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Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 septembre 2022, 21-81.471

Mots clés
diffamation • société • condamnation • pourvoi • rapport • absence • amende • infraction • retraites • pouvoir • prétention • preuve • recours • redressement • service

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
13 septembre 2022
Cour d'appel de Paris
28 janvier 2021

Synthèse

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Résumé

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Texte intégral

N° Q 21-81.471 F-D N° 00901 SL2 13 SEPTEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 SEPTEMBRE 2022 M. [C] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 28 janvier 2021, qui, pour diffamation publique envers un particulier, l'a condamné à 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [C] [P], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 22 juillet 2015, M. [S] [I] et la société [2] ([1]) ont porté plainte et se sont constitué partie civile contre M. [C] [P] du chef susvisé à raison de propos publiés sur le site internet etudiant-podologie.fr dans les termes suivants : « le 14 mai 2015 : « Je ne voudrais pas surtout vous décevoir, [N], mais drey76 (et/ou pedrosaintememe et/ou peu importe) a parfaitement raison quand il affirme que vos écrits n'ont qu'un seul but : celui de régler certains comptes !... Mercredi 20 mai prochain - par exemple - la cour d'appel de Paris va examiner le recours présenté par le directeur de l'INP, suite à sa première condamnation (le 20 février 2013 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny) à payer un peu plus de cent milles euros à l'URSSAF de la région parisienne pour des cotisations « oubliées » d'être déclarées (par lui) en 2007 et 2008 au niveau de sa succursale sportive de [Localité 6] (club anciennement appelé [4] aujourd'hui rayé de tablettes). Quel rapport avec l'INP ? Tout simplement cette question assez basique posée par la justice (et la brigade financière) à ce même directeur : pourquoi précisément - en 2008 - il est possible d'identifier une somme de 203 000 euros (en provenance de l'INP) sur le compte bancaire de ce club [4], alors que dans le même temps, les cotisations URSSAF-GARP - et caisses de retraites - des enseignants salariés de l'INP (notamment ce que l'on appelle « les parts ouvrières » ) ne sont... pas plus déclarées (et pas plus payées) que les premières citées (soit un second redressement de 855 000 euros - cette fois notifié à l'INP - en 2013 et auquel mr [I] devra bien répondre « un jour » devant cette fois-ci le TASS de [Localité 3] !...). Quant au fait pour ce même directeur de déclarer - très officiellement - à l'Agence régionale de santé Ile-de-France (comme « conseiller scientifique ») un éminent podologue.., qui a eu le très mauvais goût (en 2010) de dire à ce même mr [I] « tout le bien » qu'il pensait de sa gestion (lui présentant de fait sa démission... plusieurs mois avant que le dit mr [I] ne commence à remplir les documents administratifs incontournables et obligatoires..., pour obtenir le renouvellement de l'agrément), laissons effectivement « qui de droit » (donc l'ARS Ile-de-France) dire ce qu'elle pense elle-même..., de ce genre défausse déclaration (mr [N] étant directement concerné par ce faux si j'ai bien compris) adressée à un service de l'Etat !... comme quoi drey76, vous voyez, il n'y a pas « que » la justice et/ou la brigade financière à s'intéresser d'assez près (depuis... disons 3 ans) aux diverses et multiples manipulations administratives (comptables...et financières) du très honorable Dr [I]. Libre ci vous - tout naturellement - de continuer à croire que cela n'intéresse personne !... Exceptions faites des deux ou trois juges d'instruction chargés des diverses informations ouvertes (ayant pour thèmes principaux : l'escroquerie, le faux et l'usage de faux, le travail dissimulé, l'abus des biens ou de crédit d'une société... entre autres chefs d'accusation), des deux ou trois inspecteurs de l'URSSAF... sans oublier les deux ou trois de la BRDE (Brigade de