COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 13 Septembre 2012
Chambre Civile
Numéro R. G. : 11/ 00170
Décision déférée à la cour :
rendue le : 30 Novembre 2007
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la cour : 17 Février 2011, après cassation
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANTE
LA SOCIETE DUMEZ GTM NOUVELLE-CALEDONIE, venant aux droits de la SAS CALTRA, prise en la personne de son représentant légal
Lot 1- Lotissement Robert- RT1- AUTEUIL-98835 DUMBEA
représentée par la SELARL REUTER-DE RAISSAC
INTIMÉS
M. Robert X...
né le 10 Octobre 1953 à NOUMEA (98800)
demeurant...-98812 BOULOUPARIS
Mme Rosita Y... épouse X...
née le 15 Décembre 1954 à NOUMEA (98800)
demeurant...-98812 BOULOUPARIS
M. Kurt X...
né le 23 Novembre 1974 à NOUMEA (98800)
demeurant...-98812 BOULOUPARIS
Mme Tehina X...
née le 27 Avril 1978 à NOUMEA (98800)
demeurant...-98812 BOULOUPARIS
Tous les quatre représentés par la SELARL BOITEAU
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Août 2012, en audience publique, devant la cour composée de :
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, président,
Jean-Michel STOLTZ, Conseiller,
Régis LAFARGUE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Mikaela NIUMELE
ARRÊT : contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article
451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Mikaela NIUMELE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Robert X... a été engagé par la société CALTRA, aux droits de laquelle vient la société DUMEZ GTM Nouvelle-Calédonie, en qualité de tôlier-peintre du 30 novembre 1988 au 28 novembre 1990.
Le 5 décembre 1991, la société CALTRA adressait à l'inspecteur du travail une déclaration de maladie professionnelle en précisant qu'il s'agissait d'une intoxication par le plomb.
La CAFAT ayant refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie dont il était atteint, Robert X... saisissait le 30 octobre 1997 le tribunal du travail qui, par jugement du 12 décembre 1997, ordonnait une expertise médicale.
Par jugement définitif du 13 mars 1998 le tribunal du travail constatait que la CAFAT admettait le caractère professionnel de la maladie et adoptait les conclusions des expertises. Le taux d'incapacité permanente partielle était fixé à 100 %, avec une majoration pour tierce personne.
Par acte du 28 décembre 2005, Robert X..., son épouse née Rosita Y..., Kurt X... et Tehina X... faisaient citer la société DUMEZ GTM Nouvelle-Calédonie devant le tribunal de première instance de Nouméa afin de voir juger qu'elle avait commis une faute inexcusable leur ayant causé des préjudices dont ils réclamaient l'indemnisation.
Par jugement en date du 30 novembre 2007 le tribunal de première instance de Nouméa a :
- rejeté l'exception de prescription soulevée par la société DUMEZ GTM Nouvelle-Calédonie, et déclaré la demande présentée par les consorts X... recevable ;
- débouté Robert X..., Rosita X..., Kurt X... et Téhina X... de leurs demandes indemnitaires ;
- dit n'y avoir lieu application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné les demandeurs aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl Reuter-De Raissac, aux offres de droit.
Par arrêt en date du 14 mai 2009, auquel il est renvoyé, cette cour a :
- déclaré l'appel recevable ;
- dit que le tribunal du travail est seul compétent pour statuer sur les demandes formées par les consorts X... aux fins de constatation de la faute inexcusable de la société DUMEZ venant aux droits de la société CALTRA ;
- dit que la juridiction de droit commun est compétente pour évaluer les préjudices non
réparés par les dispositions du décret du 24 février 1957 ;
- confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription invoquée par la société DUMEZ venant au droit de la société CALTRA ;
- statuant au fond en application de l'article
79 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
- dit que la maladie professionnelle dont est atteint M. X... est due à la faute inexcusable de la société DUMEZ venant au droit de la société CALTRA ;
- dit que M. X... est en droit d'obtenir réparation des préjudices non indemnisés par application du décret de 1957 à savoir les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et du préjudice résultant de la perte de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle à l'exclusion du préjudice économique proprement dit déjà indemnisé par la CAFAT par le versement d'une rente majorée ;
- dit que les consorts X... doivent voir le cas échéant leur préjudice moral réparé ;
- avant dire droit, ordonné une expertise et désigné le docteur Daniel B... à cette fin ;
- sursis à statuer sur les autres chefs de demandes en attente du rapport d'expertise ;
- réservé les dépens.
