Cour de cassation, Troisième chambre civile, 7 janvier 2016, 14-26.061

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2016-01-07
Cour d'appel de Lyon
2014-07-01

Texte intégral

Attendu, selon les arrêts attaqués (Lyon, 14 janvier 2014 et 1er juillet 2014), que la SCI de l'Europe (la SCI), maître d'ouvrage, a confié à la société Christin le lot "plomberie-sanitaire" dans une opération de construction dénommée "Mermoz I" ; qu'en cours de chantier, des malfaçons du gros oeuvre ont nécessité la démolition de ce qui venait d'être construit et conduit le maître d'ouvrage à renoncer à l'opération initiale pour lui préférer un nouveau projet dénommé "Mermoz II" auquel la société Christin n'a pas participé ; qu'un désaccord est survenu entre la SCI et la société Christin sur la clôture des comptes du chantier "Mermoz I" ; que la société Christin a assigné le maître d'ouvrage en paiement ;

Sur le premier moyen

:

Attendu qu'ayant

retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'ouvrage, abandonné en cours de chantier, n'avait pas fait l'objet d'une réception formelle et n'était pas terminé et que le marché n'avait pas été résilié, la cour d'appel a pu, sans dénaturation, déduire de ces seuls motifs que la procédure de vérification des comptes instituée par le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et le cahier des clauses administratives générales (CCAG) ne pouvait s'appliquer ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu qu'ayant

écarté le décompte présenté par la société Christin lors de la procédure de vérification des comptes relevant du CCAP et du CCAG, la cour d'appel en a souverainement déduit que le montant des travaux effectués par elle avant l'arrêt du chantier devait être fixé à la somme vérifiée par le maître d'oeuvre de l'opération ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

:

Attendu qu'ayant

relevé que l'arrêt du 14 janvier 2014 comportait une imprécision sur la nature de la somme de 293 896 euros et une omission de statuer sur le montant des acomptes et de l'avance à la commande versés à la société Christin dont le principe de la compensation avec le prix des travaux avait été retenu, la cour d'appel a pu en déduire que l'arrêt rendu par elle le 14 janvier 2014 devait être interprété ; Et attendu que les premier et deuxième moyens étant rejetés, le moyen, pris en sa première branche, qui invoque la cassation par voie de conséquence, est sans objet ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Christin aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Christin à payer une somme de 3 000 euros à la SCI de l'Europe ; rejette la demande de la société Christin ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille seize

