Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Paris 31 mars 2016
Cour d'appel de Paris 23 juin 2017

Tribunal de Grande Instance de Paris, 31 mars 2016, 2015/05684

Mots clés contrats · contrat de licence de brevet · manquement aux obligations contractuelles · obligation de communication des comptes · obligation de paiement des redevances · résiliation · caducité du contrat · procédure · communication de pièces · action en responsabilité délictuelle · action en responsabilité contractuelle · contrat de licence · recevabilité · contrefaçon de brevet · dépassement des limites du contrat · durée · contrefaçon de brevet

Synthèse

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de Paris
Numéro affaire : 2015/05684
Domaine de propriété intellectuelle : BREVET
Numéros d'enregistrement : FR9915033
Parties : O (André) / TECHNO-CONCEPT SARL

Texte

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 31 mars 2016

3ème chambre 1ère section N° RG : 15/05684

DEMANDEUR Monsieur André O [...] 13013 MARSEILLE représenté par Me Bruno AGID - Cabinet AGID-WAGNON, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0405 et par Me Christophe M - SELARL LO P M TOURNU "SAJEF AVOCATS", avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

DÉFENDERESSE S.A.R.L. TECHNO-CONCEPT ZA de Pitaugier 04300 MANE représentée par Maître Antoine DELABRIERE de la SELARL FENEON D AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0585 et par Maître Arnault DELABRIERE, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE PROVENCE, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C. Vice-Présidente Julien R. Juge Aurélie J. Juge assistés de Léoncia B. Greffier

DEBATS À l'audience du 23 février 2016 tenue publiquement

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort

EXPOSE DES FAITS Monsieur Maurice O se présente comme un ingénieur spécialisé dans le secteur de la posturologie et dans la conception de sabots de posturologie permettant de détecter, de mesurer et d'analyser les troubles de l'équilibre et de la posture.

Monsieur Maurice O est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le brevet d'invention français déposé le 30 novembre 1999 sous le n° 9915033 intitulé « semelles dynamométriques pour l'évaluation des asymétries et des instabilités posturales chez l'homme ou l'animal ». Par contrat de licence non exclusive du 26 juillet 2005 conclu pour «une durée 5 ans renouvelable annuellement par tacite reconduction ». Monsieur O a concédé pour le monde entier à la SARL TECTINO CONCEPT le droit de fabriquer et de vendre des produits mettant en œuvre le brevet.

Par courrier de son conseil du 2 octobre 2007. Monsieur Maurice O a mis en demeure la SARL TECHNO CONCEPT de lui adresser, conformément à l'article 3-2 du contrat du 26 juillet 2005 et pour contrôler le calcul de la redevance due en vertu de l'article 3-1, la comptabilité spécifique ainsi que le relevé de ventes relatifs aux produits couverts par la licence. Il réitérait sa demande par courrier du 25 novembre 2007 en estimant insuffisants les documents transmis par la SARL TECHNO CONCEPT le 16 octobre 2007 et obtenait de celle-ci la communication le 29 janvier 2008 d'un état des ventes certifié conforme par son expert-comptable.

Insatisfait des éléments remis par la SARL TECHNO CONCEPT et de l'absence de réponse à ses mises en demeure des 26 août et 29 septembre 2009, Monsieur Maurice O a, par courrier du 15 juillet 2013, notifié la « résiliation » du contrat de licence à compter du 25 juillet 2013.

Par courrier du 11 octobre 2013, Monsieur O mettait en demeure la SARL TECHNO CONCEPT de cesser toute exploitation du brevet ainsi que des « codes sources algorithmiques qui constitu[aient] [sa] propriété intellectuelle ».

