COUR D'APPEL DE PARIS ARRET DU 06 FEVRIER 2015
Pôle 5 - Chambre 2 (n°22, 9 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 14/12202
Décision déférée à la Cour : jugement du 13 février 2014 - Tribunal de grande instance de PARIS -3ème chambre 4ème section - RG n°12/10740
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE Société GEEMARC TELECOM INTERNATIONAL LTD, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé Hong Kong LLC 19th Floor Mass Mutual Tower [...] Wandhaï HONG-KONG CHINE Représentée par Me Guillaume MARCHAIS de la SELARL MARCHAIS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 280 Assistée de Me Philippe M plaidant pour la SELARL MARCHAIS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 280
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE Société AUDIOLINE GMBH, société de droit allemand, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé Hellersbergstrasse 2a D-41460 NEUSS ALLEMAGNE Représentée par Me Stéphanie ZELLER, avocat au barreau de PARIS, toque C 1907
COMPOSITION DE LA COUR : Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 17 décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente Mme Sylvie NEROT, Conseillère Mme Véronique RENARD, Conseillère qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole T
ARRET: ContradictoirePar mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
La société Geemarc Telecom International Ltd [ci-après : Geemarc], dont le siège social est à Hong-Kong et qui développe, produit et distribue des téléphones, notamment pour des utilisateurs ayant des problèmes auditifs et visuels, à l'international, a enregistré la marque communautaire « Amplidect », n° 003 603 883, déposée le 09 janvier 2004 pour désigner notamment en classe 9 les « appareils et instruments de télécommunication ; téléphones et répondeurs téléphoniques, pièces et parties constitutives pour tous les produits précités».
La société de droit allemand Audioline GmbH exerçant, de son côté, une activité identique et étant titulaire des marques communautaires, verbale et semi-figurative, « Ampliteq », numéros 006 702 401 et 006 702 674 déposées le 27 février 2008 pour désigner des produits de téléphonie, la société Geemarc, sur la base de sa marque communautaire « Amplidect » a obtenu des juridictions allemandes une mesure d'interdiction d'usage en Allemagne du signe « Ampliteq » dans sa forme verbale et semi-figurative (arrêt confirmatif rendu le 03 novembre 2009 par la cour d'appel de Dusseldorf).
La société Audioline a alors saisi la division d'annulation de l'OHMI afin de voir prononcer l'annulation de la marque « Amplidect » arguant de son caractère descriptif. Formant un recours contre la décision rendue qui rejetait sa demande, la société Audioline a obtenu de la chambre de recours, le 20 novembre 2009, une décision favorable confirmée par arrêt rendu le 23 novembre 2011 par le Tribunal de l'Union Européenne en raison du défaut de distinctivité de la marque pour le public francophone (points 34 et suivants), lequel énonce notamment « que le terme « amplidect » informe immédiatement et sans équivoque le public pertinent de caractéristiques essentielles des produits commercialisés par la requérante et visés par l'enregistrement contesté, à savoir une fonction d'amplification incorporée à un appareil téléphonique et utilisant la technologie dect. Un lien suffisamment direct et concret existe dès lors, du point de vue du public pertinent, entre la marque contestée et ces mêmes caractéristiques» (point 54).
Reprochant à la société Geemarc d'avoir fait fi de cette décision en déposant, dès le 08 décembre 2011, une demande d'enregistrement de marque française « Amplidect » pour désigner en classe 9 les « appareils et instruments de télécommunication ; téléphones et répondeurs téléphoniques ; pièces et accessoires pour tous les produits précités », laquelle a été enregistrée sans modification le30 mars 2012 sous le n° 11 3 880 105, la société Audioline GmbH l'a assignée en annulation de cette dernière marque par exploit du 17 juillet 2013.