Par ordonnance en date du 26 octobre 2010 le magistrat chargé de la mise en état a, au visa de l'arrêt du 14 mai 2009, condamné la société DUMEZ GTM Nouvelle-Calédonie à payer à Robert X... la somme provisionnelle d'un million de francs cfp à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
Par arrêt en date du 9 décembre 2010, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 14 mai 2009 par la cour d'appel de Nouméa et a remis la cause des parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, les renvoyant devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée.
La Cour de cassation a statué ainsi qu'il suit :
« Vu l'article 51 du décret no 57-245 du 24 février 1957 qui régit les accidents du travail et les maladies professionnelles en Nouvelle-Calédonie ;
Attendu que selon ce texte, les droits aux prestations et indemnités prévues par le même décret se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la clôture de l'enquête ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière (...) ;
Attendu que pour écarter la fin de non recevoir tirée de la prescription biennale soulevée par la société et dire recevable l'action des consorts X..., la cour d'appel énonce que l'article 51 du décret no 57-245 du 24 février 1957 modifié ne concerne que les actions engagées pour obtenir le paiement des indemnités prévues par ce décret et versées par la CAFAT et retient que si l'accident est dû à la faute intentionnelle ou inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit conservent, contre l'auteur de l'accident, le droit de demander réparation du préjudice non indemnisé par l'application du décret, conformément au droit commun, en étant soumis à la prescription trentenaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription biennale de l'article 51 est applicable à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et que la demande à cette fin avait été présentée le 28 décembre 2005, soit plus de deux ans après la décision de prise en charge de la maladie au titre professionnel constatée judiciairement le 13 mars 1998, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Par mémoire d'appel contenant reprise après cassation enregistré le 10 février 2011 au greffe de la cour, la société DUMEZ GTM Nouvelle-Calédonie demande à la cour :
- de dire recevable et bien fondé l'appel formé par elle à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de première instance de Nouméa le 30 novembre 2007,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription invoquée ;
- de dire que par application des dispositions de l'article 51 du décret no 57-245 du 24 février 1957 modifié, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société DUMEZ GTM Calédonie est prescrite ;
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes par substitution de motifs ;
- de débouter les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires, et de les condamner au paiement de la somme de 100 000 fr. Cfp chacun au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par écritures déposées en réponse le 6 septembre 2011, les consorts X... concluent à :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré non prescrite l'action de Robert X... en reconnaissance de faute inexcusable ;
- ce que leur action soit déclarée recevable ;
et demandent à la cour de :
- de dire que la maladie professionnelle dont est atteint Robert X... est due à la faute inexcusable de la société DUMEZ venant au droit de la société CALTRA, et qu'il est en droit d'obtenir réparation des préjudices non indemnisés par application du décret de 1957, et notamment de ses préjudices non soumis à recours ;
- dire que Robert X..., son épouse et ses enfants peuvent être indemnisés de leur préjudice moral séparé ;
- leur donner acte de leur volonté de solliciter réparation aux termes d'écritures complémentaires et de condamner la société DUMEZ à leur payer la somme de 300 000 fr. Cfp en application de l'article
700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
Ils rétorquent, pour l'essentiel :
- que la prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est suspendue et interrompue par l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ;
- que le jugement du 13 mars 1998 du tribunal du travail de Nouméa constatait que la CAFAT admettait le caractère professionnel de la maladie, et adoptait les conclusions des expertises ;
- que ce jugement rendu, M. X... saisissait amiablement la CAFAT de la question relative à la faute inexcusable de l'employeur, et que dans une lettre du 18 octobre 2005, la CAFAT lui écrivait : « la rente attribuée à M. X... a été fixée à 100 %, soit le maximum et représente ainsi le montant de son salaire annuel. Aussi en application des dispositions réglementaires citées ci-dessus, aucune indemnisation complémentaire ne pourra lui être attribuée sur le fondement de la faute inexcusable de l'employeur » ;
- qu'il est de principe que la saisine par la victime de la caisse primaire d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable interrompt la prescription biennale de l'action puisque constituant en la matière un préalable à l'introduction d'une instance contentieuse ;
- que l'action engagée le 23 décembre 2005 par Robert X... n'est nullement prescrite ;
- que le tribunal a décidé à tort que les consorts X... ne rapportaient pas la preuve que les affections dont est atteint Robert X... étaient imputables à la société DUMEZ, alors qu'il résulte des pièces versées aux débats que sa maladie est directement liée à ses conditions de travail au sein de cette société, qui n'a pris aucune mesure pour le préserver des risques d'intoxication au plomb.