C'est dans ces conditions que Monsieur Maurice O a, par acte d'huissier du 26 février 2014, assigné la SARL TECHNO CONCEPT sur le fondement des articles 1134 et suivants et 1184 et suivants devant le tribunal de grande instance de Digne que le juge de la mise en état a, par ordonnance du 1 cr avril 2015, déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris à qui le dossier de l'affaire a été transmis en application de l'article 97 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 décembre 2015 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Monsieur Maurice O demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et au visa des articles 1134 et suivants et 1184 et suivants du code civil : de CONSTATER que la SARL TECHNO CONCEPT a commis des manquements graves et répétés dans l'exécution de la licence d'exploitation du brevet n°9915033 conclue le 26 juillet 2005 ; de DIRE et JUGER que c'est à bon droit que Monsieur Maurice O a. par courrier du 15 juillet 2013 notifié à la SARL TECHNO CONCEPT la résiliation de ladite licence ; de DIRE et JUGER que cette résiliation est intervenue aux torts exclusifs de la société TECHNO CONCEPT ; de CONDAMNER la SARL TECHNO CONCEPT à payer à M O la somme de 50.000 euros au titre des redevances dues en exécution de la licence d'exploitation conclue le 26 juillet 2005 ; de CONDAMNER la SARL TECHNO CONCEPT à payer à M O la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des inexécutions fautives par celle-ci ; de FAIRE interdiction à la société TECHNO CONCEPT de commercialiser tout produit mettant en œuvre le brevet n° 9915033 sous astreinte définitive et non comminatoire de 1000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ; de FAIRE interdiction à la société TECHNO CONCEPT de commercialiser tout produit mettant en œuvre les sources algorithmiques et/ ou les codes sources et autres logiciels mis à sa disposition par M O en exécution du contrat de licence d'exploitation du brevet n° 9915033 sous astreinte définitive et non comminatoire de 1000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ; de DIRE et JUGER que le Tribunal de céans sera compétent pour connaître de la liquidation de l'astreinte qu'il aura ordonnée en application des dispositions de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991 n° 91-650; d'ORDONNER la publication, aux frais de la SARL TECHNO CONCEPT, de la décision à intervenir dans trois journaux au choix du requérant, le coût de chaque insertion ne pouvant dépasser 5.000 euros hors taxe ; de CONDAMNER la SARL TECHNO CONCEPT à payer à M O la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; de la CONDAMNER aux entiers dépens de la présente instance, le coût de la saisie contrefaçon inclus, distraits au profit de Maître Bruno AGID, Avocat, en application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile

En réplique, dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 25 septembre 2015 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SARL TECHNO CONCEPT demande au tribunal : DE DÉBOUTER Monsieur André O de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; de CONDAMNER Monsieur O à verser à la SARL TECHNO CONCEPT une somme de 30.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ; à titre subsidiaire. d'ORDONNER une expertise judiciaire avec mission habituelle en la matière et notamment de se prononcer sur la validité du brevet de Monsieur O et sur la contrefaçon invoquée par celui-ci ; de CONDAMNER Monsieur O à verser à la SARL TECHNO CONCEPT une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Antoine DELABRIERE de la SELARL FENEON Et D, avocat au Barreau de Paris sur son offre de droit. L'ordonnance de clôture était rendue le 9 février 2016. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DU JUGEMENT

1°) Sur l'exécution et la rupture des relations contractuelles

Au soutien de sa demande, Monsieur Maurice O expose que malgré ses multiples réclamations, la SARL TECHNO CONCEPT n'a pas rempli loyalement ses obligations contractuelles puisqu'elle n'a jamais produit un relevé détaillé de ses ventes et de ses encaissements trimestriels afférents aux produits issus de l'exploitation du brevet, que les quelques chiffres communiqués n'ont jamais été suivis des règlements afférents et que les documents transmis sont incomplets et invérifiables. Il en déduit que cette exécution fautive a fondé sa résiliation par courrier du 15 juillet 2013. Il ajoute qu'il «sollicitera, par voie d'incident, la condamnation de la société TECHNO CONCEPT à lui remettre, sous astreinte, l'intégralité des éléments comptables lui permettant de vérifier le nombre d'exemplaires fabriqués selon le brevet n° 9915033 et vendu et corrélativement de calculer le montant des redevances à percevoir » et que sa demande de paiement, présentée «sur la base des maigres éléments communiqués à ce jour » est formulée « sauf à parfaire, dans la mesure [où] il n'est pas possible au requérant, faute de communication de la comptabilité analytique de la requise, d'apprécier l'étendue exacte des redevances dues à ce jour et non encore perçue ». Il explique enfin que ces fautes lui ont causé un préjudice résidant dans l'impossibilité dans laquelle il était de vérifier si son invention, objet du brevet en cause, a été ou non exploitée sérieusement et de prendre utilement les dispositions qui s'imposaient ainsi que dans une atteinte à sa réputation dans le milieu très fermé de la posturologie.

