CJUE, 28 avril 1977, 111-76

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Texte intégral

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS, PRÉSENTÉES LE 28 AVRIL 1977 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, La demande de décision préjudicielle formée par la cour d'appel d'Amsterdam trouve son origine dans une procédure pénale intentée devant le juge de police économique du tribunal d'arrondissement de Harlem contre le sieur Beert van den Hazel, directeur de la société van den Hazel, Oostzaan BV, pour avoir contrevenu aux dispositions de l'article 2, paragraphe 1, du règlement relatif à la production dans le secteur de la volaille d'abattage pour 1974. Ce règlement néerlandais, édicté le 1er mai par le Produktschap voor pluimvee en eieren, Office national de droit public (réglementant le secteur de la viande de volaille et des œufs), et publié le 6 mai, avait pour objet de remédier à la baisse des cours de la viande de volaille consécutive à la surproduction constatée sur le marché communautaire de ce produit. En vertu de ce règlement, qui ne retient que des critères quantitatifs applicables à la production à l'exclusion de toute norme de qualité ou de commercialisation, interdiction était faite, pendant chaque mois du deuxième semestre 1974, d'abattre plus de poulets de chair que la quantité correspondant au poids vif fixé par le Produktschap à 80 % de la moyenne du tonnage de poulets de chair vivants, déclaré mensuellement pendant une période de référence allant du 1er juillet 1972 au 1er janvier 1974. Les infractions à ce règlement sont punissables d'amendes et, à défaut de paiement, d'emprisonnement. Or, il a été établi devant la juridiction de première instance que, pour le mois de juillet 1974, la société van den Hazel, Oostzaan, avait abattu une quantité de poulets de chair correspondant à un poids vif de plus de 684 tonnes, alors qu'en vertu des prescriptions réglementaires elle n'aurait pas dû dépasser, conformément au «formulaire d'allocation» notifié par l'office interprofessionnel, 396 tonnes 470 kg. Cette infraction a été sanctionnée par une amende de 1000 florins à la charge du sieur Beert van den Hazel. Mais, sur appel du ministère public qui nourrissait des doutes sur la compatibilité du règlement national avec les dispositions du droit communautaire, soit tant le règlement du Conseil no 123/67 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille que les articles 30 à 37 du traité de Rome, la cour d'appel d'Amsterdam a sursis à statuer et vous a posé la question préjudicielle suivante: «La réglementation prévue par le règlement de 1974, relatif à la production dans le secteur de la viande de volaille, édicté par le Produktschap compétent, doit-elle être jugée contraire au règlement no 123/67 du Conseil ou aux articles 30 à 37 du traité instituant la Communauté économique européenne?» Il va de soi, Messieurs, que la question doit être redressée, car vous ne pouvez apprécier directement la validité, au regard du droit communautaire, d'un règlement national. Mais vous pouvez et même vous devez interpréter le droit communautaire en vue de permettre au juge néerlandais de se prononcer lui-même sur la compatibilité du texte national avec les dispositions applicables du droit communautaire. Avant de l'interpréter, il convient évidemment d'analyser la réglementation communautaire en cause. L'organisation de marché dans le secteur de la viande de volaille a été instituée par un règlement du Conseil no 123/67, analogue, en ses dispositions générales, à l'organisation commune dans le secteur des œufs. Ces deux réglementations ainsi que celle relative à la viande de porc s'inscrivent d'ailleurs dans le prolongement de l'organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, règlement qui porte le no 120/67. Toutes ces réglementations ont fait l'objet d'une publication au même Journal officiel du 19 juin 1967. Il convient de préciser que le règlement qui nous intéresse a été, comme d'ailleurs les autres textes qui lui sont liés, modifié à plusieurs reprises, puis enfin codifié par le règlement no 2777/75. Mais il est important de se reporter au texte initial pour constater que cette organisation des marchés dans le secteur de la viande de volaille ne comporte aucun système d'intervention, sous quelque forme que ce soit; en d'autres termes, les producteurs ne peuvent vendre leurs produits à des organismes d'intervention à un prix garanti; il n'existe pas non plus d'aides au stockage. Dans ses propositions au Conseil, la Commission a justifié cette absence de tout recours à l'intervention par les considérations suivantes: - nature de la production; - structure de celle-ci et de la commercialisation, eu égard aux techniques employées par les agents économiques; - enfin, part importante des éléments variables dans les coûts de production. De ceci, il résulte