répression contre la délinquance économique) + [N] ... et moi-même (liste nullement exhaustive) - effectivement - ces « démêlés judiciaires » n'intéressent pas grand monde... jusqu'au jour où... par ce que là où vous avez parfaitement raisons - drey76 - quand on connaît parfaitement bien tout le dossier (comme j'en ai la prétention)... depuis 2006 (c'est-à-dire l'achat de l'INP par mr [I]), ma conviction est exactement la même que la vôtre : depuis bientôt 10 ans, on nage réellement « en plein délire ! » ; « le 19 mai 2015 : « 1 - j'ai vérifié par moi-même la fausse déclaration que vous avez adressée à l'ARS (Agence régionale de santé) Ile-de-France pour le renouvellement de l'agrément de l'INP ; ceci dit, faire des faux (quelque soit le milieu dans lequel vous évoluez) est - pour vous - aussi... banal que respirer. L'ARS Ile-de-France est désormais informée de cette énième infraction pénale dont vous êtes l'auteur présumé... tout comme la juge d'instruction du TGI de Bobigny qui a en charge (depuis 2013) l'information ouverte à l'encontre du bluc de handball de [Localité 6] que vous présidiez... avant de mettre la clé sous la porte en 2011 (club qui reçu en 2008 en provenance de l'institut national de podologie la bagatelle de...deux cent trois mille euros de trésorerie - d'où le chef d'accusation d'abus de biens ou du crédit d'une société retenu par le procureur de la République près le TGI de Bobigny)!... » ; « 2 -[..] Toute votre belle « superbe » - cher mr [I] - et tout votre baratin développé aussi bien dans le milieu sportif (jusqu'en 2011) que dans le milieu de la podologie (depuis x années) va s'effondrer - j'ai du moins la faiblesse de le penser - disons... dans les 12 mois à venir et ce, comme le bien vilain château de cartes que vous avez bâti - pour bonne partie - sur (par contre) de splendides « abus de confiance » (ce qui vous vaut aujourd'hui - est-ce utile de le préciser- de la part d'un certain nombre de personnes... un certain nombre de tracasseries judiciaires - simple et nouvel euphémisme de ma part) » ; « 3 - contrairement à ce que vous pouvez très certainement penser, cher Directeur, je souhaite très sincèrement (contrairement - probablement - au Dr [N]) que vous puissiez (encore un an) enregistrer un maximum de candidatures pour l'année 2015/2016 ! A 10 000 euros/étudiant l'année scolaire, en multipliant ce montant par 300/... vous aurez ainsi beaucoup moins de difficultés à pouvoir faire face aux multiples et nouvelles condamnations qui vous attendent à la sortie (alors que « pauvre et ruiné », vous voyez ce que je veux dire) » ; « PS : j'ai oublié un éventuel 6 (vous savez - cher Directeur - cette mise en examen tout ce qu'il y a de plus logique.., dont vous faites personnellement - et très concrètement - l'objet depuis le 29 octobre 2014 - toujours par une juge d'instruction du TGI de Bobigny - pour quel chef d'accusation retenu déjà ? ... rappelez moi... comme le chantait si bien [R] [T] « j'ai la mémoire qui flanche » .../...un seul et dernier conseil (que je vous ai d'ailleurs déjà donné) : contentez-vous pour le moment de raser les murs de la rue [Adresse 5] (comme ceux du gymnase Lamberdière il y a 4 ans) et priez surtout pour que la brigade financière (très en forme en ce moment) ne débarque pas - dans les jours qui viennent - en plein cours - pour saisir toute la comptabilité de l'INP depuis 2008 ! » 3. Par ordonnance du juge d'instruction, M. [P] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef susvisé. 4. Les juges du premier degré, d'une part, ont déclaré M. [P] coupable du délit poursuivi pour l'imputation d'une fausse déclaration d'un conseiller scientifique à l'agence régionale de santé (ARS) contenue dans le commentaire du 14 mai 2015 et le premier passage du commentaire du 19 mai suivant, d'autre part, ont relaxé le prévenu des autres propos, le condamnant à 500 euros d'amende et prononçant sur les intérêts civils. 5. M. [P] et les parties civiles ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen pris en sa première branche 6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen

pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement sur le commentaire publié le 14 mai 2015 et le premier passage du commentaire du 19 mai 2015 et d'avoir en conséquence condamné M. [P] à une amende de 500 euros, à verser aux parties civiles des dommages-intérêts ainsi que des sommes au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors : « 2°/ que la prudence dans l'expression ne dépend pas du support sur lequel sont publiés les propos argués de diffamation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour déclarer M. [P] coupable de diffamation publique envers particulier a relevé, malgré l'existence d'une base factuelle, qu'en tenant ces propos sur un site dédié aux échanges entre étudiants de l'INP dont M. [I] est le président, sans aucun lien avec la gestion du RVVG ni la scolarité des étudiants et en utilisant des termes à la limite de l'outrance, en réitérant ses propos et en les développant, toujours sur un ton vindicatif, considère qu'il a fait preuve d'un manque de prudence manifeste et d'un manque de mesure dans l'expression, que les circonstances ne peuvent justifier ; que ce faisant, la cour d'appel, qui a apprécié la prudence dans l'expression au regard du support sur lequel avaient été publiés les propos argués de diffamation, a violé les articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, ensemble les articles 591 à 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en déclarant M. [P] coupable de diffamation publique envers particulier, malgré l'existence d'une base factuelle, en raison du support sur lequel les propos avaient été publiés, à savoir un forum de discussion pour étudiants en podologie, sans rechercher si les propos concernant tant la gestion du club de handball que l'école [1], dont M. [I] était le dirigeant, ne pouvaient pas intéresser les étudiants scolarisés dans cette école payante qui finançait en partie le club de handball, peu importe qu'ils ne concernaient pas directement la scolarité des étudiants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 et a violé les articles 591 à 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que les propos poursuivis, qui traitaient d'un sujet d'intérêt général lié à la gestion du club de handball et de l'école dont M. [I] était le dirigeant, fondés sur une base factuelle reconnue par la cour d'appel et qui ne contenaient aucune attaque personnelle ou atteinte à la dignité, ne dépassaient pas les limites de la liberté d'expression ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour

Vu

les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale :

8. Selon le premier de ces textes, la liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures nécessaires au regard de son paragraphe 2. 9. Aux termes du second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 10. Pour confirmer le jugement de condamnation de M. [P] du chef de diffamation publique envers un particulier, l'arrêt retient

le caractère attentatoire à l'honneur ou à la considération des propos incriminés relatifs à la fausse déclaration à l'ARS imputée à M. [I] dans le commentaire du 14 mai 2015 et le premier passage du commentaire du 19 mai suivant. 11. Les juges ajoutent que, s'agissant de la gestion d'un club sportif et de son financement notamment par le biais de subventions, le sujet est d'intérêt général et que les propos reposent sur une base factuelle suffisante. 12. Ils relèvent, toutefois, pour rejeter l'exception de bonne foi en raison d'un manque de mesure et de prudence dans l'expression, d'une part, que M. [P] a tenu ces propos sur un site dédié aux échanges entre étudiants de l'INP dont M. [I] est le président, alors que ce site n'a aucun lien avec la gestion du club de handball [4] (RVVG) ni avec la scolarité des étudiants, d'autre part, que le prévenu a utilisé des termes à la limite de l'outrance, en réitérant ses propos et en les développant, toujours sur un ton vindicatif.

13. En se déterminant ainsi

, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent. 14. En premier lieu, les juges ne pouvaient sans se contredire retenir que les propos s'inscrivaient dans un débat d'intérêt général tout en énonçant qu'ils avaient été tenus sur un site, sans aucun lien avec le club sportif financé, dédié aux échanges entre étudiants de l'INP dont M. [I] est le président. 15. En second lieu, après avoir retenu que les propos portaient sur un sujet d'intérêt général et reposaient sur une base factuelle suffisante et dès lors que M. [P], non professionnel de l'information, s'exprimait sur de possibles infractions pénales, susceptibles d'être reprochées à M. [I], la cour d'appel n'a pas suffisamment justifié en quoi le ton adopté par le prévenu pouvait le priver du bénéfice de la bonne foi. 16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 28 janvier 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux.

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