Par jugement contradictoire rendu le 13 février 2014, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance :
déclaré recevables les demandes de la société Audioline,
rejeté la demande d'annulation de la marque « Amplidect » n° 11 3 880105 fondée sur la fraude mais annulé son enregistrement pour les produits précités en classe 9 (en raison de son caractère descriptif) en ordonnant la transcription de la décision devenue définitive au Registre national des marques,
rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle
condamné la société Geemarc à verser à la société Audioline la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 05 septembre 2014, la société Geemarc Telecom International Ltd appelante demande pour l'essentiel à la cour, au visa notamment des articles
L 711-4,
L 713-3,
L 714-5 et L 714-5 du code de la propriété intellectuelle,
1382 du code civil,
9,
31,
32-1 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation fondée sur la fraude et :
de déclarer la société Audioline irrecevable à agir,
de déclarer que la marque « Amplidect » n° 11 3 880 105 est valable,
de condamner la société Audioline à lui verser la somme de 50.000 euros pour procédure abusive, outre celle de 30.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 04 novembre 2014, la société de droit allemand Audioline GmbH demande en substance à la cour, au visa des articles
L 711-2,
L 714-3 du code de la propriété intellectuelle et
31 du code de procédure civile, de confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables et, statuant à nouveau, de déclarer frauduleux le dépôt de la marque française litigieuse « Amplidect » en condamnant la société Geemarc à lui verser la somme de 15.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
SUR CE,Sur la procédure
Considérant que
par conclusions de procédure notifiées le 12 décembre 2014 la société Audioline demande à la cour, au visa des articles
15 et
16 du code de procédure civile et de l'ordonnance de clôture rendue le 11 décembre 2014 à 13 heures, de déclarer irrecevables les dernières conclusions au fond (n° 2) de l'appelante comportant plus de 40 pages qui lui ont été notifiées le 10 décembre 2014 à 17 heures 47, certes suivies, à 19 heures 04, de la notification de ces mêmes conclusions comportant une indication apparente des modifications introduites mais qui ne lui ont pas laissé un temps suffisant pour répliquer utilement ;
Qu'elle poursuit également la mise à l'écart des débats des huit pièces nouvellement communiquées (n° 10 à 17) avec ces tardives conclusions en faisant, de plus, valoir qu'elles sont toutes en langue étrangère ;
Considérant que, par conclusions en réplique notifiées ce même 12 décembre 2014, la société Geemarc demande à la cour de déclarer ces conclusions de procédure mal fondées et, à tout le moins, de rejeter les demandes de l'intimée tendant à voir écarter des débats ses dernières écritures et nouvelles pièces communiquées comme portant atteinte au principe du contradictoire ;
Qu'elle tire, pour ce faire, argument du fait que lesdites pièces sont produites en anglais car elles attestent d'un échange dans cette langue entre les parties, de la circonstance que les modifications introduites ont été mises en évidence et communiquées dès 19 heures 04 le 10 décembre 2014, du fait que son adversaire ne précise pas en quoi ces nouvelles conclusions nécessitaient une réponse et porteraient atteinte aux droits de la défense, de l'affirmation selon laquelle lesdites conclusions ne soulèvent aucun moyen nouveau ni prétentions nouvelles ainsi que des réponses procédurales du conseiller de la mise en état acceptant, le 04 décembre 2014, qu'elle réplique et refusant, le 11 décembre 2014, de « décaler la clôture » la veille des plaidoiries ;
Qu'elle ajoute que son adversaire, s'il entend réellement répliquer, dispose de la faculté de solliciter avec son propre accord la révocation de cette ordonnance et le prononcé d'une nouvelle ordonnance de clôture avant le déroulement des débats afin de rendre recevables des conclusions en réponse ;
Considérant, ceci exposé, qu'il est constant que les parties ont été avisées le 07 novembre 2014 du calendrier de procédure fixant la date de clôture au 11 décembre 2014 (date de la dernière audience de mise en état utile puisque la suivante ne se tenait que le 18 décembre, selonl'ordonnance de roulement) et celle des plaidoiries au 17 décembre 2014 ;
Que les dernières conclusions de la société Audioline ont été notifiées le 04 novembre 2014 et que la société Geemarc disposait donc de cinq semaines pour y répliquer et laisser un temps suffisant à son adversaire pour y apporter une éventuelle réponse ; que le caractère tardif de la notification de ces dernières conclusions est d'autant plus surprenant qu'il ressort des pièces de la procédure que le différend entre ces deux sociétés est particulièrement ancien, la société Audioline ayant formé un recours en annulation fondé sur le caractère descriptif des marques « Amplidect »devant l'OHMI le 30 juillet 2008 ;
