Cour d'appel de Versailles, Chambre 14, 5 octobre 2017, 16/08659

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    16/08659
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Chartres, 19 octobre 2016
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/60330f995114ce81a51d586f
  • Président : Monsieur Jean-Michel SOMMER
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2019-01-31
Cour d'appel de Versailles
2017-10-05
Tribunal de commerce de Chartres
2016-12-01
Tribunal de commerce de Chartres
2016-10-19

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 00A 14e chambre

ARRÊT

N° contradictoire DU 05 OCTOBRE 2017 R.G. N° 16/08659 AFFAIRE : SASU RV HUETprise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège C/ SAS ROULIN SECHOIRS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chartres du 1er décembre 2016 Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 19 Octobre 2016 par le Président du tribunal de commerce de CHARTRES N° RG : 2016-00402 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Bruno GALY Me Bertrand LISSARRAGUE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE CINQ OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : SASU RV HUET prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 1] [Adresse 1] Représentée par Me Bruno GALY de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000002 - N° du dossier 19140 APPELANTE **************** SAS ROULIN SECHOIRS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chartres du 1er décembre 2016 N° SIRET : 483 403 499 [Adresse 2] [Adresse 2] Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757367 assistée de Me Nicolas DE LA TASTE, avocat au barreau de NANTES Monsieur [K] [J] ès qualités d'administrateur du redressement judiciaire de la société ROULIN SECHOIRS, désigné en cette qualité par jugement du tribunal de commerce de Chartres du 1er décembre 2016 de nationalité française [Adresse 3] [Adresse 3] Représenté par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757367 assisté de Me Nicolas DE LA TASTE, avocat au barreau de NANTES SELARL P.J.A. ès qualités de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de la société ROULIN SECHOIRS ,désigné en cette qualité par jugement du tribunal de commerce de Chartres du 1er décembre 2016 [Adresse 4] [Adresse 4] [Adresse 3] Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757367 assistée de Me Nicolas DE LA TASTE, avocat au barreau de NANTES INTIMES **************** Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 juin 2017, Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, Madame Florence SOULMAGNON, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE FAITS ET PROCÉDURE , La société Roulin Sechoirs est notamment spécialisée dans la construction de silos et de séchoirs à céréales. Son siège social se trouve à [Localité 1]. Elle a engagé le 15 septembre 2008 M. [R] en qualité de responsable d'atelier, par contrat à durée indéterminée. Un avenant au contrat de travail a été régularisé le 16 décembre 2011, M. [R] étant promu responsable commercial et des réalisations. M. [R] a donné sa démission le 8 janvier 2014 et a quitté la société le 11 avril suivant. Il a saisi le conseil des prud'hommes le 4 décembre 2014 afin de voir requalifier sa démission en prise d'acte de la rupture de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités, se plaignant de n'avoir pas été rémunéré pour la charge de travail assumé et d'avoir été contraint de démissionner face à une situation intenable. Le 5 juin 2014, M. [R] a immatriculé sa propre société, RV [R], notamment spécialisée dans la fabrication de pièces agricoles, le montage de matériel de manutention et de stockage des céréales, basée à proximité de la société Roulin Sechoirs, à [Localité 2]. Se plaignant d'agissements concurrentiels déloyaux commis par la société RV [R], notamment à travers son site internet et de débauchage de salariés, la société Roulin Sechoirs a saisi le 18 février 2016 le président du tribunal de commerce de Chartres d'une requête sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, afin de voir désigner un huissier de justice chargé de rechercher au siège de la société RV [R] et de la société Mothu, partenaire et sous-traitant de la société RV [R], des éléments de preuve des agissements déloyaux dénoncés. Par ordonnance du 19 février 2016, le président du tribunal a accueilli la demande de la société Roulin Sechoirs. Les opérations de constat se sont déroulées le 2 mars 2016. Le 