que, en ce qui concerne les échanges avec les États tiers, l'organisation de marché se limite à l'institution de prélèvements dont le montant varie en fonction des cours du marché mondial ainsi qu'à l'octroi de restitutions à l'exportation dont le montant est fixé en fonction de la nécessité d'exporter, compte tenu de la situation du marché communautaire. En période de surproduction, les restitutions se trouvent portées à un niveau plus élevé, ce qui d'ailleurs a été pratiqué en 1974. Quant au marché intracommunautaire, c'est-à-dire aux échanges entre États membres, l'organisation commune est caractérisée: 1) par (interdiction, en vertu de l'article 13 du règlement de base, de tout droit de douane ou taxe d'effet équivalent ainsi que par l'élimination de toute restriction quantitative ou mesure d'effet équivalent. Notons, pour le moment, que cette dernière interdiction peut avoir des effets sur le niveau de la production elle-même et non pas seulement sur la commercialisation des produits en cause. 2) Observons également que si, en vertu de l'article 14 du règlement, les dispositions du traité relatives aux aides d'État sont applicables tant à la production qu'au commerce de la viande de volaille, c'est sous l'expresse réserve que la réalisation d'un marché unique ne soit pas compromise par l'octroi de ces aides nationales. Toutefois, en vue de faciliter l'adaptation de l'offre aux exigences du marché, le législateur communautaire a, dans l'article 2 du règlement de base, encouragé les initiatives professionnelles et interprofessionnelles, à l'exclusion de celles relatives au retrait du marché, et a réservé à la compétence des institutions communautaires la faculté de prendre (article 2, 1), elles-mêmes «les mesures tendant à promouvoir une meilleure organisation de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits en cause». Dès lors, on peut déduire de cette disposition de l'article 2 que, d'une part, certaines initiatives professionnelles ou interprofessionnelles de nature à faciliter l'adaptation de l'offre à la demande sont légalement possibles et conformes à la réglementation communautaire, même si, à notre avis, ces initiatives portent également sur la production. En revanche, le retrait des produits du marché, tant par les milieux professionnels et interprofessionnels que par les États membres ou des organismes de droit public dépendant de ces États, demeure, en tout état de cause, rigoureusement interdit. Or, la Communauté s'est trouvée, en 1974, devant une crise sérieuse du marché. Alors que l'année précédente le prix des poussins à rôtir était resté à peu près stable, dès 1974 l'offre a considérablement augmenté entraînant, en dépit de l'accroissement du prix de l'énergie et de celui de la nourriture des animaux, une baisse sensible des prix de marché, tandis que les coûts de production restaient à peu près inchangés, de sorte que l'élevage de la volaille d'abattage s'est trouvé en perte pendant cette année 1974. Bien que la Commission, alertée par les organisations professionnelles agricoles, ait élevé, en dépit de certaines difficultés tenant au prix des céréales sur le marché mondial, le montant des restitutions à l'exportation pour la viande de volaille, la situation de crise affectant la production n'a pas appréciablement changé. La Commission s'est donc efforcée d'obtenir des organisations professionnelles et interprofessionnelles des actions tendant à rétablir un meilleur équilibre du marché. Elle a aussi obtenu du Conseil, avec le soutien du Fonds européen d'orientation et de garantie agricoles, l'engagement d'un effort financier affecté à des campagnes publicitaires destinées à promouvoir la consommation tant de la viande de volaille que de la viande de porc (règlement no 2930/74 du Conseil). Ces mesures ne semblent pas avoir eu une grande efficacité. La preuve en est que, dans le cadre de la réglementation de l'élevage des volailles déjà en vigueur aux Pays-Bas, les autorités compétentes ont estimé nécessaire d'imposer aux producteurs des mesures tendant à limiter, à contingenter purement et simplement la production. En 1967 déjà, des décisions de cette nature avaient été prises sous la forme d'une interdiction temporaire de mise en incubation des œufs à couver; le 1er mai 1974, sous une forme encore plus draconienne, le Produktschap a strictement limité le nombre des poulets à abattre pendant une période déterminée. L'intervention de ces mesures pose, en réalité, deux questions. La première tient au champ d'application du règlement de base communautaire no 123/67; serait-il cantonné au seul commerce des produits qu'il vise, ou bien doit-il s'étendre également à leur production? Nous croyons pouvoir affirmer que ce premier problème a trouvé une solution transposable à la présente affaire dans l'arrêt que vous avez rendu, à nos conclusions, le 30 octobre 1974 dans