Cour d'appel d'Angers, 27 mai 2014, 12/02777

Mots clés société · sécurité sociale · provision · rapport · travail · rente · victime · caisse · accident · procédure civile · sécurité · faute inexcusable de l'employeur · préjudice · maladie · chariot

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro affaire : 12/02777
Dispositif : Désignation de juridiction
Président : Madame Catherine LECAPLAIN MOREL

Texte

COUR D'APPEL d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
pc/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02777.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAINE ET LOIRE, décision attaquée en date du 03 Juillet 2012, enregistrée sous le no 10173

ARRÊT DU 27 Mai 2014

APPELANT :

Monsieur Si Mohamed X...
...
49000 ANGERS

représenté par Maître Sandrine PORCHER-MOREAU, avocat au barreau de NANTES

INTIMEES :
LA SAS MANPOWER
7-9 rue Jacques Bingen 75017 PARIS

représentée par Maître HERVET, avocat substituant Maître FOURNIER GATIER, avocat au barreau de PARIS

LA SAS ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE, venant aux droits de la Sté ARCELOR PACKAGING Basse Indre 1 à 5 rue Luigi Chérubini
93200 ST DENIS
représentée par Maître MISSOFFE, avocat substituant Maître Patrick MOUREU, avocat au barreau de NANTES

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (C. P. A. M.) DU MAINE ET LOIRE
32 rue Louis Gain
49937 ANGERS CEDEX 9
représentée par Monsieur Y..., muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame BARBAUD, conseiller
Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 27 Mai 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE



Par contrat du 25 février 2008, la société Manpower a mis M. X..., travailleur temporaire, à la disposition de la société Arcelor Packaging, devenue ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (la société ArcelorMittal), qui transforme des aciers pour emballage, livrés notamment sous forme de bobines, en qualité d'ouvrier spécialisé de fabrication, pontier et cariste, du 25 février au 30 avril 2008.
M. X... a été affecté au sein de l'établissement de Basse-Indre (Loire-Atlantique).
Le 12 mars 2008, à 10 h 55, alors qu'il circulait à pied sur son lieu de travail, M. X... a été heurté par un chariot élévateur et gravement blessé.
L'accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire (la caisse) au titre de la législation professionnelle.
L'état de M. X... a été consolidé le 3 août 2009 et, par jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité du 17 mars 2010, son taux d'incapacité a été fixé à 85 %.

M. X... a subi une nouvelle intervention chirurgicale le 1er avril 2010.
Son état a été déclaré consolidé le 30 avril 2011 et son taux d'incapacité a été fixé à 88 %.
M. X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 3 juillet 2012, le tribunal l'a débouté de sa demande, a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens, et a rejeté la demande de la société ArcelorMittal en paiement d'une indemnité de procédure.
M. X... a relevé appel.
Il a conclu, ainsi que la société ArcelorMittal, la société Manpower et la caisse.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 juillet 2013, soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, M. X... sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de :
. Dire que l'accident est imputable à la faute inexcusable de l'employeur, la société Manpower, substituée dans la direction par la société ArcelorMittal, entreprise utilisatrice ;
. Fixer la majoration de la rente au taux maximum ;

. Dire que la majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle résultant de l'aggravation des séquelles ;
. Ordonner une expertise médicale ;
. Allouer au concluant une provision de 50 000 ¿ à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices à caractère personnel ;

. Condamner la société ArcelorMittal et la société Manpower à lui verser la somme de 4 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
. Déclarer l'arrêt commun à la caisse.
Il fait valoir en substance que :

. Il n'a pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité prévue par l'article L. 4154-2 du code du travail à laquelle il avait droit en qualité de salarié temporaire affecté à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité ;
. En conséquence, la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie ;
. Subsidiairement, la société ArcelorMittal, qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, en violation des articles R. 4224-3, R. 4324-42, alinéa 1er, et R. 4511-1 et du code du travail.