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Christin PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué du 14 janvier 2014 d'avoir dit et jugé que la procédure contractuelle de vérification des comptes du marché instituée par les articles 7.4 du cahier des clauses administratives particulières et 19.5 et suivants du cahier des clauses administratives générales était inapplicable au cas d'espèce et qu'il ne pouvait être fait état d'une forclusion opposable au maître de l'ouvrage, et d'avoir, en conséquence, débouté la société CHRISTIN de sa demande en paiement de la somme de 604.657,68 ¿ due au titre de son mémoire définitif ; Aux motifs que : « Tant l'article 7.4 du CCAP que l'article 19.5.1 du CCAG ne soumettent les comptes du marché à la procédure contractuelle de vérification qu'après la réception des travaux, voire en plus, à la résiliation du marché pour ce qui concerne les dispositions générales ; qu'encore, convient-il de noter que les dispositions du CCAP, qui n'évoquent que la réception des travaux, l'emportent nécessairement sur les dispositions plus vastes du CCAG puisqu'il est convenu contractuellement que la procédure ainsi instituée par le CCAG est subsidiaire par rapport à celle du CCAP, le particulier l'emportant sur le général ; qu'or, il est constant qu'il n'y a pas eu de réception des travaux, ceux-ci ayant été interrompus en vue d'une démolition de ce qui venait d'être réalisé ;qu'à toutes fins, on peut encore noter qu'il n'y a pas eu lieu non plus lieu à résiliation formelle du marché, le maître de l'ouvrage n'évoquant que l'arrêt du chantier, ce qui ne peut être assimilé à une interruption définitive des relations contractuelles ; qu'au reste, il n'est pas contesté que le document envoyé par la société CHRISTIN, intitulé « mémoire définitif pour les ouvrages interrompus désignés par le projet Mermoz 1 » l'a été directement à la société E2CA INGENIERIE, économiste de la construction, laquelle n'a pas la qualité de maître d'oeuvre alors qu'il a été convenu contractuellement que le titulaire du marché devait s'adresser pour remise de son mémoire à ce professionnel ; que, par voie de conséquence, à la suite de la SCI DE L'EUROPE, on doit dire et juger qu'il n'y a jamais eu réception des travaux, seul événement qui aurait normalement permis l'ouverture de la procédure contractuelle de vérification des comptes du marché dans le cadre fixé par l'article 7.4 du CCAP ; qu'il n'y a pas eu lieu non plus à résiliation de ce marché permettant l'ouverture de ladite procédure contractuelle, dans le cadre fixé par l'article 19.5 du CCAG ; qu'il s'ensuit effectivement qu'il ne saurait être opposé à la SCI DE L'EUROPE un défaut de réponse de sa part dans le délai de 30 jours ouvert par l'article 7.4 du CCAP, pour juger que le document établi par la société CHRISTIN intitulé « mémoire définitif » aurait été inéluctablement accepté par la SCI par forclusion de toute contestation possible ; que la conséquence de cette situation de fait est que les parties se sont délibérément placées en dehors des règles contractuelles régissant leurs rapports puisque l'une a « arrêté » le chantier en dehors de toute concertation avec ses partenaires à l'acte de construire, ce qui n'était pas prévu au contrat, et l'autre a déposé un « mémoire définitif » en dehors du champ contractuel ; » Alors, en premier lieu, que, lorsque le cahier des clauses administratives particulières ne contient aucune clause contraire ou même incompatible avec celles de la norme NFP 03-001 valant cahier des clauses administratives générales, ces dernières conservent leur valeur supplétive et doivent, par conséquent, recevoir application ; qu'en écartant l'application des articles 19.5.1 et suivants de la norme NFP 03-001, quand il résulte de ses énonciations que ces stipulations ne contredisaient pas l'article 7.4 du cahier des clauses administratives particulières mais le complétait en étendant la procédure contractuelle de vérification et d'apurement des comptes du marché à l'hypothèse de la résiliation des relations contractuelles, la cour d'appel a méconnu la valeur contractuelle des articles 19.5.1 et suivants de la norme NFP 03-001 et ainsi violé l'article 1134 du code civil ; Alors, en deuxième lieu et à tout le moins, qu'aux termes de son article 1.6 in fine, le cahier des clauses administratives particulières prévoyait : « Les documents particuliers prévaudront sur les documents d'ordre général sans, toutefois, pouvoir déroger aux dispositions législatives ou réglementaires d'ordre public en vigueur » ; qu'en outre, selon la même stipulation, « cette règle de présence ne jou ait qu'en cas de contradiction » ; que, pour écarter les articles 19.5 et suivants de la norme NFP 03-001 valant CCAG, la cour d'appel s'est bornée à relever que, le CCAG étant « subsidiaire » par rapport au CCAP, les dispositions de celui-ci « l'emportaient nécessairement sur les dispositions plus vastes du CCAG » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si les articles 19.5 et suivants de la norme NFP 03-001 contredisaient le CCAP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ; Alors, en troisième lieu et à tout le moins, qu'aux termes d'un courrier du 25 février 2004 adressé à la société CHRISTIN, le maître de l'ouvrage faisait part de sa volonté de « clôturer les comptes financiers du chantier de l'hôpital privé Jean Mermoz I » ; qu'en déduisant de ce document clair et précis que le maître de l'ouvrage n'y « avait évoqu é que l'arrêt du chantier », la cour d'appel l'a dénaturé, violant ainsi l'article 1134 du code civil ; Alors, en quatrième lieu et à tout le moins, qu'en se bornant, pour exclure l'existence d'une résiliation du marché, à retenir que la volonté de résiliation du maître de l'ouvrage n'avait pas été formellement exprimée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si, au travers des différents courriers échangés par les parties les février, 25 février, 12 mars, 17 mars, 5 avril, 20 août et 20 décembre 2004, le maître de