Chronologie de l'affaire
Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT) 08 décembre 2016
Cour de cassation 15 février 2018

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 15 février 2018, 17-13209

Mots clés société · taux · sécurité sociale · rapport · incapacité · caisse · médecin · procédure civile · médical · attribué · employeur · permanente · produits · maladie · partielle

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 17-13209
Dispositif : Cassation
Décision précédente : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT), 08 décembre 2016
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Foussard et Froger
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:C200218

Chronologie de l'affaire

Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT) 08 décembre 2016
Cour de cassation 15 février 2018

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salariée de la société Charal (la société), Mme Y... X... a déclaré, le 12 mars 2009, une périarthrite de l'épaule droite prise en charge, le 25 mai 2009, au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze (la caisse) ; que celle-ci ayant fixé à 14 % le taux d'incapacité permanente partielle reconnu à la victime, la société a saisi d'un recours une juridiction du contentieux de l'incapacité ;

Attendu que pour rejeter ce dernier, l'arrêt retient que l'insuffisance des éléments donnés par le médecin-conseil dans le rapport d'évaluation des séquelles concerne la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à l'appréciation de la Cour et ne peut donner lieu à inopposabilité de la décision attributive de rente ; qu'en l'absence de demande de la société, la Cour ne peut que confirmer le taux attribué par la caisse à la victime ;

Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions, la société, après avoir sollicité la confirmation du jugement lui déclarant inopposable la décision de fixation du taux d'incapacité permanente partielle, soutenait qu'il existait une difficulté sur la fixation du taux conformément à l'avis du médecin consultant et demandait, à titre subsidiaire, la mise en oeuvre d'une expertise aux fins d'évaluer le taux d'incapacité permanente de la victime, la Cour nationale, qui a modifié les termes du litige, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2016, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, autrement composée ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Charal.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à expertise et d'avoir dit que le taux de 14 % accordé à Mme Sylvie X... Y... à la date de consolidation du 9 janvier 2011, suite à la maladie professionnelle reconnue le 12 mars 2009, est opposable à la société Charal ;

