COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT
AU FOND
DU 28 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/ 406
N° RG 20/02707
N° Portalis DBVB-V-B7E-BFUIV
[X] [J] épouse [S]
SELARL MAEVA
C/
[V] [O]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me
Antoine FAIN-ROBERT
Me
Patricia CHEVAL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 28 Novembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/04513.
APPELANTES
Madame [X] [J] épouse [S]
née le 18 avril 1973 à [Localité 6] (POLYNESIE FRANCAISE), demeurant [Adresse 4]
SELARL MAEVA
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 5]
représentéees par Me
Antoine FAIN-ROBERT, membre de la SCP
ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIME
Monsieur [V] [O]
né le 09 Novembre 1962 à [Localité 2] (75), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me
Patricia CHEVAL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles
805 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 4 mai 2000, le docteur [O], vétérinaire, a cédé au docteur [J] le cabinet qu'il exploitait à [Localité 1] dans un immeuble lui appartenant servant en partie à l'usage professionnel et à l'habitation.
Le 1er avril 2000, M.[O] a consenti à Mme [J] et M.[S] son époux un bail d'habitation portant sur le premier étage de l'immeuble et il a consenti au docteur [J] seule un bail sur le local professionnel du rez de chaussée abritant le cabinet vétérinaire. Ce dernier a été conclu pour une durée de six années, moyennant un loyer initial de 3500 francs, soit 533,57€ par mois.
Le 1er août 2012, les consorts [J] [S] ont donné congé du logement pour le 1er décembre 2012 et ont quitté le logement de l'étage. Le bail du local professionnel s'est poursuivi. Le 23 septembre 2017, M.[O] a donné congé au docteur [J] pour ce local avec effet au 1er avril 2018.
Par acte d'huissier en date du 15 mars 2018, le docteur [J] et la SELARL MAEVA ont
fait assigner M.[O] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins qu'il soit jugé que la société s'est substituée à la locataire d'origine et que le bail conclu est un bail commercial. Elles ont demandé aussi l'annulation du congé et ont aussi fait état de désordres affectant le bien loué et demandé l'exécution de travaux par le bailleur.
Par jugement rendu le 28 novembre 2019, le Tribunal a :
DIT que la demande de réalisation de travaux du preneur est devenue sans objet du fait du congé délivré ;
DECLARE irrecevable pour cause de prescription la demande de requalification du bail en bail commercial ;
REJETE la demande d'annulation du congé délivré le 23 septembre 2017 ;
DIT et JUGE qu'il a produit effet au ler avril 2018 ;
CONSTATE que le bail est résilié depuis cette date ;
ORDONNE au docteur [X] [J] devenue occupante sans droit ni titre depuis cette date des locaux désignés dans le bail, ainsi que tous occupants de son chef, notamment la SELARL MAEVA, de quitter les lieux ;
A défaut d'avoir quitté les lieux, ORDONNE l'expulsion des lieux, au besoin avec l'aide de la force publique ;
DIT qu'à défaut par la locataire d'avoir libéré les lieux, le bailleur pourra faire procéder au transport des meubles et objets mobiliers dans tel local de son choix aux frais et risques de
l'expulsé ;
FIXE l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer révisable aux conditions figurant dans le bail, charges en sus, taxes et accessoires, et CONDAMNE en tant que de besoin le docteur [X] [J] à la payer à compter du mois d'avril 2018 et jusqu'à libération définitive des lieux et restitution des clés du local ;
CONDAMNE le docteur [X] [J] et la SELARL MAEVA in solidum à payer à monsieur [V] [O] la somme de deux mille cinq cents euros (2500 euros) au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile ;
REJETE la demande du docteur [X] [J] au titre de l'article
700 du Code de Procédure civile ;
CONDAMNE le docteur [X] [J] et la SELARL in solidum aux entiers dépens, avec distraction au profit de leur conseil.
ORDONNE l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration au greffe en date du 20 février 2020, Mme [J] et la société MAEVA ont interjeté appel de cette décision.
Elles sollicitent:
INFIRMER le jugement rendu le 28 novembre 2019 par le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN et STATUANT DE NOUVEAU,
A titre principal,
CONSTATER que les concluantes ont délivré un congé aux fins de quitter les lieux à effet au 30 novembre 2019,
CONSTATER que les lieux ont été libérés de toute occupation à cette date,
CONSTATER que l'ensemble des loyers a été payé,
JUGER que la présente instance n'a plus d'objet,
JUGER n'y avoir lieu à application de l'article
700 du Code de procédure civile et LAISSER les dépens à la charge de chacune des parties
REJETER toutes les demandes, fins et prétentions de M. [O],
Subsidiairement,
JUGER que la SELARL MAEVA s'est substituée au Docteur [J] épouse [S] et était la seule et unique locataire des locaux, propriété de M. [O]
JUGER que le contrat établi le 1er avril 2000 était soumis au statut impératif des baux commerciaux et subsidiairement était un bail professionnel,
JUGER, en conséquence, le congé délivré par M. [O] le 23 septembre 2017 nul et non avenu, pour ne pas avoir visé la SELARL MAEVA et ne pas avoir observé le formalisme impératif, lui ôtant date certaine,
REJETER toutes les demandes, fins et prétentions de M. [O],
CONDAMNER M. [O] à payer à la SELARL MAEVA et au Docteur [J] épouse [S] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNER M. [O] aux entiers dépens, distraits au profit de l'avocat soussigné conformément aux dispositions des articles
696 et suivants du Code de procédure civile.
