Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 juin 2021 et le 1er avril 2022, la société Lebéfaude Solutions Navales, représentée par Me Nivault, demande au
tribunal :
1°)
de condamner le syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) Pailebot Miguel Caldentey à lui verser la somme
de 73 470,80 euros au titre
de l'indemnisation du manque à gagner à raison
de l'exécution du marché relatif aux travaux d'armement à flot du navire Pailebot Miguel Caldentey classé monument historique ;
2°)
de mettre à la charge du Sivu Pailebot Miguel Caldentey la somme
de 3 000 euros en application
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
Elle soutient que :
- le Sivu a lancé un marché à procédure adaptée pour les travaux d'armement à flot du navire classé monument historique " Pailebot Miguel Caldentey " ; la date limite
de remise des offres était fixée au 16 novembre 2020 à 12h ;
- l'offre qu'elle a remise a été rejetée par le Sivu par un courrier du 17 décembre 2020 ; dans le cadre d'un échange
de SMS, le Sivu a décidé
de lui attribuer le marché ;
- par une délibération du
12 février 2021, le Sivu PMC a déclaré sans suite la procédure lancée pour un motif d'intérêt général ;
- elle a adressé le 6 avril 2021 une réclamation préalable indemnitaire qui a été implicitement rejetée ;
- son éviction du marché était irrégulière et elle aurait dû obtenir le marché ; l'attribution à M. B, assistant du maitre d'ouvrage est illégale car méconnait le principe d'égalité
de traitement et
de transparence des procédures ; en effet, M. B est lié avec le SIVU Pailebot Miguel Caldentey par un contrat d'assistant à maîtrise d'ouvrage du projet
de restauration
de la goélette Miguel Caldentey conclu bien avant le lancement du marché
de maîtrise d'œuvre querellé ;
- M. B ne pouvait pas légalement soumissionner ;
- le recours à la procédure
de déclaration sans suite pour motif d'intérêt général est illégal dès lors qu'aucun des motifs avancés n'est fondé, à savoir la différence
de délai entre les deux candidats et l'inadaptation
de la méthode
de calcul
de la note à attribuer sur le critère prix ; le Sivu a commis trois fautes
de nature à engager sa responsabilité, la première concerne le recours tardif à la procédure
de déclaration sans suite, seulement quand elle a averti le Sivu, la deuxième concerne la nécessité alléguée
de redéfinir les besoins mais qui ne sont pas précisés et la troisième concerne le motif tiré
de ce que la méthode
de calcul
de la note sur le critère prix n'était pas adaptée en ne prenant pas en compte le délai d'exécution est une hérésie juridique dès lors que le prix ne doit être évalué qu'en fonction du prix ;
- elle a perdu une chance sérieuse d'obtenir le marché dès lors que deux offres seulement ont été déposées, la sienne et celle irrégulière
de M. B ;
- elle a droit à l'indemnisation
de son manque à gagner qui est
de 73 470,88 euros sur la base
de son offre
de 199 000 euros HT, ainsi qu'en atteste son expert-comptable.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 mars et le 4
mai 2022, le syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) Pailebot Miguel Caldentey, représenté par Me
Pons-Serradeil conclut au rejet
de la requête et à ce que la somme
de 3 000 euros soit mise à la charge
de la société Lebéfaude Solutions Navales au titre
de l'article
L. 761-1 code
de justice
administrative.
Il soutient que :
- dans le cadre
de sa mission, il a lancé au cours
de l'année 2020 un appel d'offres portant sur un marché
de maitrise d'œuvre pour les travaux d'armement à flot du navire Pailebot Miguel Caldentey ;
- à l'expiration
de la date limite
de remise des offres, seuls deux candidats devaient présenter une offre à savoir, Monsieur A B et la société requérante ;
- à l'issue
de la procédure d'analyse des offres et
de la phase
de négociation, le marché était attribué à Monsieur A B ;
- il a été proposé au comité syndical
de déclarer sans suite la procédure d'appel d'offres en raison d'une irrégularité dans la procédure
de mise en concurrence ;
- il n'a commis aucune faute en déclarant sans suite ce marché ; il n'existe aucune interdiction légale, règlementaire ou même jurisprudentielle selon laquelle un opérateur qui aurait participé directement ou indirectement à la préparation d'un marché public ne pourrait candidater à l'attribution
de celui-ci ; c'est donc à tort que la requérante soutient que la procédure aurait été irrégulière en raison
de la seule participation
de Monsieur A B ; le rejet
de son offre n'était donc pas illégal ;
- la décision
de déclaration sans suite du marché n'est pas irrégulière ; la procédure a été déclaré sans suite aux motifs notamment qu'il existe un doute sur la régularité
de la procédure au regard
de l'égalité
de traitement des candidats et que le Sivu souhaite redéfinir ses besoins ;
- le recours à la procédure
de classement sans suite n'est pas tardif dès lors que l'information d'un soumissionnaire que son offre est retenue dans le cadre d'un marché public ne suffit pas à créer un droit à la signature du contrat
de sorte qu'une procédure peut à tout moment être déclarée sans suite pour des motifs d'intérêt général ;
- contrairement à ce que tente
de faire croire la requérante, le planning prévisionnel ne saurait être confondu avec les délais d'exécution ; ces derniers concernent l'exécution des prestations du maître d'œuvre tandis que le planning porte sur la réalisation du chantier par la ou les entreprises postérieurement sélectionnées ; c'est donc également à tort que la société requérante prétend que les délais d'exécution auraient bien été pris en compte dans la notation du prix ;
- à titre subsidiaire, la requérante ne pourrait demander l'indemnisation que
de son bénéfice net ; or la requérante demande la marge nette.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code
de la commande publique ;
- le code
de justice
administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour
de l'audience.