Que si l'examen des conclusions notifiées le 10 décembre 2014 ne comporte pas, il est vrai, de prétentions nouvelles, il révèle un apport de trois pages supplémentaires et l'introduction de moyens de fait et de droit, tels des éléments relatifs à un projet de joint venture entre les deux sociétés, l'existence de dépôts de la marque « Amplidect » dans divers pays européens à la suite de la décision du TUE, l'absence d'intérêt économique à agir de la société Audioline et la poursuite de procédures devant les juridictions communautaires en dépit de l'interdiction d'usage de la marque « Ampliteq » en Allemagne, ou encore des développements sur l'appréciation de la distinctivité, sur la compréhension du terme « Dect »ou sur les produits couverts par la marque ;
Que la société Audioline que rien n'obligeait à répliquer postérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture et à invoquer, ce faisant, une « cause grave » au sens de l'article
784 du code de procédure civile alors qu'elle avait manifesté par ses conclusions de procédure du 12 décembre 2014 son intention de voir déclarer irrecevables les conclusions de son adversaire, peut, dans ces conditions, légitimement affirmer que la société Geemarc a méconnu le principe du contradictoire et que les droits de la défense ont été bafoués ;
Que les conclusions n°2 tardivement notifiées par la société Geemarc sans qu'elle n'explique même les raisons qui l'ont conduite à laisser s'écouler un délai de cinq semaines pour répliquer seront donc déclarées irrecevables ;
Que les pièces n°10 à 17 tout aussi tardivement communiquées, ceci sans une traduction nécessaire quand bien même le document d'origine serait en langue anglaise, seront, quant à elles et pour ces motifs, écartées des débats ;
Sur les fins de non-recevoir opposées à la société AudiolineConsidérant que la société Geemarc poursuit l'infirmation du jugement qui a considéré que la société Audioline a intérêt à agir en annulation de la marque française « Amplitdect » pour fraude à la loi, d'une part, et pour défaut de caractère distinctif, d'autre part ;
Qu'elle fait valoir, sur le fondement des dispositions combinées des articles
9 et
31 du code de procédure civile, qu'il appartient au demandeur à l'instance de rapporter la preuve d'un intérêt légitime à agir et qu'en matière de propriété intellectuelle cet intérêt suppose, pour qu'il soit reconnu, l'exercice effectif d'une activité concurrente (ou a minima le projet de l'exercer) dans le domaine de la marque attaquée ainsi que l'existence d'un obstacle effectif ; qu'en l'absence de toute activité sur le territoire français ou de projet sérieux d'exploiter et, par conséquent, d'une situation de conflit, ce demandeur perd tout intérêt à agir ; qu'en outre, l'annulation de la marque communautaire n'est pas de nature à conférer un intérêt à agir au demandeur en nullité d'une marque française identique, quand bien même le motif de nullité serait absolu ;
Qu'en l'espèce, expose-t-elle, en l'absence de toute preuve permettant de démontrer de manière irréfutable l'existence d'un projet d'exploitation effectif et viable sur le territoire français, le tribunal ne pouvait que déclarer irrecevable à agir en annulation de la marque française en cause la société Audioline qui ne se prévalait pas, dans ses écritures, d'une exploitation sur le sol français et ne faisait même pas état d'une intention de commercialiser des produits similaires sous une dénomination similaire ;
Que n'est par ailleurs que prétendu, selon elle, l'intérêt à agir en nullité de la marque française sur le terrain de la fraude en l'absence de toute intention frauduleuse de sa part et du caractère autonome de la marque communautaire, l'annulation prononcée par une juridiction différente en application d'un droit différent ne justifiant pas un intérêt à agir de la société Audioline sur ce fondement et les décisions de la chambre d'annulation, de recours et du tribunal de l'UE ne pouvant s'imposer aux juridictions françaises comme un fait juridique ;
Considérant, ceci exposé et s'agissant de l'intérêt à agir en nullité de la marque française « Amplidect »pour dépôt frauduleux, qu'il est constant que l'existence d'un intérêt conditionnant la recevabilité de l'action, au sens de l'article
31 du code de procédure civile, n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de cette action ;
Que ne saurait, dès lors, être contesté l'intérêt à agir sur le fondement du droit commun dont dispose la société Audioline, titulaire des marques communautaires « Ampliteq » précitées et par conséquent de droits subjectifs dont elle peut légitimement rechercher la protection, dès lors que la demanderesse à l'action entend démontrer que l'enregistrement de la marque française « Amplidect » a étéeffectué de mauvaise foi et soumettre à la cour, afin d'emporter sa conviction sur la fraude dont elle se prévaut, ce qu'elle considère comme les éléments propres au cas d'espèce existant au moment du dépôt ;
