Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 18-24.388

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2020-09-30
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
2018-09-20
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
2018-09-20

Texte intégral

SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 septembre 2020 Cassation partielle Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 858 F-D Pourvoi n° F 18-24.388 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020 La Compagnie de formation, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 18-24.388 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre), dans le litige l'opposant à Mme Q... U..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de La Compagnie de formation, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme U..., après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Depelley, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 septembre 2018), Mme U..., engagée par la société La Compagnie de formation à compter du 10 octobre 1996 pour occuper au dernier état de la relation contractuelle les fonctions de directrice adjointe de l'établissement de Cannes, a reçu le 23 avril 2015 une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique, qu'elle a refusée le 29 avril 2015. Le 12 juin suivant, elle a été destinataire d'une lettre comportant des offres de reclassement, qu'elle a refusées. Elle a adhéré le 10 juillet 2015 au contrat de sécurisation professionnelle et s'est vue notifier son licenciement pour motif économique le 16 juillet 2015. 2. Contestant la rupture de son contrat de travail, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen



Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité pour licenciement abusif, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que le document écrit par lequel l'employeur notifie au salarié le motif économique du licenciement avant qu'il accepte le contrat de sécurisation professionnelle est soumis aux mêmes exigences de motivation qu'une lettre de licenciement ; qu'il est donc suffisamment motivé dès lors qu'il fait état de difficultés économiques et/ou d'une réorganisation de l'entreprise, ainsi que de la suppression de l'emploi du salarié, peu important que les difficultés économiques invoquées ne soient pas détaillées et qu'il n'évoque pas la sauvegarde de la compétitivité ; que cette notification écrite des motifs du licenciement peut résulter d'un courrier par lequel l'employeur propose au salarié des offres de reclassement ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que Mme U..., qui a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 10 juillet 2015, avait reçu le 12 juin 2015 un courrier d'offre de reclassement dans lequel il était précisé que ''l'établissement de Cannes fait l'objet d'un projet de cessation d'activité ( ) eu égard aux difficultés économiques rencontrées ces dernières années'' et que son poste de directrice adjointe était supprimé ; qu'il en résulte que la salariée avait bien été informée par écrit, avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, du motif de son licenciement ; qu'en affirmant néanmoins le contraire, au prétexte que cette offre de reclassement n'explicitait pas la nature des difficultés économiques de l'établissement de Cannes, ni ne faisait état de la nécessaire sauvegarde de la compétitivité contrairement à une lettre du 16 juillet 2015 reçue par la salariée postérieurement à son licenciement qui seule l'aurait informée de la totalité des motifs du licenciement, cependant que de telles indications ne sont pas nécessaires pour répondre aux exigences de motivation prévues par la loi et que le courrier du 16 juillet 2015 précisait simplement les motifs déjà énoncés, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-65, L. 1233-66, L. 1233-67 et L. 1233-39 du code du travail. » Réponse de la Cour

Vu

les articles L. 1233-3, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, L. 1233-16, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et L. 1233-67, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, du code du travail : 4. D'une part, la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur doit en conséquence en énoncer le motif économique dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

5. D'autre part, la lettre de licenciement qui fait état de difficultés économiques, d'une mutation technologique ou d'une réorganisation, et qui indique que cette situation entraîne une suppression d'emploi, une transformation d'emploi ou une modification du contrat de travail est suffisamment motivée. 6. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient

que la salariée a reçu notification des motifs de son licenciement économique par lettre du 16 juillet 2015, soit postérieurement à son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle le 10 juillet 2015. Il relève également que si elle a pu recevoir le 12 juin 2015 une offre de reclassement précisant que « l'établissement de Cannes fait l'objet d'un projet de cessation d'activité (...) eu égard aux difficultés économiques rencontrées ces dernières années » nécessitant la suppression de son poste de directrice adjointe et a été également destinataire « d'un accord majoritaire encadrant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi », ces documents n'explicitent pas la nature des difficultés économiques de l'établissement de Cannes, laquelle n'est précisée que par la lettre du 16 juillet 2015. Il retient enfin que cette correspondance fait, contrairement aux documents précédents, seule état du motif de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. Il en déduit que la salariée n'a été pleinement informée de la totalité des motifs de rupture de son contrat de travail que postérieurement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle valant rupture du contrat de travail.