19 mai 2016, la société Roulin Sechoirs a fait assigner en référé Monsieur [R] et la société RV [R] aux fins de les voir contraints à cesser leurs agissements concurrentiels déloyaux. Par acte du 9 juillet 2016, M. [R] et la société RV [R] ont saisi le président du tribunal de commerce de Chartres en rétractation de l'ordonnance sur requête du 19 février 2016. Par ordonnance du 19 octobre 2016, le juge de la rétractation a : - déclaré la société Roulin Sechoirs recevable mais mal fondée en son exception d'incompétence rationae materiae ; - s'est déclaré compétent pour recevoir la demande de la société RV [R] ; - dit recevable mais partiellement fondée la demande de la société RV [R] ; - constaté la régularité de la requête du 18 février 2016 ; - confirmé l'ordonnance sur requête rendue le 19 février 2016 ; - débouté les parties de leurs autres demandes ; - débouté la société Roulin Sechoirs de toutes ses autres demandes ; - condamné la société Roulin Sechoirs aux dépens. Par jugement du 1er décembre 2016, le tribunal de commerce de Chartres a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Roulin Sechoirs et désigné maître [J] en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl PJA en qualité de mandataire judiciaire. Par déclaration en date du 7 décembre 2016, la société RV [R] a relevé appel de l'ordonnance du 19 octobre 2016. Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe le 16 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, elle demande à la cour : - de rétracter l'ordonnance

; En conséquence

, - de déclarer nul le procès-verbal de constat de M. [G], huissier de justice, établi le 2 mars 2016 ; - d'en interdire, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, tout usage, et en particulier de le produire dans quelque instance judiciaire que ce soit ; Reconventionnellement, - de condamner M. [K] [J] ès qualités et la société Roulin Sechoirs à payer à la société RV [R] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. La société appelante soutient essentiellement : - que l'action a été engagée, ainsi qu'il résulte de l'assignation, devant le président du tribunal de commerce, auteur de l'ordonnance sur requête, avec la mention qu'il était saisi d'une demande en rétractation, et au visa des articles 493 et suivants du code de procédure, selon une procédure en la forme des référés ; que dès lors l'action en rétractation est recevable ; - que les motifs avancés dans la requête, tels que l'action en concurrence déloyale alléguée, la nécessité d'obtenir des copies de fichiers informatiques, le risque de perte d'efficacité d'une mesure non contradictoire, la plus grande chance de succès d'une mesure contradictoire, le risque prétendu de destruction d'éléments, n'étaient pas suffisants pour que la société Roulin Sechoirs soit légitime à obtenir une mesure non contradictoire ; - que n'a pas été préalablement sollicitée la remise spontanée des documents concernés ni tenté d'obtenir le consentement du requis ; - que la société Roulin Sechoirs n'a pas respecté l'obligation édictée à l'article 494 alinéa 2 du code procédure civile qui oblige l'auteur de la requête, lorsqu'une instance est en cours, à en référer au président la juridiction saisie ; que l'objet de la mesure consistait en réalité à utiliser les éléments recherchés contre M. [R], et non contre la société RV [R], dans le procès de droit du travail ; - que l'article 145 du code de procédure civile ne donne pas de pouvoirs de perquisition aux huissiers de justice. La société Roulin Sechoirs et les organes de la procédure collective, aux termes de leurs dernières conclusions reçues au greffe le 15 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour de : A titre principal, - constater que la société RV [R] a assigné la société Roulin Sechoirs en rétractation de l'ordonnance rendue par le juge des requêtes le 19 février 2016 devant le juge des référés ordinaire; - constater que le juge des référés est dépourvu du pouvoir de statuer sur la demande en rétractation formulée par la société RV [R] ; En conséquence, - réformer l'ordonnance de référé du 19 octobre 2016 en ce qu'elle a constaté la compétence du juge des référés ordinaire pour statuer sur le demande en rétractation formulée par la société RV [R] ; - débouter la société RV [R] dans ses demandes ; A titre subsidiaire, - constater la régularité de la requête du 18 février 2016, en conséquence, confirmer l'ordonnance du 19 octobre 2016 ; - débouter la société RV [R] de toutes ses demandes ; En tout état de cause, - condamner la société RV [R] à verser à la société Roulin Sechoirs la somme de 5 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Les intimés soutiennent essentiellement : - que l'appelante a délivré à la société Roulin Sechoirs une assignation en référé et non « comme en matière de référé » ; que le président du tribunal de commerce de Chartres n'est pas identifié comme intervenant en sa qualité de juge des requêtes ; or le juge des référés, saisi par la société [R], ne pouvait pas se prononcer sur sa demande en rétractation ; qu'en effet, la demande de la société RV [R] excède incontestablement les pouvoirs impartis au juge des référés ; A titre subsidiaire, - que, contrairement à ce que prétend l'appelante, l'article 494 du code de procédure civile n'imposait nullement à la concluante d'informer le juge des requêtes de l'existence du contentieux prud'homal ; - que des mesures d'instruction prévues à l'article 145 du code de procédure civile peuvent être ordonnées par voie de requête lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; - qu'aux termes de sa volumineuse requête, la société Roulin Sechoirs s'est efforcée de démontrer avec précision les faits particulièrement révélateurs qui l'ont alertée sur les agissements déloyaux commis par la société RV [R] et son dirigeant ; qu'il en résulte la nécessité que la mesure d'instruction soit ordonnée de manière non contradictoire, au risque d'une dissimulation de l'ensemble des informations de nature à démontrer les comportements concurrentiels déloyaux de la société RV [R] et de son dirigeant ; - que le champ d'investigation de l'huissier de justice a été rigoureusement encadré, tant par les termes de la requête que ceux de l'ordonnance ; - qu'en encadrant les modalités d'exercice de la mission de l'huissier de justice, les termes de la requête enjoignent bien l'huissier de justice de solliciter une remise spontanée des documents intéressant sa mission ; - qu'aux termes du procès-verbal de l'huissier de justice, la mission s'est déroulée sans heurts ni difficultés. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er juin 2017. MOTIFS DE LA DECISION I- Sur la fin de non-recevoir tirée d'un défaut de pouvoir du juge saisi La société Roulin Sechoirs soutient à titre principal que le juge de la rétractation n'est pas le juge des référés ordinaire mais le juge qui a rendu la requête, qu'il doit être saisi par une assignation 'comme en matière de référé' ; qu'en l'espèce, la société RV [R] a fait délivrer une assignation en référé devant le président du tribunal de commerce qui n'est pas identifié comme juge des requêtes ; que par suite, celui-ci n'avait pas le pouvoir, du fait de cette saisine, de se prononcer sur la demande de rétractation. La société RV [R] souligne que le juge a été saisi d'une demande de rétractation au visa des articles 493 et suivants du code de procédure civile, rappelle qu'il n'existe pas de juridiction autonome du président du tribunal statuant sur requête, qu'il exerce en l'espèce un pouvoir particulier qui lui est conféré, que la prétendue irrégularité constitue un simple problème de formalisme, alors même qu'il n'est nullement exigé que l'assignation comporte la mention 'comme en matière de référé'. L'assignation litigieuse est intitulée 'Assignation en rétractation devant le président du tribunal de commerce de Chartres' et vise expressément les articles 493 et suivants du code de procédure civile. Il est inexact pour la société intimée de prétendre que le juge aurait dû être saisi 'comme en matière de référé', dès lors que le juge des requêtes, saisi d'une demande de rétractation de l'une de ses ordonnances, ne peut statuer qu'en référé, en exerçant les pouvoirs que lui confère exclusivement l'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile, peu important l'intitulé de l'assignation (Civ. 2ème, 19 février 2015, n°13-28.223). Il n'est pas contestable, qu'en l'espèce, le juge saisi a effectivement exercé les pouvoirs qui lui sont attribués par les textes sur les ordonnances sur requête, que la décision qu'il a rendu est par nature provisoire, étant rappelé que le juge de la rétractation ne statue pas 'au fond' comme un juge saisi 'en la forme des référés', et que dans le recours-rétractation, il s'agit simplement de ressaisir le même juge pour qu'un débat contradictoire ait lieu sur la même demande. La fin de non-recevoir soulevée sera donc écartée. L'ordonnance