En réplique, la SARL TECHNO CONCEPT expose que le contrat de licence « était vicié dès l'origine » puisque la technique des sabots dont se prévaut Monsieur Maurice O a été inventée antérieurement au dépôt du brevet qui de ce fait n'est ni inventif ni utile et n'a aucune valeur. Elle ajoute que, alors que la durée du contrat devait être initialement de 5 ans à compter du 26 juillet 2005 avec renouvellement annuel par tacite reconduction, Monsieur Maurice O a, de mauvaise foi, commercialisé dès mars 2006 des sabots similaires pour la société Non invasive Technologie gérée par son épouse en lui faisant directement concurrence. Elle soutient avoir fourni l'intégralité des éléments justifiants des ventes réalisées pour les sabots et des sommes dues à Monsieur Maurice O qui lui ont été intégralement réglées et indique que ce dernier ne justifie pas que dans le délai de prescription de 5 ans posé par l'article 2224 du code civil précédant son instance une redevance demeurerait due.

Conformément à l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi. En outre, en vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

Et, conformément à l'article 1153 du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. Enfin, en application de l'article 1184 du même code, la condition résolutoire est toujours sous- entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

La SARL TECHNO CONCEPT évoque un vice qu'elle ne qualifie pas affectant la formation du contrat mais n'en demande pas pour autant la nullité. Elle conclut dans ce cadre au défaut d'activité inventive du brevet mais ne sollicite pas, à titre reconventionnel ou par voie d'exception à titre de moyen de défense, la nullité de l'enregistrement de l'une quelconque de ses revendications. Elle se dispense par ailleurs de toute analyse de la portée du brevet et de ses revendications et n'indique pas l'objet des antériorités qu'elle oppose globalement sans en détailler le contenu et sans en préciser les combinaisons. Ces moyens, qui sont très insuffisamment motivés en fait et en droit et dont aucune conséquence juridique n'est tirée, sont dépourvus de pertinence.

Et, une expertise judiciaire n'a pas, conformément à l'article 146 du code de procédure civile, à combler les carences de la SARL TECHNO CONCEPT dans la formulation de ses prétentions ou moyens de défense ainsi que dans l'administration de la preuve et ne peut en outre porter, en vertu des articles 232 et 238 du code de procédure civile, sur des points de droit tels « la validité du brevet ». La demande d'expertise présentée à titre subsidiaire par la SARL TECHNO CONCEPT sera en conséquence rejetée. Par ailleurs, la mauvaise foi imputée à Monsieur Maurice O en raison de la commercialisation concurrente de sabots par la société dont son épouse est la gérante n'a pas plus de portée puisque le contrat de licence du 26 juillet 2005 stipule expressément en son article 2 qu'elle n'est pas exclusive et que l'utilisation dans ce cadre des matériels fabriqués par la SARL TECHNO CONCEPT soulignée dans le courrier adressé par cette dernière le 31 juillet 2006 ne lui est pas spécialement reprochée dans les écritures.

Enfin, à nouveau sans en tirer de conséquence juridique puisqu'aucune fin de non-recevoir n'est opposée à Monsieur Maurice O, la SARL TECHNO CONCEPT évoque lapidairement l'article 2224 du code civil. Mais, à supposer que la prescription soit effectivement opposée, en fixant le point de départ du délai de prescription au jour de la connaissance, effective ou présumée au regard des circonstances de fait et de droit, des faits permettant l'exercice du droit, l'article 2224 du code civil le rattache au jour de la connaissance déterminée concrètement des faits donnant naissance à son intérêt agir par son titulaire. Dès lors, l'examen du défaut d'information imputé à la SARL TECHNO CONCEPT doit être préalable à celui de la prescription, son manquement pouvant induire l'impossibilité pour Monsieur Maurice O de connaître les faits lui permettant d'agir.

Aussi le seul point en débat pertinent est-il celui de l'exécution par la SARL TECHNO CONCEPT de ses obligations d'information et de paiement des redevances.

À ce titre, l'article 3 du contrat de licence du 26 juillet 2005 est ainsi rédigé : « 3-1 - La société et/ ou ses filiales) paiera au concédant, durant l'exécution du présent contrat, une redevance de 10 % (DIX POUR CENT) calculée sur le montant net hors taxes (emballages, frais de transport et remises déduits) des factures réglées à la société pour les produits issus du présent contrat. 3-2 - Modalités de règlement des redevances calculées sur le montant des factures réglées à la société pour les produits issus du présent contrat : 3-2 a - La société tiendra une comptabilité spécifique de la présente licence dans laquelle elle indiquera les quantités de produits vendus. 3-2 b - Les redevances dues au titre de l'article 3-3 seront payables trimestriellement selon les modalités suivantes : 3-3 a - dans les trente jours (30) jours suivants la fin de chaque trimestre, la société adressera au concédant un relevé détaillé de ses ventes au cours du semestre considéré et de ses encaissements et y joindra un chèque bancaire, dont le montant correspondra aux redevances dues sur les encaissements selon l'article 3 ci-dessus. 3-3 b - si dans les trente (30) jours à compter de la réception du relevé et du chèque visé en 3-3a, le concédant n'a pas contesté par lettre recommandée avec accusé de réception la somme qui lui a été versée, il sera considéré comme d'accord avec celle-ci ».