l'affaire Van Haaster (no 190-73, Recueil 1974, p. 1123). Il s'agissait alors de savoir si le contingentement de la production des bulbes de jacinthes, au moyen de permis de culture délivrés en vertu d'une réglementation nationale, pouvait ou non être adopté et maintenu en vigueur en présence d'une organisation commune des marchés dans le secteur des plantes vivantes et des produits de la floriculture. Vous avez clairement statué en excluant la faculté, pour l'État membre en cause, c'est-à-dire les Pays-Bas, de maintenir un régime national destiné à restreindre quantitativement la culture - c'est-à-dire la production - d'un produit relevant d'une organisation commune de marché. De même, une réglementation nationale dont le but consiste à limiter quantitativement l'abattage et, par conséquent, la mise sur le marché des volailles nous paraît inconciliable avec l'organisation commune qui résulte du règlement du Conseil no 123/67. En effet, une telle organisation de marché ne peut être restreinte à la seule notion de commercialisation des produits concernés; elle comporte inévitablement des dispositions qui ont une incidence directe sur la production, et d'ailleurs le règlement en cause confère aux institutions communautaires la faculté de prendre, en ce qui concerne précisément l'organisation de la production, des mesures spécifiques. S'il est regrettable que de telles mesures n'aient pas vu le jour, il n'en reste pas moins qu'il n'appartenait qu'au seul Conseil de les arrêter, selon la procédure prévue à l'article 43, paragraphe 2, du traité. En second lieu, l'absence de tout mécanisme d'intervention dans l'organisation commune en question ne saurait avoir pour effet de laisser aux États membres le soin de pallier les inconvénients éventuels de ce qui, d'ailleurs, n'est pas une lacune de la réglementation communautaire, mais la conséquence d'une prise de position consciente et réfléchie du Conseil qui a, sur proposition de la Commission, entendu réserver au libre jeu de l'offre et de la demande et à l'action des opérateurs économiques le soin d'assurer l'équilibre du marché, en ce qui concerne du moins les échanges intracommunautaires. Par suite, un régime national de contingentement de la production - ou, en l'espèce, de l'abattage des volailles - n'est pas conforme aux objectifs de l'organisation commune de marché. En troisième lieu, l'article 13, 1), du règlement no 123/67 interdit expressément les restrictions quantitatives dans le domaine qu'il couvre, sous la seule réserve des dispositions particulières du protocole applicable au grand-duché de Luxembourg. Cet instrument précise en effet que cet État membre «prend toutes mesures d'ordre structurel, technique et économique rendant possible l'intégration progressive de l'agriculture luxembourgeoise dans le marché commun». Le terme «agriculture» a le sens le plus large et concerne aussi bien la production que la commercialisation des produits agricoles. Dès lors, nous pensons qu'il n'est pas exact d'affirmer que le règlement no 123/67 ne viserait que le commerce des produits concernés et non leur production et nous croyons, au contraire, que cette organisation commune exclut toute réglementation nationale susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire. Encore faut-il examiner, et c'est là notre deuxième question, si, dans l'esprit des auteurs du règlement no 123/67, l'adoption de mesures spécifiques à la production ne devait pas intervenir de la part des autorités communautaires. Nous avons déjà dit que de telles mesures consistaient à «encourager les initiatives professionnelles et interprofessionnelles nationales», à l'exclusion toutefois de toute mesure ayant pour effet un retrait des produits en cause du marché. Le représentant de la Commission n'a pas manqué d'affirmer, à la barre, que, dans certains des États membres, des accords professionnels ou interprofessionnels avaient été conclus par les organisations de cette nature en vue d'adapter l'offre à la demande, c'est-à-dire, en réalité, de réduire les capacités de production. Il a ajouté que les efforts entrepris sur le plan professionnel avaient été favorisés dans certains de ces États par l'octroi de subventions publiques. Nous estimons, pour notre part, qu'à supposer même que de telles subventions aient été effectivement allouées aux opérateurs économiques, leur licéité aurait pu être mise en doute par application des articles 92 et 93 du traité comme aides nationales tombant sous l'interdiction communautaire. Mais vous n'aurez pas à trancher ce problème dans le cadre de la présente affaire. En réponse à diverses questions posées par des membres de la Cour, à la fin de l'audience de plaidoirie, le représentant de la Commission a apporté des réponses dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles paraissaient quelque peu embarrassées ou tendaient à éluder les