Dans ses dernières écritures, déposées le 25 septembre 2013, reprises oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la société ArcelorMittal demande à la cour de :
. Juger que :
. Seule l'entreprise de travail temporaire doit répondre des conséquences d'une éventuelle faute inexcusable ;

. M. X... ne peut se prévaloir de la présomption de faute inexcusable ;
. La concluante n'a pas commis de faute inexcusable ;
. Confirmer le jugement ;

. Débouter M. X... de toutes ses demandes à l'encontre de la concluante ;
. Subsidiairement :
. Déclarer irrecevable l'allocation d'une provision à la victime en vertu de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

. A défaut, surseoir à statuer sur la provision dans l'attente du rapport de l'expert médical ou sinon la minorer ;
. Limiter l'expertise aux postes de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
. Ordonner la mesure aux frais avancés par la caisse ;

. Condamner tout succombant au paiement de 1 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient essentiellement que la sécurité est sa priorité constante, que la formation du personnel sur le site est parfaitement assurée et que les règles de circulation étaient affichées et connues de M. X....
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 25 octobre 2013, soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens pour l'exposé plus ample des prétentions, en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Manpower sollicite la confirmation du jugement et, à titre subsidiaire, demande à la cour de :
. Réduire à de plus justes proportions la provision sollicitée dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise médicale ;

. Juger que la faute inexcusable a été commise par l'entremise de l'entreprise utilisatrice substituée dans la direction de la concluante ;
. Condamner, par application de l'article L. 254-5-1 du code de la sécurité sociale, la société ArcelorMittal à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
Dans ses dernières écritures, déposées le 21 octobre 2013, reprises oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la caisse, qui s'en rapporte sur le bien fondé des demandes de M. X..., demande à la cour, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, de condamner l'employeur sur le fondement des articles L. 453 et suivants du code de la sécurité sociale à lui reverser les indemnités qu'elle sera amenée à avancer à la victime avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et à lui communiquer les coordonnées de sa compagnie d'assurance.


MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu, à titre liminaire, qu'il convient de rappeler que, selon les articles
L. 451-1 à L. 452-4 du code de la sécurité sociale, le versement des indemnités dues à la victime d'un accident du travail causé par une faute inexcusable est à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie, qui dispose d'un recours contre l'employeur ;
Qu'il résulte des articles L. 412-6 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale qu'en cas d'accident survenu à un travailleur intérimaire et imputable à une faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, ici la société ArcelorMittal, qui est regardée comme substituée dans la direction de la victime, seule l'entreprise de travail temporaire, employeur de la victime, ici la société Manpower, est tenue envers la caisse d'assurance maladie du remboursement des indemnités complémentaires prévues par la loi ;
Que l'entreprise de travail temporaire peut exercer une action récursoire à l'égard de l'entreprise utilisatrice pour lui demander le remboursement de ces indemnités ;

Attendu qu'il convient d'abord de déterminer si une faute inexcusable peut être imputée à la société ArcelorMittal avant, le cas échéant, de décider, avant dire droit, une expertise médicale de la victime ;
Sur la présomption de la faute inexcusable
Attendu que, selon les article L. 4154-2 et L. 4153-3 du code du travail, la faute inexcusable prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés temporaires affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur sécurité qui n'ont pas bénéficié d'une formation renforcée à la sécurité ;