Que le tribunal a donc, à juste titre, rejeté cette première fin de non-recevoir ;
Que, s'agissant de l'intérêt à agir en nullité de cette marque française « Amplidect » du fait de son inaptitude intrinsèque à constituer une marque tenant à son défaut de caractère distinctif, motif absolu d'annulation selon le règlement communautaire sur la marque, la société Geemarc n'est pas fondée à opérer, comme elle le fait, « un rapprochement » avec les conditions de recevabilité de l'action en déchéance des droits sur une marque pour défaut d'exploitation, ouverte à « toute personne intéressée » déterminée selon des critères propre à cette action particulière, dans la mesure où cette autre action ne tend pas à contester la validité de la marque mais à permettre à un opérateur économique de faire usage du signe sans être entravé par les droits du propriétaire qui s'abstient d'en faire un usage sérieux pour les produits et services visés à l'enregistrement ;
Que la société Audioline objecte à juste titre que l'article
L 714-3 du code de la propriété intellectuelle ne soumet l'action en nullité à aucune condition particulière, prévoyant même que le ministère public puisse agir d'office ;
Qu'à cet égard, il résulte des enseignements de la juridiction communautaire se prononçant sur l'article 3 § 1 sous c) de la directive 89/104/ CEE à la lumière de laquelle doit être interprété le droit national qu'à travers cet article « la directive poursuit un but d'intérêt général » et que celui-ci « exige que les signes ou indications descriptives des catégories de produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous (... ) » [CJUE, 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee Produktions, point 25] ;
Que l'intérêt s'appréciant à la date d'introduction de la demande, la société Audioline qui a été considérée comme recevable à défendre l'intérêt général et, qui plus est, comme fondée en sa demande d'annulation des marques communautaires en raison de leur caractère descriptif du point de vue du public pertinent devant les juridictions communautaires, doit être considérée comme recevable à agir devant la présente juridiction nationale afin d'obtenir une décision statuant dans le même sens ;
Qu'il en résulte que le jugement doit aussi être confirmé en ce qu'il a rejeté cette autre fin de non-recevoir ;Sur la demande d'annulation tirée du caractère frauduleux du dépôt de la marque française « Amplidect »
Considérant que, formant appel incident, la société Audioline poursuit l'infirmation du jugement qui a considéré que la fraude ou l'abus n'étaient pas suffisamment caractérisés pour justifier l'annulation de l'enregistrement de la marque « Amplidect » et reprend, pour ce faire, la motivation du TUE au point 54 de son arrêt du 23 novembre 2011 sus-énoncée en considérant que c'est au mépris de l'autorité de chose jugée attachée aux décisions communautaires que l'appelante a procédé à cet enregistrement, quinze jours après le prononcé de cet arrêt ;
Qu'elle se fonde sur l'article 112 du règlement sur les marques qui vise, selon elle, à éviter que par le biais d'une transformation de la marque communautaire en marque nationale, il soit fait obstacle aux décisions communautaires et, en particulier, à celles qui prononcent l'annulation d'une marque dont les motifs ont une force obligatoire et s'imposent en tant que faits juridiques aux juridictions nationales ;
Qu'il ne peut être opposé à son grief, ajoute-t-elle, l'argument tiré de l'indépendance des systèmes de marque, communautaire et nationaux, dès lors que les conditions de validité d'une marque, le contenu normatif, y sont identiques et que pour assurer une bonne administration de la justice, l'efficacité de leur coexistence, il convient d'interpréter de manière analogue le règlement et la directive rapprochant les législations ;
Mais considérant qu'il ressort de l'argumentation de la société Audioline qu'elle ne conteste pas le jugement en ce qu'il énonce que les systèmes, communautaire et nationaux, sont indépendants ;
Que l'article 112 § 2 sous b) du règlement (UE) du 26 février 2009 invoqué vise non point le dépôt d'une marque nationale identique couvrant les mêmes produits et services et appelée à produire des effets juridiques à la date de son nouveau dépôt mais la « transformation en demande de marque nationale » qui, selon son paragraphe 3, « bénéficie, dans l'Etat membre concerné, de la date de dépôt ou de la date de priorité de cette demande ou de cette marque et, le cas échéant, de l'ancienneté d'une marque de cet Etat revendiquée conformément à l'article 34 ou à l'article 35 »;