Il ressort des échanges de courriers produits que :

la SARL TECHNO CONCEPT justifie avoir adressé à Monsieur Maurice O le 31 juillet 2006 un état des ventes pour les deux premiers trimestres de l'année accompagné d'un chèque de 2 332 euros qui n'a fait l'objet d'aucune contestation au sens de l'article 3-3b du contrat, la première lettre de contestation versée aux débats étant datée du 2 octobre 2007. Aussi, antérieurement à cette date, Monsieur Maurice O n'est, par l'effet du contrat, pas recevable à invoquer une faute de la SARL TECHNO CONCEPT au titre du paiement des redevances et de l'exécution de son obligation d'information, par ailleurs démontrée par l'envoi des états des ventes les 31 octobre 2006. 31 janvier 2007. 30 avril 2007 et 30 juillet 2007 ;

en réponse à son courrier du 2 octobre 2007. qui confirme l'existence des règlements antérieurs mais souligne l'insuffisance des états des ventes communiqués, la SARL TECHNO CONCEPT a transmis à Monsieur Maurice O le 16 octobre,2007, outre un courrier mentionnant une absence de vente pour le 3 eme trimestre 2007, un récapitulatif détaillé des ventes (date et numéro de facture, prix HT et montant de la redevance due) et du calcul des redevances pour la période du 19 septembre 2005 au 17 novembre 2006 ainsi qu'un tableau récapitulatif des versements réalisés entre le 14 novembre 2005 et le 15 octobre 2007 :

Par courrier du 13 novembre 2007. Monsieur Maurice O déniait à ces documents toute force probante en dénonçant l'absence de certification par un expert-comptable bien que le contrat n'en exigeât aucune. En réponse, la SARL TECHNO CONCEPT annonçait le 25 novembre 2007 la communication d'un état des ventes certifié conforme par son expert-comptable qu'elle réalisait le 29 janvier 2008 pour la période du 26 juillet au 21 septembre 2007 :

Bien qu'il évoque dans ses écritures de « multiples échanges ». Monsieur Maurice O n'en démontre aucun avant l'envoi par son nouveau conseil d'une mise en demeure du 26 août 2009. Ainsi, les états des ventes certifiés conformes puis ceux adressés les 31 janvier 2008, 15 mai 2008 et 20 août 2008 n'ont fait l'objet d'aucune contestation utile au sens de l'article 3- 3b du contrat ;

La SARL TECHNO CONCEPT, en réponse à son courrier du 26 août 2009, a adressé le 17 septembre 2009 à Monsieur Maurice O un état des ventes pour la période d'août 2008 à septembre 2009 ainsi qu'un rectificatif ajoutant 3 ventes. Elle annonçait un état des ventes certifié conforme par son expert- comptable dont l'envoi n'est pas démontré. Monsieur Maurice O reconnaissait avoir encaissé les sommes visées dans ces pièces mais en contestait la teneur.

Les états des ventes communiqués par la SARL TECHNO CONCEPT, par ailleurs incontestables par l'effet de la volonté des parties jusqu'au mois d'août 2008, sont conformes aux exigences stipulées dans le contrat et permettent à Monsieur Maurice O de vérifier les calculs opérés pour déterminer le montant de ses redevances dont le paiement effectif est confirmé par ce dernier dans ses propres courriers. Aussi, aucun manquement contractuel ne peut être reproché à la SARL TECHNO CONCEPT jusqu'au mois de septembre 2009 à défaut de stipulation exigeant la certification par un expert-comptable des états des ventes.

En revanche, à compter de cette date, la SARL TECHNO CONCEPT ne prouve pas avoir exécuté ses obligations au sens de l'article 1315 du code civil, aucun état des ventes, même visant comme en octobre 2007 une absence de vente, n'étant produit. Or, puisqu'il est constant que le contrat a pris fin le 25 juillet 2013 conformément au courrier du 15 juillet 2013 de Monsieur Maurice O, cette carence est fautive pour la période comprise entre le mois de septembre 2009 et le 25 juillet 2013, date non contestée de la cessation des relations contractuelles.

