroditi Kirkou et Mme Afroditi Christidou sont des ressortissants grecs résidant à Florina (en Grèce) et à Perth et Bridewood (en Australie). Ils sont représentés devant la Cour par Me I. Stamoulis, avocat à Athènes. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit. Par trois arrêts no 174 du 20 octobre 1945, no 111 du 27 février 1946 et no 165 du 11 avril 1946, les tribunaux spéciaux de Thessalonique et de Florina ordonnèrent (en vertu de l'article 2 § 2 de la loi 533/1945) la confiscation de l'ensemble des biens immobiliers des Vasilios Stavretis, Dimitrios Batsanis, Christos Papadopoulos, Georgios Kirkos et Petros Christidis dont les requérants sont les successeurs. Ces tribunaux considérèrent que ces personnes avaient collaboré pendant la guerre avec l'ennemi. Vasilios Stavretis possédait un magasin et une salle de 334 m², une maison de 208m², deux terrains cultivés de vignes de 2 000 m² et 500 m² respectivement. Dimitrios Batsanis possédait un terrain de 250 m². Christos Papadopoulos possédait deux maisons avec terrains, de 199 m² et 400 m² chacun. Georgios Kirkos possédait un terrain de vignes, une maison avec terrain de 100 m², une maison avec terrain de 280 m², deux terrains de 158 m² et deux maisons de 64 m² et 83 m². Enfin, Petros Christidis possédait une maison avec terrain de 4 000 m². Le 21 juillet 1954, fut publié le décret législatif 2912/1954 « portant réglementation de certaines questions relatives au sort et à l'attribution des ex-propriétés allemandes en Grèce ». Selon ce décret, les propriétés allemandes, qui appartenaient à des personnes physiques et qui avaient été confisquées, furent rendus aux ayants-droit, si ceux-ci résidaient en Grèce avant le 6 avril 1941 et jusqu'à la publication du décret 2912/1954 ou s'ils avaient quitté la Grèce, mais étaient revenus jusqu'au 30 juin 1951 avec l'intention de s'y installer de manière permanente. Au cas où les propriétaires de ces propriétés étaient décédés, le droit de revendiquer la restitution de ces propriété pouvait être exercé par les successeurs de ceux-ci. Le 31 janvier 1972, un décret législatif 1108/1972 « relatif à la restitution des terres agricoles confisquées » prévoyait la restitution de ces terres ainsi que des immeubles (si ceux-ci était situés dans des villages ou des villes dont la population ne dépassait pas 5 000 habitants) à ceux qui furent victimes de confiscations. Le 10 avril 1985, fut adoptée la loi 1540/1985 « portant réglementation du patrimoine des réfugiés politiques », qui rendit aux « réfugiés politiques » les immeubles que l'Etat avait possédés en vertu de certaines lois ou étaient confisqués par des décisions judiciaires ou administratives et leurs propriétaires avaient été emprisonnés, expulsés, exécutés ou poursuivis en Grèce. L'article 9 de la loi supprima le décret 1108/1972. Le 12 juillet 1995, les requérants saisirent le tribunal de grande instance de Florina d'une action par laquelle ils demandaient à être reconnus propriétaires des biens de leurs aïeux qui avaient été confisqués. Par un jugement no 11/1996 du 31 janvier 1996, le tribunal rejeta l'action des requérants. Il releva d'abord que le décret 1108/1972 ne s'appliquait pas aux immeubles situés dans des villes ayant une population de plus de 5 000 habitants. La loi 1540/1985 ne s'appliquait qu'aux réfugiés politiques et non à ceux qui avaient été condamnés pour collaboration avec l'ennemi. Enfin, et en tout état de cause, à supposer même que la loi 1540/1985 trouvait à s'appliquer, l'action devait être déclarée irrecevable car introduite hors du délai requis par la loi, à savoir de cinq à sept ans à compter de sa publication. Le 27 février 1998, la cour d'appel de la Macédoine de l'Ouest confirma le jugement susmentionné. Par un arrêt no 1464/2001 du 18 octobre 2001, la Cour de cassation rejeta le pourvoi des requérants, qui se fondaient sur l'article 4 de la Constitution (interdiction de toute discrimination). Les requérants soutenaient que le décret 1108/1972, qui prévoyait la restitution des immeubles confisquées dans les villes de moins de 5 000 habitants, introduisait une discrimination contraire à cet article de la Constitution. La Cour de cassation releva, à l'instar de la cour d'appel, que l'article 9 de la loi 1540/1985 avait supprimé les dispositions favorables du décret 1108/1972 (dans la mesure où il visait aussi la restitution des propriété aux héritiers de ceux qui avaient été condamnés pour collaboration avec l'ennemi) et, par conséquent, les requérants ne pouvaient pas se fonder sur ses dispositions pour invoquer une discrimination contraire à la Constitution. Outre les procédures judiciaires, les requérants avaient aussi saisi plusieurs instances administratives. Le 5 décembre 1991, la préfecture de Florina les informait que le ministère des l'Economie avait invité les préfectures à éviter de vendre des propriétés de ce type car une réglementation par voie législative était étudiée afin de rendre ces propriétés aux ayants-droit. GRIEF Les requérants allèguent une violation des articles 14 de la Convention et 1 du Protocole no 1, en raison du fait que les propriétés de leur aïeux, confisquées après la seconde guerre mondiale pour actes de collaboration, ne leur furent pas restituées, en vertu de certaines lois qui prévoyaient cette restitution dans certaines conditions.

