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Tribunal judiciaire de Rennes, 26 septembre 2024, 23/00756

Mots clés
société • témoin • absence • recours • ressort • rapport • contrat • contravention • injures • presse • pouvoir • qualification • rejet • salaire • transmission

Synthèse

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Résumé

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Partie demanderesse
Personne physique anonymisée
défendu(e) par MARION Géraldine
Partie défenderesse
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

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Texte intégral

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES PÔLE SOCIAL MINUTE N° AUDIENCE DU 26 Septembre 2024 AFFAIRE N° RG 23/00756 - N° Portalis DBYC-W-B7H-KQKW 89A JUGEMENT AFFAIRE : [A] [L] C/ CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE Pièces délivrées : CCCFE le : CCC le : PARTIE DEMANDERESSE : Madame [A] [L] [Adresse 3] [Localité 2] Représentée par Maître Géraldine MARION, avocate au barreau de RENNES, substituée à l'audience par Maître Azilis BECHERIE LE COZ, avocate au barreau de RENNES PARTIE DEFENDERESSE : CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE [Adresse 4] [Localité 1] Représentée par Monsieur [J] [C], muni d'un pouvoir COMPOSITION DU TRIBUNAL : Présidente : Madame Magalie LE BIHAN Assesseur : Madame Isabelle POILANE, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes Assesseur : Madame Pia LE MINOUX, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION DEBATS : Après avoir entendu les parties en leurs explications à l'audience du 05 Avril 2024, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe au 5 juillet 2024, prorogé au 26 Septembre 2024. JUGEMENT : contradictoire et en premier ressort ******** EXPOSE DU LITIGE : Madame [A] [L], salariée de la société [6] depuis le 22/05/2018 en qualité de vendeuse/employée de commerce, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail survenu le 30/07/2022, dans des circonstances ainsi décrites aux termes de la déclaration complétée par ses soins le 17/10/2022 : "Activité de la victime lors de l'accident : entretien échange entre l'employeur et l'employé, à la demande de l'employeur Nature de l'accident : rupture, soudain et brutal de l'échange verbal de l'employeur envers l'employé Nature des lésions : stress post traumatique" Le certificat médical initial, établi le 09/09/2022 par le docteur [S] [H], fait état d'une « dépression nerveuse, apparue soudainement après un entretien avec la hiérarchie, peut ainsi constituer un accident du travail, condition de travail mettant en péril l'intégrité physique et psychologique ». L'employeur a formulé des réserves motivées par courrier daté du 27/10/2022. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine a procédé par voie de questionnaires, l'assurée ayant rempli le sien le 20/01/2023 et l'employeur le 04/01/2023. Elle a en outre diligenté une enquête administrative. Par courrier du 27/02/2023, la CPAM d'Ille-et-Vilaine a notifié à Mme [L] sa décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont a été victime l'assurée le 10/09/2022. Par courrier daté du 14/04/2023, Mme [L] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM d'une contestation. Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 27/07/2023, Mme [L] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission. En sa séance du 14/12/2023, la commission de recours amiable a finalement rejeté la contestation de l'assurée. L'affaire a été évoquée à l'audience du 05/04/2023. Mme [L], dûment représentée, se référant expressément à ses conclusions en date du 26/03/2024, demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de : Dire et juger que l'accident survenu le 30/07/2022 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle,Condamner la CPAM d'Ille-et-Vilaine à le prendre en charge à ce titre et lui ordonner de servir à Mme [L] les prestations qui en découlent,Condamner la CPAM d'Ille-et-Vilaine aux entiers dépens et à verser à Mme [L] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,Débouter la CPAM d'Ille-et-Vilaine de toutes ses demandes, fins et prétentions.Au soutien de ses prétentions, Mme [L] fait valoir en substance qu'il est constant que, le samedi 30/07/2022, elle a eu un entretien avec M. [O], représentant