Attendu que M. X... a été affecté au poste d'aide à la fabrication, conduite d'un pont roulant au sol et en cabine et conduite d'un chariot élévateur, le contrat de mise à disposition précisant qu'il s'agit d'un poste à risque ;
Attendu que M. X..., qui avait déjà effectué des missions dans l'entreprise du 26 novembre au 22 décembre 2007, du 2 janvier au 31 janvier 2008 et du 11 au 22 février 2008, a bénéficié de deux demi journées de formation à la sécurité les 26 novembre 2007 et 28 janvier 2008, à la suite desquelles lui a été remis un document intitulé " passeport sécurité " récapitulant les règles de sécurité ; qu'il a également été porté à sa connaissance des fiches spécifiques intitulées " fiches fonction sécurité " consacrées notamment aux tâches d'expédition magasin, qu'il a émargées le 14 février 2008 (pièces 8, 10 à 12, 14 à 16 de la société ArcelorMittal) ;
Que la cour retient, comme le tribunal, que M. X... a bénéficié d'une formation renforcée à la sécurité au sens des articles précités ;
Que la faute inexcusable de l'employeur n'est donc pas présumée ;
Sur la faute inexcusable

Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ;
Attendu qu'au cas présent, il résulte de la procédure d'enquête diligentée par la gendarmerie et par l'inspection du travail que, le 12 mars 2008, à 10 h 55, M. X... est sorti à pied du bureau donnant sur la zone extérieure de chargement du secteur des expéditions de l'entreprise où il venait de retirer un bon de chargement ; qu'il est ensuite passé entre un camion toupie en fonctionnement, situé sur sa gauche, et un semi-remorque en stationnement, situé sur sa droite ; qu'il se trouvait à la hauteur de la cabine du tracteur du semi-remorque lorsqu'il a été heurté par un chariot élévateur circulant en marche arrière, qui venait de charger une bobine sur la plate-forme d'un camion et qui reculait pour chercher une autre bobine ; que M. X... n'a pas entendu le signal sonore de recul du chariot élévateur qui était partiellement couvert par le bruit émis par le camion toupie en cours de déchargement ;
Attendu que les travaux de terrassement et de maçonnerie en cours, destinés à l'aménagement de la zone extérieure de chargement du secteur des expéditions modifiaient l'environnement habituel de travail dans ce secteur, sans qu'un plan spécifique de circulation ait été adopté ni des mesures d'organisation suffisantes aient été mises en place pour assurer la protection des piétons circulant dans cet espace ;
Qu'ainsi, l'inspecteur du travail relève, dans son rapport du 5 mai 2009 adressé au procureur de la République, que " la zone d'évolution du chariot était de ce fait sensiblement réduite et les conditions de circulation des piétons fortement affectées ; la zone ne faisait pas l'objet d'une plan spécifique de circulation (article R. 4323-51 du code du travail), malgré l'activité dans cette zone de camions semi-remorques, de chariots automoteurs et de piétons ; des mesures appropriées d'organisation (article R. 4323-52) n'avaient pas été prises pour éviter qu'un travailleur à pied ne se trouve dans la zone d'évolution de chariot automoteur notamment en manoeuvre de recul en marche arrière ; des mesures de signalisation et de matérialisation relative à la sécurité (article R. 4224-20 et 24, arrêté du 4 novembre 1993) n'ont pas été mises en oeuvre (ex. marquage au sol, panneaux, passages piétonnier) ; en outre, les mesures du plan de prévention établi pour les travaux de chantier en cours (cf procès-verbal de coordination pour les travaux de maçonnerie du secteur expédition-guichet-parking) s'avèrent en espèce nettement insuffisantes ¿ " balisage de zone, prévoir zone de manoeuvre ") et inappropriées en raison des risques identifiés de heurts liés en particulier aux camions, chariots, piétons " ;