EN DROIT

Les requérants allèguent que l'article 2 § 2 de la loi 533/1945 est contraire, et a été contraire, à toutes les Constitutions grecques, qui interdisent la confiscation. La persistance de l'Etat de retenir encore les propriétés confisquées après la ratification de la Convention européenne constitue une violation de l'article 1 du Protocole no 1. Enfin, le fait que certaines propriétés, qui étaient confisquées, furent rendus aux ressortissants allemands ainsi qu'aux héritiers des ressortissants grecs condamnés pour collaboration constitue une violation des articles 14 de la Convention et 1 du Protocole no 1. Les articles 14 de la Convention et 1 du Protocole no 1 se lisent ainsi : Article 14 de la Convention « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » Article 1 du Protocole no 1 « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. » La Cour note que la propriété des aïeux des requérants fut confisquée en vertu de l'article 2 § 2 de la loi 533/1945 et par trois arrêts des tribunaux spéciaux en 1945 et 1946. Les 21 juillet 1954 et 31 janvier 1972, deux décrets prévirent, dans certaines conditions, la restitution aux ayants-droit ou à leurs héritiers des propriétés confisquées après la guerre pour acte de collaboration. Ces décrets contenaient des dispositions favorables aux requérants mais, par la suite, le 10 avril 1985, la loi 1540/1985 supprima les décrets susmentionnés. Cette loi prévoyait désormais la restitution aux seuls réfugiés politiques et non à ceux condamnés pour actes de collaboration. La procédure engagée par les requérants devant les juridictions civiles débuta le 12 juillet 1995 et prit fin le 18 octobre 2001, avec l'arrêt de la Cour de cassation, qui constatait que les requérants ne pouvaient pas bénéficier des dispositions favorables du décret 1108/1972 car il était supprimé. La Cour estime que les griefs des requérants échappent à sa compétence ratione temporis parce que relatifs à des faits antérieurs au 20 novembre 1985, date de la prise d'effet de l'acceptation du droit de recours individuel par la Grèce. La déclaration grecque est ainsi libellée : « (...) le Gouvernement de la Grèce reconnaît, pour la période allant du 20 novembre 1985 au 19 novembre 1988, la compétence de la Commission européenne des Droits de l'Homme à être saisie d'une requête adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, postérieurement au 19 novembre 1985, par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers, qui, à raison d'un acte, d'une décision, de faits ou d'événements postérieurs à cette date, se prétend victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention et dans le Protocole additionnel (...) ». A supposer même que les requérants puissent être considérés comme victimes d'une violation de l'article 1 du Protocole no 1, il le seraient devenus le 10 avril 1985, date de l'adoption de la loi 1540/19985 qui supprimait le décret 1108/1972 qui leur était plus favorable. Cependant, à cette date, la Grèce n'avait pas encore reconnu le droit de recours individuel. Les faits constitutifs de l'éventuelle violation se trouvent donc couverts par la limitation temporelle figurant dans la déclaration grecque. Il s'ensuit que ce grief est incompatible ratione temporis avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l'article 35 § 4.

Par ces motifs

, la Cour, à l'unanimité, Déclare la requête irrecevable. Søren Nielsen Françoise Tulkens Greffier adjoint Présidente

Commentaires sur cette affaire

Pas encore de commentaires pour cette décision.
Note...

Décisions de principe similaires

CEDH, Cour (Grande Chambre), AFFAIRE BRONIOWSKI c. POLOGNE, 22 juin 2004, 31443/96
Exception préliminaire rejetée (Article 35-1 - Épuisement des voies de recours internes);Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété (Article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Respect des biens;Biens);Etat défendeur tenu de prendre des mesures générales (Article 46-2 - Mesures générales);Satisfaction équitable réservée (Article 41 - Préjudice moral;Dommage matériel;Satisfaction équitable)
CEDH, Cour (Plénière), AFFAIRE HANDYSIDE c. ROYAUME-UNI, 7 décembre 1976, 5493/72
Non-violation de l'Art. 10;Non-violation de P1-1;Non-violation de l'Art. 14;Non-violation de l'Art. 18
CEDH, Cour (Plénière), AFFAIRE SPORRONG ET LÖNNROTH c. SUÈDE, 23 septembre 1982, 7151/75, 7152/75
Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété (Article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Privation de propriété;Respect des biens);Non-violation de l'article 14+P1-1 - Interdiction de la discrimination (Article 14 - Discrimination) (Article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété;Article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Respect des biens);Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure civile;Article 6-1 - Accès à un tribunal;Droits et obligations de caractère civil;Procès équitable;Audience publique);Satisfaction équitable réservée (Article 41 - Préjudice moral;Dommage matériel;Satisfaction équitable)