déférée sera réformée en ce qu'elle a dit recevable mais mal fondée la société Roulin Sechoirs en son exception d'incompétence rationae materiae et a déclaré le tribunal compétent pour recevoir la demande en rétractation de la société RV [R], la question posée ne relevant pas de la compétence du juge mais de l'étendue de ses pouvoirs. La cour relève cependant qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du premier juge, saisi par la société intimée d'une demande fondée sur l'article 873 du code de procédure civile pour faire cesser le trouble manifestement illicite subi, de statuer sur une telle demande, laquelle a été certes rejetée mais n'était en réalité pas recevable dans l'instance en rétractation. L'ordonnance déférée sera donc également réformée sur ce point. II- Sur les mérites de la requête Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'. Le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement. Le motif légitime existe dès lors que l'action éventuelle au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec et que la mesure demandée est utile et améliore la situation probatoire des parties. Au sens de l'article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile, elles ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur, étant rappelé que la protection du secret des affaires ne constitue pas en soi un obstacle à une mesure d'instruction in futurum. Au soutien de sa demande de rétractation de l'ordonnance sur requête, la société [R] invoque plusieurs moyens : 1- la violation de l'article 494 alinéa 2 du code de procédure civile L'article 494 du code de procédure civile dispose : ' La requête est présentée en double exemplaire. Elle doit être motivée. Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées. Si elle est présentée à l'occasion d'une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie. (...)'. L'appelante fait valoir que les dispositions de l'article 494 alinéa 2 n'ont pas été respectées, la société Roulin Sechoirs ayant omis d'informer le juge des requêtes de l'existence d'une instance prud'homale en cours depuis 2014, l'objet de la mesure sollicitée étant clairement d'utiliser les éléments recherchés contre M. [R] dans le procès de droit du travail, à telle enseigne que l'intimée s'est fondée précisément sur le procès verbal de constat de l'huissier de justice pour solliciter à titre reconventionnel des dommages et intérêts. Ce moyen est inopérant, la requête ayant été présentée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, soit avant tout procès, et non dans le cadre d'une instance en cours, pour servir un éventuel procès en concurrence déloyale qui n'oppose pas les mêmes parties. 2- l'absence de circonstances justifiant la dérogation au principe de la contradiction La société [R] fait valoir que tant la motivation de l'ordonnance que celle de la requête pour justifier du recours à une mesure non contradictoire ne satisfont pas aux exigences de la Cour de cassation, citant en particulier les arrêts des 19 mars 2015 et 23 septembre 2014. Elle s'abstient toutefois de préciser en quoi les motivations sont insuffisantes pour satisfaire au critère exigé, faisant néanmoins grief à l'ordonnance d'avoir refusé la rétractation à raison d'un risque de dissimulation d'informations. Les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance. L'ordonnance vise la requête et les pièces et énonce au titre des circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction : 'en particulier le fait que la mesure d'instruction a plus de chance d'être efficace si elle est réalisée sans que la société RV [R] et la société Mothu en soient averties préalablement, s'agissant de l'examen de documents et correspondances, quel que soit le support, facilement transportable, et à l'effet de préserver un maximum leur intégrité et compte tenu de la proximité géographique des deux sociétés'. La requête fait état des soupçons de la société Roulin Sechoirs du détournement de son savoir-faire industriel, technique et commercial par son ancien salarié, M. [R], qui a implanté sa société à une vingtaine de kilomètres de son ancien employeur, de la possibilité de retrouver au siège des sociétés RV [R] et Mothu des documents et fichiers lui appartenant et exploités au nom de la société RV [R] ainsi que des éléments de preuve sur le débauchage de ses salariés, insistant sur la nécessité de procéder de manière non contradictoire, 'au risque sinon que les défendeurs utilisent le