Que la société Geemarc n'ayant pas déposé de requête aux fins d'une telle transformation ne peut se voir opposer les dispositions de cet article 112 ;
Qu'il n'est, par ailleurs, pas démontré qu'en soi, le dépôt de la marque française « Amplidect » n° 11 3 880 105, le 08 décembre 2011, révèle l'intention de nuire qui caractérise la fraude si bien que la sociétéAudioline échoue en son moyen et que le jugement qui en décide ainsi doit être confirmé ;
Sur la demande d'annulation tirée du caractère descriptif de la marque française « Amplidect »n° 11 3 880 105
Considérant que la société Geemarc appelante reproche au tribunal d'avoir dénaturé les faits qui lui étaient soumis et commis une erreur de droit en se plaçant au moment de l'usage de la marque « Amplidect » pour définir les produits visés au dépôt et pour apprécier le public pertinent ;
Que, rappelant les objectifs qui sous-tendent les motifs de refus d'enregistrement énoncés aux articles
L 711-1 et
L 711-2 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, à savoir la garantie de la fonction essentielle de la marque et la prohibition de l'appropriation d'une terminologie indispensable pour définir des produits et services et leurs caractéristiques, elle entend démontrer que la marque en cause, simplement évocatrice ou suggestive, est apte à distinguer les produits et services qu'elle désigne de ceux d'une autre entité économique et que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal dont la religion a été trompée par la société Audioline, ce signe n'est pas purement descriptif des produits couverts ou d'une de leurs caractéristiques puisqu'il n'est tout simplement pas compris par le public français ;
Que se référant à diverses décisions communautaires, l'appelante fait, en particulier valoir que si le terme « Amplidect » devait évoquer l'une des qualités des produits désignés - ce qu'elle conteste puisque le terme d'attaque « ampli », exploité dans le secteur de l'électroacoustique n'est pas usuel dans celui de la téléphonie et que, par ailleurs, l'acronyme anglophone « dect » désignant, dans l'une de ses possibles acceptions, une norme de téléphonie numérique sans fil ne sera pas compris (ainsi que corroboré par une enquête Opinionway qu'elle a fait réaliser) par le public pertinent, à savoir le consommateur français d'attention moyenne auquel sont destinés les produits de consommation courante en cause - la combinaison des deux mots composant le signe litigieux et qui doit être appréciée en contemplation de sa construction, bilingue et inhabituelle, et des produits désignés dans l'acte de dépôt, et non point de l'usage qui est fait de la marque, résulte d'une association qui n'est ni évidente, ni logique, ni de nature à transmettre, sans effort de réflexion, une information précise ;
Que citant, en particulier, le point 40 de l'arrêt Procter & Gamble Company rendu le 20 septembre 2001 par la CJCE selon lequel :
« Tout écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l'enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans lelangage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles est propre à conférer à ce syntagme un caractère distinctif lui permettant d'être enregistré comme marque »
elle déduit de sa démonstration que le signe « Amplidect » est apte à attribuer aux produits désignés une origine commerciale unique ;
Considérant, ceci exposé, que l'appelante ne peut être suivie lorsqu'elle affirme que la marque « Amplidect » est composée de deux éléments en eux-mêmes distinctfs pour les produits qu'ils visent ;
Qu'en effet, elle ne peut valablement soutenir en se référant à une définition du dictionnaire Larousse que le terme « ampli » qui constitue l'abréviation du terme amplificateur n'est employé que dans le secteur électroacoustique, dans le domaine musical, et en aucun cas dans celui de la téléphonie dès lors que, comme d'autres, le dictionnaire Le Robert (2007) le définit beaucoup plus largement, à savoir : « appareil ou dispositif destiné à augmenter l'amplitude d'un phénomène (oscillations électriques en particulier) et qui fournit une puissance utile de sortie supérieure à la puissance d'entrée » ; que la société intimée fait, en outre, pertinemment valoir, en en justifiant (pièces 12 à 17), que le terme est employé dans de nombreux domaines et qu'en règle générale, les téléphones disposent aujourd'hui d'un haut parleur qui comporte généralement un ampli intégré, ou amplificateur, nécessaire à son bon fonctionnement ;
Qu'il s'en déduit que, pour les produits visés à l'enregistrement, le terme « ampli » qui en constitue une caractéristique doit être considéré comme descriptif ;
Qu'il en va de même du terme « Dect » ( i.e. : digital enhanced cordless téléphone, soit : téléphone sans fil numérique,) représentant une norme de téléphone numérique utilisée depuis 2000 dans la mesure où il s'agit d'une caractéristique essentielle des modèles de téléphones sans fil (pièces 18 à 25 de l'intimée) ;