de la société [6], portant sur les difficultés auxquelles elle faisait face en l'absence du gérant. Elle estime qu'il n'est pas contesté que les échanges entre les deux protagonistes ont été houleux et qu'à l'issue de l'entretien, elle a quitté son poste de manière précipitée. Mme [L] fait remarquer que si les témoins ont affirmé qu'elle ne pleurait pas, tous ont constaté un état d'énervement manifeste et un « visage fermé ». S'en remettant à l'attestation de son conjoint, elle indique s'être rendue immédiatement chez le médecin, lequel a constaté une « réaction à un facteur de stress ». Mme [L] affirme que le fait que certains des témoins aient indiqué qu'elle ne se trouvait pas en état de détresse ne peut, en l'absence de compétence médicale des témoins, avoir aucune conséquence. En réplique, la CPAM d'Ille-et-Vilaine, dûment représentée, se référant expressément à ses conclusions du 29/12/2023, prie le tribunal de bien vouloir : Confirmer le refus de prise en charge de l'accident du 30/07/2022 au titre de la législation professionnelle notifié à Mme [L] par la CPAM d'Ille-et-Vilaine,Débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,Condamner Mme [L] au paiement de la somme de 500 euros à la CPAM d'Ille-et-Vilaine en application de l'article 700 du Code de procédure civile,Condamner Mme [L] aux dépens de l'instance. A l'appui de ses demandes, la caisse expose essentiellement que la déclaration d'accident du travail est intervenue près de 3 mois après la date déclarée de l'accident et que le certificat médical initial date de plus d'un mois après la date alléguée de l'accident. Elle indique qu'aux termes de son questionnaire, l'employeur a été informé de tensions survenues entre Mme [L] et M. [X], qu'il a souhaité échanger avec Mme [L], que l'entretien s'est tenu sans témoin dans la réserve, que c'est Mme [L] elle-même qui a mis fin à l'entretien en n'étant ni en état de choc ni en pleurs et que si le docteur [G] est le premier à avoir prescrit un arrêt de travail à l'assurée, c'est le docteur [H], troisième médecin consulté par Mme [L], qui a rédigé le certificat médical initial le 09/09/2022. La caisse ajoute que si Mme [L] affirme que son employeur a tenu des propos acerbes, violents et diffamatoires, M. [O] a pour sa part indiqué que Mme [L] était très énervée et qu'elle a eu une attitude autoritaire à son égard mais qu'elle n'a pas pleuré. L'organisme indique enfin que Mme [V], M. [U] et M. [E], tous présents au magasin le 30/07/2022, ont vu l'assurée sortir du magasin sans pleurs et nullement en état de choc. Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions sus-citées, et ce en application de l'article 455 du Code de procédure civile. A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 05/07/2024 puis prorogée au 26/09/2024 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du Code de procédure civile. ***

MOTIFS

: Sur le caractère professionnel de l'accident : Aux termes de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. En application des articles L. 441-1 et R. 441-2 du même code, la victime d'un accident du travail doit en informer son employeur dans la journée ou au plus tard dans les 24 heures sauf cas de force majeure, motif légitime ou impossibilité absolue. Toutefois, le dépassement de ce délai n'est pas sanctionné et le salarié ne saurait être privé de ses droits pour ce seul motif. Aux termes des articles L. 441-2 et R. 441-3 du même code, l'employeur ou l'un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la CPAM dont relève la victime dans les 48 heures à compter du jour où il a été informé de l'accident, non compris les dimanches et jours fériés. Si l'obligation déclarative du salarié n'est pas sanctionnée, il résulte à l'inverse des dispositions de l'article R. 471-3 du Code de la sécurité sociale que l'employeur qui ne respecte pas ses obligations en matière de déclaration de l'accident, du registre des accidents bénins, de la délivrance de la feuille d'accident et de l'attestation de salaire, encourt une contravention de 4e classe. L'accident du travail est donc un événement, survenu au temps et lieu du travail, certain, identifié dans le temps, ou résultant d'une série d'événements survenus à des dates certaines, générateur d'une lésion physique ou psychologique qui s'est manifestée immédiatement ou dans un temps voisin de l'accident et médicalement constatée. Est présumée imputable au travail toute lésion survenue au temps et au lieu du travail. La présomption d'imputabilité s'applique aux lésions initiales, ainsi qu'à leurs complications et à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, mais aussi aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l'accident dès lors qu'il existe une continuité de soins et de symptômes. Pour renverser la présomption, l'employeur doit démontrer l'existence d'une cause totalement étrangère à laquelle se rattacherait exclusivement la survenance de l'accident. La cause étrangère peut notamment résulter d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec la maladie ou l'accident. Un accident étant caractérisé par une lésion soudaine, il importe peu qu'il ne soit pas possible de déterminer un fait accidentel précis à l'origine de celle-ci (Civ. 2e, 09/07/2020, n° 19-13.852), que la cause de la lésion demeure inconnue (Civ. 2e, 24/11/2016, n° 15-29.365 et 15-27.215) ou encore que la cause de la lésion soudaine soit la conséquence de mouvements répétitifs (Civ. 2e, 08/11/2018, n° 17-26.842). Néanmoins, le caractère soudain de la lésion permet de distinguer l'accident du travail de la maladie professionnelle, de sorte que ne constituent en principe pas des accidents du travail les lésions apparues de façon lente et progressive au cours du travail et qui ne résultent pas d'un fait précis et identifiable. A l'inverse, constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 02/04/2003, n° 00-21.768). Il en est de même s'agissant des affections psychiques (Civ. 2e, 01/07/2003, n° 02-30.576). La qualification d'accident du travail demeure cependant exclue lorsque la date d'apparition de la lésion est incertaine et que l'affection, apparue progressivement, résulte d'une exposition prolongée au froid (Civ. 2e, 18/10/2005, n° 04-30.352). La constatation médicale tardive des lésions ne saurait à elle seule faire obstacle au jeu de la présomption d'imputabilité et à la prise en charge de l'accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels (Civ. 2e, 25/06/2009, n° 08-11.997 ; CA Amiens, 04/04/2023, n° RG 22/01240 ; dans le même ordre d'idée pour une constatation médicale 11 jours après l'accident : Civ. 2e, 24/06/2021, n° 19-24.945). Au cas d'espèce, la déclaration d'accident du travail rédigée par la salariée le 17/10/2022 expose que, le 30/07/2022, au cours d'un entretien avec son employeur ayant eu lieu à la demande de ce dernier, elle aurait été victime d'une rupture soudaine et brutale de l'échange verbal et aurait présenté un stress post traumatique. Il résulte en outre des termes de cette déclaration que l'accident est survenu sur le lieu de travail habituel de la victime, à 16h30 environ, et que les horaires de travail de la salariée le jour des faits étaient les suivants : 9h-16h. La déclaration indique enfin que la société a constaté l'accident de Mme [L] le jour même, à 16h30 environ, soit immédiatement après sa survenance. Elle mentionne le docteur [T] [G], médecin de garde de la maison médicale de [Localité 5], en qualité de témoin. Le certificat médical initial, établi le 09/09/2022 par le docteur [H], mentionne une « dépression nerveuse, apparue soudainement après un entretien avec la hiérarchie, peut ainsi constituer un accident du travail, condition de travail mettant en péril l'intégrité physique et psychologique ». Aux termes de son questionnaire employeur complété le 04/01/2023, M. [K] [O], gérant de la société [6], a indiqué : « Pendant mes congés d'été Mme [L] m'a adressé des messages concernant le comportement d'un salarié saisonnier, M. [X]. A mon retour, le 26/07/2022, j'ai fait un point avec Mme [L], M. [X] et les autres personnes de l'équipe. Devant les faits peu importants qui m'ont été relatés et n'étant pas présent au moment des faits nous en sommes restés là. Le vendredi 29/07/2022 n'ayant pas appuyé Mme [L] sur son management (très) directif, celle-ci m'a fait des reproches sur ma méthode de management. J'ai trouvé son attitude et ses remarques incisives envers moi, cette brève discussion a eu lieu quelques minutes avant la fin de son poste (17h). Le samedi 30/07/2022, remarquant que Mme [L] était toujours en désaccord, j'ai voulu comprendre le changement d'attitude de la part de Mme [L] pendant mes absences, et lui signifier que je n'approuvais pas ce management au sein de mon magasin. Je lui ai fait part du ressenti de M. [X] sur ce qui s'était passé, Mme [L] s'est emportée et m'a insulté en me traitant d'incompétent. C'est à ce moment que Mme [L] a commencé à avoir une attitude physique agressive envers moi (tête et corps projetés en avant), doigt pointé vers moi, haussement de ton. Devant son attitude irrespectueuse je lui demande de se calmer, de me respecter en lui signifiant que 2 personnes de l'équipes se sont plaintes de son comportement pendant mon absence. Elle m'a alors dit « on en reste là » et a quitté son poste, en traversant le magasin. (…) L'accident se serait produit au sein de notre magasin en date du 30/07/2022. A ce jour (04/01/2023) nous n'avons jamais eu de déclaration d'accident de la part de Mme [L] survenu au sein de notre établissement. Le 30/07/2022 à 20h10 Mme [L] m'a adressé un arrêt de travail suite à une visite chez un médecin, M. [T] [G]. Celui-ci lui a prescrit un arrêt de travail de 8 jours (jusqu'à ses vacances d'été). Ce médecin est le premier que Mme [L] a consulté, c'était donc ce premier médecin ayant constaté l'état de santé de Mme [L] qui aurait dû établir le certificat médical initial d'accident du travail, ce qu'il n'a pas fait. Le certificat d'accident du travail a été établi par un troisième médecin, Mme [S] [H] en date du 09/09/2022. Ce qui nous étonne c'est que ce certificat a été établi 41 jours après le supposé accident et après avoir consulté trois médecins différents, dont 2 premiers qui n'ont pas constaté de lésions provenant d'un accident. Lors de sa transmission d'accident du travail, Mme [H] a indiqué sur le certificat médical que Mme [L] lui avait présenté la feuille d'accident du travail. C'est à l'employeur d'établir cette feuille d'accident du travail, et n'étant pas au courant de cet accident je ne l'ai jamais établi à Mme [L] ». Pour sa part, Mme [L] a indiqué dans son questionnaire assuré du 20/01/2023 : « Mes conditions de travail lors de ses absences et de son conjoint durant l'été 2022 ont été dégradées et dégradantes (heure sup, ambiance toxique, responsabilités ne figurant pas sur mon contrat, …). J'ai interpellé mon responsable à plusieurs reprises par écrit et oralement sur les difficultés professionnelles et morales que je subissais. A leur 2nd retour de vacances force fût de constater que leurs discours était bien différent. Soutien sans faille par écrit/sms et oralement/téléphonique pendant leurs congés mais également lors de la semaine flottante entre leurs vacances (je suppose qu'il aurait été compliqué pour eux de ne pas devoir écourter leurs congés si mon état physique ou physique nécessitait un arrêt) et soutien d'une part inexistant mais surtout renversant à leur retour. A son retour M. [O] décide de réaliser 3 entretiens tous réalisés par surprise. Mardi 26/07/2022 échange sur les faits pendant leur absence. Vendredi 29/07/2022 psychiquement dégradant j'en ressors en pleurs et cassé moralement, j'ai repris mon poste tant bien que mal. Samedi 30/07/2022 M. [O] me convoque une 3ème fois par surprise. Mon état général se dégrade au fur et à mesure de l'échange (pleurs, tremblements, palpitations, nausées, …) et n'ayant pas d'autre échappatoire face à ce déchainement de propos dégradant et calomnieux, je quitte l'entretien et l'entreprise. Face à mon état psychique et physique j'ai consulté un médecin en urgence. (…) J'ai consulté le jour même de l'accident le 30/07/2022. J'ai consulté en urgence le samedi 30/07/2022 un médecin à la maison de garde de [Localité 5] et conclut à une « réaction à un facteur de stress », m'arrête pour la semaine, me demande de reconsulter dans la semaine et me prescrit des calmants. Comme demandé je consulte à mon cabinet, au vu de mon état le médecin souhaite me prolonger. Mes congés débutant fin de la semaine, le médecin estime que rejoindre ma famille, couper du quotidien, … ne peut être que bénéfique à mon état. Il ne me renouvelle pas car le délai de demande pour quitter le département est déjà passé mais à condition de reconsulter à mon retour et de ne pas rester seule. Comme convenu le 31/08//2022 je consulte à mon cabinet pour suivi. Au vu de la situation et de mon état général le médecin conclut qu'une reprise de travail est dangereuse et décide de m'arrêter. En parallèle je consulte le médecin du travail (voir courrier du 12/10/2022) et ai un suivi psychologique. Le 09/09/2022 je consulte pour suivi, mon état continue de se dégrader (perte de poids, d'estime, renfermement, pleurs incessants, …). Le médecin décide de me prolonger et fait le rapprochement avec l'accident parvenu le 30/07/2022 et rétroactive la demande d'accident de travail. Je n'étais pas au courant des démarches que je devais réaliser auprès de mon employeur. A ce jour je continue mes suivis, suis sous traitement anti-dépresseur et subis la situation. » L'agent assermenté de la caisse a diligenté une enquête. A ce titre, il a auditionné Mme [L] et M. [O] par téléphone. Concernant Mme [L], il expose aux termes de son rapport d'enquête : « Mme [L] précise que le samedi 30/07/2022, elle a été convoquée par son responsable, Mr [O] sans en avoir été informée au préalable. Elle était seule avec lui. Il n'y a pas de témoin Mme [L] déclare avoir été choquée psychologiquement au cours de l'entretien avec son responsable. Celui-ci a eu vis-à-vis d'elle des propos acerbes, violents et diffamatoires professionnellement. Elle indique qu'elle était en pleurs et elle tremblait. Elle a elle-même mis fin à cet entretien et a quitté son poste de travail pour consulter un médecin. Contrairement à ce que dit son employeur, elle déclare ne pas avoir eu une attitude physique et agressive envers lui et elle ne s'est pas emportée. » S'agissant de M. [O], l'agent indique : « Mr [O] déclare qu'il a eu un échange avec Mme [L] le 30/07/2022 afin de comprendre ce qui s'était passé entre elle et un salarié saisonnier, durant son absence pour congé. Mr [O] avait déjà fait un point avec Mme [L] la veille, le 29/07/2022, mais voyant qu'elle n'allait pas bien, il a voulu rediscuter avec elle le 30/07/2022. Mr [O] lui a redit pourquoi il n'allait pas sanctionner le salarié saisonnier. Pour lui, c'était un problème de communication. Mme [L] lui a fait le reproche de ne pas prendre sa défense. Au cours de cette rencontre, Mr [O] a reproché à Mme [L] de ne pas s'être investie dans son travail durant la période de noël. A un moment donné, Mme [L] a changé de comportement, elle a fermé elle-même la porte de la réserve et a pointé du doigt Mr [O] en lui disant qu'il n'y avait pas de management dans le magasin et qu'il n'était pas un gérant. Elle a remis en cause le travail de son responsable. Mme [L] était très énervée. Elle n'a pas pleuré. Elle ne tremblait pas. Après avoir elle-même mis fin à l'entretien, elle a pris ses affaires et a quitté le magasin. Mr [O] déclare qu'il a parlé à Mme [L] d'une façon posée, pas violente. Il n'y a pas eu d'insulte et d'injure. » L'employeur a produit plusieurs attestations : Une attestation rédigée le 01/02/2023 par Mme [Z] [V], salariée de la société [6] présente le 30/07/2022, aux termes de laquelle « la scène dont j'ai été témoin s'est passée très rapidement. En effet, [A] a pris ses affaires et est partie, avec le point de vue que j'avais je ne l'ai pas vu pleurer. J'ai constaté un visage fermé voire énervé mais je n'ai pas constaté de pleurs d'après mes souvenirs. » ;Une attestation rédigée le 05/01/2023 par M. [Y] [U], co-gérant de la société [6] également présent le 30/07/2022, dont il ressort que « depuis mon poste en caisse accompagné de Mme [V] face à l'entrée du magasin, j'ai vu Mme [L] sortir du magasin sans nous saluer et d'un pas pressé. Elle ne pleurait pas et ne présentait pas un état de détresse. Les clients présents lors du départ précipité de Mme [L], et qui pour certains la côtoient depuis longtemps, ne m'ont pas fait de remarques sur son état physique. » ;Une attestation rédigée le 01/02/2023 par M. [G] [E], client et fournisseur de la société [6] présent le 30/07/2022, qui indique : « étant client du magasin depuis 3 ans, et fournisseur en légumes pour le magasin depuis 1 an et demi environ, j'ai souvent eu contact avec l'équipe concernée par l'objet de cette attestation. Je n'ai jamais remarqué de tension ou animosité entre les différents « protagonistes ». Lors d'un échange téléphonique, M. [O] m'apprend qu'un différend existe à ce jour entre lui et son employée [A]. Et que j'aurais été présent lors d'une « altercation » entre les deux. Je pense qu'une telle