temps d'une procédure habituelle de référé pour dissimuler l'ensemble des informations précédemment identifiées' permettant de démontrer les agissements déloyaux de la société RV [R] et de son dirigeant. Il est notamment démontré à travers la consultation du site internet de la société RV [R] et le constat d'huissier dressé le 11 décembre 2015 par maître [C], que ladite société procède à une présentation trompeuse de son activité en s'appropriant l'expérience de la société Mothu, spécialisée en serrurerie et métallerie et implantée à la même adresse, qu'elle présente des photographies de produits appartenant à la société Roulin Séchoirs et utilise un code couleur vert mis au point par cette dernière, la couleur étant identifiée 'vert roulin', qu'elle seule utilise dans son secteur d'activité, que dans la présentation de son équipe figurent plusieurs de ses anciens salariés ou des salariés de l'un de ses sous-traitants habituels, la société Meka-Nord. Ces circonstances particulières, étayées par les pièces produites au soutien de la requête, justifient la dérogation au principe de la contradiction, s'agissant d'actes visant à détourner les ressources matérielles et humaines de la société Roulin Sechoirs, que seules des mesures d'investigation réalisées sans que la partie adverse n'en soit avertie sont susceptibles de révéler, y compris dans leur ampleur, eu égard à la nature même des documents ayant vocation à être appréhendés (email, dossiers et fichiers informatiques...) qui rendent leur dissimulation et/ou leur destruction très aisée et rapide à mettre en oeuvre. 3- l'étendue de la mesure et des pouvoirs confiés à l'huissier de justice La société appelante, se référant à un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 16 mai 2012, dénonce l'étendue des pouvoirs confiés à l'huissier de justice qu'elle qualifie de pouvoirs de perquisition, critiquant en particulier l'ordonnance sur requête en ce qu'elle n'oblige pas l'huissier de justice à solliciter préalablement la remise spontanée des documents concernés et à obtenir le consentement du requis. L'arrêt auquel se réfère la société [R] sanctionne l'autorisation expresse donnée par le juge à l'huissier de justice de fouiller à son gré les locaux d'une société concurrente afin de saisir 'tout document social, fiscal, comptable, administratif, de quelque nature que ce soit', sans avoir préalablement sollicité la remise spontanée des documents concernés. La situation se présente différemment en l'espèce, les mesures d'instruction réclamées, quelle qu'ait pu être leur étendue, étant circonscrites aux faits litigieux décrits dans la requête dont pourrait dépendre la solution du litige, l'ordonnance ayant autorisé de surcroît l'huissier de justice à prendre copie des documents identifiés 'ou s'en faire remettre copie'. La mission confiée à l'huissier de justice est en effet limitée à la recherche d'informations concernant le débauchage de salariés de la société requérante, la commande de peinture correspondant au code couleur mis au point par la société Roulin Sechoirs et l'utilisation de documents et fichiers appartenant à la société requérante en vue de leur exploitation commerciale. La mesure d'instruction critiquée ne s'analyse donc pas une mesure générale d'investigation excédant les prévisions de l'article 145 du code de procédure civile. En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a écarté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête. L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a confirmé l'ordonnance sur requête rendue le 19 février 2016 et pour le surplus qui n'est pas spécialement critiqué. Il sera alloué à la société Roulin Sechoirs la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, RÉFORME partiellement l'ordonnance rendue le 19 octobre 2016, DIT n'y avoir lieu à statuer sur une exception d'incompétence rationae materiae, DÉBOUTE la société Roulin Sechoirs de la fin de non-recevoir soulevée, tirée du défaut de pouvoir du juge saisi, DÉCLARE recevable la demande en rétractation de l'ordonnance sur requête du 19 février 2016, LA REJETTE, CONDAMNE la société RV [R] à payer à la société Roulin Sechoirs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE toute autre demande, DIT que les dépens seront supportés par la société RV [R] et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, pour le président empêché et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier,Le conseiller, pour le président empêché,