Monsieur Maurice O, qui n'a pas soulevé l'incident de communication de pièces promis dans ses écritures et a abandonné dans son dispositif l'idée d'une condamnation provisionnelle, n'explique pas le calcul qui préside à la détermination du montant des redevances dont il sollicite le paiement et ne fournit pas le moindre élément susceptible d'asseoir le quantum sollicité.

En conséquence, injonction sera faite à la SARL TECHNO CONCEPT dans les termes du dispositif de communiquer un état des ventes conforme à l'article 3 du contrat de licence du 26 juillet 2005 pour la période litigieuse qui sera, pour prévenir toute difficulté, certifié par son expert-comptable.

La SARL TECHNO CONCEPT sera condamnée à payer à Monsieur Maurice O, si elle n'est pas nulle, la somme globale qui résultera de cette communication de pièces avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chaque redevance trimestrielle conformément à l'article 1153 du code civil, les parties pouvant à nouveau saisir le tribunal par voie d'assignation en cas de désaccord sur le calcul de cette somme.

Monsieur Maurice O n'explique pas en quoi l'inexécution par la SARL TECHNO CONCEPT de son obligation d'information et éventuellement de paiement porte atteinte à son image d'inventeur. Il ne démontre aucune mauvaise foi, qui ne peut se déduire de la seule inexécution de ses obligations, imputable à la SARL TECHNO CONCEPT et ne justifie d'aucun préjudice distinct du retard dans le paiement qui est réparé, conformément à l'article 1153 du code civil, par l'allocation des intérêts moratoires de la créance.

En conséquence, sa demande indemnitaire sera, comme la demande de publication qui constitue une réparation complémentaire, rejetée.

Enfin, bien qu'il sollicite le constat de la résiliation du contrat de licence, Monsieur Maurice O expliquait dans son courrier du 15 juillet 2013 que « vu la clause de « tacite reconduction » [... il] dénon[çait] ce contrat avec effet le 25 juillet prochain à minuit ». Le contrat de licence ne contenant aucune clause résolutoire, Monsieur Maurice O a manifesté non une volonté de résiliation, qui eût sinon été unilatérale et à ses risques et périls, mais une volonté de faire obstacle à la reconduction tacite du contrat. Si des griefs motivent cette décision, ils sont indifférents à la qualification de la rupture qui doit s'analyser, conformément à l'article 12 du code de procédure civile et au regard des termes du contrat et de la volonté clairement exprimée par Monsieur Maurice O tant dans son courrier que dans ses écritures dans lesquelles il fixe la date d'effet de la rupture au 25 juillet 2013 et pas au jour du jugement, non en une résiliation sans fondement contractuel mais en une extinction par l'arrivée du terme.

Dès lors, il sera constaté dans le dispositif que le contrat de licence a pris fin par l'arrivée de son terme expressément non reconduit et que la demande de résiliation est sans objet.

2°) Sur les demandes d'interdiction

Monsieur Maurice O soutient que la SARL TECHNO CONCEPT continue, en dépit de la résiliation prononcée par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 15 juillet 2013, à commercialiser des produits mettant en œuvre le brevet n° 9915033 et/ou ses algorithmes et logiciels indispensables à sa mise en œuvre ainsi qu'à celle de tout produit participant de la même technologie.

Il ajoute que, même à supposer que sur un plan strictement technique le produit développé par la société TECHNO CONCEPT ne contreferait pas le brevet n° 9915033, la mise en œuvre de ce produit n'est possible qu'à travers l'utilisation des logiciels, des codes sources et des algorithmes qu'il a créés. Il en déduit que, faute pour la SARL TECHNO CONCEPT de démontrer qu'elle a développé son propre logiciel d'exploitation de sa plateforme nouvelle génération, elle utilise nécessairement ces derniers.

La SARL TECHNO CONCEPT réplique que son produit est très différent des sabots de la génération précédente objet du brevet et qu'elle n'utilise pas dans le cadre de sa technologie les codes sources de Monsieur Maurice O mais des codes sources qu'elle a développés. Elle en déduit que son produit n'est pas contrefaisant.