En tout état de cause,
REJETER la demande de condamnation au paiement d'une amende civile formée en cause d'appel par M. [O].
A l'appui de leur recours, elles font valoir :
- que le congé donné par le bailleur le 23 septembre 2017 n'était pas régulier dans la mesure où le bail devait être requalifié en bail commercial et qu'une substitution de preneur était intervenue, ce qui justifie leur contestation de la validité de ce congé,
- qu'en cours de procédure, elles ont délivré congé le 28 août 2019 pour le 30 novembre 2019, rendant l'instance sans objet,
- que la problématique porte sur leur condamnation en première instance aux frais irrépétibles, eu égard à la mauvaise foi du bailleur
- subsidiairement que leur activité recouvrait également la commercialisation de produits et médicaments aux clients soit des actes de commerce qui nécessitent la requalification du bail en bail commercial non soumise à la prescription biennale puisque soulevée par voie d'exception,
- qu'ainsi le bail doit être requalifié en bail commercial ou bail sui generis ou bail professionnel dont le congé est soumis à un formalisme non respecté par le bailleur,
- que faire appel n'est pas un abus de droit.
M.[O] conclut :
Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.
Débouter le Docteur [J] et la SELARL MAEVA de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Condamner in solidum le Docteur [J] et la SELARL MAEVA à payer à M. [O] une somme de 10.000 € en réparation de son préjudice pour appel abusif.
Condamner in solidum le Docteur [J] et la SELARL MAEVA à payer à M.[O] une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel outre les entiers dépens d'appel.
Il soutient :
- que les appelantes ont initié une procédure de mauvaise foi ce qui justifie leur condamnation au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- que leur demande de requalification du bail en bail commercial est prescrite, puisqu'en l'espèce l'action en requalification en bail commercial est soulevée par voie d'action et non par voie d'exception,
- que le congé délivré par lui face à ce bail professionnel est parfaitement régulier,
- que Mme [J] ne justifie aucunement avoir sollicité son autorisation pour que la SELARL MAEVA devienne preneur, le seul fait que cette dernière ait payé des loyers étant insuffisant,
- que les appelantes doivent être condamnées à une amende civile pour procédure abusive.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.
MOTIFS
DE LA
DÉCISION
Sur la question de la persistance ou non de l'objet du litige du fait du congé délivré par le locataire
Il est établi par les pièces versées aux débats que le 28 août 2019, Mme [J] et la SELARL MAEVA ont délivré congé concernant le bail objet du litige à effet au 30 novembre 2019, date à laquelle les lieux ont été effectivement libérés.
Si le premier juge a parfaitement pu retenir à la date du jugement soit le 28 septembre 2019 que le congé donné par les locataires n'ayant pas encore produit effet, il avait à examiner la demande relative à la validité du congé initial mais pas la demande du preneur de faire réaliser par le bailleur des travaux, demande devenue sans objet, en cause d'appel du fait de la libération des lieux depuis le 30 novembre 2019, tant la demande relative à la validité du congé initial que celle concernant les travaux à réaliser par le bailleur sont sans objets.
Sur la question de la requalification du bail
L'article
L145-60 du code de commerce dispose que toutes les actions exercées en vertu du chapitre de ce code relatifs au régime des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
Il est de jurisprudence constante que l'action en requalification d'un bail en bail commercial, qui induirait l'application des règles relatives aux baux commerciaux relève de ce délai de prescription, sauf si elle est soulevée par voie d'exception.
Le point de départ du délai est la date à laquelle le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action pour faire valoir son droit, il s'agit de la date de signature du contrat de bail, date à laquelle le preneur avait connaissance des éléments lui permettant de revendiquer le statut protecteur du bail commercial.
En l'espèce, l'action en requalification en bail commercial est soulevée par voie d'action et non par voie d'exception, en effet ce sont les appelantes qui ont par exploit du 15 mars 2018 saisi le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN d'une demande de requalification du bail en bail commercial, qui n'a pas été présentée comme moyen de défense à une action initiée par M. [O].
Aussi, retenant que le contrat de bail date du 1er avril 2000, c'est à juste titre que le premier juge a dit que l'action introduite le 15 mars 2018 était irrecevable comme prescrite.
Sur la condamnation en première instance à un article
700 du code de procédure civile
Mme [J] et la SELARL MAEVA succombant en leurs demandes ont valablement été condamnées à 2500€ au titre de l'article
700 du code de procédure civile au profit de M.[O] et le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la demande de condamnation à une amende civile
L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action ou le fait d'interjeté appel constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts ou condamnation à amende civile qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.
M. [O] ne justifie pas des abus qu'il allègue et est débouté de sa demande à ce titre.
Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Mme [J] et la SELARL MAEVA sont condamnées in solidum aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2019 par le Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN
SAUF en ce qu'il valide le congé délivré par le bailleur le 23 septembre 2017,
Statuant à nouveau,
DIT la demande en contestation de la validité du congé délivré par le bailleur le 23 septembre 2017 sans objet,
Y ajoutant,
DEBOUTE M.[O] de sa demande en paiement de 10 000€ en réparation de son préjudice pour appel abusif,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT n'y avoir lieu à condamnation en cause d'appel sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE in solidum Mme [J] et la SELARL MAEVA aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIERELE PRESIDENT