Cour d'appel de Paris, 26 octobre 2011, 2009/22679

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2009/22679
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : BORSO SAS / EXPLOITATION UBU SARL
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Paris, 16 octobre 2009
  • Président : Monsieur Didier PIMOULLE
  • Avocat(s) : Maître Ignacio D, Maître Pierre G
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2011-10-26
Tribunal de commerce de Paris
2009-10-16

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARISARRET DU 26 OCTOBRE 2011 Pôle 5 - Chambre 1Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22679. Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Octobre 2009 - Tribunal de Commerce de PARIS 15ème Chambre - RG n° 2007039430. APPELANTE :SAS BORSOprise en la personne de son gérant,ayant son siège social [...], représentée par Maître Francois TEYTAUD, avoué à la Cour,assistée de Maître Ignacio D, avocat au barreau de PARIS, toque L 207. INTIMÉE :SARL D'EXPLOITATION UBUprise en la personne de son gérant,ayant son siège [...]75003 PARIS,représentée par la SCP OUDINOT-FLAURAUD, avoués à la Cour,assistée de Maître Pierre G, avocat au barreau de PARIS, toque E 617. COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 7 septembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Didier PIMOULLE, Président,Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère,Madame Anne-Marie GABER, Conseillère,qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Madame P.

ARRET

: Contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président, et par Monsieur T Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé. Vu le jugement contradictoire du 16 Octobre 2009 rendu par le tribunal de commerce de Paris, Vu l'appel interjeté le 9 novembre 2009 par la société BORSO, Vu les dernières conclusions du 21 juin 2011 de la société appelante, Vu les dernières conclusions du 10 juin 2011 de la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION UBU (ci-après dite société UBU), intimée et incidemment appelante, Vu l'ordonnance de clôture du 28 juin 2011,