7. En statuant ainsi

, alors qu'elle avait constaté que la lettre d'offres de reclassement du 12 juin 2015 mentionnait un projet de cessation d'activité de l'établissement où était affectée la salariée suite à des difficultés économiques ainsi que la suppression de son poste, ce dont il résultait que l'employeur avait satisfait à son obligation d'énonciation du motif économique de la rupture avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de Mme U... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société La Compagnie de formation à lui payer 50 000 euros à titre d'indemnité de licenciement abusif et 10 050 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 005 euros au titre des congés payés afférents, sauf à déduire les sommes qui ont déjà été versées à ce titre dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, ainsi que 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne Mme U... aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour La Compagnie de formation Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme U... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société La Compagnie de Formation à payer à Mme U... la somme de 50.000 euros à titre d'indemnité de licenciement abusif, la somme de 10.500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.005 euros au titre des congés payés afférents, sauf à déduire les sommes qui ont déjà été versées à ce titre dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, et la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE « Attendu qu'il résulte des pièces produites que Mme Q... U... a reçu notification des motifs de son licenciement économique par lettre du 16 juillet 2015, soit postérieurement à son adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle le 10 juillet 2015 (pièce 27 de l'employeur) ; que si elle a pu recevoir le 12 juin 2015 une offre de reclassement précisant que « l'établissement de Cannes fait l'objet d'un projet de cessation d'activité ( ) eu égard aux difficultés économiques rencontrées ces dernières années » nécessitant la suppression de son poste de directrice adjointe et a été également destinataire « d'un accord majoritaire encadrant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi » (pièce 25), il convient d'observer que ces documents, contrairement à ce que soutient l'employeur, n'explicitent pas la nature des difficultés économiques de l'établissement de Cannes, laquelle n'est précisée que par la lettre du 16 juillet 2015 (forte baisse du chiffre d'affaires de l'établissement Cannes-Nice, dégradation de 40 % des effectifs) ; que d'autre part, cette correspondance fait, contrairement aux documents précédents, seule état du motif de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; que l'affichage dans les locaux de l'entreprise d'informations sur sa réorganisation ou sur le projet collectif de licenciement ne saurait valoir, en l'absence de preuve que la salariée en ait eu une connaissance personnelle, notification des motifs de licenciement ; qu'il se déduit de ces constatations que Mme Q... U... n'a été pleinement informée de la totalité des motifs de rupture de son contrat de travail que postérieurement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle valant rupture du contrat de travail, ce qui conduit à considérer son licenciement, ainsi qu'elle le soutient, comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Attendu que compte tenu de l'ancienneté de Mme Q... U..., soit approximativement 19 ans au service d'une entreprise qui ne soutient pas employer moins de 11 salariés, de son âge lors de la rupture du contrat de travail (46 ans), du salaire mensuel brut qu'elle a perdu (3 350 €) et qui justifie avoir été indemnisée par Pôle emploi jusqu'au mois d'avril 2018 et souffrir d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel, il lui sera alloué une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée à 50 000 € en application de l'article L1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ; Attendu qu'il lui sera également accordé une indemnité compensatrice de préavis de 10 050 € (3 mois de salaire en sa qualité de cadre), outre l'indemnité de congés payés afférente, sauf à déduire les sommes qui ont pu déjà lui être versées à ce titre dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle » ; ALORS QUE le document écrit par lequel l'employeur notifie au salarié le motif économique du licenciement avant qu'il accepte le contrat de sécurisation professionnelle est soumis aux mêmes exigences de motivation qu'une lettre de licenciement ; qu'il est donc suffisamment motivé dès lors qu'il fait état de difficultés économiques et/ou d'une réorganisation de l'entreprise, ainsi que de la suppression de l'emploi du salarié, peu important que les difficultés économiques invoquées ne soient pas détaillées et qu'il n'évoque pas la sauvegarde de la compétitivité ; que cette notification écrite des motifs du licenciement peut résulter d'un courrier par lequel l'employeur propose au salarié des offres de reclassement ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que Mme U..., qui a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 10 juillet 2015, avait reçu le 12 juin 2015 un courrier d'offre de reclassement dans lequel il était précisé que « l'établissement de Cannes fait l'objet d'un projet de cessation d'activité ( ) eu égard aux difficultés économiques rencontrées ces dernières années » et que son poste de directrice adjointe était supprimé ; qu'il en résulte que la salariée avait bien été informée par écrit, avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, du motif de son licenciement ; qu'en affirmant néanmoins le contraire, au prétexte que cette offre de reclassement n'explicitait pas la nature des difficultés économiques de l'établissement de Cannes, ni ne faisait état de la nécessaire sauvegarde de la compétitivité contrairement à une lettre du 16 juillet 2015 reçue par la salariée postérieurement à son licenciement qui seule l'aurait informée de la totalité des motifs du licenciement, cependant que de telles indications ne sont pas nécessaires pour répondre aux exigences de motivation prévues par la loi et que le courrier du 16 juillet 2015 précisait simplement les motifs déjà énoncés, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-65, L. 1233-66, L. 1233-67 et L. 1233-39 du code du travail.