l'ouvrage, s'il ne l'avait pas formellement exprimé, n'avait pas néanmoins considéré, de fait, le contrat d'entreprise comme rompu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1794 du code civil ; Alors, en cinquième lieu et à tout le moins, que, dans ses conclusions d'appel (p. 24 et 25), la société CHRISTIN faisait valoir que, même si la construction n'avait pas été achevée, le maître de l'ouvrage avait réceptionné l'immeuble au sens de l'article 1792-6 du code civil ; qu'en considérant comme un fait « constant » l'absence de tout réception des travaux, quand ce fait était précisément contesté par la société CHRISTIN, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ; Alors, en sixième lieu et à tout le moins, que l'achèvement des travaux n'est pas une condition de la réception de l'ouvrage ; qu'en excluant l'existence d'une réception par la SCI DE L'EUROPE des travaux, au seul motif que ceux-ci « avaient été interrompus » en vue de leur démolition, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur l'achèvement des travaux pour retenir l'existence d'une réception, a ajouté une condition à la loi et ainsi violé l'article 1792-6 du code civil ; Alors, enfin et à tout le moins, qu'en se bornant à affirmer que la société E2CA INGENIERIE, économiste de la construction, n'avait pas la qualité de maître d'oeuvre, sans examiner, ainsi qu'elle y était cependant invitée, les dispositions du cahier des clauses techniques communes qui lui attribuaient cependant cette qualité et qui, ne contredisant pas celles du cahier des clauses administratives particulières, devaient recevoir application, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué du 14 janvier 2014 d'avoir limité à la somme de 293.896 ¿ HT, outre TVA, la condamnation de la SCI EUROPE au paiement du solde de marché dans le chantier « MERMOZ I » ; Aux motifs que : « l'affaire est donc en l'état d'un mémoire rappelé ci-dessus et compté pour 604.657 ¿ TTC ; que, sur cette somme, 385.729 ¿ sont comptés au titre des travaux exécutés alors que le contrôle quantitatif du maître d'oeuvre aboutit à une valorisation à hauteur simplement de 293.896 ¿ HT avant toute application de moins-value au titre de différents manquements et pénalités de retard ; (..) que la cour retient donc cette somme de 293.896 ¿ HT, avant revalorisation, comme solde de travaux devant revenir à l'entreprise ; » Alors qu'après avoir rappelé que la société CHRISTIN évaluait les travaux exécutés par elle à la somme de 385.729 ¿ alors que le contrôle quantitatif du maître d'oeuvre aboutissait à une valorisation à hauteur de 293.896 ¿ HT, la cour d'appel s'est bornée à « retenir cette somme de 293.896 ¿ HT, avant revalorisation, comme solde des travaux devant revenir à l'entreprise » ; qu'en statuant ainsi, sans donner de motifs à sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt interprétatif du 1er juillet 2014 attaqué d'avoir jugé que l'arrêt rendu le 14 janvier 2014 dans les rapports entre la SCI DE L'EUROPE et la société CHRISTIN devait bénéficier d'une interprétation au sens de l'article 461 du code de procédure civile, d'avoir dit que la condamnation à paiement du paragraphe 5 du dispositif devait s'interpréter comme la fixation d'une créance, en deniers ou quittance, de la société CHRISTIN dans ses rapports avec la maîtrise d'ouvrage, et que la somme venant en compensation mentionnée au paragraphe 8 du même dispositif devait s'entendre, avant toute revalorisation, de la somme de 406.847 ¿ effectivement payée par la SCI DE L'EUROPE, de sorte que la somme de 113.408 ¿, correspondant au solde positif en faveur de la SCI DE L'EUROPE de la différence, devait être restituée à celle-ci ; Aux motifs que : « Présentement, la décision litigieuse n'est pas entachée d'une erreur matérielle ou d'une omission de statuer mais a simplement besoin d'être interprétée ; que, lorsque la cour a dit vouloir condamner la SCI DE L'EUROPE à payer un solde de 293.896 ¿ à la société CHRISTIN, elle a voulu dire en réalité que la valeur des travaux effectués par cette dernière devait être chiffrée à cette somme, laquelle serait à payer en deniers ou quittance ; qu'en disant également que cette somme devait « éventuellement se compenser par le trop payé à ce titre par la SCI DE L'EUROPE », il était implicitement mais nécessairement fait référence à la somme de 406.847 ¿ incontestablement payée par la maitrise d'ouvrage au titre de ces travaux, tel que cela ressort du décompte de la société COTEBA en date du 18 février 2004, ce qui laisse bien un solde positif après compensation de 113.408 ¿ en faveur de la maîtrise d'ouvrage qui est en droit de le récupérer ; » Alors, d'une part, que la cassation de l'arrêt du 14 janvier 2014 entraînera l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt interprétatif en application de l'article du code de procédure civile ; Alors, d'autre part et en tout état de cause, que les juges saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision ne peuvent, sous prétexte d'en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci ; qu'en jugeant que le dispositif de l'arrêt du 14 janvier 2014 ayant définitivement condamné la SCI DE L'EUROPE au paiement d'une somme de 293.896 ¿ HT, outre TVA, au titre du solde du marché restant dû à la société CHRISTIN, devait être interprété, bien que ce dispositif n'ait pas présenté d'ambiguïté, la cour d'appel, qui l'a ainsi modifié, a violé l'article 461 du code de procédure civile ; Alors, enfin et en tout état de cause, que les juges saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision ne peuvent, sous prétexte d'en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci ; qu'en jugeant que le dispositif de l'arrêt du 14 janvier 2014 ayant jugé que la somme de ¿ dont la SCI DE L'EUROPE avait été condamnée au paiement serait compensée par un éventuel trop-payé de cette dernière, bien que ce chef du dispositif n'ait pas non plus présenté d'ambiguïté, la cour d'appel, qui l'a ainsi modifié, a violé l'article 461 du code de procédure civile.