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la société UBU se prévaut de droits d'auteur sur trois modèles de colliers fantaisie (référencés 08/680-09/680, 08/679-09/679 et 08/457) déposés sous enveloppe soleau en 2006 et qu'elle commercialise sous son nom ; qu'ayant découvert l'offre en vente par la société BORSO de modèles constituant, selon elle, la reproduction des caractéristiques de ses modèles, elle a fait procéder à un constat d'achat de bijoux, suivant procès-verbal d'huissier de justice du 9 mai 2007 ; que, dans ces circonstances, elle a fait assigner, le 11 juin 2007, la société BORSO devant le tribunal de commerce de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale ; Que, selon jugement dont appel, les premiers juges n'ont pas retenu de concurrence déloyale mais condamné la société BORSO à payer à la société UBU (outre une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure) 60.000 euros pour contrefaçon, et prononcé des mesures d'interdiction, de confiscation et de publication ; Considérant qu'à l'appui de sa demande de réformation, la société BORSO fait valoir que la titularité des droits n'est pas démontrée, qu'elle n'a jamais commercialisé un des trois modèles critiqué, que les modèles revendiqués ne constituent pas des créations originales et que ceux qu'elle commercialise ne les reproduisent pas illicitement ; Que la société UBU soutient, au contraire, que les modèles litigieux reprennent les caractéristiques de ses modèles et que la société BORSO entretient déloyalement une confusion avec ses créations ; Considérant que le principe de la protection d'une 'œuvre, sans formalité, du seul fait de la création d'une forme originale n'est pas contesté ; Qu'il incombe toutefois, à celui qui entend se prévaloir des droits de l'auteur, de rapporter la preuve d'une création déterminée à une date certaine, et de caractériser l'originalité de cette création, l'action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit protégeable au sens de la loi, c'est à dire originale ; Considérant qu'en l'espèce, les pièces versées au débat, en particulier : -les procès verbaux de constat du 4 juin 2007 de dépôt d'enveloppes soleau datées des 9 février et 28 août 2006 concernant respectivement les colliers référencés 08/457, d'une part, et 08/679- 09/679 et08/680-09/680, d'autre part, -les catalogues, notamment 'C+ accessoires' de janvier et de septembre 2006 présentant sous le nom d'UBU PARIS ou d'UBU respectivement un collier correspondant à celui référencé 08/457 et deux colliers correspondant à ceux référencés 08/679-09/679 et 08/680-09/680), suffisent à établir que les modèles invoqués étaient diffusés et commercialisés par la société UBU depuis 2006, soit antérieurement au constat d'achat et à l'introduction de l'instance ; Que ces actes d'exploitation font présumer à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, et partant de la société BORSO, en l'absence de revendication de la personne physique qui s'en prétendrait l'auteur, que la société UBU est titulaire sur le modèle invoqué, des droits patrimoniaux de l'auteur, étant relevé qu'il est en outre produit (pour deux références 09/680 et 08/679) une attestation du 12 juin 2007de cession des droits d'auteur de l'exploitation de l'époque de la société UBU au profit de cette société ; Considérant que pour conclure à l'originalité de ses modèles, la société UBU, soutient qu'elle procède de la combinaison des éléments caractéristiques suivants : - modèle 08/680 - 09/680 : >, - modèle 08/679-09/679 : >, - modèle 08/457 : > ; Qu'elle ajoute que cette cour a admis, le 25 mars 2009, dans une autre instance l'opposant à un tiers, que le modèle de collier référencé 08/457 relève du droit d'auteur ; Considérant que la société BORSO conteste avoir commercialisé un modèle ayant une équivalence esthétique au modèle 08.457 et l'originalité prétendue des trois modèles revendiqués, faisant valoir que l'idée de réaliser un collier à partir d'un médaillon rond ou carré, percé en son centre, n'est pas en elle-même protégeable et que les modèles revendiqués relèvent d'un genre ancien de bijoux ethniques, s'inscrivant dans les tendances de la mode en 2004 et constituant la reprise d'éléments tombés de longue date dans le domaine public ; Qu'à cet égard elle produit en particulier : -un catalogue 'C+ accessoires' de mars 2004 montrant la commercialisation d'un pendentif de forme carrée dont les bordures et les angles sont légèrement arrondis, le pendentif comportant en son centre un carré ajouré en métal argenté dont les bordures sont parallèles à celles du pendentif et les angles légèrement arrondis, deux cordons double en cuir passant au centre ajouré du pendentif noués autour de la partie supérieure de celui-ci et un tube en métal argenté dont les extrémités sont soulignées par un tore est disposé au-dessus du n'ud des deux cordons, -un catalogue AGATHA de l'été 2004 représentant un pendentif uni de forme ronde, comportant en son centre un rond ajouré dont les bordures sont parallèles à celles du pendentif et un cordon passant au centre ajouré du pendentif et noué autour de la partie supérieure de celui-ci permettant de maintenir le pendentif autour du cou, -un achat en France, en date du 19 février 2005, suffisamment identifiable, d'un pendentif en métal argenté uni de forme ronde, comportant en son centre un rond ajouré en métal argenté uni dont les bordures sont parallèles à celles du pendentif, apposée sur le pendentif, une plaque en résine colorée, l'ensemble ayant un aspect bombé, deux cordons double (et un cordon double plus fin) passant au centre ajouré du pendentif et noués