Ont été entendus au cours
de l'audience publique :
- le rapport
de M. C ;
- les conclusions
de M. Lauranson, rapporteur public ;
- les observations
de Me Calvet, représentant le Sivu Pailebot Miguel Caldentey.
Considérant ce qui suit
:
1. Le syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) Pailebot Miguel Caldentey a lancé un marché à procédure adaptée pour la maitrise d'œuvre des travaux d'armement à flot du navire classé monument historique du même nom. La date limite
de remise des offres était fixée au 16 novembre 2020 à 12h et deux candidats se sont manifestés. Après négociation, l'offre
de la société Marc B a été retenue et celle
de la société Lebéfaude Solutions Navales (LSN) a été rejetée par un courrier du 17 décembre 2020. Par une requête enregistrée le 4 février 2021, la société LSN a saisi le
tribunal d'un référé précontractuel sur le fondement
de l'article L. 551-1 code
de justice
administrative. Par une délibération du
12 février 2021, le SIVU a décidé
de déclarer sans suite le marché
de maitrise d'œuvre en litige pour motif d'intérêt général, conduisant au prononcé d'un non-lieu à statuer dans cette instance par une ordonnance du 16 février 2021. Par sa requête, la société demande l'indemnisation des préjudices qu'elle estime subir en raison
de cette déclaration sans suite
de la procédure.
Sur la responsabilité :
2. Aux termes
de l'article
R. 2185-1 du code
de la commande publique : " L'acheteur peut, à tout moment, déclarer une procédure sans suite. ". Et aux termes
de l'article
R. 2185-2 du même code : " Lorsqu'il déclare une procédure sans suite, l'acheteur communique dans les plus brefs délais les motifs
de sa décision
de ne pas attribuer le marché ou
de recommencer la procédure aux opérateurs économiques y ayant participé. " Indépendamment du cas où aucune offre n'est jugée acceptable, une collectivité publique a la faculté
de ne pas donner suite à un appel d'offres pour un motif d'intérêt général.
3. Il résulte
de l'instruction que la délibération du
12 février 2021 décidant
de déclarer sans suite la procédure est fondée sur trois motifs tirés, d'une part
de l'incertitude quant à l'égalité
de traitement entre les candidats en raison du manque
de documents techniques annexés au marché lors
de la consultation ayant pu affecter la réponse des entreprises, d'autre part,
de ce que la méthode
de calcul
de la note à attribuer sur le prix n'était pas adaptée et enfin
de ce qu'il serait apparu nécessaire
de redéfinir les besoins du marché.
4. Il résulte
de l'instruction que le candidat désigné attributaire, M. A B, était également titulaire d'un contrat d'assistance à maitrise d'ouvrage avec pour mission en autres
de définir les postes
de la restauration et l'aide au choix des intervenants et la rédaction des cahiers techniques pour les procédures
de consultation et analyse des offres et que ces missions étaient ainsi
de nature à lui permettre l'obtention d'informations complémentaires non présentes dans la procédure d'appel d'offres. Par ailleurs, la délibération du
12 février 2021 précise sur ce même motif que l'offre
de la requérante présente une différence
de 58 semaines supplémentaires par rapport à l'offre
de M. B dont près d'un tiers supplémentaire pour l'étude du projet (" phase PRO). Si la société requérante soutient qu'elle est à l'origine
de la découverte
de ces circonstances et que le SIVU ne pouvait pas mettre en œuvre la procédure
de déclaration sans suite aussi tardivement, la collectivité publique a toutefois toujours la possibilité d'engager une telle procédure même une fois l'attributaire désigné, lequel ne peut se prévaloir d'un quelconque droit à la signature du contrat. Dans ces conditions, ce seul motif tenant à l'irrégularité
de la procédure, même s'il en est pour partie responsable, permettait au Sivu Pailebot Miguel Caldentey
de déclarer sans suite la procédure
de sélection en litige.
5. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité des autres motifs
de la délibération du
12 février 2021, les conclusions indemnitaires
de la requête fondées sur l'illégalité
de la décision déclarant sans suite le marché, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative font obstacle à ce que le Sivu Pailebot Miguel Caldentey, qui n'a pas la qualité
de partie perdante, verse à la société Lebéfaude Solutions Navales la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances
de l'espèce, il n'y a pas lieu
de mettre à la charge
de la société Lebéfaude Solutions Navales le versement au Sivu Pailebot Miguel Caldentey d'une quelconque somme sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Lebéfaude Solutions Navales est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Lebéfaude Solutions Navales et au Sivu Pailebot Miguel Caldentey.
Délibéré après l'audience du 20 avril
2023, à laquelle siégeaient :
M. Eric Souteyrand, président,
M. Nicolas Huchot, premier conseiller,
Mme Audrey Lesimple, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le
12 mai 2023.
Le rapporteur,
N. C
Le président,
E. Souteyrand La greffière,
M.-A Barthélémy
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne, ou à tous commissaires
de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies
de droit commun, contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution
de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Montpellier le
12 mai 2023,
La greffière,
M.-A Barthélémy