Que, lors de son audition, le 1er juillet 2009, M. Z..., directeur technique de l'établissement, à qui les gendarmes ont soumis le rapport précité de l'inspecteur du travail, a indiqué qu'à l'époque de l'accident, le plan de circulation de la zone extérieure de chargement n'était pas encore matérialisé, que le balisage du chantier de maçonnerie avait été momentanément enlevé pendant le temps de déchargement de la bétonnière, que le signal sonore du chariot automoteur était faible et masqué par le bruit du camion toupie, et que ce risque n'avait pas été pris en compte dans l'élaboration du plan de prévention du chantier ; qu'il a précisé qu'il existait un angle mort dans le rétroviseur panoramique intérieur, ce qui avait incité la société à équiper par la suite les chariots d'un second rétroviseur panoramique ;
Qu'il résulte de ces éléments que l'entreprise utilisatrice aurait dû avoir conscience du danger que faisait peser les travaux sur les ouvriers circulant à pied dans la zone en cours d'aménagement et prendre des mesures nécessaire pour les en préserver ; qu'en omettant d'y procéder, la société ArcelorMittal a commis une faute inexcusable ;
Que, par voie d'infirmation du jugement, il sera donc jugé que l'accident du travail dont M. X... a été victime le 12 mars 2008 est dû à la faute inexcusable de la société ArcelorMittal substituée à la société Manpower dans la direction du travail ;
Sur l'indemnisation complémentaire, la majoration de rente, la mesure d'expertise et la provision
Attendu que M. X... a droit aux indemnités complémentaires prévues aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété à la lumière de la décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010 du Conseil constitutionnel ;
Qu'en application de l'article L. 452-2 précité, il y a lieu d'ordonner la majoration au maximum de la rente qui lui est versée, laquelle majoration produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, étant rappelé que, le cas échéant, elle suivra l'évolution du taux d'incapacité de la victime ;
Que la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire versera directement à M. X... la majoration de rente et les indemnités complémentaires qui pourront lui être allouées en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel ;
Attendu qu'il ressort des éléments médicaux versés au débats que l'accident dont M. X... a été victime a provoqué de graves blessures au niveau de la cheville et de la jambe gauche et entraîné diverses opérations chirurgicales dont une amputation de la jambe gauche, 10 centimètres au dessous du genou, et des complications postérieures ;
Que cet état justifie, avant dire droit sur l'indemnisation complémentaire, une expertise médicale qui sera ordonnée aux frais avancés de la caisse ;
Que celle-ci devra verser en outre à M. X... une provision de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices complémentaires précités, compte tenu de l'importance à prévoir de ceux-ci ;
Sur le recours en garantie formé par la société Manpower contre la société ArcelorMittal
Attendu qu'il résulte des articles L. 241-5-1, L. 412-6, R. 242-6-1 et R. 242-6-3 du code de la sécurité sociale qu'en cas d'accident du travail imputable à la faute inexcusable d'une entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire, seule tenue, en sa qualité d'employeur de la victime, des obligations prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-4 du même code, dispose d'un recours contre l'entreprise utilisatrice pour obtenir simultanément ou successivement le remboursement des indemnités complémentaires versées à la victime et la répartition de la charge financière de l'accident du travail ;

Attendu qu'aucune faute ayant concouru à la réalisation de l'accident litigieux n'est établie à l'égard de la société Manpower ; que les manquements relatifs à la sécurité à l'origine de l'accident étant imputables à la société ArceloMittal qui était tenue de respecter l'ensemble des règles d'hygiène et de sécurité dans ses locaux pour tous les salariés placés sous sa subordination au moment de l'accident, cette dernière doit être considérée comme seule responsable des manquements ayant conduit à retenir la faute inexcusable de l'employeur et tenue, dès lors, de garantir la société Manpower de l'intégralité des conséquences financières de la faute inexcusable, tant en principal, intérêts et frais ;

PAR CES MOTIFS

:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,
DIT que l'accident du travail dont M. X... a été victime le 12 mars 2008 est dû à la faute inexcusable de la société ArcelorMittal substituée à la société Manpower dans la direction du travail ;
FIXE au maximum la majoration de la rente versée à M. X... par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire et DIT que cette majoration, qui, le cas échéant, suivra l'évolution de son taux d'incapacité, sera productive d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
AVANT DIRE DROIT sur la réparation des préjudices de M. X... définis à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété à la lumière de la décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010 du Conseil constitutionnel, ORDONNE une expertise médicale aux frais avancés de la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire et désigne pour y procéder le Docteur P. A...-... avec pour mission, les parties présentes ou, en tout cas, régulièrement convoquées, de :
- de se faire remettre l'entier dossier médical de M. X... et, plus généralement, toutes pièces médicales utiles à l'accomplissement de sa mission ;
- d'en prendre connaissance ;
- de procéder à l'examen de M. X... et recueillir ses doléances ;
- de décrire de façon précise et circonstanciée son état de santé, avant et après l'accident du 12 mars 2008, les lésions occasionnées par cet accident et l'ensemble des soins qui ont dû lui être prodigués ;
- de décrire précisément les lésions dont il reste atteint ;

