COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 22/00984 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKB5
N° de Minute : 998
Ordonnance du mercredi 08 juin 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [G] [N]
né le 17 Juillet 1996 à [Localité 3] - TUNISIE
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Marie CUILLIEZ, avocat au barreau de LILLE, avocat (e) choisi et en présence de M. [J] [V] interprète assermenté en langue arabe lors de l'audience
INTIMÉ
MME LA PREFETE DE LA SOMME
dûment avisée, absent non représentée
M. le procureur général : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mercredi 08 juin 2022 à 08 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mercredi 08 juin 2022 à 9 h 50
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et
R.740-1 à
R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 04 juin 2022 par le Juge des libertés et de la détention de [Localité 2] prolongeant la rétention administrative de M. [G] [N] ;
Vu l'appel interjeté par Maître Maître [I] [F] venant au soutien des intérêts de M. [G] [N] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 06 juin 2022 et le mémoire complémentaire reçu le 7 juin ;
Vu l'audition des parties ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [G] [N], ressortissant tunisien fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par madame la Préfète de la Somme le 02/06/2022 pour l'exécution d'un éloignement vers le pays de nationalité au titre d'une obligation de quitter le territoire français délivrée par la même autorité le même jour, suite à un contrôle d'identité.
'Vu l'article
455 du code de procédure civile
'Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 04/06/2022 (17H59), ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative.
'Vu la déclaration d'appel du 06/06/2022 à 17H14 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
M. [G] [N] reprend en cause d'appel les moyens développés devant le premier juge ci-après :
L'illégalité externe de la décision de placement en rétention administrative pour insuffisance de motivation en ce que M. [G] [N] dispose toutes les garanties de représentation : contrat de location, passeport en cours de validité.
l'illégalité interne de la décision de placement en rétention administrative pour erreur manifeste d'appréciation.
Et soulève au titre des moyens nouveaux, des moyens tirés de l'exception de procédure :
la violation du droit à communiquer avec son consulat.
Le conseil de M. [G] [N] a envoyé un mémoire complémentaire de la déclaration d'appel le 07 juin 2022 à 18h12 et 18h41.
Ce mémoire est irrecevable faute d'avoir été envoyé dans le délai d'appel expiré le 07 juin 2022 à 17h59 au regard de l'allongement des délais au visa de l'article
642 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur les moyens appréciés par le juge des libertés et de la détention :
a) La légalité externe de la décision de placement en rétention administrative
L'arrêté de placement en rétention administrative reprend, conformément à l'article L 741-1 du CESEDA l'un des éléments constitutif de l'absence de garantie de représentation propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement mentionné par l'article L 612-3 du même code pour motiver le choix de la rétention pour la bonne exécution du titre d'éloignement, à savoir :
Maintien sur le territoire territoire français et défaut de sollicitation d'un titre derésidence à l'expiration de la durée de validité de son visa
Volonté de ne pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français
Soustraction à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement
Défaut de déclaration d'un lieu de résidence effective et permanente.
La motivation de l'arrêté préfectoral fait également référence à l'inexécution d'une précédente mesure d'éloignement, plus précisément une obligation de quitter le territoire français en date du 27 juillet 2019 ordonnée par monsieur le Préfet des Hauts-de-Seine, décision notifiée le même jour.
Il s'en suit que, même si madame la Préfète de la Somme n'a pas indiqué que M. [G] [N] disposait d'un passeport en cours de validité et a retenu que M. [G] [N] ne pouvait présenter un document de voyage en cours de validité et qu'il ne justifiait pas de l'adresse qu'il a déclaré lors de son audition, la motivation retenue n'est pas stéréotypée et s'attache bien à justifier de la décision prise au cas spécifique de M. [G] [N].
b) La légalité interne de la décision de placement en rétention administrative
Le moyen tiré de 'l'inutilité du placement en rétention administrative' relève en fait du contrôle de proportionnalité que le juge doit effectuer sur la mesure privative de liberté.
Cet examen de proportionnalité ne peut s'effectuer sur ce moyen précis que si l'étranger a déposé une requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative, dés lors que ledit contrôle de proportionnalité doit se qualifier d'examen de l'erreur d'appréciation lors de la prise de l'acte.