autour de la partie supérieure de celui-ci permettant de maintenir le pendentif autour du cou et un tube en métal argenté dont les extrémités sont soulignées par un tore (en trois parties superposées) disposé au-dessus du noeud le long de chacun des deux cordons, -un catalogue original chinois de 2005, dont aucun élément ne permet de suspecter la date, qui s'avère antérieure à celle de création revendiquée, avec une traduction présentant l'entreprise, figurant notamment le collier incriminé comme correspondant au modèle 08/680 - 09/680 ; Considérant qu'il ressort de l'examen auquel la Cour s'est livrée, que : -le modèle 08/680-09/680 tel que revendiqué préexistait, -le modèle 08/679-09/679, tel qu'opposé ne s'en distingue que par la forme ronde, et non carrée, du pendentif, forme par ailleurs déjà connue et exploitée, y compris avec l'adjonction de tores (en l'espèce moulures argentées allongées entre deux bases arrondies, étant observé que le simple fait qu'ils soient constitués dans les colliers invoqués d'un seul bloc ne modifie pas cet aspect) ; Que, s'agissant du modèle 08/457, s'il ne peut être admis que le collier qui le reproduirait n'a pas fait l'objet du constat d'achat du 9 mai 2007, en l'état notamment de l'attestation de l'huissier du 4 février2011, qui ne s'avère pas réellement contredite par les autres éléments du dossier, son pendentif tel que revendiqué reprend une forme ronde percée en son centre, banale en soi, et l'idée d'une spirale, symbole ancien, déjà largement employé dans la réalisation de bijoux d'inspiration ethnique, comme ceux figurant dans le catalogue précité de 2005 ayant permis à la société BORSO de se fournir ; Que force est de constater, au terme de cet examen, que les éléments qui composent selon l'intimée les modèles en cause sont connus et appartiennent au fonds commun de l'univers de la bijouterie fantaisie et ne présentent pas de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments invoqués de caractère réellement original ; qu'en réalité il s'avère que seule serait susceptible de conférer à chacun de ces modèles une physionomie propre, et traduire un parti pris empreint de la personnalité de leur auteur, dans une déclinaison d'ensemble une combinaison incluant également d'autres éléments caractéristiques essentiels (inexistants dans les modèles incriminés) tels l'attache particulière des cordons derrière le cou, l'effet de colorisation distinctif donné à la résine (imitation d'ambre ou de turquoise) ou l'aspect bombé de la spirale (modèle 08/457) ; Que, par voie de conséquence, l'association des seuls éléments opposés pour chacun des modèles par la société UBU ne sauraient lui permettre de valablement se prévaloir de la protection instituée au titre du droit d'auteur à l'encontre de la société BORSO ; qu'il s'infère de ces observations que les reprises incriminées, qui ne portent que sur les combinaisons telles que revendiquées par la société UBU, ne sauraient suffire à caractériser des actes de contrefaçon à la charge de la société BORSO ; que les demandes formées à ce titre, en ce compris celle tendant à la production de pièces en vue de parfaire l'évaluation du préjudice subi, ne sauraient donc prospérer et le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs ; Considérant qu'il n'est pas plus établi qu'un risque de confusion ou d'association existe, à raison de la commercialisation reprochée, compte tenu de différences significatives entre les bijoux en cause ; qu'ainsi les colliers incriminés présentent une attache banale derrière le cou, ne reprennent en aucune façon l'aspect visuel distinctif irisé ou vieilli de la résine colorée évoquant l'ambre ou la turquoise (les pendentifs incriminés étant beige clair, ou vert clair, avec une inclusion de brindilles et de petites fleurs séchées dans les tons blanc, orangé, et vert clair, excluant toute évocation de pierres précieuses ou semi précieuses), et le pendentif reproduisant des cercles totalement plat ne pouvant aucunement être confondu avec celui de la société UBU bombé et travaillé en relief ce qui lui confère sa particularité ; qu'il résulte en définitive de la comparaison à laquelle la cour a procédé qu'un consommateur moyennement avisé ne saurait se méprendre sur l'origine des produits en cause, nonobstant la reprise d'élément s communs ; que les demandes au titre de la concurrence déloyale, en ce compris celle tendant à la production de pièces en vue de parfaire l'évaluation du préjudice subi seront rejetées, et la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société UBU de ses demandes à ce titre ; Considérant que si en sa qualité de professionnelle la société UBU ne pouvait ignorer les tendances de la mode en matière de bijoux fantaisie et n'a pas toujours obtenu gain de cause dans les procédures par elle intentée, il n'est pas pour autant établi que la présente action a revêtu un caractère malin et en conséquence abusif qui ouvrirait droit à indemnité compensatoire ; qu'il convient donc de débouter l'appelante de sa demande de ce chef et il n'y a pas plus lieu à application de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

, Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes de laSOCIETE D'EXPLOITATION UBU au titre de la concurrence déloyale ; Statuant à nouveau dans cette limite, Déboute la SOCIETE D'EXPLOITATION UBU de toutes ses demandes au titre de la contrefaçon ; Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne la SOCIETE D'EXPLOITATION UBU aux dépens de première instance et d'appel, qui pour ces derniers pourront être recouvrés par Maître TEYTAUD, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.