Chronologie de l'affaire
Tribunal judiciaire de Lille 06 septembre 2021
Cour d'appel d'Amiens 09 mai 2023

Cour d'appel d'Amiens, 2EME PROTECTION SOCIALE, 9 mai 2023, 21/04839

Mots clés A.T.M.P. : Demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse · société · risque · maladie · prise · médicale · canal · sécurité sociale · exposition · procédure civile · saisine · employeur · reconnaissance · ressort · désignation

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro affaire : 21/04839
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Lille, 06 septembre 2021
Président : Mme Véronique CORNILLE

Chronologie de l'affaire

Tribunal judiciaire de Lille 06 septembre 2021
Cour d'appel d'Amiens 09 mai 2023

Texte

ARRET

N°464

CPAM DES FLANDRES

C/

Société [6]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 09 MAI 2023

*************************************************************

N° RG 21/04839 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IHQF - N° registre 1ère instance : 16/00627

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 06 septembre 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

CPAM DES FLANDRES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Mme [O] [G], dûment mandatée

ET :

INTIMEE

Société [6]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

MP : [T] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me Hervé MORAS de la SCP LEMAIRE - MORAS & ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCIENNES

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Mars 2023 devant Mme Véronique CORNILLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 Mai 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Audrey VANHUSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 09 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Audrey VANHUSE, Greffier.

*

* *

DECISION

M. [P] [T], salarié de la société [6] en qualité d'agent de production, a effectué une déclaration de maladie professionnelle le 8 avril 2015 au titre d'un syndrome du canal carpien droit, sur la base d'un certificat médical du 13 février 2015 mentionnant 'canal carpien droit avec anomalies bilatérales et symétriques'.

Après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) du Nord Pas-de-Calais saisi en raison d'un dépassement du délai de prise en charge, la CPAM des Flandres a notifié à l'employeur le 2 octobre 2015, une décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, tableau n°57.

La société [6] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la CPAM puis a saisi le tribunal d'un recours contre la décision de rejet de ladite commission.

Par un jugement du 27 septembre 2018, le tribunal a ordonné la saisine du CRRMP de [Localité 7].

Puis par un jugement du 15 septembre 2020, il a considéré que la circonstance que le CRRMP de [Localité 7] se soit déclaré dans l'incapacité de remplir sa mission en l'absence de médecin inspecteur régional du travail, n'entraînait pas en soi l'inopposabilité de la décision de prise en charge et il a désigné avant dire droit un autre CRRMP, celui de la région [Localité 5] Grand Est.

Ce comité a émis un avis défavorable le 27 mai 2021.

Par jugement du 6 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, a :

- vu les avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Nord Pas-de-Calais et Grand Est,

- dit inopposable à la société [6] la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [P] [R] du 2 octobre 2015,

- débouté la société [6] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la CPAM des Flandres aux dépens de l'instance.

Par courrier recommandé expédié le 5 octobre 2021, la CPAM des Flandres a interjeté appel du jugement.

Par jugement rectificatif du 2 décembre 2021, le tribunal a rectifié l'erreur matérielle affectant le jugement du 6 septembre 2021 et dit qu'il y a lieu de remplacer dans le jugement le nom de [R] par [T].

Les parties ont été convoquées à l'audience du 1er décembre 2022, lors de laquelle l'affaire a été renvoyée à celle du 9 mars 2023.

Par conclusions visées par le greffe le 9 mars 2023 soutenues à l'audience, la CPAM des Flandres demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 6 septembre 2021,

- écarter l'avis du CRRMP Grand Est,

- entériner l'avis du CRRMP Nord Pas-de-Calais Picardie,

- dire que la condition tenant à la liste limitative des travaux est remplie,

- dire qu'elle a respecté le principe du contradictoire,

- déclarer opposable à la société [6] la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [T],

- à titre subsidiaire, ordonner la désignation d'un troisième CRRMP,

- débouter la société [6] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société [6] aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM fait valoir que les avis rendus par le CRRMP Nord Pas-de-Calais et par le CRRMP Grand Est sont contradictoires en raison de la date de première constatation médicale : 17 décembre 2013 selon le premier comité et le médecin conseil, 2 décembre 2014 pour le second comité ; que c'est à tort que le tribunal a retenu que le 1er CRRMP avait rendu son avis sur une première constatation médicale le 17 décembre 2013 erronée ; que cette date correspond en effet à un EMG qui est également visé dans le colloque médico-administratif ;que l'assuré a en outre effectué un EMG le 2 décembre 2014 ; que l'EMG du 17 décembre 2013 ayant mis en évidence l'existence d'un canal carpien droit, il permettait de déterminer la date de première constatation médicale ; que l'avis du premier CRRMP doit donc être entériné.