Le contrôle de proportionnalité doit évaluer la privation de liberté ordonnée par l'autorité administrative au regard de l'objectif de cette mesure, à savoir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement tel que défini par les articles L 741-1 et L 612-3 du CESEDA.
Aux termes des articles
L 731-1 et
L 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné à l'article L 612-2,3°, qu'il se soustraie à cette obligation.
Il s'en suit que le fait de justifier disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' conforme à l'article L.612-3,8°du CESEDA peut être considérée par l'autorité préfectorale comme néanmoins insuffisante pour accorder à l'étranger une assignation à résidence sur le fondement des articles précités, dés lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français.
En l'espèce, l'inexécution de la précedente de mesure d'éloignement de M. [G] [N], délivrée par le préfet des Hauts de Seine le 27 juillet 2019, justifie le placement en rétention administrative au sens de l'article L 612-3, 5° du CESEDA.
En effet il est certain que M. [G] [N] n'entend pas exécuter le titre d'expulsion actuel, celui ci étant rentré en France au moyen d'un visa de cour séjour et se maintenant sur le territoire national de manière irrégulière et constante depuis l'expiration d'un titre de séjour étudiant expiré le 25 mai 2018.
Dès lors madame la Préfète de la Somme a pu légitimement et, sans erreur d'appréciation, considérer que seule une mesure de placement en rétention administrative était suffisamment coercitive pour s'assurer de la présence de M. [G] [N] jusqu'à son départ pour la Tunisie.
2) Sur le moyens soulevé pour la première fois en cause d'appel
a) Sur la recevabilité du moyen nouveau :
Il ressort des dispositions de l'article
74 du code de procédure civile que toute exception nouvelle de nullité, soulevée pour la première fois en cause d'appel et, par voie de conséquence non débattue devant le premier juge, est irrecevable.
Relèvent notamment des exceptions de procédure devant avoir été débattues devant le premier juge pour être recevables en appel les exceptions relatives à l'irrégularité du contrôle d'identité ou de la convocation préalable au placement en rétention administrative ou en garde à vue ainsi que la violation des droits en garde à vue ou au détournement de cette mesure.
Cependant le moyen relatif à l'exercice effectif de ses droits par l'étranger ne constitue pas une exception de procédure mais un moyen de fond pouvant être soulevé pour la première fois en cause d'appel.
En l'espèce, l'allégation de la violation du droit à communiquer avec son consulat constitue un moyen relatif à l'exercice effectif des droits de l'étranger, pouvant être soulevé pour la première fois en cause d'appel.
Il s'en suit que ce nouveau moyen est recevable.
b) Sur le bien fondé de la violation du droit à communiquer avec son consulat :
En l'espèce, il ressort des pièces et élements du dossier que M. [G] [N] a reçu notification du droit à communiquer avec le consulat tunisien lors de la notification de son placement en retenue.
De plus, il a déclaré, ne pas souhaité avertir les autorités consulaires tunisiennes de la mesure de retenue administrative.
Le procès-verbal de notification des droits en rétention mentionne par erreur le droit de communiquer avec le consulat algérien et donne les coordonnées du consulat algérien.
Cette erreur est de nature à causer grief à M. [G] [N] dans la mesure où ce dernier a indiqué à l'audience qu'il ne s'opposerait pas à retourner en Tunisie si son titre d'expulsion était maintenu par la juridiction administrative de sorte que, même s'il n'est pas démontré que M. [G] [N] a tenté de contacter son consulat l'erreur commise est de nature à entraver ou rendre à tout le moins plus difficile la prise de contact avec les autorités consulaires tunisiennes.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME l'ordonnance entreprise.
Statuant de nouveau
ORDONNE la main-levée du placement en rétention de M. [G] [N]
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative.
[L] [Z],
greffière
[B] [C],
conseiller
N° RG 22/00984 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKB5
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 998 DU 08 Juin 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et
R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mercredi 08 juin 2022 :
- M. [G] [N]
- l'interprète
- l'avocat de M. [G] [N]
- l'avocat de MME LA PREFETE DE LA SOMME
- décision notifiée à M. [G] [N] le mercredi 08 juin 2022
- décision transmise par courriel pour notification à MME LA PREFETE DE LA SOMME et à Maître [I] [F] le mercredi 08 juin 2022
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de [Localité 2]
Le greffier, le mercredi 08 juin 2022
N° RG 22/00984 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKB5