AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société des Etablissements Schreiber-Vaccaro, société anonyme, dont le siège social est Pénétrante de Guebwiller, 56850 Guebwiller,
en cassation d'un jugement rendu le 1er octobre 1993 par le conseil de prud'hommes de Guebwiller (section industrie), au profit de M. Denis X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
M. X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 novembre 1996, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Finance, conseiller rapporteur, M. Monboisse, conseiller, MM. Boinot, Richard de la Tour, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Finance, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la société des Etablissements Schreiber-Vaccaro, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Guebwiller, 10 septembre 1993) que M. X... a été embauché le 2 mai 1988 par la société Schreiber-Vaccaro en qualité de monteur en poêles de faïence; qu'il a démissionné le 15 novembre 1992 avec un préavis de deux semaines; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en paiement de sommes à titre de rappel de primes et dommages-intérêts; que reconventionnellement la société Schreiber-Vaccaro a sollicité la majoration du préjudice qu'elle avait subi à la suite du vol sur un chantier du groupe électrogène dont son salarié avait la garde;
Sur le pourvoi principal formé par la société Schreiber-Vaccaro :
Sur le premier moyen
:
Attendu que la société Schreiber-Vaccaro fait grief au jugement de l'avoir condamnée au paiement d'une somme au titre de la prime de Noël 1992 alors, selon le moyen, d'une part que le droit au bénéfice de la prime de 13ème mois n'est dû, sauf stipulations contraires dont il incombe au salarié de rapporter la preuve, qu'au 31 décembre de l'année concernée, de sorte que cet avantage est en principe réservé au seul personnel présent dans l'entreprise au moment de son paiement; qu'ainsi le jugement attaqué, en se bornant à constater que la prime de Noël était payée tous les ans depuis 1988, pour en déduire le droit du salarié à son paiement sans rechercher s'il existait en outre un usage résultant de la convention collective ou des dispositions contractuelles prévoyant le versement de cette prime aux salarié de l'entreprise n'étant plus en poste au 31 décembre de l'année de référence - ce qui était le cas pour le salarié en l'espèce - , manque de base légale au regard des articles
1134 et
1315 du Code civil ;
que d'autre part en toute hypothèse, le versement d'une prime n'a un caractère obligatoire pour l'employeur que si elle présente les caractères de constance, de fixité et généralité; qu'ainsi le jugement qui se borne à caractériser la constance de la prime de Noël depuis 1988 sans préciser si elle présentait également les caractères de fixité et généralité au sein de l'entreprise, manque de base légale au regard de l'article
1134 du Code civil;
Mais attendu qu'il ne résulte ni des pièces de la procédure ni du jugement attaqué que l'employeur ait soutenu devant les juges du fond que la prime litigieuse constituait une prime de 13ème mois; que le moyen pris en sa première branche est donc nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable;
Et attendu que la seconde branche du moyen ne tend qu'à remettre en discussion les éléments de fait constatés par le jugement qui a fait ressortir le caractère général, fixe et constant de la prime; qu'elle ne peut donc être accueillie;
Sur le deuxième moyen
:
Attendu que la société Schreiber-Vaccaro fait grief au jugement de l'avoir condamnée à payer à son salarié diverses primes de production alors, selon le moyen, que le versement d'une prime n'a un caractère obligatoire pour l'employeur que si elle présente les caractères de constance, fixité et généralité; que le jugement attaqué qui n'a pas caractérisé à la fois la constance, la fixité et la généralité de la prime de production et de la prime Fondadouze au sein de l'entreprise, manque de base légale au regard de l'article
1134 du Code civil;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'une prime de production était payée à chaque salarié pour les chantiers terminés dans les délais fixés par l'employeur, le conseil de prud'hommes a ainsi légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le troisième moyen
:
Attendu que la société Schreiber-Vaccaro fait grief au jugement de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme correspondant aux pertes de salaire occasionnées par l'assistance aux audiences du conseil de prud'hommes alors, selon le moyen, que le préjudice résultant pour le demandeur de la mise en oeuvre de la procédure qu'il a introduite contre le défendeur pour entendre consacrer son droit, ne peut donner lieu à réparation que si la résistance du défendeur a été abusive; qu'ainsi le conseil de prud'hommes qui a retenu l'existence d'un préjudice consistant en une perte de salaire, subi par le salarié, demandeur du fait de la mise en oeuvre de la procédure et a décidé que le défendeur en devait réparation, sans relever ni intention de nuire, ni légèreté blâmable de ce dernier et sans caractériser une résistance abusive, a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1382 du Code civil;
Mais attendu qu'aux termes de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, le juge condamne la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens; que par ce motif de pur droit, la décision déférée se trouve légalement justifiée;
Sur le quatrième moyen
:
Attendu que la société Schreiber-Vaccaro fait grief de l'avoir déboutée de sa demande en réparation du préjudice découlant du vol de matériel dont le salarié avait la garde alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 4, alinéa 3, de la convention collective du bâtiment que le salarié, par exception au principe posé aux alinéas 1, 2 et 3, n'est pas responsable de la perte de matériel qui lui a été confié par l'employeur en cas de vol, dans la mesure où toutes les formalités de déclaration de vol et de dépôt de plainte ont été accomplies; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué, en se bornant, pour éxonérer le salarié, à constater qu'une plainte pour vol a été déposée, sans vérifier si ladite plainte avait été formée par l'employeur avant le départ du salarié de l'entreprise et à la suite des indications de ce dernier, manque de base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article
1134 du Code civil;
Mais attendu que l'employeur n'ayant pas imputé à M. X... une faute lourde qui seule aurait pu engager sa responsabilité, le moyen est inopérant;
Sur le pourvoi incident formé par le salarié :
Attendu que M. X... sollicite, par voie de pourvoi incident, la condamnation de la société Schreiber-Vaccaro à lui payer diverses sommes en réparation de préjudices matériel et moral;
Mais attendu que de telles demandes sont irrecevables devant la Cour de Cassation;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi principal de la société Schreiber-Vaccaro;
Déclare M. X... irrecevable en son pourvoi incident ;
Condamne la société des Etablissements Schreiber-Vaccaro aux dépens;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale , et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.