Elle ajoute que le second CRRMP a fait une confusion quant à la latéralité du membre étudié : bien que saisi d'un canal carpien droit, il se prononce sur un canal carpien gauche auquel fait référence l'EMG du 2 décembre 2014 ; qu'en retenant un long dépassement du délai de prise en charge s'agissant du canal carpien gauche, l'avis du CRRMP Grand Est est cohérent puisque que dans le cadre de l'instruction du dossier portant sur le canal carpien gauche, le CRRMP Nord Pas de Calais émettait le même avis.

Elle soutient que compte tenu des avis divergents des deux CRRMP et du fait que l'avis du second CRRMP n'est pas clair, c'est à tort que le tribunal a déclaré inopposable à l'employeur la décision de prise en charge ; que l'avis du second CRRMP devra être écarté et un 3ème CRRMP devra être désigné le cas échéant si la Cour s'estime insuffisamment éclairée ; que selon qu'elle retient une erreur dans l'analyse du CRRMP ou une irrégularité dans son avis, la Cour pourra user de la faculté ou de l'obligation de saisir un 3ème CRRMP ; qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle en appel.

Elle conclut au rejet de la demande d'inopposabilité de sa décision en raison de carences dans la procédure d'instruction ; que l'exposition au risque est établie et a été confirmée par le 1er CRRMP ; que le second CRRMP ne l'a pas remise en cause ; que le principe du contradictoire a été respecté, l'employeur ayant été mis en mesure de prendre connaissance des éléments du dossier et de faire valoir ses observations ; que l'absence d'identification du signataire du courrier de consultation des pièces est inopérante, l'identification de l'organisme étant suffisante.

Enfin, elle réplique que contrairement à ce que soutient l'employeur, l'inopposabilité de la décision sanctionne le non-respect du caractère contradictoire de la procédure lors de l'instruction du dossier avant la prise de décision par l'organisme et non après décision judiciaire de sorte que le moyen tiré du non-respect du contradictoire dans le cadre de la saisine du second CRRMP par le tribunal n'est pas fondé.

Par conclusions visées par le greffe le 9 mars 2023 soutenues oralement, la société [6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- constater que la CPAM DES Flandres n'a pas formé de pourvoi en cassation à l'encontre du jugement rectificatif du 2 décembre 2021,

- débouter la CPAM des Flandres de ses demandes, fins et conlusions,

- condamner la CPAM des Flandres à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

La société soutient que la CPAM n'a pas respecté la procédure d'instruction de la maladie déclarée par son salarié : elle ne démontre pas l'exposition au risque, se contentant des seules déclarations du salarié, et elle ne lui a pas permis de faire connaître ses observations avant la transmission du dossier au CRRMP dans le délai qu'elle lui avait elle-même imparti (articles R. 441-43 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale) ; que le respect du contradictoire s'applique y compris en cas de désignation judiciaire du CRRMP.

Elle ajoute sur l'exposition au risque, que le premier CRRMP ne dit rien et que le second CRRMP indique qu'il n'y a pas de lien direct entre l'activité professionnelle de M. [T] et l'affection déclarée.

Elle considère que le second CRRMP a émis un avis régulier sans faire d'erreur ni de confusion entre le syndrome du canal carpien droit et celui du côté gauche ; que les éléments dont il fait état dans son avis résultent des propres pièces transmises par la CPAM ; que l'EMG de décembre 2014 parle des deux poignets ; que la confusion alléguée est uniquement due à la CPAM qui a volontairement transmis au second CRRMP des éléments extraits d'un autre dossier de l'assuré.

Enfin, elle sollicite l'irrecevabilité de la demande de désignation d'un troisième CRRMP, demande nouvelle en cause d'appel. Elle rappelle en outre que la désignation d'un troisième CRRMP intervient lorsque les avis précédents sont entachés d'irrégularité en raison de l'absence d'un des médecins les composant selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui n'est pas le cas ici.

Elle conclut que l'inopposabilité de la décision à son égard devra être confirmée.

Dans une note en délibéré dûment autorisée parvenue au greffe le 6 avril 2023, la société [6] indique que :

- le principe du contradictoire s'applique devant le second CRRMP ; que l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale qui permet à l'employeur de faire des observations devant le CRRMP n'opère aucune distinction selon sa désignation et s'applique qu'il s'agisse du premier ou du second CRRMP, le CRRMP intervenant en tant qu'expert et les parties devant avoir la possibilité de présenter leurs observations et leurs pièces tout au long de la mesure ;

- que la CPAM n'a formulé aucune demande de désignation d'un troisième CRRMP devant le tribunal, demande qui est nouvelle devant la cour et irrecevable ;

- la CPAM verse au dossier pour la première fois en cause d'appel le guide du CRRMP qui ne

permet pas d'établir la réalité de l'exposition au risque et de combler les lacunes de l'organisme sociale.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.


MOTIFS

Sur le principe du contradictoire

Selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, la caisse communique à l'employeur au moins 10 jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de lui faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale.

En cas de saisine d'un CRRMP, il résulte des articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale, que cette information du salarié, de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief s'effectue avant la transmission du dossier audit comité.

En l'espèce, il ressort du dossier que la CPAM a, par courrier du 21 juillet 2015 réceptionné le 23 juillet 2015, informé l'employeur de la saisine du CRRMP, de la possibilité de consulter le dossier jusqu'au 10 août 2015 et de formuler des observations qui seront annexées au dossier.

Le 2 octobre 2015, la CPAM a notifié sa décision de prise en charge sur la base de l'avis du CRRMP.

Il se déduit de ces éléments que la CPAM a rempli ses obligations, étant relevé que la société [6] n'allègue pas lui avoir transmis des observations qui n'auraient pas été communiquées au CRRMP et que l'argument qu'elle invoque quant à l'absence de précision sur la qualité du signataire de l'avis de réception du 23 juillet 2015 est inopérant pour remettre en cause l'information donnée, étant observé que le nom du signataire figure sur ledit avis.

Par ailleurs et contrairement à ce que soutient la société [6], aucune disposition ne prévoit d'adresser un avis de saisine du CRRMP à l'employeur lorsqu'elle est ordonnée par une décision de justice sur le fondement des dispositions de l'article R 142-17-2 du code de la sécurité sociale dans le cadre de la procédure contentieuse.

Et pour cause, l'employeur est partie à la procédure ayant donné lieu à la saisine du second CRRMP et se trouve nécessairement informé par la notification du jugement.

La société [6] pouvait donc, si elle l'estimait nécessaire, communiquer ses observations au CRRMP désigné.

Au surplus, la CPAM justifie avoir adresssé un mail au conseil de la société [6] le 21 septembre 2020 (pièce 20 CAPM) à la suite du jugement du 15 septembre 2020 désignant le CRRMP de la région Grand Est, lui indiquant qu'il pouvait apporter un complément aux pièces qu'il avait déjà envoyées le 11 décembre 2019 afin d'annexer le tout au dossier transmis au CRRMP désigné.

Il en ressort que le dossier transmis au CRRMP comportait bien les éléments produits par l'employeur conformément aux dispositions de l'article D. 461-29.

Le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire de nature à rendre inopposable la décision de prise en charge de la maladie est donc écarté.

Sur les conditions du tableau

En vertu de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, 'Est présumée professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1. (...)'.

Aux termes de l'article R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale, lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux sixièmes et septièmes alinéas de l'article L. 461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse.

Le CRRMP doit rendre un avis motivé et il est constant que les avis rendus par le CRRMP ne s'imposant pas à eux, les juges du fond doivent nécessairement apprécier la valeur et la portée de l'ensemble des éléments soumis à leur examen.

Sur le délai de prise en charge

En l'espèce, la déclaration de la maladie de M. [T] du 8 avril 2015, objet du litige, vise un syndrome du canal carpien droit sur la base d'un certificat médical du 13 février 2015 mentionnant 'syndrome canal carpien droit avec anomalies bilatérales et symétriques' et le 2 décembre 2014 comme date de première constatation médicale.

Le tableau 57 C prévoit un délai de prise en charge de 30 jours et une liste limitative de travaux, à savoir des 'travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main'.

Il est rappelé que la première constatation médicale de la maladie concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie et qu'elle est fixée par le médecin-conseil du service médical de la CPAM.

La CPAM a saisi le CRRMP de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie en raison du dépassement du délai de prise en charge, le médecin conseil ayant retenu comme date de première constatation médicale le 17 décembre 2013 correspondant à un EMG et à un compte rendu médical comme indiqué dans le colloque médico-administratif, et la fin de l'exposition au risque étant établie à la date du 8 octobre 2013.