- de fournir, de façon circonstanciée, tous éléments permettant à la cour d'apprécier :
. l'étendue des souffrances physiques et morales endurées par la victime en quantifiant l'importance de ce chef de préjudice, notamment sur une échelle de 1 à 7,
. l'existence d'un préjudice esthétique, temporaire et/ ou permanent, en le quantifiant, notamment sur une échelle de 1 à 7,
. l'existence d'un préjudice d'agrément soit l'empêchement pour la victime, de continuer à pratiquer régulièrement une ou des activité (s) sportives ou de loisir,
. l'existence d'un préjudice sexuel, de procréation ou d'établissement ;

- de fournir tous éléments permettant à la cour d'apprécier si la victime subit ou non une perte ou une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et dans quelle mesure ;
- d'indiquer si, avant la date de consolidation de son état, la victime s'est trouvée atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire, notamment constitué par une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, par le temps d'hospitalisation, et par les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et, dans l'affirmative, d'en faire la description et d'en quantifier l'importance ;
- de dire si, avant la date de consolidation, l'état de santé de la victime a ou non nécessité l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne et, dans l'affirmative, d'en définir les conditions d'intervention, notamment en termes de spécialisation technique, de durée et de fréquence des interventions journalières ;

- d'indiquer si l'état de la victime nécessite des aménagements de son logement et/ ou de son véhicule à son handicap et, dans l'affirmative, de les déterminer ; de fournir toutes précisions utiles sur la fréquence de leur éventuel renouvellement ;
DIT que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu'en particulier il pourra se faire autoriser à s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité autre que la sienne ;
DIT que l'expert donnera connaissance aux parties de ses conclusions et répondra à tous dires écrits de leur part, formulés dans le délai qu'il leur aura imparti, avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat greffe de la présente cour dans les cinq mois du jour où il aura été saisi de sa mission ;

FIXE à 800 ¿ (huit cents euros) le montant de la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert qui devra être versée par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel d'Angers, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
DESIGNE Mme Lecaplain-Morel, conseiller, pour suivre les opérations d'expertise ;
DIT qu'en cas d'empêchement de l'expert il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;

DECLARE le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire ;
DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire versera directement à M. X... la majoration de rente et les indemnités complémentaires qui pourront lui être allouées en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété à la lumière de la décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010 du Conseil constitutionnel et qu'elle en récupérera le montant auprès la société Manpower ;
ALLOUE à M. X... une provision de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices personnels qui lui sera versée par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire ;
DIT que si elle est assurée contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu'elle s'est substitués, la société Manpower devra communiquer à la CPAM de Maine et Loire les coordonnées de sa compagnie d'assurance ;
CONDAMNE la société ArcelorMittal à garantir la société Manpower de l'intégralité des conséquences financières de la faute inexcusable, tant en principal, intérêts et frais ;

PRONONCE la radiation de la présente affaire dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise au greffe et dit qu'elle sera réinscrite sur dépôt de conclusions de M. X... en ouverture de rapport ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ; REJETTE la demande de la société ArcelorMittal ; CONDAMNE la société Manpower à payer à M. X... la somme de 2 000 ¿ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel qu'il a d'ores et déjà exposés ;

RÉSERVE l'application des dispositions de article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINCatherine LECAPLAIN-MOREL