QUATRIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 18524/08
présentée par Maciej WASILEWSKI
contre la Pologne
La Cour européenne des droits de l'homme (quatrième section), siégeant le 15 décembre 2009 en une chambre composée de :
Nicolas Bratza, président,
Lech Garlicki,
Ljiljana Mijović,
David Thór Björgvinsson,
Ján Šikuta,
Päivi Hirvelä,
Mihai Poalelungi, juges,
et de Lawrence Early, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 27 mars 2008,
Vu la déclaration du 29 octobre 2009 par laquelle le gouvernement défendeur invite la Cour à rayer la requête du rôle et la réponse du requérant à cette déclaration,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Maciej Wasilewski, est un ressortissant polonais, né en 1974 et résidant à Warszawa. Le gouvernement polonais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. Jakub Wołąsiewicz, du ministère des Affaires étrangères.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
A une date non précisée, le procureur régional de Suwałki ouvrit une enquête à l'encontre du requérant. Il lui reprocha d'avoir enlevé et séquestré une personne, de l'avoir traitée avec cruauté et d'avoir exigé une rançon contre sa libération, tous les faits commis en bande organisée.
Le 11 juillet 2002, le tribunal de district de Suwałki ordonna de placer le requérant en détention provisoire pour sept jours à compter de la date de son arrestation. Le juge motiva sa décision par la présence de raisons plausibles de soupçonner que l'intéressé avait commis les faits reprochés. Il releva que l'intéressé se dérobait à la justice et que, par conséquent, il était nécessaire de délivrer un mandat d'arrêt.
Le 24 novembre 2005, le requérant fut appréhendé.
Le 30 novembre 2005, le tribunal de district de Suwałki prolongea la détention provisoire. Le juge releva la nécessité d'effectuer plusieurs actes de procédure. Il estima que le comportement du requérant, qui s'était déjà soustrait à la justice, corroborait la crainte de le voir prendre la fuite et contrecarrer la bonne marche de la procédure. Il mit l'accent sur la sévérité de la peine encourue.
Le 30 décembre 2005, le procureur régional de Suwałki clôtura l'instruction. A une date non précisée, au plus tard le 13 janvier 2006, il déposa auprès du tribunal de district de Poznań un acte d'accusation à l'encontre du requérant et d'une autre personne. Il reprocha à l'intéressé huit infractions, dont appartenance à une bande organisée, faux, escroquerie à l'assurance et séquestrations graves.
Dans la phase judiciaire, les juges prolongèrent régulièrement la détention pour des motifs essentiellement identiques à ceux mentionnés ci-dessus. Ils invoquèrent le risque de collusion découlant du fait que le requérant avait agi avec la complicité d'autres personnes. Selon eux, une fois en liberté, l'intéressé pourrait également exercer des pressions sur les témoins.
Le 14 février 2006, compte tenu de la nature des faits en cause, le tribunal de district de Poznań s'estima incompétent et se dessaisit au profit du tribunal régional de Poznań.
Le 11 mai 2006, la cour d'appel de Poznań décida de transmettre l'affaire au tribunal régional de Varsovie.
Le 23 novembre 2007, statuant sur la demande du juge du fonds, la cour d'appel de Varsovie prolongea la détention provisoire du requérant en soulignant la présence de forts soupçons que celui-ci avait commis des infractions graves, ayant trait à la délinquance organisée et passibles d'une peine sévère. Elle rappela que le requérant avait été recherché pendant trois ans en vertu d'un mandat d'arrêt, ce qui entraînait la nécessité de garantir le bon déroulement de la procédure. Elle releva de surcroît le caractère particulièrement complexe de l'affaire.
Le 8 janvier 2008, statuant en deuxième ressort, la cour d'appel de Varsovie rejeta le recours du requérant interjeté à l'encontre de la décision du 23 novembre 2007.
Le 11 décembre 2008, le requérant fut libéré sous caution. En même temps, le tribunal prononça à son encontre l'interdiction de quitter le territoire et le plaça sous surveillance policière.
GRIEF
Invoquant l'article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de sa détention.
EN DROIT
Le requérant dénonce la durée de sa détention provisoire. Il invoque l'article 5 § 3, dont le passage pertinent en l'espèce dispose :
Article 5 § 3
« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, (...) a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. (...). »
Par une lettre du 29 octobre 2009, le Gouvernement a informé la Cour qu'il entendait faire une déclaration unilatérale tendant à résoudre la question soulevée par la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer l'affaire du rôle en vertu de l'article 37 de la Convention.
La déclaration se lit ainsi :
« (...) le Gouvernement déclare - au moyen de la présente déclaration unilatérale - qu'il reconnaît la durée excessive de la détention provisoire du requérant. (...)
Compte tenu des circonstances particulières de la cause, le Gouvernement déclare être prêt à verser au requérant la somme de 4 542,24 PLN qu'il estime raisonnable à la lumière de la jurisprudence de la Cour. Cette somme, qui couvrira tout préjudice matériel et moral ainsi que les frais et dépens, ne sera soumise à aucun impôt. Elle sera payable dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l'article 37 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. A défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s'engage à verser, à compter de l'expiration de celui-ci et jusqu'au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage ».
(...)
Par une lettre du 17 novembre 2009, le requérant a fait savoir que la somme offerte par le Gouvernement dans sa déclaration lui paraissait inacceptable.
La Cour rappelle que l'article 37 de la Convention dispose que, à tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de tirer l'une des conclusions exposées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. En particulier, l'article 37 § 1 c) autorise la Cour à rayer une requête du rôle lorsque :
« pour tout autre motif dont [elle] constate l'existence, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête. ».
Elle rappelle aussi que, dans certaines circonstances, elle peut rayer une requête du rôle en vertu de l'article 37 § 1 c) de la Convention sur la base d'une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l'examen de l'affaire se poursuive.
En pareil cas, pour déterminer si elle doit rayer la requête du rôle, la Cour examine attentivement la déclaration à la lumière des principes se dégageant de sa jurisprudence, en particulier de l'arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie [GC], no 26307/95, §§ 75-77, CEDH 2003-VI), WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03).
Compte tenu de la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement ainsi que du montant de l'indemnité proposée - qui cadre avec les sommes octroyées dans des affaires analogues - la Cour estime qu'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête (article 37 § 1 c) de la Convention).
Eu égard à ce qui précède, et en particulier à l'existence d'une jurisprudence claire et abondante sur la question posée en l'espèce, elle considère que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses protocoles n'exige pas qu'elle poursuive l'examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
Dès lors, il y a lieu de rayer l'affaire du rôle.
Par ces motifs
, la Cour, à l'unanimité,
Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements qu'elle comporte ;
Décide, en vertu de l'article 37 § 1 c) de la Convention, de rayer l'affaire du rôle.
Lawrence Early Nicolas Bratza
Greffier Président