AUX MOTIFS QUE « que le droit de l'employeur à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu dès lors qu'il doit être concilié avec le droit du salarié victime au respect du secret médical ; Qu'en vertu de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 226-13 du code pénal et de l'article L.1110-4 du code de la santé publique, il ne peut être dérogé au secret médical que dans les cas expressément prévus par la loi ; qu'à cet effet, l'article L.143-10 du code de la sécurité sociale dispose : "Le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, à l'attention du médecin expert ou du médecin consultant désigné par la juridiction compétente l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet."; Que, selon l'article R. 143-33 du code de la sécurité sociale, "L'entier rapport médical mentionné à l'article L. 143-10 comprend : 1° L'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente partielle à retenir ; 2°Les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé." ; Qu'il résulte de ces textes que la levée du secret médical ne vise que le rapport d'incapacité permanente partielle, lequel doit contenir non seulement l'avis et les conclusions données à la caisse (correspondant à la dernière page du rapport), mais également tous les éléments nécessaires la discussion sur les séquelles évaluées (constituant le corps du rapport) ; que la dérogation prévue par ces dispositions ne concerne pas l'ensemble des pièces médicales consultées par le médecin-conseil, notamment celles présentées par l'assuré lors de son examen et qui constituent son dossier personnel ; qu'il n'est pas présumé que le médecin conseil dispose de ces pièces ; que le principe de la contradiction a été respecté et que la garantie d'un procès équitable est assurée par la faculté reconnue par l'article 275 du code de procédure civile au médecin expert ou au médecin consultant désigné par la juridiction de solliciter les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; que le grief portant sur l'insuffisance des éléments donnés par le médecin conseil dans le rapport d'évaluation des séquelles concerne la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à l'appréciation de la Cour et ne peut donner lieu à inopposabilité de la décision attributive de rente ; en conséquence qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de débouter la société CHARAL de ses demandes ; Qu'en l'absence de demande de l'employeur, la Cour ne peut que confirmer le taux d'incapacité permanente partielle de 14 % attribué par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze à Mme Sylvie X... épouse Y... à la date du 09 janvier 2011 ; Qu'il y a donc lieu de déclarer le taux de 14 % opposable à la société CHARAL » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu de l'article L.143-1 du code de la sécurité sociale, le juge du contentieux de l'incapacité, saisi d'une contestation relative à l'état d'incapacité permanente partielle et au taux de cette incapacité, est chargé de vérifier, dans le cadre d'un contrôle de pleine juridiction, si le taux d'incapacité attribué par la caisse est justifié et d'évaluer lui-même, au regard des éléments médicaux produits devant lui, le taux d'incapacité conformément à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il résulte du principe de l'indépendance entre les rapports entre la caisse et le salarié et les rapports entre la caisse et l'employeur que la contestation de l'employeur relative au bien-fondé du taux d'incapacité permanente partielle attribué par la caisse au salarié, à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'est pas susceptible de remettre en cause le taux dont bénéficie le salarié, de sorte que la contestation de l'employeur ne peut porter que sur l'opposabilité à son égard de la décision de la CPAM et sur la détermination du taux pouvant lui être opposé ; que, dans ces conditions, le recours de l'employeur tendant à ce que le taux d'incapacité permanente partielle attribué par la CPAM au salarié lui soit déclaré inopposable au motif que les éléments produits par la caisse et le service du contrôle médical ne justifient pas la décision de la caisse constitue bien un différend relatif à l'état d'incapacité permanente de travail et au taux de cette incapacité obligeant la juridiction du contentieux technique à rechercher si le taux attribué par la caisse est médicalement justifié et opposable à l'employeur et, le cas échéant, à déterminer le taux opposable à l'employeur ; qu'au cas présent, la société Charal demandait à la CNITAAT d'« entériner les conclusions du rapport d'expertise du docteur Z... », médecin consultant désigné par la CNITAAT, selon lesquelles « compte tenu d'une part, d'informations très parcellaires relatives au diagnostic lésionnel et à la prise en charge thérapeutique de la maladie professionnelle, d'autre part, d'un état antérieur préexistant non défini, il n'apparaît pas possible de déterminer précisément le périmètre de l'état séquellaire de la maladie professionnelle du 12 mars 2009 et d'en apprécier le taux d'IPP » ; que la société Charal demandait, « par conséquent », de confirmer le jugement qui lui était déféré ayant déclaré le taux de 14 % attribué par la CPAM à la salariée inopposable ; que la CNITAAT était donc bien saisie d'une contestation du taux attribué par la caisse, dont la société Charal faisait valoir qu'il n'était pas justifié au regard des éléments médicaux produits aux débats par la caisse et le service du contrôle médical ; qu'en estimant, néanmoins, que « le grief portant sur l'insuffisance des éléments donnés par le médecin conseil concerne la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à l'appréciation de la Cour et ne peut donner lieu à inopposabilité de la décision attributive de rente » et qu' « en l'absence de demande de l'employeur, la Cour ne peut que confirmer le taux » attribué par la CPAM, la CNITAAT a purement et simplement refusé d'exercer son office en violation des articles L. 143-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, 4 du code civil et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE, la société Charal demandait à la CNITAAT d' « entériner les conclusions du rapport d'expertise du docteur Z... », médecin consultant désigné par la CNITAAT, selon lesquelles « compte tenu d'une part, d'informations très parcellaires relatives au diagnostic lésionnel et à la prise en charge thérapeutique de la maladie professionnelle, d'autre part, d'un état antérieur préexistant non défini, il n'apparaît pas possible de déterminer précisément le périmètre de l'état séquellaire de la maladie professionnelle du 12 mars 2009 et d'en apprécier le taux d'IPP » ; que la société Charal demandait, « par conséquent », de confirmer le jugement qui lui était déféré ayant déclaré le taux de 14 % attribué par la CPAM à la salariée inopposable ; que la CNITAAT était donc bien saisie d'une contestation du taux attribué par la caisse, dont la société Charal faisait valoir qu'il n'était pas justifié au regard des éléments médicaux produits aux débats par la caisse et le service du contrôle médical ; qu'en se prévalant de l' « absence de demande de l'employeur » pour confirmer le taux attribué par la CPAM sans en vérifier le bien-fondé, ni déterminer le taux imputable à l'employeur, la CNITAAT a dénaturé le mémoire après expertise de la société Charal et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, DE TROISIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la société Charal demandait, à titre subsidiaire, à la CNITAAT d'ordonner la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise médicale aux fins de « décrire à la date de consolidation, les séquelles de Madame Sylvie Y... X... à la suite de l'affection qu'elle a déclarée le 12 mars 2009, en dehors de tout état antérieur ou indépendant » et de « déterminer le taux d'incapacité permanente partielle qui en découle » ; qu'en prétendant se fonder sur l' « absence de demande de l'employeur » pour confirmer le taux attribué par la CPAM sans en vérifier le bien-fondé, ni déterminer le taux imputable à l'employeur, la CNITAAT a dénaturé le mémoire après expertise de la société Charal et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la société faisait valoir que le médecin qu'elle avait désigné et les deux médecins consultants désignés par le TCI puis la CNITAAT avaient, de manière concordante, souligné l'impossibilité de déterminer l'état et le taux d'incapacité résultant de la maladie professionnelle de la salariée ; qu'elle faisait valoir, à titre subsidiaire, que, l'affaire n'étant pas en état d'être jugée, il incombait à la CNITAAT d'ordonner une mesure d'instruction aux fins de « décrire à la date de consolidation, les séquelles de Madame Sylvie Y... X... à la suite de l'affection qu'elle a déclarée le 12 mars 2009, en dehors de tout état antérieur ou indépendant » et de « déterminer le taux d'incapacité permanente partielle qui en découle » ; qu'en disant n'y avoir lieu à expertise, sans s'expliquer sur cette demande, la CNITAAT a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 143-1 et R. 143-27 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, ENFIN, QUE la société Charal faisait valoir que la fixation d'un coefficient socio-professionnel était injustifiée dans la mesure où la CPAM n'avait pas, comme cela est imposé par l'article R. 434-31 du code de la sécurité sociale, recueilli préalablement l'avis du médecin du travail ; qu'en confirmant néanmoins le taux attribué par la CPAM, sans répondre à ce moyen déterminant, la CNITAAT a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.