Qu'à cet égard, c'est en vain que la société Geemarc tire argument d'une enquête de notoriété réalisée à sa demande en novembre 2012 par l'institut de sondage Opinionway (pièce 9.2) sur un échantillon de 1.524 personnes sans établir que le panel de la population interrogée correspond au public pertinent, lequel est, d'une manière générale, constitué par le consommateur moyen de la catégorie de produits concernés, normalement informé et raisonnablement attentif (CJCE, 06 mai 2003, Libertel) ; qu'il peut être ajouté qu'au point 55 de l'arrêt précité rendu le 23 novembre 2011, le TUE énonce :
« Ainsi que le fait remarquer à juste titre l'OHMI, la marque contestée présente un caractère descriptif plus marqué encore du point de vuedes consommateurs souffrant de déficiences auditives, qui forment une partie de la clientèle (de la société Geemarc). En effet, la perception d'une marque par le public pertinent est influencée par son niveau d'attention qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause » ;
Que s'agissant, enfin, du terme « amplidect » pris dans son ensemble et comme le rappelle la société Audioline, les critères d'appréciation de la distinctivité des marques composées d'éléments en eux-mêmes non distinctifs tels qu'initialement posés par la juridiction communautaire et qui s'imposent aux juridictions nationales ont connu une évolution marquée par une élévation du degré d'exigence relatif à l'écart perceptible, lequel se doit désormais d'être significatif, puisqu'elle en est venue à énoncer qu' :
« en règle générale, la simple combinaison d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé reste elle-même descriptive desdites caractéristiques » (CJCE, 12 février 2004, Postkantoor, point 40)
et que l'écart perceptible entre le mot et la simple somme des éléments qui la composent :
« suppose soit que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments, soit que le mot est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre, en sorte qu'il est désormais autonome par rapport aux éléments qui la composent. Dans ce dernier cas, il y a lieu alors de vérifier si le mot qui a acquis une signification propre n'est pas lui- même descriptif au sens de la même disposition » (CJCE, 25 février 2010, Lancôme (Color Edition), point 62) ;
Qu'en l'espèce, la société Geemarc ne peut valablement soutenir que la construction du néologisme « Amplidect » constitue « un assemblage inhabituel tant du point de vue lexical que grammatical », de fantaisie, lui permettant d'être considéré comme distinctif dans la mesure où la signification qui en résulte est claire et que terme ne répond pas aux critères d'appréciation posés dans le dernier état de la jurisprudence communautaire pour être considéré comme distinctif ; qu' en effet, en présence de ce néologisme juxtaposant purement et simplement les deux termes descriptifs qui le composent, peu important le registre lexical duquel chacun est issu, le public pertinent ci-dessus défini percevra, sans effort de réflexion, les caractéristiques du produit couvert par l'enregistrement, à savoir une fonctiond'amplification incorporée à un appareil téléphonique et utilisant la technologie Dect ;
Que la société Geemarc ne démontre pas davantage que le terme « Amplidect » est désormais autonome par rapport aux éléments qui le composent et qu'est sans portée l'argument selon lequel elle aurait pu employer la terminologie « Amplitel » plutôt qu' »Ampldect » puisqu'il est contant qu'en au moins une de ses significations potentielles il désigne une caractéristique des produits concernés ;
Qu'il y a lieu, par conséquent, de considérer que le terme « Amplidect » est descriptif du point de vue du public pertinent et que le jugement qui en dispose ainsi doit être confirmé ;
Sur les autres demandes
Considérant que la teneur du présent arrêt ne permet pas d'accueillir la demande indemnitaire que présente à nouveau la société Geemarc sur le fondement de l'abus de procédure ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Audioline la somme complémentaire de 8.000 euros par application de l'article
700 du code de procédure civile ;
Que la société Geemarc qui succombe, déboutée de sa demande de ce dernier chef, supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les conclusions signifiées le 10 décembre 2014 par la société Geemarc Telecom International Ltd et écarte des débats les pièces n°10 à 17 tardivement communiquées par celle-ci ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant ;
Condamne la société Geemarc Telecom International Ltd à verser à la société Audioline GmbH la somme complémentaire de 8.000 euros par application de l'article
700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement, par application de l'article
699 du code de procédure civile.