problèmes soulevés. C'est ainsi que la question de savoir si n'était pas paradoxale la position des autorités néerlandaises qui, tout en prenant des mesures restrictives de la production de viande de volaille sur leur territoire, n'ont pas, semble-t-il, cherché à freiner les importations en provenance des autres États membres; à cette question, il a été répondu fort évasivement que, dans un secteur très intégré, une réglementation nationale qui n'a produit effet que pendant une période de six mois ne permettait guère aux importateurs de tirer bénéfice du contingentement de la production nationale pour augmenter le volume de leurs opérations. En ce qui concerne la qualification des accords intervenus sur le plan professionnel ou interprofessionnel, au regard de l'article 85 du traité, la Commission a répondu - bien que son représentant ait déclaré que la question n'avait pas été approfondie - que de tels accords eussent échappé, en tout état de cause et en vertu du règlement no 26/62 du Conseil visant les ententes en matière agricole, à la prohibition générale de l'article 85. La Commission aurait d'ailleurs elle-même incité les professionnels à conclure de tels accords; elle serait intervenue en ce sens et les opérateurs économiques concernés se seraient alors engagés dans cette voie, mais sous la forme de négociations de droit privé. Mais, en tout état de cause, il est clair qu'aux Pays-Bas les organisations professionnelles ne se sont pas d'elles-mêmes conformées à des mesures collectives prévoyant une certaine limitation de la production, et c'est bien le Produktschap, organisme de droit public, qui a été obligé d'imposer un contingentement de l'abattage des volailles. La Commission n'a été avertie de l'intervention des mesures élaborées par cet office qu'au moment même où elles étaient déjà arrêtées, voire même publiées. Elle a été mise, nous dit-elle, devant le fait accompli. On peut alors se demander, dans la mesure où la Commission aurait, dès l'abord, estimé que les prescriptions du règlement no 123/67 du Conseil ne permettaient pas la mise en vigueur d'une réglementation nationale destinée à limiter la production, pourquoi elle n'a pas usé du pouvoir que lui confère l'article 169 du traité, c'est-à-dire de mettre en demeure le gouvernement des Pays-Bas d'annuler ce régime national de droit public, sous la menace d'un recours en manquement d'État. A cette question, il a été répondu, avec une extrême discrétion, que la Commission n'avait pas jugé opportun de recourir à ce moyen de pression; qu'elle avait estimé préférable de ne pas intervenir. Aucune de ces explications n'est, à nos yeux, convaincante. En définitive, après l'analyse que nous avons faite des dispositions pertinentes du règlement no 123/67, le véritable problème nous paraît être de savoir si le Produktschap, agissant dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique et comme autorité de tutelle des professionnels concernés, a imposé à ceux-ci des mesures contraignantes, dont la méconnaissance devait être pénalement sanctionnée, ou s'il s'est borné à entériner des propositions ou des suggestions que lui auraient présenté les opérateurs économiques néerlandais. Au fond, il nous faut choisir entre les deux thèses qui ont été développées par la Commission: - recours a une décision réglementaire unilatérale obligatoire, procédant de la mise en œuvre d'une procédure de droit public; - ou bien, simple accord de droit prive que le Produktschap se serait borné à mettre en forme et à étendre à l'ensemble des producteurs et transformateurs concernés. Notre préférence va, Messieurs, à la première de ces deux solutions: - d'abord parce que, à la lecture du règlement de 1974 du Produktschap, il nous apparaît que ce texte est, sans doute possible, un acte réglementaire qui, loin de se référer au consensus des producteurs ou exploitants d'abattoirs de volailles, se présente bien comme imposant unilatéralement des obligations impératives dont l'inobservation constitue des infractions justiciables du Code pénal; - ensuite parce que le Conseil est, en règle générale, opposé à doter les organismes professionnels ou interprofessionnels de prérogatives de puissance publique en matière d'organisation des marchés agricoles. C'est seulement à titre consultatif qu'il admet leur intervention. En tout cas, une mission comportant l'usage de pouvoirs de droit public n'est confiée à des organismes professionnels qu'en vertu d'un texte exprès. Ainsi, le règlement no 1035/72, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, contient-il des dispositions qui tendent à faciliter la constitution et le fonctionnement de groupements de producteurs, investis de larges pouvoirs d'organisation et d'intervention en matière de production et de commercialisation de ces produits (art. 13 et suivants). Toutefois, le Conseil s'est explicitement réservé le