Monsieur Maurice O n'invoque au soutien de ses prétentions que les articles 1134 et suivants, relatifs au contrat et à la responsabilité contractuelle, et les articles 1184 et suivants, régissant les conditions de la résiliation judiciaire. Or, les faits qu'il invoque sont tous postérieurs à la cessation des relations contractuelles et relèvent, à les supposer établis, exclusivement de la responsabilité délictuelle de la SARL TECHNO CONCEPT. Or, en vertu des dispositions combinées des articles 1147 et 1382 du code civil, la responsabilité délictuelle ne peut pas régir les rapports contractuels entre les parties qui ne disposent ni d'une option entre ces deux régimes de responsabilité incompatibles, l'existence d'une faute commise dans l'exécution d'un contrat imposant la mise en œuvre exclusive de la responsabilité contractuelle de son auteur, ni d'une possibilité de cumul des actions, un fait unique ne pouvant par ailleurs ouvrir droit à une double indemnisation d'un même dommage conformément au principe de la réparation intégrale qui limite la mesure de la réparation au préjudice effectivement subi. Dès lors, exclusivement fondées sur la responsabilité contractuelle de la SARL TECHNO CONCEPT, les demandes d'interdiction présentées par Monsieur Maurice O sont intégralement irrecevables.

À supposer que ce dernier ait implicitement entendu fonder ses demandes sur les articles 1382 et 1383 du code civil, l'atteinte à un droit de propriété intellectuelle, qu'il s'agisse d'un brevet ou d'un logiciel protégé à travers ses codes sources par le droit d'auteur, les algorithmes n'étant pour leur part pas appropriables, est spécialement sanctionnée par la contrefaçon que Monsieur Maurice O, qui se retranche derrière un fait unique insusceptible de constituer une présomption au sens de l'article 1353 du code civil, n'invoque pas et ne motive pas : les produits et les logiciels ne sont pas versés aux débats et aucune explication n'est donnée sur les revendications censées être reproduites et sur les caractéristiques originales du logiciel dont la reprise est alléguée. Et, en admettant que la responsabilité soit fondée sur une autre cause que l'atteinte à un droit de propriété intellectuelle, Monsieur Maurice O ne l'explicite pas, notamment sur le terrain de la concurrence déloyale qui suppose la démonstration d'un préjudice causé par une faute et d'un risque de confusion ou sur celui du parasitisme qui commande l'identification préalable d'une valeur économique individualisée.

3°) Sur la demande reconventionnelle

Il a déjà été dit que la licence consentie à la SARL TECHNO CONCEPT n'était pas exclusive. Aussi la commercialisation de produits identiques à ceux couverts par le contrat par un tiers n'est-elle pas fautive. A ce seul titre, la demande de la SARL TECHNO CONCEPT sera rejetée.

4°) Sur les demandes accessoires

Succombant au litige, la SARL TECHNO CONCEPT, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

En revanche, au regard de la nature du litige et de sa solution, l'équité commande de rejeter les demandes des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Compatible avec la nature du litige et avec sa solution, l'exécution du jugement sera ordonnée en toutes ses dispositions conformément à l'article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS



Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré,

Dit qu'en ne communiquant aucun état des ventes pour la période courant de septembre 2009 au 25 juillet 2013, la SARL TECHNO CONCEPT a commis une faute dans l'exécution du contrat de licence non exclusive du 26 juillet 2005 : Rejette la demande subsidiaire d'expertise de la SARL TECHNO CONCEPT ;

Enjoint en conséquence à la SARL TECHNO CONCEPT, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 50 jours à compter de l'expiration du délai d'un mois courant dès la signification du jugement, de communiquer à Monsieur Maurice O un état des ventes conforme à l'article 3 du contrat de licence du 26 juillet 2005 certifié par son expert-comptable couvrant la période de septembre 200 e ) au 25 juillet 2013 inclus;

Se réserve la liquidation de cette astreinte ;

Condamne la SARL TECHNO CONCEPT à payer à Monsieur Maurice O, si elle n'est pas nulle, la somme globale qui résultera de cette communication de pièces avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chaque redevance trimestrielle conformément à l'article 1153 du code civil, les parties pouvant à nouveau saisir le tribunal par voie d'assignation en cas de désaccord sur le calcul de cette somme ;

Rejette la demande indemnitaire de Monsieur Maurice O au titre des manquements contractuels de la SARL TECHNO CONCEPT ;

Rejette la demande de publication judiciaire présentée par Monsieur Maurice O;

Constate que le contrat de licence du 26 juillet 2005 a pris fin par l'arrivée de son terme expressément non reconduit et que la demande de résiliation de Monsieur Maurice O est sans objet :

Déclare irrecevables les demandes d'interdiction présentées par Monsieur Maurice O ;

Rejette la demande reconventionnelle de la SARL TECHNO CONCEPT :

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SARL TECHNO CONCEPT à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Maître Bruno AGID conformément à l'article 699 du code de procédure civile :

Ordonne l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.