Dans son avis du 16 septembre 2015, le CRRMP de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, a retenu : 'M. [T] [P] né en 1956, est machiniste en production depuis septembre 1999. Il arrête son activité le 08.10.2013 dans le cadre d'un accident du travail.

Il présente un syndrome du canal carpien droit en date du 7.12.13 chez un droitier. Le dossier nous est présenté pour dépassement du délai de prise en charge (2 mois 9 jours au lieu des 30 jours requis). Après avoir étudié les pièces du dossier communiqué, le CRRMP constate le faible dépassement du délai de prise en charge au regard de la réalité de l'exposition. Pour toutes ces raisons, il convient de retenir un lien direct entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle ».

Dans son avis du 27 mai 2021, le CRRMP de la région Grand Est désigné par le tribunal conformément à l'article R 142-17-2 du code de la sécurité sociale, a retenu : 'M. [T] déclare le 08/04/2015 un syndrome du canal carpien droit chez un droitier appuyé d'un certificat médical initial du Dr [S]. La date de première constatation médicale a été fixée au 02/12/2014, date mentionnée sur le certificat médical initial. Le comité est saisi en raison d'un dépassement du délai de prise en charge. La fin de l'exposition au risque date du 08/10/2013, correspondant à un arrêt de travail.

M. [T] a travaillé en tant qu'opérateur sur scie automatisée dans une société d'usinage de pièces mécaniques de 1999 à août 2008, puis sur un poste de technicien monteur depuis décembre 2011. Les éléments du dossier retrouvent un EMG datant de la date de PCM en décembre 2014 montrant un syndrome de canal carpien gauche sans symptomatologie clinique. Par la suite, les paresthésies de la main gauche sont apparues et, en avril 2015, soit 5 mois après, la symptomatologie s'est intensifiée selon le compte-rendu du Dr [D]. Le long délai entre la fin de l'exposition et l'apparition de la pathologie, ainsi que l'intensification des symptômes, alors même que M. [T] ne travaille plus ne permettent pas au comité d'établir un lien direct entre l'activité professionnelle et l'affection déclarée. Le comité émet un avis défavorable à la reconnaissance en maladie professionnelle'.

Au vu de l'avis du second CRRMP, le tribunal a déclaré la décision de prise en charge inopposable à l'employeur. Il relève que ce CRRMP a retenu comme date de première constatation médicale celle figurant sur le certificat médical initial correspondant à un EMG de décembre 2014 et que 'le premier CRRMP semblait avoir rendu son avis sur un postulat, à savoir une première constatation médicale le 17 décembre 2013 apparemment erronée'. Il observait que le second CRRMP n'avait manifestement pas retrouvé l'EMG de décembre 2013 et que s'il existait, le CMI aurait certainement mentionné cette date et non celle du 2 décembre 2014.

A l'appui de son appel, la CPAM qui soutient qu'un EMG mettant en évidence l'existence d'un canal carpien droit a bien été réalisé à la date du 17 décembre 2013 et qu'il justifie la date de première constatation médicale pour cette pathologie au 17 décembre 2013, verse au dossier des feuilles d'accident du travail listant les soins et actes dont a bénéficié M. [T] sur lesquelles il est indiqué les actes suivants : 'au 17/12/2013 : AHQBO24 +AHQP008+AHQP011" et au '2/12/2014 : AHQB032" (pièces 10 CPAM), les codes AHQB024 et AHQB032 correspondant à une électromyographie selon la classification commune des codes médicaux (pièce 11 CPAM).

Elle produit également un avis de son médecin conseil du 17 novembre 2022 qui relate le contenu du compte rendu médical du docteur [D] du 17 décembre 2013 à la suite de l'EMG : 'EMG : syndrome du canal carpien droit qui est électrologiquement modeste puisque les anomalies sont uniquement d'ordre sensitifs. Il est vraisemblable que ce syndrome du canal carpien soit en fait ancien et qu'il ne s'est peut-être manifesté qu'à la suite de cet effort de soulèvement'.

Elle justifie en outre de la déclaration de maladie faite le 3 octobre 2015 par M. [T] pour un syndrome du canal carpien gauche pour laquelle il a été retenu comme date de première constatation médicale, celle du 2 décembre 2014 correspondant à un EMG ayant révélé l'existence d'un canal carpien gauche (pièces 13 et 14 CPAM) même s'il évoque comme le fait remarquer l'employeur les deux poignets.