pouvoir, en ce domaine, d'établir un système uniforme d'intervention, selon la procédure de l'article 43, paragraphe 2, du traité. Le plus souvent même, la simple reconnaissance des organisations de producteurs requiert l'intervention d'un texte communautaire, qu'il s'agisse, comme dans le secteur du houblon, du règlement de la Commission no 1351/72, pris d'ailleurs sur l'habilitation du Conseil, ou, comme en matière de pêche, du règlement du Conseil no 2142/70. Ce que l'on doit, en définitive, reconnaître, c'est que des responsabilités d'organisation ou de gestion des marchés de produits agricoles ne peuvent être confiées à des groupements professionnels ou interprofessionnels sans avoir été au préalable arrêtées et dûment autorisées au plan communautaire. En effet, il faut éviter que les organisations professionnelles nationales n'agissent en ordre dispersé, ce qui pourrait être générateur de discrimination entre producteurs et consommateurs de la Communauté. Le gouvernement néerlandais soutient qu'il n'y aurait par définition pas de restriction quantitative au stade de la commercialisation, étant donné que les prévisions, en matière de production, dépaissaient tellement les débouchés probables que même une limitation de 10 % de la production aurait laissé une certaine offre excédentaire. Sur ce point, nous nous permettons d'entretenir quelques doutes. Le marché de la république fédérale d'Allemagne, qui est le principal débouché pour les volailles néerlandaises, pouvait encore présenter certaines possibilités et n'avait peut-être pas atteint son point de saturation. De toute façon, il n'est pas possible de laisser les autorités nationales, et encore moins les professionnels, seuls juges en la matière. La production néerlandaise de viande de volaille, tout en atteignant des proportions importantes, n'est pas la seule du marché commun et, à supposer que la restriction en question ne soit pas discriminatoire au plan national, il n'est pas exclu qu'elle le soit au plan communautaire, les limitations frappant les abattoirs néerlandais étant peut-être plus sévères que celles qui affectaient les opérateurs d'autres nationalités. Or, l'article 40, paragraphe 4, alinéa 2, du traité, dispose que l'organisation commune de marché, quelle que soit la forme qu'elle revêt,«doit … exclure toute discrimination entre producteurs et consommateurs de la Communauté». Enfin, le gouvernement néerlandais affirme que, «vu la durée de validité de la réglementation en cause, soit le temps nécessaire au rétablissement de l'équilibre entre l'offre et la demande perturbé sous l'action de la conjoncture, la réglementation ne constitue pas une réglementation restreignant la concurrence». Mais le temps ne fait rien à l'affaire: la brièveté de sa durée d'application ne prouve tout au plus que le caractère drastique de cette réglementation et il n'est pas exclu qu'elle soit réintroduite en d'autres circonstances. Par conséquent, la distinction entre l'effet et les objectifs d'une mesure à court terme et ceux d'une mesure à long terme, dont il est question dans votre arrêt Kramer (attendu no 58, p. 1315) ne nous paraît pas déterminante. De toute façon, il s'agissait, dans cette affaire, d'un objectif de «conservation» des ressources naturelles, objectif qui est totalement étranger à la présente affaire. Permettez-nous de citer en terminant l'attendu no 23 de votre arrêt du 16 mars 1977 (Commission/France): «c'est précisément par le transfert de compétence à une communauté et la raison d'être de ce transfert, qu'à partir de la fin de la période transitoire» - et nous ajouterons à compter de l'instauration d'une organisation européenne - «les problèmes tels que ceux de l'espèce ne doivent être résolus que par des mesures communautaires arrêtées dans l'intérêt de tous les producteurs et consommateurs de la Communauté». La carence du Conseil à arrêter les mesures prévues par l'article 2, paragraphe 1, du règlement no 123/67, n'implique pas la possibilité d'arrêter, en ordre dispersé, pas plus par voie autoritaire que par concertation de la profession, des mesures qui risquent de créer des distorsions dans les échanges entre États membres ou d'être inefficaces. Il appartiendra toutefois aux autorités néerlandaises de veiller à ce que les me sures à prendre en exécution de votre arrêt soient conformes aux exigences de la sécurité juridique, en vue notamment d'éviter que puissent être remises en cause, pour le seul motif de l'incompatibilité de la réglementation nationale en question, les dispositions prises en exécution de cette réglementation. Nous concluons à ce que vous disiez pour droit que le règlement no 123/67, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille, exclut l'existence de réglementations nationales limitant quantitativement la production de viande de volaille.

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