situation m'aurait marqué et j'en aurais des souvenirs. Mais, pour moi, je dois dire que j'ai toujours été reçu dans des conditions agréables et sympathiques. Si une relation conflictuelle existait entre [A] et [K], je ne me suis jamais rendu compte et n'en ai jamais été témoin. ».Il résulte enfin des pièces du dossier que, le 30/07/2022, soit le jour de l'accident allégué, Mme [L] a consulté le docteur [D] [P], laquelle a prescrit un arrêt de travail à l'assurée jusqu'au 06/08/2022 compte tenu d'une « réaction à un facteur de stress ». Il est donc établi que, le 30/07/2022, Mme [L] et M. [O] se sont entretenus de manière informelle dans la réserve de la société [6] à propos de la gestion du magasin et qu'à l'issue de cet entretien, Mme [L] est sortie précipitamment de la réserve, le « visage fermé », a pris ses affaires sans dire au revoir aux collègues présents et a quitté son poste de travail. La circonstance que l'arrêt de travail du 30/07/2022 ait été prescrit au titre du régime général et non au titre de la législation professionnelle est indifférente. Le fait que Mme [L] ait elle-même mis fin à l'entretien et qu'il ne soit pas démontré que la salariée ou l'employeur ait proféré des insultes ou des injures est également sans incidence, dès lors qu'il est démontré que, dans un temps voisin de l'accident déclaré, l'attitude anormale de la salariée (sortie précipitée, visage fermé, départ de son poste de travail en pleine journée sans dire au revoir) a été remarquée par ses collègues et ses lésions psychiques ont été médicalement constatées. A ce titre, il convient d'observer que la question de savoir si Mme [L] et/ou M. [O] ont adopté ou non une attitude agressive ou autoritaire ou prononcé des propos acerbes, violents, diffamatoires, insultants ou humiliants envers l'autre est sans rapport avec le présent litige, qui n'a pas trait à la faute inexcusable de l'employeur ou de la salariée et ne peut ainsi avoir ni pour objet ni pour conséquence d'imputer de faute à l'un ou plusieurs d'entre eux, ce d'autant : qu'il résulte des conclusions mêmes de la caisse que l'employeur a reconnu que « le ton est monté » au cours de l'entretien et qu'un tel élément, par nature propice à entraîner une « réaction à un facteur de stress », corrobore à lui seul les déclarations de l'assurée ;que l'enquête de la caisse ne fait ressortir aucun facteur extra-professionnel de stress ayant pu conduire à la réaction dont Mme [L] a été victime.Dans ces conditions, la survenance d'un fait soudain aux temps et lieu du travail générateur d'une lésion psychologique qui s'est manifestée immédiatement et a été médicalement constatée est établie, de sorte que la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer. La caisse, qui ne démontre ni même n'allègue que l'accident litigieux est dû à une cause totalement étrangère au travail, échoue à renverser la présomption d'imputabilité. Dans ces conditions, c'est à tort que la caisse a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l'accident dont a été victime Mme [L] le 30/07/2022. La décision de la caisse du 27/02/2023 sera annulée et il conviendra de dire que l'accident dont a été victime Mme [L] le 30/07/2022 a un caractère professionnel. Mme [L] sera renvoyée devant la CPAM d'Ille-et-Vilaine pour la liquidation de ses droits. Sur les dépens : Partie perdante, la CPAM d'Ille-et-Vilaine sera condamnée aux dépens de l'instance, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile. Eu égard à la nature du litige, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. L'exécution provisoire, compatible avec le présent litige, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction, DIT que l'accident dont Madame [A] [L] a été victime le 30/07/2022 a un caractère professionnel, RENVOIE Madame [A] [L] devant la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine pour la liquidation de ses droits, CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine aux dépens, DÉBOUTE Madame [A] [L] de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire. Ainsi jugé, mis à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, et signé par Mme Magalie LE BIHAN, vice-présidente au pôle social, assistée de Mme Rozenn LE CHAMPION, greffière, lors du délibéré. La Greffière La Présidente

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