Par conclusions en date du 14 décembre 2011, la société DUMEZ GTM Nouvelle-Calédonie demande, en outre, à la cour :
- de constater que les consorts X... n'établissent pas que la maladie professionnelle reconnue non contradictoirement par la CAFAT soit caractérisée et que l'état de santé de Robert X... soit en relation (ou) le résultat d'une exposition habituelle à un risque professionnel au sein de l'entreprise, ni que la société DUMEZ GTM Nouvelle-Calédonie ait commis une faute inexcusable ;
- de constater que les dispositions du décret du 27 février 1957 en son article 34 ne permettent pas à Robert X... de solliciter réparation de son préjudice personnel non indemnisé par la CAFAT en l'absence de faute intentionnelle, et que les consorts X... ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une quelconque faute intentionnelle de sa part ;
- de débouter des consorts X... de l'ensemble de leurs demandes et de condamner chacun au paiement de la somme de 100 000 fr. Cfp au titre des frais irrépétibles.
Elle souligne, pour l'essentiel :
- que la société CALTRA n'avait pas été appelée à intervenir dans la procédure ayant donné lieu au jugement du 18 juin 1993 du tribunal du travail de Nouméa ;
- que les examens médicaux subis par Robert X..., notamment en janvier 1992, ne permettaient pas « de mettre en évidence la cause certaine de la neuropathie périphérique et une origine professionnelle n'est pas à retenir sur les arguments actuels » ;
- que le tribunal du travail, par ordonnance du 12 décembre 1997, a ordonné une nouvelle expertise médicale en désignant trois experts, dont Messieurs C... et D... qui avaient antérieurement été saisis amiablement par Robert X... ;
- que la CAFAT a fini par accepter, en dehors de toute instance judiciaire, le caractère professionnel de la maladie en convenant de fixer le taux d'IPP au maximum soit 100 % ;
- que le tribunal du travail de Nouméa, par jugement du 19 juillet 2002, confirmé par un arrêt du 30 avril 2003, a fixé le montant du capital rachetable à la somme de 11 513 796 fr. Cfp ;
- qu'après l'arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2010, les consorts X... prétendent que leur action n'est pas prescrite alors qu'à aucun moment la CAFAT n'indique dans le courrier du 18 octobre 2005 que Robert X... aurait formé un quelconque recours tendant à voir reconnaître une faute inexcusable, et encore moins que ce recours aurait été formé immédiatement après le jugement du 13 mars 1998 reconnaissant le caractère professionnel de sa maladie ;
- qu'au surplus le point de départ du délai de prescription est antérieur à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie étant donné que la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable n'est pas interrompue par l'action en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ;
- que la loi no 2001-1246 du 21 décembre 2001 instaurant l'article
L 431-2 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, où s'applique la jurisprudence antérieure à ce texte selon laquelle l'introduction d'une action en reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie ne suspend pas le délai de prescription de l'action en constatation de la faute inexcusable ;
- que, sur les demandes formées à titre d'appel incident, l'existence de la faute inexcusable invoquée n'est nullement démontrée ;
- que la reconnaissance de maladie professionnelle réalisée par la CAFAT lui est inopposable du fait du non-respect du principe de la contradiction ;
- que Robert X... n'apporte pas la preuve de la faute inexcusable qu'il invoque à son encontre ;
- qu'il convient de rappeler que Robert X... a occupé plusieurs emplois en tôlerie peinture et carrosserie dans diverses entreprises du territoire et de Tahiti depuis 1972 et qu'il n'a été embauché par la société CALTRA que le 30 novembre 1988, avant d'être arrêté pour cause de maladie à compter du 5 mars 1989, et qu'aucun des certificats médicaux ensuite délivrés n'ont fait état d'une quelconque maladie d'origine professionnelle ;
- que Robert X... n'a procédé à aucune déclaration de maladie professionnelle dans les 15 jours qui ont suivi le 5 mars 1989, contrairement aux exigences de la délibération no8 du 26 décembre 1958, et ne peut se prévaloir d'aucune présomption de maladie professionnelle ;
- qu'en Nouvelle-Calédonie la faute inexcusable de l'employeur, qui donne la possibilité à l'employé d'obtenir une rente majorée et fait obligation pour l'employeur de payer une cotisation supplémentaire, ne permet pas à l'employé d'agir directement contre son employeur en réparation du préjudice qui n'aurait pas été indemnisé en vertu du décret du 24 février 1957, seule la faute intentionnelle, inexistante en l'espèce, autorisant une telle action ;
- que les demandes présentées par les ayants droit de Robert X... en indemnisation d'un préjudice moral ne peuvent reposer que sur le droit commun de la responsabilité, dont les conditions ne sont pas réunies.