Il y a lieu de relever que dans le cadre de l'instruction de cette seconde déclaration de maladie, le CRRMP Nord-Pas-de-Calais-Picardie désigné par la CPAM compte tenu du long dépassement du délai de prise en charge, a rendu un un avis le 20 avril 2016 au terme duquel il n'a pas retenu de lien direct entre la pathologie du canal carpien gauche et l'exposition professionnelle. Cet avis est ainsi cohérent avec celui du CRRMP Grand Est rendu dans le cadre de la présente instance puisqu'il a pris en considération les mêmes données.

Au vu de ces éléments, la date de première constatation médicale fixée au 17 décembre 2013 par le médecin conseil dans le colloque administratif qui mentionne 'CR médical + EMG' dans le cadre de l'instruction de la maladie du canal carpien droit est suffisamment justifiée et sera retenue.

C'est donc à tort que les premiers juges ont dit que l'avis du premier CRRMP reposait sur une première constatation médicale du 17 décembre 2013 apparemment erronée et qu'ils ont pris en compte l'avis du CRRMP de la région Grand Est 'quand bien même il évoquait par erreur le canal carpien gauche et non droit' pour dire inopposable à la société [6], sans avoir besoin d'examiner les autres conditions, la décision de prise en charge de la maladie de M. [T] du 2 octobre 2015.

Le jugement sera par conséquent infirmé sur ce point.

Sur l'exposition au risque

S'agissant de l'exposition au risque contestée par l'employeur, il ressort du questionnaire employeur et du questionnaire assuré que M. [T] a travaillé en tant qu'opérateur sur scie automatisée dans une société d'usinage de pièces mécaniques de 1999 à 2008 comportant les activités suivantes : 'découpe de barres de métal, réception de matières premières, chargement de machine, répartition des débits de poste d'usinage', puis il a occupé un poste de technicien monteur de 2011 à 2013 comportant les activités 'assemblage et montage d'ensembles élémentaires, ébavurage de matière première, élingage des ferrailles, meulage des pièces débitées, montage des passerelles par boulonnage, montage sur site par utilisation manuelle de palan'.

La description des tâches implique des mouvements répétés du poignet consistant en des mouvements d'extension et de flexion du poignet, des mouvements d'adduction et d'abduction du poignet réalisés de manière habituelle par M. [T] qui est droitier et qui travaille à temps plein. Les questionnaires assurés et employeurs concordent sur les mouvements du poignet et l'absence de description de ces mouvements dans la zone d'inconfort ne remet pas en cause l'exposition au risque. Dans le questionnaire employeur, il est également décrit des mouvements de préhension de la main (prise palmaire),

Ces mouvements correspondent aux travaux de la liste du tableau 57C.

Le 1er CRRMP a d'ailleurs confirmé la réalité de l'exposition au risque et le second CRRMP a émis un avis défavorable à la prise en charge de la maladie uniquement en raison du long délai entre la fin de l'exposition et la date de constatation de la maladie sans se prononcer sur l'exposition au risque.

La preuve de l'exposition au risque étant rapportée par la CPAM, la demande d'inopposabilité de ce chef de la décision de prise en charge de la maladie sera rejetée.

Compte tenu du faible dépassement du délai de prise en charge, la CPAM conformément à l'avis du premier CRRMP concluant à l'existence d'un lien direct entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle, a justement reconnu le caractère professionnel de la maladie.

Aucun moyen d'inopposabilité n'étant retenu, il y a lieu de débouter la société [6] de ses demandes et d'infirmer le jugement sans qu'il soit nécessaire de procéder à la désignation d'un autre CRRMP, la cour disposant d'éléments suffisants pour statuer et le dit CRRMP n'ayant pas rendu un avis irrégulier mais mal fondé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Partie succombante, la société [6] est condamnée au paiement des dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi qu'au versement à la CPAM de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Pour les mêmes raisons, sa demande de ce chef sera rejetée.

PAR CES MOTIFS



La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute la société [6] de l'intégralité de ses demandes,

Dit opposable à la société [6] la décision de prise en charge de la maladie syndrome du canal carpien droit déclarée par M. [T], prise par la CPAM des Flandres le 2 octobre 2015,

Condamne la société [6] à payer à la CPAM des Flandres la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [6] aux entiers dépens.

Le Greffier, Le Président,