Par écritures déposées le 25 avril 2012, les consorts X... soutiennent :
- que l'inopposabilité à la société DUMEZ de la reconnaissance de l'existence d'une maladie professionnelle par la CAFAT, et des mesures d'expertise, ne concerne que les rapports de la caisse et de l'employeur ;
- que Robert X... démontre, par les pièces versées aux débats, que sa maladie est directement liée à ses conditions de travail au sein de la société CALTRA, qui n'avait pris aucune mesure pour le préserver des risques d'intoxication au plomb ;
- qu'au regard de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, l'article 34 du décret du 24 février 1957 n'est pas conforme à la Constitution en ce qu'il porte une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs à obtenir réparation ;
- qu'il convient de condamner la société DUMEZ au paiement des sommes suivantes, majorées des intérêts légaux à compter de la requête :
Au profit de Robert X... :
pretium doloris et préjudice moral : 10 000 000 fr. Cfp
préjudice esthétique : 2 000 000 fr. Cfp
préjudice d'agrément : 30 000 000 fr. Cfp
préjudice professionnel : 20 000 000 fr. Cfp
préjudice matériel : 12 960 000 fr. Cfp
Au profit de Rosita X... :
préjudice moral : 8 000 000 fr. Cfp
préjudice d'agrément : 7 000 000 fr. Cfp
Au profit de Kurt X... :
préjudice moral : 5 000 000 fr. Cfp
Au profit de Téhina X... :
préjudice moral : 5 000 000 fr. Cfp.
Vu les conclusions déposées le 30 mai 2012 par la société DUMEZ GTM Nouvelle-Calédonie, qui reprend ses écritures antérieures et ajoute, subsidiairement, que les demandes d'indemnisation des consorts X... sont très excessives et ne reposent sur aucune justification.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2012.
SUR QUOI, LA COUR :
La décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010 n'est pas utile à la solution du litige, relatif aux conditions de mise en oeuvre des dispositions de l'article 51 du décret no57-245 du 24 février 1957, dans la mesure où elle concerne exclusivement, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, le plafonnement de l'indemnisation de certains préjudices et dispose qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, l'impossibilité d'obtenir la réparation intégrale des préjudices subis porte une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs et est, par conséquent, contraire à la Constitution.
Si, comme le soulignent les appelants, la prescription prévue par l'article 51 de ce décret est interrompue par l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, encore faut-il évidemment que la prescription ne soit pas acquise quand cette action est engagée.
En l'espèce, le tribunal du travail de Nouméa ayant constaté, par jugement définitif du 13 mars 1998, que la Cafat admettait le caractère professionnel de la maladie dont Robert X... était atteint, l'action engagée par les consorts X... par acte 28 décembre 2005 pour voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur était prescrite. Ceux-ci sont dans l'impossibilité d'établir que la prescription ait été interrompue avant mars 2000 et ensuite suspendue.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement rendu le 30 novembre 2007 par le tribunal de première instance de Nouméa il y a déclaré leur demande recevable.
Par substitution de motifs ce jugement sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes d'indemnisations.
L'équité n'impose pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie au bénéfice de la société Dumez GTM Nouvelle-Calédonie.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 9 décembre 2010,
Vu la décision no 2010-8 QPC du Conseil Constitutionnel,
Infirme le jugement rendu le 30 novembre 2007 par le tribunal de première instance de Nouméa en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription soulevée par la société Dumez GTM Nouvelle-Calédonie et déclaré recevable la demande des consorts X...,
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit et juge que par application des dispositions de l'article 51 du décret no 57-245 du 24 février 1957 modifié, l'action des consorts X... en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Dumez GTM Nouvelle-Calédonie est prescrite,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes et en ce qu'il les a condamnés aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl d'avocats Reuter-de Raissac, aux offres de droit,
Y ajoutant,
Déboute la société Dumez GTM Nouvelle-Calédonie de sa demande en paiement de frais irrépétibles,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne les consorts X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.